CAA de LYON, 6ème chambre, 13 février 2024, 23LY03098, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 6e ch. - formation à 3, 13 févr. 2024, n° 23LY03098
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 23LY03098
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 12 juin 2023, N° 2001339
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 février 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049191998

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l’indemniser des préjudices consécutifs à une vaccination dont il a fait l’objet le 29 septembre 2010, d’ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d’évaluer ces préjudices et de condamner l’ONIAM à lui verser une indemnité provisionnelle de 50 000 euros dans l’attente des conclusions de l’expert.

L’ONIAM a conclu à titre principal au rejet de la demande et, à titre subsidiaire, à ce qu’une expertise médicale soit diligentée, au contradictoire du laboratoire Sanofi.

Les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur ont conclu à titre principal au rejet de la demande pour incompétence et, à titre subsidiaire, à ce qu’une expertise médicale soit diligentée.

Par un jugement avant-dire droit n° 2001339 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a adressé une demande d’avis au Conseil d’Etat sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 469086 du 12 avril 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la demande d’avis dont il était saisi.

Par un jugement avant-dire droit n° 2001339 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a, en premier lieu, diligenté une expertise médicale au contradictoire de la société Sanofi, de la société Sanofi Pasteur et de l’ONIAM, en deuxième lieu, rejeté la demande d’allocation provisionnelle de M. A et, en dernier lieu, réservé l’ensemble des conclusions et moyens sur lesquels il n’a pas statué.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 29 septembre 2023 sous le n° 23LY03098, la SA Sanofi et la SA Sanofi Pasteur, représentées par Me Gouesse, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2001339 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a diligenté une expertise médicale ;

2°) de rejeter les conclusions à fin d’expertise comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre, ou subsidiairement comme inutiles ;

3°) infiniment subsidiairement, de réformer le jugement en prévoyant que l’expertise sera confiée à un collège d’experts composé de médecins ophtalmologue, neuro-ophtalmologue et d’un pharmacologue clinicien, avec une mission classique de recherche des causes possibles de la maladie de l’intéressé et en limitant la mission au seul examen des préjudices allégués par M. A en relation directe et certaine avec la vaccination pratiquée.

Les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur soutiennent que :

— c’est à tort que le tribunal a retenu la compétence de la juridiction administrative pour connaitre d’un litige portant sur la responsabilité du fabricant d’un vaccin sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

— l’expertise est inutile dès lors que l’action que M. A pourrait former contre ce fabricant, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, est prescrite ;

— le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l’action que M. A pourrait former sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux est prescrite ;

— l’expertise est inutile dès lors que le lien entre l’injection vaccinale et la complication n’est pas établi et dès lors que leur responsabilité sur le fondement de la défectuosité du vaccin n’est pas établie ;

— subsidiairement, il conviendrait de confier l’expertise à un collège d’experts et de modifier sa mission.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2023, M. B A, représenté par la SCP Schmitzberger-Hoffer et Colette, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A soutient que :

— la juridiction administrative est compétente pour connaitre de sa requête, qui n’est pas dirigée contre le producteur privé du vaccin ou son fournisseur privé ;

— c’est à juste titre que le tribunal a retenu, en raison d’un faisceau d’indices, l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination et ses préjudices ;

— la mesure d’expertise apparait utile ;

— l’action sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux n’est pas prescrite en l’absence de consolidation ;

— le collège d’experts suggéré par les sociétés requérantes serait similaire à celui de la précédente expertise, ce qui en limiterait l’utilité ;

— la mission d’expertise doit être confirmée.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2023, l’ONIAM, représenté par la SCP UGGC avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2001339 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a retenu l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination et les dommages corporels subis par M. A et limité en conséquence l’expertise décidée avant-dire droit à la recherche d’un défaut éventuel du vaccin et à l’évaluation des préjudices ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de M. A ;

3°) subsidiairement, d’étendre la mission d’expertise à la question de la cause des dommages corporels subis par M. A.

L’ONIAM soutient que :

— le tribunal était compétent pour décider d’une expertise au contradictoire des sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur ;

— l’action de M. A contre le fabricant du vaccin sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux n’est pas prescrite ;

— les conditions d’engagement de la solidarité nationale ne sont pas réunies en l’absence de lien de causalité ;

— subsidiairement, elles ne sont pas réunies compte tenu de la responsabilité du fabricant du vaccin ;

— à titre infiniment subsidiaire, la mission d’expertise doit être étendue à la question de la cause des dommages corporels subis par M. A.

Par ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 16h30.

Un mémoire complémentaire, présenté pour M. A et enregistré le 12 décembre 2023, n’a pas été communiqué.

Un mémoire complémentaire, présenté pour les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur et enregistré le 18 décembre 2023 à 14h05, n’a pas été communiqué faute d’éléments nouveaux.

II°) Par une requête enregistrée le 6 décembre 2023 sous le n° 23LY03752, l’ONIAM, représenté par la SCP UGGC avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2001339 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a retenu l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination et les dommages corporels subis par M. A et limité en conséquence l’expertise décidée avant-dire droit à la recherche d’un défaut éventuel du vaccin et à l’évaluation des préjudices ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de M. A ;

3°) subsidiairement, d’étendre la mission d’expertise à la question de la cause des dommages corporels subis par M. A.

L’ONIAM soutient que :

— les conditions d’engagement de la solidarité nationale ne sont pas réunies en l’absence de lien de causalité ;

— subsidiairement, elles ne sont pas réunies compte tenu de la responsabilité du fabricant du vaccin ;

— à titre infiniment subsidiaire, la mission d’expertise doit être étendue à la question de la cause des dommages corporels subis par M. A.

Par ordonnance du 11 décembre 2023, l’affaire a été dispensée d’instruction sur le fondement de l’article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

— le code civil ;

— le code de la santé publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

— les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

— et les observations de Me Gouesse, représentant les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur.

Considérant ce qui suit :

1. D’une part, aux termes de l’article R. 621-1 du code de justice administrative : « La juridiction peut, soit d’office, soit sur la demande des parties ou de l’une d’elles, ordonner, avant dire droit, qu’il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision () ».

2. D’autre part, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a introduit dans le code de la santé publique, au livre Ier consacré à la protection des personnes en matière de santé, dans la section consacrée aux principes généraux du chapitre relatif à la réparation des conséquences des risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé, un article L. 1142-1 qui instaure, au I, un régime général de responsabilité pour faute et, au II, une réparation au titre de la solidarité nationale. En particulier, aux termes du II de cet article : " Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". Lorsqu’une personne a fait l’objet d’une vaccination dont les conséquences dommageables ne sont pas susceptibles d’être réparées sur le fondement des articles L. 3111-9 ou L. 3131-4 du code de la santé publique et lorsque, par ailleurs, la responsabilité du service public hospitalier ne peut pas être recherchée pour faute ou, sans faute, au titre des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits qu’il utilise, ou que la responsabilité du producteur ou du fournisseur du vaccin ne peut être recherchée au titre des produits défectueux devant le juge judiciaire, les conséquences dommageables qui en ont résulté peuvent être réparées sur le fondement du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique dès lors que les conditions posées par cet article sont remplies.

3. Il est constant que M. A a été, à sa demande et en perspective d’un déplacement au Cameroun, vacciné le 29 septembre 2010 au CHU « Nancy Brabois », contre la fièvre jaune, par injection du vaccin Stamaril fabriqué par la société Sanofi Pasteur. Dans les suites immédiates de l’injection, il a développé plusieurs symptômes qui ont en l’état été diagnostiqués comme caractérisant en particulier une névrite optique gauche. M. A a saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux de Lorraine qui a diligenté une expertise, au contradictoire notamment de la société Sanofi Pasteur, Les opérations d’expertise ont été confiées aux docteurs Vignal, Chaine et Sollet. Au vu de leur rapport et par avis du 15 décembre 2015, la commission a invité l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à adresser à M. A une proposition d’indemnisation, en réservant l’évaluation définitive des préjudices faute de consolidation. Par décision du 26 mai 2016, l’ONIAM a refusé de suivre l’avis de la commission.

4. M. A a saisi le tribunal administratif de Grenoble de conclusions indemnitaires dirigées contre l’ONIAM. Après avoir obtenu une clarification du régime juridique applicable par une demande d’avis adressée au Conseil d’Etat, le tribunal, par le jugement avant-droit attaqué du 13 juin 2023, a diligenté une expertise médicale, au contradictoire de l’ONIAM et des sociétés Sanofi et société Sanofi Pasteur. Ces dernières, ainsi que l’ONIAM, interjettent appel de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces requêtes, qui présentent des questions communes à juger.

Sur la régularité du jugement :

5. En premier lieu, aux termes de l’article L. 1142-20 du code de la santé publique : « La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d’action en justice contre l’office si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite. / L’action en indemnisation est intentée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage ».

6. En l’espèce, il est constant que M. A a été vacciné au CHU Nancy Brabois, de telle sorte que le litige porte sur la prise en charge médicale d’un usager du service public administratif hospitalier. L’action formée par M. A contre l’ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale, qui se rattache à cette prise en charge hospitalière publique, relève dès lors de la compétence de la juridiction administrative.

7. Il est vrai que les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur soutiennent, à juste titre, que le juge administratif ne serait pas compétent pour statuer sur une action formée par M. A à leur encontre sur le fondement de la responsabilité du fabricant du fait des produits défectueux telle qu’elle est définie par les dispositions alors applicables des articles 1386-1 et suivants du code civil, devenus les articles 1245 et suivants du même code. Toutefois, le tribunal n’a pas statué dans le cadre d’une telle action. En effet, ainsi qu’il a été dit au point 2 du présent arrêt, le bien-fondé de l’action formée par M. A contre l’ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale est notamment subordonné à ce que la responsabilité du producteur ou du fournisseur du vaccin ne puisse être recherchée au titre des produits défectueux devant le juge judiciaire. En vérifiant le respect de cette condition, dans le seul but de pouvoir utilement statuer sur l’action dirigée contre l’ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale dont il est compétemment saisi, le tribunal n’a dès lors pas entaché son jugement d’irrégularité. Par ailleurs, dès lors que la vérification de cette condition est susceptible de concerner les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur, fabricantes du vaccin, qui disposent en outre de façon exclusive d’éléments d’information utiles sur le vaccin en litige, c’est à juste titre et sans excéder l’office du juge qui diligente une expertise que le tribunal, à la demande de l’ONIAM et des sociétés elles-mêmes, qui avaient au demeurant conclu subsidiairement à une expertise en première instance, a prévu avant-dire droit que l’expertise se ferait à leur contradictoire, dans les seuls buts de leur permettre le cas échéant de présenter toutes observations qu’elles estimeraient appropriées et d’apporter à l’expert et aux parties tous éléments utiles d’information, sans que ceci ne puisse conduire le tribunal à préjuger d’une éventuelle action dirigée contre ces sociétés, qui relèverait du seul juge judiciaire.

8. En second lieu, les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur relèvent que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l’action que M. A pourrait former contre elles sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux serait prescrite. Toutefois, l’action de M. A dont le tribunal a été saisi est dirigée contre l’ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale. Le moyen tiré de la prescription d’une action engagée contre les sociétés, qui est ainsi étranger au litige dont le tribunal est saisi, est dès lors inopérant et le tribunal n’a, en conséquence, pas entaché son jugement d’irrégularité en n’y répondant pas.

Sur la mesure d’expertise :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt que l’obligation d’indemnisation par l’ONIAM sur le fondement de la solidarité nationale n’existe pas, notamment, si la responsabilité du service public hospitalier est susceptible d’être recherchée sans faute au titre des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits qu’il utilise, ou si la responsabilité du producteur ou du fournisseur du vaccin est susceptible d’être recherchée au titre des produits défectueux devant le juge judiciaire, peu important à cet égard que ces dernières actions soient le cas échéant prescrites, seul étant déterminant le principe de la responsabilité, compte tenu du caractère subsidiaire de l’obligation d’indemnisation par l’ONIAM. Dès lors, la circonstance invoquée par les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur selon laquelle l’action que M. A pourrait intenter contre elles sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux serait en tout état de cause prescrite, est sans incidence sur l’utilité de l’expertise diligentée par le tribunal afin de réunir les éléments médicaux lui permettant d’apprécier l’existence d’une obligation d’indemnisation par l’ONIAM et d’évaluer les préjudices corporels indemnisables.

10. En deuxième lieu, l’expertise précitée diligentée par la commission de conciliation et d’indemnisation a constaté que M. A a été victime de cinq épisodes de névrite optique accompagnés d’autres troubles, dont le premier s’est déclenché 24 heures après l’injection du vaccin et les autres dans les mois qui ont suivi, avec une récidive ultérieure. Les experts évoquent des complications vaccinales connues prenant la forme d’une inflammation du système nerveux central ou d’une réaction auto-immune, ainsi qu’une complication comparable constatée en 2001 pour un vaccin associant fièvre jaune et hépatite A et B, et une complication ophtalmologique constatée en 2006 pour une vaccination associant fièvre jaune et hépatite A. Ils relèvent de façon générale que des complications vaccinales prenant la forme de névrites sont connues, pour divers vaccins. Après avoir relevé que le délai d’apparition des troubles est normalement un critère déterminant, ils soulignent également que la cinétique des troubles visuels et leur survenue dans les suites immédiates de l’injection induisent en l’espèce un lien de causalité. Enfin, après avoir constaté que M. A n’a pas de pathologie ophtalmologique antérieure ni de prédisposition particulière et après avoir écarté toute autre cause envisageable, les experts indiquent que « La survenue de ces troubles après vaccination contre la fièvre jaune rend possible la responsabilité de ladite vaccination » et ils concluent que ces troubles constituent une affection iatrogène. Dans ces conditions, le tribunal a pu, éclairé par ces indications, estimer qu’eu égard en particulier, d’une part, à la nature des troubles et au lien temporel direct entre la complication et la vaccination et, d’autre part, à l’absence de toute autre cause établie, la complication devait en l’espèce être regardée comme résultant de la vaccination. Dès lors, l’expertise décidée avant-dire droit par le tribunal, qui vise en particulier à vérifier si la complication en litige pourrait le cas échéant procéder d’un défaut du vaccin, ce qui n’est pas suffisamment éclairé médicalement en l’état du dossier et qui exclurait alors toute obligation d’indemnisation par l’ONIAM, n’est pas dénuée d’utilité au regard du litige dont le tribunal est saisi. Il n’y a par ailleurs pas lieu d’étendre la mission de la nouvelle expertise à la question du lien de causalité entre les troubles subis par M. A et l’opération de vaccination, qui est déjà suffisamment éclairée médicalement.

11. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 621-2 du code de justice administrative : « Il n’est commis qu’un seul expert à moins que la juridiction n’estime nécessaire d’en désigner plusieurs () ». En l’espèce, alors que le tribunal dispose déjà de l’expertise, non sérieusement contestée, diligentée par la commission de conciliation et d’indemnisation et confiée à un collège d’experts, et que l’expertise complémentaire qu’il décide se rapporte à des vérifications délimitées sur le vaccin et à une évaluation des préjudices sans difficulté particulière, il n’y a pas lieu de réformer le jugement en prévoyant l’intervention d’un collège d’experts ni de modifier la mission définie par le jugement qui est cohérente avec les points qui doivent être éclairés médicalement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, ni les sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur, ni l’ONIAM, ne sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a diligenté une expertise avant-dire droit.

13. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Sanofi et Sanofi Pasteur est rejetée.

Article 2 : La requête et les conclusions de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B A sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Sanofi, à la SA Sanofi Pasteur, à M. B A, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Marne.

Délibéré après l’audience du 15 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2 – 23LY0375

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