CAA de LYON, 6ème chambre, 17 mars 2022, 20LY02937, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch., 17 mars 2022, n° 20LY02937
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 20LY02937
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 12 août 2020, N° 1900154
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045381186

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner la commune de Novalaise à lui verser une indemnité provisionnelle de 303 000 euros en réparation des préjudices qu’elle a subis à la suite de la chute dont elle a été victime le 5 septembre 2016.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie, appelée à l’instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Novalaise à lui verser la somme de 638 848 euros, avec les intérêts au taux légal, en remboursement des débours qu’elle a exposés à la suite de l’accident de Mme A… et la somme de 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1900154 du 13 août 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2020 et un mémoire enregistré le 29 septembre 2021, Mme A…, représentée par le cabinet Jérome Lavocat et associés, demande à la cour :

1°) de déclarer la commune de Novalaise entièrement responsable de l’accident dont elle a été victime le 5 septembre 2016 ;

2°) d’ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer l’étendue de son préjudice ;

3°) de condamner la commune de Novalaise à lui verser la somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son entier préjudice et la somme de 3 000 euros à titre de provision ad litem ;

4°) de déclarer l’arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Savoie ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Novalaise, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – sa chute a pour origine un défaut de montage, révélant un défaut d’entretien normal, de la barrière de protection en rondin sur laquelle a pris appui ; la responsabilité de la commune de Novalaise est ainsi engagée ;

 – cette barrière étant destinée à prévenir les chutes dans le ravin, elle n’a pas commis d’imprudence ou de faute d’inattention en s’appuyant sur ce garde-corps, alors que ni le danger de s’appuyer sur la barrière ni celui lié à l’existence du fossé en contrebas n’était signalé ;

 – le maire aurait dû faire disparaître ou signaler le danger ; cette carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police, qu’il tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, engage la responsabilité pour faute de la commune de Novalaise ;

 – subsidiairement, la part de responsabilité de la commune ne saurait être inférieure à 50 % :

 – une mesure d’expertise médicale est utile à la solution du litige pour se prononcer sur l’ensemble des préjudices subis ;

 – elle a droit, compte tenu de son état de santé consécutif à son accident, à une indemnité provisionnelle d’un montant de 300 000 euros à valoir sur son préjudice définitif ainsi qu’à l’allocation d’une provision ad litem de 3 000 euros pour lui permettre de couvrir les frais d’expertise et d’assistance à expertise.

Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme, agissant pour le compte de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie, représentée par la SCP Folco-Tourrette-Neri, conclut à la condamnation de la commune de Novalaise à lui verser la somme de 638 848 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2019, et la somme de 1 091 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et à ce qu’outre les dépens, la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Novalaise au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – elle s’en rapporte à la justice sur le point de savoir si la responsabilité de la commune de Novalaise est engagée pour les dommages subis par Mme A… ;

 – les dépenses de santé qu’elle a engagées s’élèvent, au 8 mars 2017, à la somme de 638 848 euros ;

 – elle se réserve le droit de chiffrer sa créance définitive à la suite du dépôt du rapport d’expertise.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2021, la commune de Novalaise, représentée par Me Deygas, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Pin, premier conseiller,

 – les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Del Vecchio, représentant Mme A…, et de Me Leroy, représentant la commune de Novalaise.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 septembre 2016, aux alentours de 16 heures, Mme A…, alors âgée de soixante-quinze ans, et son époux se sont assis sur une rambarde en rondin, située le long de la route du Porcinel à Novalaise et surplombant le lit d’un fossé. Cet ouvrage s’étant rompu sous leur poids, M. et Mme A… ont fait une chute en basculant dans le fossé. Mme A…, atteinte de graves séquelles à la suite de cet accident, a recherché la responsabilité de la commune de Novalaise afin d’obtenir réparation de l’intégralité des préjudices subis. Elle relève appel du jugement du 13 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d’appel en déclaration de jugement commun :

2. Aux termes des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « (…) L’intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d’assuré social de la victime de l’accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l’une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (…) ». Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l’instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d’office la caisse si elle n’a pas été appelée en déclaration de jugement commun. Par suite, les conclusions de Mme A… tendant à ce que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Savoie, laquelle est représentée par la CPAM du Puy-de-Dôme qui a été régulièrement mise en cause, soit appelée en déclaration de jugement commun doivent être accueillies. Il y a lieu en conséquence de déclarer le présent arrêt commun à cette caisse.

Sur la responsabilité de la commune de Novalaise :

3. En premier lieu, il appartient à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l’ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Il résulte de l’instruction, notamment du procès-verbal de gendarmerie et des photographies qui y sont jointes, que M. et Mme A…, alors qu’ils marchaient le long de la route du Porcinel, à Novalaise, à proximité de leur domicile et souhaitant se reposer, se sont assis sur une rambarde composée d’un rondin de bois, délimitant la chaussée d’un fossé situé en contrebas. Sous l’effet de leur poids, cette rambarde a cédé et Mme A… ainsi que son époux ont fait une chute en basculant de l’autre côté de cette barrière, dans le fossé. Il résulte des photographies produites que la rambarde en question, composée d’une traverse en rondin de bois fixée à ses extrémités sur deux poteaux en bois, constituait un dispositif aux caractéristiques sommaires, destiné seulement à signaler aux usagers de la voie communale le danger présenté à cet endroit par le fossé situé deux mètres en contrebas de la chaussée et traversant la route au moyen d’une buse et non à prévenir la sortie de route de véhicules ou de cyclistes, comme le soutient la requérante. Eu égard à son objet et à ses caractéristiques, ce garde-fou n’ayant pas été conçu pour que des promeneurs s’y asseyent, Mme A… n’est pas fondée à soutenir que le dispositif d’attache de la traverse en bois révèlerait un vice de conception ou un défaut d’entretien normal. La circonstance que, postérieurement à l’accident, la commune a renforcé la structure d’attache de la traverse est, à cet égard, sans incidence. Si Mme A… fait valoir que le danger lié à l’existence du fossé en contrebas n’était pas signalé, il résulte de ce qui vient d’être dit que la rambarde en question assurait précisément cette fonction visant à délimiter l’assise de la chaussée. Au demeurant, Mme A…, dont le domicile se situe à moins d’une centaine de mètres, ne pouvait ignorer l’existence de ce fossé ni la configuration des lieux. Enfin, compte tenu des circonstances rappelées ci-dessus, il ne résulte pas de l’instruction que la situation exigeait une signalisation spécifique visant à avertir le public des dangers auxquels l’exposait un usage anormal de cette rambarde. Par suite, l’accident de Mme A… est entièrement imputable à l’imprudence de la victime qui a elle-même, en s’y asseyant avec son époux, provoqué le déséquilibre de la rambarde ayant entraîné sa chute.

5. En second lieu, aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents (…) ». Aux termes de l’article L. 2212-4 de ce code : « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. (…) ». A cet égard, il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par leur prudence, se prémunir.

6. Au vu ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt et compte tenu de la fonction de rambarde délimitant la chaussée du fossé, il n’incombait pas au maire de Novalaise de prendre des mesures particulières afin de s’assurer que cet ouvrage pouvait supporter le poids d’une personne assise ni d’attirer l’attention des piétons sur le danger auquel ils étaient exposés en faisant une utilisation anormale de cette rambarde. Dès lors, aucune faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police ne peut être reprochée au maire de Novalaise.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner avant dire droit une expertise médicale, que Mme A… et la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion :

8. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie tendant à ce qu’une somme lui soit versée au titre de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais liés au litige :

9. D’une part, en l’absence de dépens, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A… et de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie tendant à ce que ceux-ci soient mis à la charge de la commune de Novalaise.

10. D’autre part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Novalaise, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A… et par la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme A… la somme demandée par la commune de Novalaise, au même titre.

DECIDE :


Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie.


Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A… et les conclusions de la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie sont rejetés.


Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A…, à la commune de Novalaise, à la caisse primaire d’assurance maladie de la Savoie et à la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme.


Délibéré après l’audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

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N° 20LY02937

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