Cour administrative d'appel de Marseille, 18 décembre 2014, n° 12MA00252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 18 déc. 2014, n° 12MA00252
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 12MA00252
Décision précédente : Tribunal administratif de Nice, 6 octobre 2011, N° 0900651

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

N°12MA00252


SA COSBAM

___________

M. Emmanuelli

Rapporteur

___________

M. Ringeval

Rapporteur public

___________

Audience du 2 décembre 2014

Lecture du 18 décembre 2014

___________

19-04-01-04

19-04-02-01-01

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d’appel de Marseille

(4e Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2012, présentée pour la société anonyme (SA) Cosbam, dont le siège social est à Lugano (Suisse) c/o TS Accounting SA, Via Marconi 2, représentée par Me Rinaldi, élisant domicile au cabinet de son avocat sis XXX ;

La SA Cosbam demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0900651 en date du 7 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que la procédure diligentée à son égard est irrégulière dès lors que ni la proposition de rectification, ni l’avis d’imposition n’ont été adressés à son représentant fiscal en France ;

— qu’elle n’exerce en France aucune activité ; qu’elle n’est pas inscrite au registre du commerce et des sociétés ; qu’elle a acquis un bien immobilier pour disposer, en France, d’un lieu de réunion, de réception et de réflexion pour ses associés-dirigeants ;

— que les dispositions de la convention fiscale franco-suisse ont été en l’espèce méconnues ;

— qu’il appartenait à l’administration de rétablir sa situation réelle en faisant application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

— que le fait de mettre un appartement à la disposition de ses associés, dans le cadre de réunions, ne constitue pas un acte anormal de gestion ;

— qu’en utilisant la théorie de l’acte anormal de gestion pour permettre l’application de l’article 205 du code général des impôts, l’administration a ajouté au texte législatif une disposition que le législateur n’a pas voulu ;

— qu’elle se trouve dans la même situation que la société Bentney Investissements qui a bénéficié d’une exonération ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient :

— que la proposition de rectification a été adressée au siège social de la SA Cosbam qui l’a régulièrement réceptionnée le 25 mai 2008 ; que la procédure d’imposition est donc régulière ;

— que la SA Cosbam est commerciale par la forme ; que les dispositions de la convention fiscale franco-suisse n’ont nullement été méconnues ;

— qu’en l’espèce, l’administration n’avait pas à faire application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

— que le fait pour la SA Cosbam de mettre, sans contrepartie, un bien immobilier à la disposition de ses associés constitue un acte anormal de gestion ;

— que les décisions de dégrèvement qui ne concernent pas la SA Cosbam ne sont pas opposables à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Vu l’ordonnance en date du 4 novembre 2014, fixant la clôture d’instruction au 25 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention signée entre la République française et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune, signée le 9 septembre 1966, modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 décembre 2014,

— le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

— les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

— et les observations de Me Bensaid, pour la société requérante ;

Considérant que la société anonyme (SA) de droit suisse Cosbam demande la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie, à la suite d’un contrôle sur pièces, au titre des exercices clos en 2005 et 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ; que l’administration a considéré que cette société devait être soumise à l’impôt sur les sociétés et qu’elle avait commis un acte anormal de gestion en mettant gratuitement à la disposition de ses associés un appartement dont elle est propriétaire, sis à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes) et l’a imposée sur la valeur vénale de l’avantage en nature ainsi concédé, en évaluant la valeur locative de celui-ci à partir de la valeur vénale du bien immobilier par comparaison avec des biens similaires, à laquelle elle a appliqué un coefficient de 5 % supposé correspondre au taux de rendement du bien ;

En ce qui concerne le principe de l’assujettissement de la SA Cosbam à l’impôt sur les sociétés :

Au regard de la loi :

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 206 du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (…) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » ;

Considérant que les sociétés anonymes de droit suisse constituent des sociétés de capitaux ; que la responsabilité de leurs associés est limitée au montant de leurs apports ; qu’elles sont, en ce sens, assimilables aux sociétés anonymes de droit français ;

Considérant que la SA Cosbam, société de droit suisse, doit être regardée comme commerciale en raison de sa forme sociale ; qu’elle est donc, de ce seul fait, passible de l’impôt sur les sociétés sans qu’il soit besoin de s’interroger si elle se livrait, ou non, à une activité lucrative en France ; que, par suite, à supposer même qu’aucun loyer n’ait été effectivement versé en contrepartie de l’occupation du bien immobilier dont elle est propriétaire à Juan-les-Pins, la SA Cosbam est redevable de l’impôt sur les sociétés sur la base des revenus correspondant au prix normal de la location du bien immobilier ;

Au regard de la convention franco-suisse :

Considérant que l’article 6 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée stipule que « 1. Les revenus provenant de biens immobiliers (…) sont imposables dans l’Etat contractant où ses biens sont situés (…) 4. Les dispositions des paragraphes 1 (…) s’appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d’une entreprise (…) » ; que si l’article 7-1 de la même convention prévoit que les bénéfices d’une société ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel elle dispose d’un établissement stable, l’article 7-7 exclut de l’application de ces dispositions les bénéfices comprenant des éléments de revenu traités par d’autres dispositions de la convention ;

Considérant qu’alors qu’en vertu des stipulations combinées des articles 6, 7-1 et 7-7 de la convention franco-suisse, les revenus provenant de biens immobiliers d’une entreprise sise en France sont imposables dans cet Etat, c’est à bon droit que, sur le fondement de la convention franco-suisse, la SA Cosbam a été taxée à l’impôt sur les sociétés en France sur la base des revenus correspondant au prix normal de location qu’elle aurait pu tirer de sa propriété sise à Juan-les-Pins durant la période d’occupation gratuite par ses associés ;

Au regard de la doctrine administrative :

Considérant que si la doctrine administrative contenue dans la documentation de base référencée 4 H-1413 dispose qu’une entreprise étrangère, qui possède en France un immeuble sans exercer d’activité habituelle dans cet Etat, est passible de l’impôt sur les sociétés, à raison de sa forme ou du caractère lucratif de l’opération, sur les profits tirés de cette location, cette dernière ne peut être lue comme excluant du champ d’application de l’impôt sur les sociétés les entreprises étrangères, commerciales par la forme, qui mettent gratuitement leur immeuble à la disposition d’un tiers et font ainsi acte de disposition des revenus à la perception desquels elles ont renoncé ;

En ce qui concerne la procédure d’imposition :

Considérant, d’une part, que l’assujettissement d’une société étrangère à l’impôt sur les sociétés à raison des revenus qu’elle a renoncés à percevoir en contrepartie de la mise à la disposition gratuite de l’immeuble qu’elle possède en France ne saurait relever de la procédure spéciale de répression des abus de droit ; que la SA Cosbam n’est donc pas fondée à soutenir qu’il appartenait à l’administration de rétablir sa situation réelle en faisant application des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales : « Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d’office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription (…) » ;

Considérant que, pour l’application de ces dispositions, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l’assister dans ses relations avec l’administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l’ensemble des actes de la procédure d’imposition, ce mandat n’emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire ; que, dans ce cas, l’administration n’entache pas la procédure d’imposition d’irrégularité en notifiant l’ensemble des actes de la procédure au contribuable ;

Considérant que la SA Cosbam a confié, le 1er septembre 2003, à Me Rinaldi, un mandat de représentation fiscale conformément à l’article 223 quinquies A du code général des impôts, mandat par lequel elle donnait pouvoir à son mandataire pour « recevoir toutes communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt » ; que ce mandat ne contient toutefois aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l’ensemble des actes de la procédure d’imposition et permettant, dès lors, de regarder le mandat comme emportant élection de domicile du contribuable auprès de son mandataire dans le cadre de la procédure d’établissement des impositions en litige ; que, par suite, l’administration a pu à bon droit adresser la proposition de rectification du 22 mai 2008 au siège social de la société requérante, laquelle l’a d’ailleurs réceptionnée le 29 mai 2008 ; qu’en tout état de cause, l’expédition de la proposition de rectification doit être réputée régulière dès lors que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ; que le vice de procédure allégué n’est dès lors pas constitué ;

Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction que la société requérante a réceptionné l’avis de mise en recouvrement en date du 11 septembre 2008 qui lui a été adressé à son siège social ; que, par suite, le moyen tiré de la notification irrégulière de cet avis de mise en recouvrement en l’absence d’envoi au mandataire doit de même être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions de l’article 38-1 du code général des impôts, le bénéfice commercial imposable est déterminé d’après les résultats de l’ensemble des opérations de toutes natures effectuées par l’entreprise sous réserve des opérations qui ne se rattachent pas à la gestion normale ou qui n’ont pas été réalisées dans l’intérêt direct de l’entreprise ; qu’il appartient à l’administration d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer le caractère anormal de l’opération ; que, toutefois, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l’entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant, qu’en l’espèce, le service qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, n’a nullement « ajouté au texte législatif une disposition que le législateur n’a pas voulu », se fonde sur le fait, non contesté, que la propriété de la SA Cosbam, sise à Juan-les-Pins, est mise gratuitement à la disposition de ses associés alors que la valeur locative de cet appartement est importante et peut être évaluée à 33 200 euros au titre des années en litige ; que la SA Cosbam, qui se borne à invoquer le fait que l’appartement dont elle est propriétaire aurait été acquis pour disposer, en France, d’un lieu de réunion et de réflexion pour ses associés-dirigeants, sans assortir ses allégations d’aucune justification permettant d’en apprécier la pertinence, n’établit, ni même n’allègue qu’elle aurait tiré une contrepartie de la mise à la disposition gratuite de ses associés du bien litigieux ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SA Cosbam ayant été imposée en France dans les mêmes conditions qu’une société de droit français placée dans la même situation, n’est pas fondée à soutenir que les stipulations de l’article 26-1 de la convention franco-suisse, qui garantissent une égalité de traitement entre les ressortissants français et suisses, auraient été méconnues ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d’une prise de position formelle de l’administration sur une situation de fait concernant d’autres contribuables ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA Cosbam n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu’elle ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Cosbam est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Cosbam et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l’audience du 2 décembre 2014, où siégeaient :

— M. Cherrier, président de chambre,

— M. Martin, président assesseur,

— M. Emmanuelli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2014.

Le rapporteur, Le président,

O. EMMANUELLI P. CHERRIER

Le greffier,

M. PHOUMMAVONGSA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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