Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 5 mai 2022, n° 20LY01530

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 4e ch. - formation à 3, 5 mai 2022, n° 20LY01530
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 20LY01530
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 25 mars 2020
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société mutuelle d’assurances des collectivités locales (SMACL) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la société Engie Énergie Services à lui payer la somme de 89 687 euros en remboursement de l’indemnité qu’elle a versée au titre de la garantie dommage ouvrage à la région Auvergne.

Par un jugement n° 1800039 du 26 mars 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juin 2020, la société Engie Énergie Services, représentée par Me Vieuille, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par la SMACL devant le tribunal ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de limiter sa part de responsabilité à 20 % des conséquences dommageables de l’incendie ou d’ordonner avant dire droit la désignation d’un expert judiciaire afin de déterminer les causes de l’incendie ;

3°) de mettre à la charge de la SMACL la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la demande présentée devant le tribunal par la SMACL, qui n’a exposé aucun moyen de droit avant l’expiration le 10 janvier 2018 du délai de prescription quinquennale, était irrecevable ;

— l’article 18 du CCAP qui lui impose de démontrer la faute d’un tiers pour s’exonérer de sa responsabilité est une clause potestative prohibée par les dispositions des articles 1170 et 1174 du code civil ;

— elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat ;

— l’origine du sinistre est indéterminée, le rapport d’expertise amiable n’envisageant que des hypothèses, de sorte qu’une expertise judiciaire ne serait pas inutile ;

— si la cour entre en voie de condamnation, la part de responsabilité incombant à la région sera de 80 %.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2021 la SMACL, représentée par Me Jacquot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société Engie Énergie Services au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— elle a exposé le fondement juridique de sa demande de première instance qui était recevable ;

— elle a invoqué les dispositions de l’article 1147 du code civil dans les délais de recours contentieux et de prescription quinquennale ;

— l’incendie est directement et exclusivement imputable aux fautes contractuelles commises par la société Engie Énergie Services qui ne justifie pas d’un cas de force majeure ;

— par suite, une expertise judiciaire serait dépourvue d’utilité ;

— le moyen tiré de l’illicéité de l’article 18 du CCAP n’est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

—  le code civil ;

—  le code des assurances ;

—  le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A ;

— les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

— et les observations de Me Vieuille pour la société Engie Énergie Services et de Me Gerin pour la SMACL.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d’engagement conclu en 2009, la région Auvergne a confié à la société Elyo GDF Suez l’exploitation et la maintenance des appareils et équipements de chauffage du lycée Pierre Joël Bonté de Riom. Le 10 janvier 2013, le personnel de l’établissement scolaire a constaté que le local à usage de chaufferie avait été affecté par un incendie de faible intensité près du convoyeur de la chaudière qui s’était éteint de lui-même. Par un jugement du 26 mars 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la société Engie Énergie Services, exerçant sous le nom commerciale Cofely, venue aux droits de la société Elyo GDF Suez, à payer à la société mutuelle d’assurance des collectivités locales (SMACL), assureur de la région Auvergne, en sa qualité de subrogée dans les droits de cette collectivité, une somme de 89 174 euros en remboursement de l’indemnité qu’elle a versée au titre de la garantie dommage ouvrage à son assurée. La société Engie Énergie Services relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Dans sa requête introductive de première instance, la SMACL a invoqué la responsabilité contractuelle de la société Engie Énergie Services sur le fondement des stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché d’exploitation de chauffage. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Engie Energie Services à la demande de première instance et tirée de ce que la seule mention de l’article 1231-1 du code civil ne suffisait pas à déterminer le fondement des conclusions indemnitaires de sa demande ne peut être accueillie.

Sur la responsabilité :

3. En premier lieu, si la société Engie Énergie Services soutient que l’article 18 du CCAP qui impose au titulaire du marché d’exploitation de chauffage pour s’exonérer de sa responsabilité en cas de dommages dus à l’intervention d’un tiers non autorisé par lui, d’apporter la preuve de ce qu’il n’a pas eu la possibilité matérielle d’empêcher cette intervention, présente un caractère potestatif en méconnaissance de l’article 1174 du code civil, le marché qui a été passé en application du code des marchés public a le caractère de contrat administratif. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l’article 18 du CCAP méconnaîtrait les dispositions du code civil ne peut qu’être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l’article 20 du CCAP : « () Le Titulaire a entière liberté de ses fournisseurs de bois. Cependant, le lycée ayant, dans sa section menuiserie, une production de déchets de bois (en particulier, copeaux et sciure, le tout très sec), le lycée souhaite que ce bois soit utilisé dans la chaufferie. () ». Aux termes du 1 de l’article 5 du CCTP relatif aux limites du combustible admissible dans la chaudière à bois : « () Humidité sur masse brute : 30 à 60 % / () Taux de poussières maximum : 5 % dispersées dans la masse () ».

5. Si l’expertise conduite à la demande de la SMACL au contradictoire de l’assureur de la société Engie Énergie Services n’a pas permis de déterminer l’origine du départ de feu, il résulte des rapports des deux experts mandatés par les sociétés d’assurances que le tiroir métallique placé sous une trappe du convoyeur de combustible destiné à récupérer les sciures de bois devait être vidé très fréquemment du fait de l’alimentation de la chaudière avec les déchets de bois produits par la section menuiserie du lycée. Il a été remplacé par le personnel d’intervention de la société titulaire du marché d’exploitation de chauffage par un container en plastique d’une plus grande contenance, installé sous le convoyeur. Les deux experts, qui ont estimé peu plausible l’hypothèse d’un départ de feu dans un aspirateur stocké sous le convoyeur par les employés de la société Elyo GDf Suez, ont conclu que le sinistre, qu’il ait été dû à la remontée d’une escarbille jusqu’au convoyeur ou à un mégot jeté dans ce convoyeur, ne serait pas survenu si le tiroir prévu par le constructeur n’avait pas été remplacé par un container en plastique. En outre, il a été constaté lors des réunions d’expertise sur les lieux du sinistre que les copeaux de bois provenant de l’atelier de menuiserie du lycée étaient très secs et très poussiéreux. Le sinistre qui a affecté le local à usage de chaufferie du lycée est donc dû à la société Elyo GDF Suez, qui n’a pas respecté les prescriptions du CCTP et qui n’a pas attiré l’attention de la région Auvergne sur la différence de caractéristiques entre les déchets de bois produits par la section menuiserie du lycée et le combustible prescrit par le CCTP. Il est également dû à la région Auvergne qui a imposé à la société titulaire du marché de maintenance du chauffage d’utiliser des déchets de bois trop fins et trop poussiéreux en méconnaissance des prescriptions du fabricant de la chaudière. Il sera fait une juste appréciation des parts de responsabilité respective en laissant à la charge de la SMACL 20 % des conséquences dommageables du sinistre.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, qu’il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de condamner la société Engie Énergie Services à verser à la SMACL la somme de 71 339,20 euros.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu’elles ont exposés au titre du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L’article 1er du jugement n° 1800039 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 mars 2020 est annulé.

Article 2 : La société Engie Énergie Services est condamnée à verser à la SMACL la somme de 71 339,20 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Engie Énergie Services, à la SMACL et à la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l’audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le rapporteur,

C. ALa présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

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Textes cités dans la décision

  1. Code civil
  2. Code de justice administrative
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