Cour administrative d'appel de Marseille, 28 février 2014, n° 13MA03153

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 28 févr. 2014, n° 13MA03153
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 13MA03153
Sur renvoi de : Conseil d'État, 16 juillet 2013, N° 354683

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

N° 13MA03153


M. X

___________

Mme Pena

Rapporteur

___________

Mme Marzoug

Rapporteur public

___________

Audience du 31 janvier 2014

Lecture du 28 février 2014

___________

03-05-03-01

61-01-01-02

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d’appel de Marseille

(5e Chambre)

Vu la décision n° 354683 en date du 17 juillet 2013 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a, saisi d’un pourvoi présenté par M. Z X, annulé l’arrêt n° 09MA04660 de la cour administrative d’appel de Marseille en date du 9 juin 2011 et a renvoyé l’affaire devant la même Cour ;

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 09MA04660, présentée pour M. Z X, demeurant XXX à XXX, par Me Christol, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0803224 du 6 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 30 mai 2008 par laquelle le préfet de l’Hérault a fixé les indemnités de renouvellement de cheptel à un montant de 93 360 euros, et à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de lui verser la somme de 599 832 euros, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au titre de l’indemnité due suite à l’abattage de son cheptel ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision en date du 30 mai 2008 du préfet de l’Hérault ;

3°) d’enjoindre à l’Etat de lui verser la somme de 599 832 euros dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le Tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la sanction qui lui a été infligée était illégale en ce qu’elle était fondée sur l’article 14-6° de l’arrêté du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la brucellose bovine et à la lutte contre la tuberculose bovine et caprine alors que le comportement qui lui a été reproché ne pouvait être sanctionné que sur le fondement des articles R. 224-49 et R. 224-57 du code rural ;

— la commission prévue à l’article R. 224-57 du code rural a rendu son avis au terme d’une procédure irrégulière ;

— il n’a pas saisi le tribunal d’un recours en plein contentieux mais d’une demande d’annulation de la décision en date du 30 mai 2008 assortie d’une demande d’injonction ; il n’a d’ailleurs jamais adressé de réclamation préalable à l’administration ; en tout état de cause, les vices entachant la procédure menée par l’administration pour prononcer une sanction administrative relèvent de la légalité interne de ladite sanction ; la présente affaire ne se situe pas sur le terrain de la responsabilité de l’Etat mais sur celui de la légalité d’une décision de sanction emportant des conséquences pécuniaires ;

— les garanties procédurales accordées aux personnes susceptibles de faire l’objet de sanction conditionnent le bien-fondé de celle-ci ; il résulte ainsi des termes de l’article R. 224-57 du code rural que lorsqu’un éleveur de bovins dont le cheptel est abattu sur ordre de l’administration se voit refuser l’indemnité qu’il sollicite, le préfet doit obligatoirement consulter la commission prévue par ledit article ; l’article 1er du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 s’applique à la commission prévue par l’article R. 224-57 du code rural ;

— il n’est pas démontré que la commission qui a rendu son avis le 23 janvier 2008 a été créée par décret pour une durée maximale de cinq ans, que cette création a été précédée de la réalisation d’une étude permettant de vérifier que la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n’est pas susceptible d’être assurée par une commission existante ; l’avis rendu par cette commission est en conséquence irrégulier ;

— l’administration n’a pas démontré que la composition de la commission était régulière au regard des exigences de l’article R. 224-57 du code rural ; il n’est pas davantage démontré que les membres de cette commission ont été convoqués conformément aux exigences de l’article 9 du décret du 8 juin 2006, et que le quorum était atteint conformément aux exigences de l’article 11 de ce même décret ;

— l’article 14-6° de l’arrêté du 6 juillet 1990, sur lequel se fonde la décision litigieuse, est illégal car il méconnaît le principe de légalité des délits, qui s’étend aux sanctions administratives, et le principe de sécurité juridique ; le fondement juridique de la sanction critiquée : « Toutes circonstances faisant apparaître une intention abusive de l’éleveur afin de détourner la réglementation en vigueur », est trop évasive et ambiguë ; de même cette formulation, en ne prévoyant aucun délai au-delà duquel le comportement d’un administré ne le priverait plus de son droit à indemnité est contraire au principe de sécurité juridique ;

— le comportement qui lui a été reproché ne relevait pas de l’article 14-6° de l’arrêté du 6 juillet 1990 mais des articles R. 224-49 et R. 224-57 du code rural car la norme spéciale l’emporte sur la norme générale ;

— l’inobservation des mesures de prophylaxie prescrites par les services vétérinaires emporte non pas la perte du droit à indemnité qui naît à compter de l’abattage des animaux sur ordre de l’administration mais cessation immédiate du concours technique et financier de l’Etat dans l’exécution des mesures de protection, et remboursement des sommes perçues depuis moins de cinq ans au titre de l’exécution de ces mesures ; le préfet de l’Hérault a ainsi violé le principe de légalité des peines ;

— les faits qui lui sont reprochés avaient pour seul objectif d’éviter l’abattage total de son cheptel, et ne pouvaient ainsi avoir pour conséquence de le priver du droit à indemnité pour abattage qui ne naît que pour autant que le troupeau soit abattu ; l’erreur sur la qualification juridique des faits est établie ; les faits en cause ne visent pas à détourner la réglementation de son objet ; l’annulation de la décision litigieuse implique nécessairement que l’Etat lui verse l’intégralité de l’indemnité pour abattage qu’il sollicite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2010 au greffe de la Cour, présenté par le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

Le ministre demande à la Cour le rejet de la requête ;

Il soutient que :

— la décision litigieuse constituant uniquement un refus d’aide pécuniaire de l’Etat au motif du non-respect de la réglementation en vigueur et pas une demande de remboursement prévue par l’article R. 224-57 du code rural, c’est sans méconnaître le champ d’application de la loi que le tribunal a examiné les droits du requérant sur le fondement des articles L. 221-2 du même code et 14-6° de l’arrêté du 6 juillet 1990, suivant ainsi les motifs de la décision préfectorale, et non sur le fondement des articles R. 224-49 et R. 224-57 du code rural ; le préfet n’a ainsi pas pris de sanction à l’encontre de M. X ;

— le moyen tiré de la violation du principe de la légalité des peines par l’article 14-6°de l’arrêté du 6 juillet 1990 est en conséquence inopérant ;

— le tribunal n’avait pas à répondre aux moyens dès lors qu’il a estimé qu’il appartient au juge de plein contentieux non d’apprécier la légalité de la décision liant le contentieux mais de se prononcer sur le droit du requérant à obtenir l’indemnité qu’il demande ; la demande de M. X, qui ne s’est pas borné à solliciter la seule annulation de la décision litigieuse, mais a également conclu à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de lui verser une indemnité, relevait d’un contentieux de pleine juridiction ; les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure devant la commission prévue à l’article R. 224-57 du code rural et de la pêche maritime étaient donc inopérants ;

— le requérant a méconnu les règlements pris pour l’application du titre II dudit code ; son cheptel a bien été infecté par la tuberculose due à deux agents bactériens, dont l’un est le plus fréquent chez les bovins, et l’autre le plus fréquent chez l’être humain ; ces deux bactéries sont transmissibles à l’homme ; pendant l’été 2006 et au printemps 2007, le requérant a méconnu l’arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ainsi que l’arrêté préfectoral de mise sous surveillance du 6 avril 2006 ; en effet, l’été 2006, alors que sa manade avait été mise sous surveillance pour suspicion de tuberculose bovine, il a fait sortir un vache de son cheptel sans en avertir les services vétérinaires pour la faire abattre clandestinement ; il a ainsi soustrait la vache en cause à la recherche post mortem des bovinés tuberculeux et empêché la mise en évidence de l’état d’infection du cheptel ; en outre, vingt-deux prélèvements de sang réalisés les 3 et 4 avril 2007 ont fait l’objet d’une falsification par substitution de sang de cheval au sang des bovins, faisant ainsi obstacle à la détermination du taux d’infection et à l’efficacité de l’assainissement du cheptel par abattage sélectif ou total des animaux positifs ;

— les infractions aux mesures de prophylaxie sont particulièrement graves et de nature à priver le requérant de toute indemnisation ; la Camargue est la zone la plus infectée de tuberculose bovine en France ; M. X avait obtenu la mise en œuvre d’une disposition dérogatoire à la règle générale de l’abattage total des troupeaux infectés ; la mauvaise mise en œuvre de la lutte contre la tuberculose en Camargue, et en particulier lors des assainissements par abattage sélectif des animaux positifs, est sans nul doute un facteur de maintien de la maladie dans cette région ;

Vu l’ordonnance en date du 7 mars 2011 par laquelle le président de la 5e chambre de la cour administrative d’appel de Marseille a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X et visant les dispositions de l’article L. 221-2 du code rural ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2011 au greffe de la Cour, présenté pour M. X par Me Christol, avocat ;

M. X persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, sauf à porter à 2 500 euros la demande présentée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient en outre que la décision du 30 mai 2008 est bien une sanction administrative ; elle méconnaît ainsi le principe de non-cumul des peines, l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, et l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il a fait l’objet d’une condamnation pénale pour les mêmes faits par arrêt du 6 mai 2010 de la cour d’appel de Montpellier ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 18 avril 2011, présenté par le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 2 septembre 2013, présenté pour M. X, par Me Christol, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, sauf à porter à 3 500 euros la demande présentée au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient en outre que :

— tant le Conseil d’Etat que le Conseil Constitutionnel ont rallié sa position consistant à considérer que la décision litigieuse du 30 mai 2008 constitue bien une sanction administrative ;

— le Conseil d’Etat a également repris à son compte la position du Conseil Constitutionnel quant à l’exigence de la commission d’infractions aux règles zoosanitaires et que celles-ci aient contribué à la situation à l’origine de l’abattage des animaux pour que l’éleveur soit privé de son droit à indemnité ;

— en l’espèce, si les faits qui lui sont reprochés sont éligibles à la qualification d’infraction aux règles zoosanitaires, ils ne peuvent cependant en aucun cas le priver régulièrement de son droit légitime à percevoir les indemnités concernant la valeur marchande objective de son cheptel abattu en exécution de l’arrêté du 23 juillet 2007, car les faits en cause n’ont jamais pu à aucun moment contribuer à la situation à l’origine de l’abattage de son cheptel de bovins ;

— la sanction administrative infligée à M. X correspond au montant de l’indemnité d’abattage de son cheptel de bovins qu’il aurait dû percevoir et qui lui a été refusé ; ce montant s’élève à 599 832 euros ; la sanction pénale qui lui a été infligée par la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Montpellier par un arrêté du 6 mai 2010 s’élève à la somme de 7 000 euros ; or, le montant le plus élevé des sanctions pénales encourues s’agissant du fait d’avoir fait obstacle au dépistage post-mortem de la tuberculose en soustrayant la vache n° 3449594240 est de 30 000 euros ; la sanction pénale est également de ce même montant s’agissant du fait d’avoir fait obstacle au dépistage de la tuberculose en falsifiant vingt-deux prélèvements sanguins ; dès lors, le montant cumulé de la sanction administrative et de l’amende est de 606 832 euros, montant qui dépasse le montant de la sanction administrative querellée ;

Vu le courrier du 25 octobre 2013 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et précisant la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2 ;

Vu l’avis d’audience adressé le 15 janvier 2014 portant clôture d’instruction en application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu l’arrêté en date du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la brucellose bovine et la lutte contre la tuberculose bovine et caprine ;

Vu l’arrêté du 30 mars 2011 fixant les modalités de l’estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l’administration ;

Vu l’arrêté en date du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;

Vu la décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 janvier 2014 :

— le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;

— les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

— et les observations de Me B-C substituant la SCP Christol & Inquimbert, pour M. Z X.

Après la note en délibéré du 03 février 2014 ; présentée pour M. X par Me Christol ;

1.Considérant qu’à l’occasion d’enquêtes réalisées sur quatre manades infectées par la tuberculose, la direction départementale des services vétérinaires (DDSV) de l’Hérault a constaté des liens épidémiologiques entre le cheptel de M. X et ces manades ; que la DDSV a, en conséquence, le 17 février 2006, demandé à l’intéressé de faire réaliser un dépistage sur les bovins de son troupeau et mis celui-ci le 6 avril suivant, par arrêté préfectoral, sous surveillance ; que, douze bovins ayant présenté un résultat positif suite aux prélèvements effectués du 30 juin au 9 novembre 2006, la DDSV a demandé l’abattage à des fins diagnostiques de ces bovins afin de rechercher des lésions évocatrices de tuberculose et de faire réaliser sur ces lésions une recherche d’agents infectieux de la tuberculose chez l’homme et chez les bovins ; que sept animaux ont présenté des lésions évocatrices de la tuberculose et deux se sont avérés porteurs de mycobactérium bovis ; que, le 13 février 2007, l’exploitation a été placée sous arrêté préfectoral portant déclaration d’infection ; que M. X a alors demandé, et obtenu à titre dérogatoire, la mise en œuvre de l’abattage sélectif des seuls bovins positifs ; que les dépistages opérés du 8 au 17 janvier et du 5 au 19 mars 2007 ont révélé un résultat positif sur sept nouveaux bovins, confirmé par la mise en évidence de lésions tuberculeuses sur ces animaux à la suite de leur abattage diagnostic ; que M. X a finalement demandé l’abattage total de son cheptel, dont la valeur a été évaluée le 10 juillet 2007 à 599 832 euros ; que, cependant, l’intéressé a, lors de l’été 2006, alors que sa manade était mise sous surveillance, fait sortir la vache n° 3449594240, sans le notifier à la DDSV, pour la confier à un tiers afin qu’elle soit abattue clandestinement ; que, de surcroît, il a substitué du sang de cheval au sang de ses bovins dans vingt-deux prélèvements réalisés les 3 et 4 avril 2007 ; que la DDSV a en conséquence informé M. X par courrier du 26 octobre 2007 de son intention de proposer au préfet une décision de non- attribution de l’ensemble des indemnités consécutives à l’abattage total de son troupeau ; qu’après avis du 23 janvier 2008 de la commission instituée par l’article R. 224-7 du code rural, le préfet de l’Hérault a, le 30 mai 2008, refusé de lui attribuer les indemnités concernant la valeur marchande objective de ses animaux suite à l’abattage total du troupeau, et lui a accordé la somme de 93 360 euros au titre des indemnités de renouvellement du cheptel ; que le tribunal administratif, par un jugement du 6 novembre 2009, a rejeté la demande de M. X dirigée contre cette décision et tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité de 599 832 euros ; que M. X s’est pourvu en cassation contre l’arrêt du 9 juin 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, après avoir annulé ledit jugement pour omission à statuer, rejeté la demande de première instance ; que par décision du 17 juillet 2013, le Conseil d’Etat a annulé l’article 2 de cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour ; que, dans le dernier état de ses conclusions, M. X relève appel du jugement sus-analysé en date du 6 novembre 2009 du tribunal administratif de Montpellier, demande l’annulation de la décision du préfet de l’Hérault en date du 30 mai 2008, qu’il soit enjoint à l’Etat de lui verser la somme de 599 832 euros dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et enfin, la mise à la charge de ce dernier d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, seul l’article 2 de l’arrêt de la Cour de céans du 9 juin 2011 a été annulé par la décision du Conseil d’Etat du 17 juillet 2013 ; que l’annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2009 prononcée par l’article 1er dudit arrêt étant dès lors devenue définitive, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la régularité du jugement contesté ; qu’il y a dès lors lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 221-2 du titre II : La lutte contre les maladies des animaux, du code rural dans ses dispositions en vigueur à la date de la décision litigieuse : « Des arrêtés conjoints du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé de l’économie et des finances fixent les conditions d’indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l’ordre de l’administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l’Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l’élimination des animaux. Toute infraction aux dispositions du présent titre et aux règlements pris pour leur application peut entraîner la perte de l’indemnité. La décision appartient au ministre chargé de l’agriculture, sauf recours à la juridiction administrative. » ;

que la décision du 30 mai 2008 par laquelle le préfet de l’Hérault a limité l’indemnisation de M. X à raison de l’abattage de son troupeau à la somme de 93 630 euros a été prise sur le fondement desdites dispositions ; que, par une décision n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012, le Conseil Constitutionnel, saisi d’une demande de M. X, a jugé que la décision administrative de retrait d’indemnité avait le caractère d’une sanction administrative ; que par suite, et contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif, la demande de première instance de M. X ne saurait être regardée comme une action indemnitaire ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. X soutient que la décision litigieuse serait intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors qu’il ne serait pas démontré que la commission prévue par l’article R. 224-57 du code rural qui a rendu son avis le 23 janvier 2008 a été créée par décret pour une durée maximale de cinq ans, que cette création a été précédée de la réalisation d’une étude permettant de vérifier que la mission impartie à la commission répond à une nécessité et n’est pas susceptible d’être assurée par une commission existante, enfin que la composition de la commission était régulière au regard des exigences de l’article R. 224-57 du code rural ; que l’appelant fait également valoir qu’il n’est pas davantage établi que les membres de cette commission ont régulièrement été convoqués et que les règles de quorum ont été respectées ; qu’il ressort toutefois des visas de l’arrêté contesté que la commission consultative prévue à l’article R. 224-57 du code rural a bien rendu un avis le 23 janvier 2008 et que s’agissant des irrégularités qui entacheraient cet avis, M. X se contente de simples allégations sans apporter le moindre commencement de preuve de celles-ci ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l’arrêté du 30 mai 2008 comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et ne peut donc qu’être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si le cumul des sanctions administrative et pénale est admis, il appartient au juge administratif de s’assurer que le montant global des sanctions ainsi prononcées n’excède pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues, soit en l’espèce, la valeur de remplacement du bétail fixée à la somme de 599 832 euros, le plafond de l’amende pénale prévue par les articles 223-7 et 441-6 alinéa 1 du code pénal pour les infractions relevées à l’encontre de M. X étant quant à lui fixé à la somme de 30 000 euros ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a été condamné par un arrêt définitif de la cour d’appel de Montpellier en date du 6 mai 2010, à une amende de 7 000 euros pour les mêmes infractions que celles ayant justifié la réduction de l’indemnité due pour abattage de son troupeau ; que l’indemnité de renouvellement de cheptel accordée à M. X par l’arrêté litigieux ayant été fixée à la somme de 93 360 euros, le montant de la sanction administrative prononcée à l’encontre de l’intéressé correspond à une perte d’indemnité d’un montant de 506 472 euros ; qu’ainsi, le montant global des sanctions prononcées à l’encontre de M. X s’élève à la somme de 513 472 euros, montant qui reste inférieur au montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues, soit 599 832 euros ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-cumul des peines tel que prévu par l’article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 4 du protocole additionnel n°7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les faits à l’origine de la sanction infligée à M. X et pour lesquels il a été condamné par la Cour d’appel de Montpellier ont consisté dans un premier temps à avoir soustrait une vache de son cheptel pour la confier à un tiers en vue de son abattage clandestin au cours de l’été 2006, puis dans un second temps à avoir substitué du sang bovin par du sang équin et ainsi à falsifier vingt-deux prélèvements de sang opérés dans sa manade, faits respectivement réprimés, ainsi qu’il a été dit, par les articles 223-7 et 441-6 alinéa 1 du code pénal ; qu’en agissant de la sorte, M. X a fait obstacle au dépistage précoce de cette épizootie ; qu’il doit dès lors être regardé comme ayant contribué à la propagation du virus et, ce faisant, à la situation à l’origine de l’abattage de son troupeau ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que l’appelant soutient que l’article 14-6° de l’arrêté du 6 juillet 1990 fixant les mesures financières relatives à la lutte contre la tuberculose bovine et caprine, selon lequel les indemnités ne sont pas dues dans le cas où toutes circonstances font apparaître une intention abusive de l’éleveur afin de détourner la réglementation de son objet serait illégal en tant qu’il méconnaîtrait tant le principe de légalité des délits en raison de son caractère évasif et ambigu que celui de sécurité juridique ; que cette disposition est toutefois suffisamment précise et complète et ne soumet pas l’intéressé, contrairement à ce qu’il affirme, à un « risque permanent de se voir à nouveau refuser une indemnité pour abattage » ;

10. Considérant, en sixième lieu, que M. X n’est pas fondé à soutenir que seules les dispositions des articles R. 224-49 et R. 224-57 du code rural, lesquelles sanctionnent l’inobservation par un éleveur des mesures de prophylaxie dans le cadre de l’exploitation habituelle de son élevage, lui étaient applicables, alors qu’il a enfreint, de par son comportement, les règles de prophylaxie prises en application de l’article L. 221-2 de ce même code ;

11. Considérant, en septième et dernier lieu, que le refus d’indemnisation étant fondé, comme il vient d’être dit, sur les dispositions de l’article L. 221-2 du code rural, M. X ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe de légalité des peines en se fondant sur les sanctions prévues aux articles R. 224-49 et R. 224-57 du code rural ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier doit être rejetée ; que ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées en appel ne peuvent par voie de conséquence qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. X la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z X et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera adressée au préfet de l’Hérault.

Délibéré après l’audience du 31 janvier 2014 où siégeaient :

— M. Bocquet, président de chambre,

— M. Pocheron, président-assesseur,

— Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 février 2014.

Le rapporteur, Le président,

E. PENA Ph. BOCQUET

Le greffier,

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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Cour administrative d'appel de Marseille, 28 février 2014, n° 13MA03153