Cour administrative d'appel de Marseille, 13 avril 2012, n° 09MA01619

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 13 avr. 2012, n° 09MA01619
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 09MA01619
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 1er mars 2009, N° 0607568 et 0607570

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 09MA01619

__________

SARL ELVO

__________

M. Lemaitre

Rapporteur

__________

M. Dubois

Rapporteur public

__________

Audience du 16 mars 2012

Lecture du 13 avril 2012

__________

19-04-01-04

19-06-02

C

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Marseille

(3e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2009, présentée pour la SARL ELVO, dont le siège social est situé restaurant « Le ruban bleu » XXX, à XXX, par Me Georges ;

La SARL ELVO demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 0607568 et 0607570 du 2 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la même période, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu’il y a eu emport de documents dès lors que des fichiers relevant des écritures passées sous le logiciel « pointex » ont été copiées lors de la première intervention sur place le 3 novembre 2003 et qu’il n’y a pas eu de débat oral et contradictoire sur ceux-ci alors qu’ils ont été utilisés pour rejeter la comptabilité ; que seul le résultat des investigations par un agent spécialisé a été exposé le 25 mai 2004 ; que le jugement attaqué commet une erreur d’interprétation des faits en déclarant que le vérificateur spécialisé aurait fait part de ses constatations tout au long du contrôle ; que le débat oral et contradictoire n’a pu avoir lieu après l’emport des documents comptables même s’il ne s’est agi que d’une copie ; que l’administration a fait appel à un vérificateur externe et que le vérificateur chargé du contrôle, qui ne disposait pas de compétences informatiques suffisantes, ne pouvait dès lors mener des investigations ni débattre sur les fichiers informatiques ; que le jugement attaqué a considéré que l’administration apportait la preuve que les écrasements de fichiers ou les réécritures sur les fichiers constitués à partir du logiciel « pointex » constituaient de graves irrégularités privant la comptabilité de toute valeur probante alors que les premiers juges ont reconnu qu’elle était tenue sur la base des éléments et supports papiers que le gérant remettait à son expert-comptable, ce qui prive de pertinence le motif fondant le rejet de comptabilité sur la base de graves irrégularités concernant exclusivement la comptabilité informatique ;

— sur la reconstitution du chiffre d’affaires : que le vérificateur a calculé le montant du chiffre d’affaires à partir de celui des cafés qu’il a extrapolé ; que l’administration s’est bornée à rejeter les recettes sans tenir compte de la marge réalisée sur les achats, qui n’ont pas été contestés ; que la reconstitution opérée à partir du chiffre d’affaires des cafés, dont la marge est différente de celle des autres produits, ne peut correspondre à la réalité ; que la reconstitution est pour ce motif viciée dans son principe ; que la seconde approche, censée selon les premiers juges, conforter le résultat de la reconstitution à partir des notes écrasées ou des écritures reconstituées en prenant en compte un prix moyen des notes relevé dans l’exploitation, n’a pas été maintenue par l’administration en raison de son manque de fiabilité ; qu’il n’existe aucun élément objectif permettant de certifier que les réécritures correspondent à des dissimulations de recettes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient qu’il n’a été procédé ni à la copie ni à l’extraction de fichiers et qu’il n’y a donc pas eu emport de la comptabilité ; qu’en effet, seul un relevé de constatations a été opéré portant sur le nom, la taille en octets, la date de dernière modification des fichiers présents sur le disque dur servant au système de caisse ; que ce fichier d’une taille de 462 ko, a été sauvegardé sur une disquette pour disposer d’une image des fichiers enregistrés ; que comme en atteste le compte-rendu de cette intervention qui a été signé par le gérant et le vérificateur, une copie de cette disquette a été remise au gérant le jour même ;

— qu’à la suite d’une première intervention, qui s’est déroulée dans les locaux de l’entreprise, le gérant a demandé que la vérification se déroule dans ceux de son expert-comptable où deux rencontres sont intervenues les 3 décembre 2003 et 22 janvier 2004 ; que M. X a autorisé l’emport d’états statistiques également établis à partir du logiciel « first class » ; qu’une réunion de synthèse est intervenue le 25 mai 2004 au cours de laquelle a été exposée la critique de la sincérité des recettes enregistrées par le logiciel « pointex first class 3.50 » et la méthode d’évaluation des résultats non comptabilisés ;

— que sur le rejet de la comptabilité, aucun livre de « caisse – espèces » n’a pu être présenté ; que le compte caisse a dû être reconstitué, ce qui a conduit à constater l’existence d’un solde créditeur en janvier 2001, de soldes débiteurs au 31 décembre des années 2001 et 2002 non repris à l’actif du bilan, d’une facture Metro payée en espèces en 2001 non comptabilisée, de discordances entre les dépôts d’espèces sur les relevés bancaires et les comptes clients alors que les ventes se font au comptant ; que des discordances sont également apparues entre les recettes comptabilisées en 2001 et l’état de synthèse dit « état raz-état de la caisse » qui centralise les moyens de paiement au titre d’une période ; que les recettes ont été enregistrées et comptabilisées sur la base des doubles de notes et des tickets récapitulatifs journaliers, hebdomadaires ou mensuels établis à partir du logiciel « pointex first class 3.50 » pour MS DOS qui dispose de fonctionnalités permettant la suppression de notes de restaurant après la clôture de la journée, la suppression d’une journée, la fusion d’une journée avec une autre… La transcription en miroir du répertoire a mis en évidence des anomalies concernant la chronologie et la fiabilité des fichiers, l’écart de tailles entre les fichiers .IND fichier d’index arrêté à la clôture de la journée puis le cas échéant, après la mise en œuvre des fonctionnalités de réécriture des fichiers, et .IN$ qui est un fichier d’index arrêté à la clôture de la journée, démontrant qu’ils avaient été manipulés postérieurement à la date de clôture des journées en cause, sans que ces opérations correspondent à une utilisation normale du logiciel ; qu’au surplus, la société n’a pas remis au service de contrôle de documentation relative aux analyses à la programmation et l’exécution des traitements, en contravention avec les dispositions de l’article L. 102 B II du livre des procédures fiscales ; que le moyen de la société requérante tiré de ce que les anomalies enregistrées au niveau de la caisse enregistreuse seraient sans incidence sur la valeur probante de la comptabilité dès lors que la comptabilité a été établie à partir de supports papiers issus de cette même caisse enregistreuse, doit être écarté ;

— que sur la reconstitution de recettes, la charge de la preuve d’en établir le caractère exagéré incombe à la société requérante en application de l’alinéa 2 de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales ; que la méthode suivie est basée sur l’évaluation de la part représentative des cafés par rapport au chiffre d’affaires total à partir du dépouillement des factures d’achat de café en prenant compte la variation des stocks ; que la seconde méthode d’évaluation du chiffre d’affaires en fonction des notes supprimées se fonde sur la variation de taille des index des fichiers qui ont été réécrits et des notes qui ont été effacées ; que si la requérante soutient que la méthode de reconstitution est viciée au motif que le supplément de recettes de café n’entraîne pas dans la même proportion une augmentation de recettes globales en raison de taux de marges différents, elle ne produit aucun élément au soutien de cette allégation alors qu’elle supporte la charge de la preuve ; que la reconstitution a pris en compte les conditions d’exploitation en déterminant notamment un taux moyen d’occupation qui avait été au demeurant sous-évalué dans les chiffres d’affaires déclarés par la SARL ELVO ; que le fait qu’une seule méthode ait été retenue reste sans incidence sur le bien-fondé des impositions ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2012, présenté pour la SARL ELVO, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que l’administration devait informer son gérant des différentes options quant aux modalités de traitement informatique qui étaient offertes ; qu’elle a méconnu l’article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que la reconstitution fondée sur la proportion des recettes cafés dans le chiffre d’affaires total n’est ni fiable ni réaliste et que la méthode suivie est sommaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 mars 2012 :

— le rapport de M. Lemaitre, président-assesseur ;

— et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

Considérant que la SARL ELVO, qui exploite un restaurant à proximité du Vieux port de Marseille sous l’enseigne « Le ruban bleu », a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle lui ont été notifiées, selon une procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions à cet impôt, au titre des exercices 2000, 2001 et 2002, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur cette même période ; que la SARL ELVO relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté se demande en décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales : « Les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements » ; qu’aux termes de l’article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 : "Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l’administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l’administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l’entreprise. Il met alors à la disposition de l’administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l’entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté (…) » ; que si ces dispositions assurent à la société contrôlée les garanties prévues par l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales lorsque l’administration souhaite conduire des investigations sur le fonctionnement des systèmes informatisés qu’elle utilise, elles ne font pas obstacle à ce que, en dehors de cette procédure, l’administration consulte et analyse à partir de ses propres outils, dans le cadre d’une vérification de comptabilité, sur le fondement de l’article L. 13 du même livre, une copie des données issues de tels systèmes, y compris sur support informatique ;

Considérant en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que lors de la première intervention sur place le 3 novembre 2003, le vérificateur a remis à M. X, le gérant de la SARL ELVO, une lettre selon laquelle il était assisté de vérificateurs informaticiens ; que l’un d’eux a établi la liste des fichiers présents sur le disque dur et intéressant directement le contrôle avec la commande système « DIR », à partir du système d’exploitation DOS de l’ordinateur de la société, qu’il a enregistrée dans un fichier et sauvegardée sur une disquette dont une copie a été remise au gérant ; que comme l’ont relevé les premiers juges, il ressort des mentions du rapport d’intervention et de la proposition de rectification du 3 juin 2004 que ces opérations ont été réalisées, en la présence et sous le contrôle du dirigeant « en l’absence de compétence interne à l’entreprise » pour y procéder ; qu’il ressort de cette formulation que la nature de ce traitement informatique a été exposée au gérant, et que le choix lui a été offert de l’effectuer lui-même ou de permettre au vérificateur informaticien de la réaliser ;

Considérant en second lieu, qu’il n’est par ailleurs pas établi que l’analyse, à partir de la copie ainsi effectuée, des modalités d’enregistrements des fichiers comptables à laquelle s’est ensuite livrée l’administration, qu’entend invoquer la société requérante dans ses dernières écritures, ait requis un nouveau traitement informatique ; qu’en tout état de cause, à supposer même que ce serait le cas, la société requérante précise elle-même, qu’elle n’a pas eu lieu sur son matériel informatique, ni à partir de son logiciel « Pointex » gérant sa comptabilité, et par suite, ce traitement informatique ne serait pas au nombre de ceux qui relèvent de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu’enfin, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’administration consulte et analyse ces données à partir de ses propres outils ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 47 A précité doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance du débat oral et contradictoire :

Considérant que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d’une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l’a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;

Considérant que la SARL ELVO dont la vérification de comptabilité s’est déroulée à son siège social, soutient qu’il n’y a pas eu de débat oral et contradictoire sur l’analyse des fichiers copiés à partir du disque dur de son ordinateur lors de la première intervention sur place le 3 novembre 2003, qu’elle qualifie d’emport de documents comptables ;

Considérant en premier lieu, que la copie de fichiers tirés d’une comptabilité informatisée, dont une disquette a été remise au gérant de la société requérante, ne constitue pas un emport de documents comptables dès lors que ce prétendu « emport », dont la SARL ELVO ne conteste d’ailleurs pas la régularité, ne porte pas sur les écritures originales qui sont conservées en mémoire de l’ordinateur de la société requérante ;

Considérant en second lieu, qu’il résulte de l’instruction que trois rencontres avec le vérificateur sont intervenues au siège social et principal établissement de la SARL ELVO, les 3 novembre 2003, 3 décembre 2003 et 22 janvier 2004 ; qu’une quatrième entrevue s’est déroulée le 25 mai 2004 dans les locaux de l’administration, au cours de laquelle les constatations et anomalies comptables ainsi que les propositions de rectifications envisagées ont été exposées ; que si la société requérante fait valoir que le débat oral et contradictoire n’aurait pas été effectif en raison de l’absence de l’agent spécialisé en informatique, il est constant que ce dernier a participé à la première et à la quatrième entrevues, au cours desquelles elle admet avoir été informée des anomalies de sa comptabilité informatisée ; que la circonstance, à la supposer établie, que l’agent spécialisé ait été absent des deux rencontres intermédiaires, ne saurait signifier que tout débat avec le vérificateur non spécialisé en informatique ait été rendu impossible notamment en ce qui concerne les carences de sa comptabilité informatisée ; que la société requérante se borne à des allégations qui ne sont étayées par aucun élément circonstancié ; que la copie des fichiers ne constitue pas un « emport » qui ferait obstacle au débat oral et contradictoire sur les données qui ont été conservées dans l’ordinateur et sur une disquette remise au gérant ; qu’il résulte de ce qui précède que la SARL ELVO n’apporte pas la preuve qui lui incombe qu’elle aurait été privée d’un tel débat ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité :

Considérant que la SARL ELVO fait valoir que le jugement attaqué a considéré que l’administration apportait la preuve que les écrasements de fichiers ou les réécritures sur les fichiers constitués à partir du logiciel « pointex » constituaient de graves irrégularités privant la comptabilité de toute valeur probante, alors que les premiers juges ont reconnu qu’elle était tenue sur la base des éléments et supports papiers que le gérant remettait à son expert-comptable ; que la société requérante soutient ainsi que le motif tiré de graves irrégularités concernant exclusivement la comptabilité informatique, qui fonde le rejet de sa comptabilité, se voit privé de pertinence ;

Considérant que le jugement attaqué a toutefois expressément relevé que les chiffres inscrits dans son livre journal ne retracent que la totalisation des recettes journalières après modifications des données enregistrées en informatique ; que la société requérante ne produit devant la Cour aucun élément de nature à combattre le constat de cette globalisation de recettes qui est suffisant pour rejeter sa comptabilité ; qu’au surplus, la SARL ELVO ne conteste en appel, ni le fait que le logiciel installé sur son système informatique comporte une fonction permettant de modifier, a posteriori, les données journalières initialement saisies et de les faire disparaître pour les remplacer par de nouvelles écritures, ni la démonstration circonstanciée et étayée d’éléments techniques de l’administration qui fait ressortir des écrasements et réécritures de fichiers ; qu’ainsi sa comptabilité ne présente pas les caractères de fiabilité et de chronologie indispensables à la justification des éléments comptabilisés ; que par suite, l’administration qui fait par ailleurs mention de l’absence de livre de « caisse – espèces », de l’existence après reconstitution d’un solde de caisse créditeur en janvier 2001, de soldes débiteurs au 31 décembre des années 2001 et 2002 non repris à l’actif du bilan, d’une facture Metro payée en espèces en 2001 non comptabilisée, de discordances entre les dépôts d’espèces ressortant des relevés bancaires et les comptes clients, alors que les ventes se font au comptant et d’une autre discordance d’un montant de 593 006 francs TTC entre les recettes comptabilisées en 2001 et l’état de synthèse dit « état raz-état de la caisse » tiré du logiciel « pointex » qui, en l’absence du compte de trésorerie, centralise les moyens de paiement au titre d’une période, doit être regardée comme apportant la preuve du caractère non probant de la comptabilité de la SARL ELVO ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d’affaires :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’un redressement, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge » ;

Considérant que l’administration a mis en recouvrement les impositions litigieuses conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d’affaires qui a été notifié le 24 mai 2005 à la société requérante ; qu’en application de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales, la SARL ELVO supporte la charge de la preuve d’établir le caractère infondé et exagéré des impositions qu’elle conteste ;

Considérant que pour reconstituer le chiffre d’affaires, le vérificateur a appliqué la méthode dite « des liquides » portant sur les cafés ; qu’après dépouillement des factures d’achat et prise en compte des stocks, il a évalué le café utilisé pendant chacune des trois années, dont il a défalqué la consommation du personnel estimée à 30 % et les offerts pris en compte à hauteur de 5 % ; que sur la base de la consommation annuelle exprimée en kilogrammes de café, il a déterminé le nombre de tasses vendues selon un prix moyen pondéré déterminé après dépouillement des notes clients ; que la proportion du chiffre d’affaires des cafés vendus ayant été évaluée à partir du dépouillement des notes à 2, 83 %, 2, 48 % et 2, 58 %, il a reconstitué le chiffre d’affaires global qu’il a rapproché du chiffre d’affaires déclaré, en faisant ainsi ressortir des omissions de recettes respectivement évaluées pour les exercices 2000, 2001 et 2002 à 180 991 euros, 103 984 euros et 234 661 euros hors taxe ; qu’il a par ailleurs évalué ce même chiffre d’affaires en réintégrant pour l’exercice 2000, les 2 633 notes qui ont été identifiées comme ayant été effacées après clôture d’une journée, cette seconde méthode aboutissant, sur la base d’une note moyenne ressortant d’un état de synthèse remis par le gérant, à une omission de recettes d’un montant du même ordre de grandeur que le chiffre d’affaires reconstitué selon la méthode dite « des liquides » ; que le vérificateur n’a toutefois retenu que les chiffres d’affaires procédant de la reconstitution effectuée selon la première méthode ; qu’il a enfin effectué, pour chacun des exercices en litige, un contrôle de cohérence de ces chiffres d’affaires reconstitués au regard de la capacité d’accueil, qui s’est accrue de 26 places en 2003, et du taux d’occupation moyen de l’établissement exploité par la société requérante ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SARL ELVO se borne à s’interroger sur la pertinence de la reconstitution qui a été effectuée à partir de la part représentative des ventes de café dans son chiffre d’affaires, en faisant grief à l’administration de ne pas avoir recouru à la méthode de reconstitution fondée sur les marges pratiquées sur les achats et en soutenant que la méthode suivie serait, pour ce motif, viciée dans son principe ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, la méthode dite « des liquides » qui est en l’espèce utilisée pour reconstituer le chiffre d’affaires en fonction de la part que représente dans ce dernier la vente des cafés, n’est pas viciée ; qu’il est constant que cette part du chiffre d’affaires est bien tirée des données de l’exploitation du restaurant à partir du dépouillement des notes ; que si la société requérante entend opposer une autre méthode, consistant à déterminer un coefficient de marge à partir des achats effectués, elle ne la développe pas et n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu’elle serait de nature à évaluer son chiffre d’affaires avec une meilleure approximation, ni qu’elle aboutirait à des chiffres d’affaires reconstitués qui seraient d’un montant inférieur à ceux calculés par l’administration ; que les éléments de calcul parcellaires qu’elle développe dans ses dernières écritures pour mettre en cause la fiabilité de la méthode dite « des liquides » ne peuvent qu’être écartés ;

Considérant que la société requérante ne saurait pas davantage faire grief à l’administration de ne pas avoir pris en compte le chiffre d’affaires issu de la seconde méthode de reconstitution qu’elle avait mise en œuvre, qui est fondé sur l’évaluation des notes écrasées ou réécrites, laquelle avait été utilisée à titre de recoupement et aboutissait à un chiffre d’affaires reconstitué représentant un même ordre de grandeur, mais dont le montant lui était plus défavorable ;

Considérant enfin que si la société requérante soutient qu’il n’existerait selon elle aucun élément objectif permettant de certifier que les réécritures informatiques correspondent à des dissimulations de recettes, ce moyen qui manque en fait au regard des constatations opérées par l’administration dans la proposition de rectification du 3 juin 2004, est en tout état de cause inopérant pour contester le montant des chiffres d’affaires reconstitués qui, comme la société requérante l’indique elle-même, ne procède pas de la méthode ayant évalué le montant des notes écrasées ou réécrites, mais de celle dite « des liquides » exposée ci-dessus, dans laquelle ces écrasements et réécritures de notes n’ont aucune incidence sur le montant du chiffre d’affaires reconstitué ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL ELVO n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des chiffres d’affaires qui ont été reconstitués par l’administration au titre des exercices 2000, 2001 et 2002 ; que par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur l’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, qui procèdent de ces chiffres d’affaires ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL ELVO la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL ELVO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ELVO et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l’audience du 16 mars 2012, à laquelle siégeaient :

Mme Lastier, président de chambre

M. Lemaitre, président-assesseur ;

M. Haïli, premier conseiller ;

Lu en audience publique le 13 avril 2012.

Le rapporteur, Le président,

D. LEMAITRE E. LASTIER

Le greffier,

XXX

La République mande et ordonne à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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