CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15MA04328, Inédit au recueil Lebon

  • Contraventions de grande voirie·
  • Protection du domaine·
  • Personne responsable·
  • Police des ports·
  • Domaine public·
  • Voirie·
  • Contravention·
  • Navire·
  • Justice administrative·
  • Procès-verbal

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

SW Avocats · 2 octobre 2018

Par un arrêt en date du 19 septembre 2018, qui sera mentionné aux Tables du Recueil Lebon, le Conseil d'État a apporté de nouvelles précisions concernant la responsabilité de l'affréteur d'un navire en matière de contravention de grande voirie. En l'espèce, le Navire « European Express » a, lors d'une manœuvre, dégradé les installations du Port autonome de Marseille, devenu depuis le Grand Port Maritime de Marseille. Cette dégradation, constatée par procès-verbal du 6 novembre 2007, a fait l'objet d'un déféré du préfet des Bouches-du-Rhône en vue de l'application d'une contravention de …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 7e ch. - formation à 3, 15 juin 2017, n° 15MA04328
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 15MA04328
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Contentieux répressif
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 27 juillet 2015, N° 1400463
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034971020

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenue d’une contravention de grande voirie, la société Entreprise nationale de transport maritime des voyageurs (ENTMV).

Par un jugement n° 1400463 du 28 juillet 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a condamné la société ENTMV à verser au Grand Port maritime de Marseille la somme de 33 924,47 euros correspondant aux frais de remise en état du domaine public portuaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 novembre 2015, le 2 mars 2017 et le 21 mars 2017, la société ENMTV, représentée par Me A…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 juillet 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – il n’est pas justifié de la compétence du signataire du procès-verbal de contravention ni de celle de l’auteur de la requête introduite devant le tribunal ;

 – le procès-verbal de constat du 6 novembre 2007 est insuffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

 – la notification du procès-verbal a eu lieu plus de six ans après l’événement allégué, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 774-2 du code de justice administrative ;

 – cette notification tardive méconnaît les droits de la défense ;

 – l’action pénale, qui n’est pas dissociable de l’action domaniale, était prescrite ;

 – l’action domaniale était également prescrite en vertu des dispositions de l’article L. 2224 du code civil ;

 – l’action en réparation ne pouvait être portée que devant une juridiction civile, l’action engagée sur le fondement de la contravention de grande voirie étant prescrite ;

 – elle n’avait pas la garde du navire, qu’elle avait affrété à temps ;

 – les sommes mises à sa charge sont manifestement excessives et l’évaluation des travaux n’a pas été contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— le moyen tiré de l’insuffisance de motivation est inopérant ;

 – les autres moyens soulevés par l’appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code des ports maritimes ;

 – le code général de la propriété des personnes publiques ;

 – la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 ;

 – le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,

 – les conclusions de M. Frédéric Salvage, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, représentant la société ENTMV.

1. Considérant que le navire European Express, affrété par la société Entreprise nationale de transport maritime des voyageur (ENTMV), a endommagé, lors d’une manoeuvre d’appareillage, les bollards 4 et 5 du poste 82 du Port autonome de Marseille ; qu’un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 6 novembre 2007 à l’encontre de cette société, en raison de ces dommages ; qu’elle relève appel du jugement du 28 juillet 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille l’a condamnée à verser au Grand Port maritime de Marseille, qui vient aux droits du Port autonome de Marseille, la somme de 33 924,47 correspondant aux frais de remise en état du domaine public portuaire ;

Sur l’exception d’incompétence :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : (…) 3° Aux contraventions de grande voirie, conformément à l’article L. 774-1 du code de justice administrative (…) » ; que l’action en cause dans le cadre du présent litige relève de l’action domaniale consécutive à la répression des contraventions de grande voirie et à la réparation des dommages causés au domaine public à l’occasion d’une telle contravention ; que la prescription de l’action publique en matière de contravention de grande voirie ne s’applique pas, en raison de l’imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés audit domaine ; que l’action domaniale dont la Cour se trouve saisie ne correspond pas, contrairement à ce qui est soutenu, à une action de droit commun tendant à ce qu’il soit statué sur la responsabilité encourue par la personne privée appelante à l’égard du Grand port Maritime de Marseille ; que, par suite, et alors même que l’action publique serait prescrite, la juridiction administrative est bien compétente pour statuer sur le procès-verbal de contravention dressé à l’égard de la société appelante ;

Sur la régularité de la saisine du tribunal :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d’un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (…) La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu’elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d’instance » ;

4. Considérant, en premier lieu, que le mémoire enregistré le 21 janvier 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a saisi le tribunal a été signé par Mme Raphaelle Simeoni, secrétaire générale adjointe ; que, par arrêté n° 2011088-0002 du 29 mars 2011, régulièrement publié dans le recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône du même jour, cette dernière a reçu délégation du préfet pour tous les actes relevant de la compétence de l’Etat dans le département, à l’exception des réquisitions de la force armée, des actes de réquisition du comptable et des arrêtés de conflit ; que cette délégation de signature inclut la notification des procès-verbaux de grande voirie ainsi que la faculté de saisir la juridiction administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait été saisi par une autorité incompétente manque en fait ;

5. Considérant, en second lieu, qu’à supposer que l’agent, dont l’identité apparaît de manière claire et lisible, ayant notifié le procès-verbal de la contravention, ait été incompétent pour y procéder, le dépôt de conclusions par une autorité compétente devant le tribunal administratif a, en tout état de cause, régularisé la procédure ;

Sur le procès-verbal de contravention :

6. Considérant qu’un procès-verbal de contravention de grande voirie, qui traduit la décision de l’administration de constater l’atteinte au domaine public dont la protection est assurée par le régime des contraventions de grande voirie, n’est pas au nombre des décisions visées par les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des décisions administratives ; que le moyen tiré du non-respect par le procès-verbal de contravention de grande voirie de ces dispositions est, par suite, inopérant ;

Sur la prescription du fait de la notification tardive du procès-verbal :

7. Considérant, d’une part, que le procès-verbal de contravention de grande voirie a été notifié à la société appelante près de six ans après les faits, de sorte que l’action publique était prescrite ; que, comme il a été dit au point 2, la prescription de l’action publique en matière de contravention de grande voirie ne s’applique pas, en raison de l’imprescriptibilité du domaine public, à la réparation des dommages causés audit domaine ; que, par suite, et quoiqu’aucune amende ne pût plus être prononcée contre elle, la société appelante n’est pas fondée à soutenir que le montant des dépenses nécessaires à la réparation des installations endommagées ne pouvait plus être légalement mise à sa charge ;

8. Considérant, d’autre part, que, le délai de dix jours prévu par les dispositions précitées n’est pas prescrit à peine de nullité de la procédure ; que si la société appelante soutient que la notification tardive du procès-verbal aurait porté atteinte aux droits de la défense, il ressort des pièces du dossier que, dès la fin du mois de novembre 2007, elle a été informée des dommages occasionnés par le navire European Express lors de la manoeuvre d’appareillage, et de ce que le montant des frais de remise en état des installations serait porté à sa connaissance ; que, par lettre du 8 décembre 2007, elle a répondu que la réclamation du Port autonome devait être transmise à l’agent de l’armateur du Navire European Express à Marseille ; que le 24 novembre 2009, le Grand Port Maritime de Marseille a porté à sa connaissance le montant, s’élevant à 33 924,47 euros, des frais de remise en état des installations, réalisée au printemps 2009 ; qu’à ce courrier étaient annexées huit pièces correspondant aux bons de commande et factures relatives à ces travaux et comportant leur détail ; que la société y a répondu le 9 février 2010, sans formuler d’observation sur la nature ou le montant des dépenses, mais en se bornant à faire valoir que ces travaux ne pouvaient lui être imputés et devaient l’être à l’armateur ou au commandant de bord ; qu’il résulte de ces éléments que la tardiveté de la notification n’a pas mis la société appelante dans l’ignorance durable des faits qui lui étaient reprochés ni dans l’impossibilité de réunir des éléments de preuve utiles pour sa défense ;

Sur la personne poursuivie :

9. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1966, sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, devenu l’article L. 5423-1 du code des transports : « Par le contrat d’affrètement, le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d’un affréteur. » ; qu’aux termes de l’article 7 de la loi précitée, devenu l’article L. 5423-10 de ce code : « Par le contrat d’affrètement à temps, le fréteur s’engage à mettre un navire armé à la disposition de l’affréteur pour un temps défini » ; que selon l’article 20 du décret du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, désormais codifié à l’article R. 5423-12 du code des transports : « Le fréteur conserve la gestion nautique du navire » ; qu’aux termes de l’article 21 du même décret, codifié à l’article R. 5423-13 du code des transports : « La gestion commerciale du navire appartient à l’affréteur (…) » ; qu’ainsi, en dehors des cas où seule la gestion commerciale du navire est en cause, le fréteur à temps qui, restant maître de la gestion nautique, conserve le contrôle du navire, doit être regardé comme celui qui en a la garde ;

10. Considérant que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est non seulement celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage, mais encore celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l’action qui est à l’origine de l’infraction ; qu’il est constant que la société ENTMV a affrété le navire European Express dans le cadre d’un contrat d’affrètement à temps ; que s’il ne résulte pas de l’instruction que la gestion commerciale du navire soit en cause dans les dommages causés au domaine public portuaire lors des manoeuvres d’appareillage, il n’en demeure pas moins que l’action à l’origine de l’infraction a été commise pour le compte de la société appelante, bénéficiaire de la prestation de service effectuée à son profit par le fréteur à temps ; qu’elle pouvait, par suite, être tenue pour l’auteur de la contravention de grande voirie causée par ce navire et ce, alors même que l’autorité préfectorale aurait également pu poursuivre, en sa qualité de gardien du bâtiment de mer, le fréteur ;

Sur l’évaluation des sommes réclamées à la société appelante :

11. Considérant, en premier lieu, que l’évaluation du montant des réparations dues par l’auteur des dommages causés au domaine public, si elle peut être discutée contradictoirement devant le juge, n’est pas soumise au principe du contradictoire ; que la réalisation des travaux de remise en état n’est pas subordonnée à la réalisation d’une expertise ni à ce que le devis estimatif du montant des réparations soit établi de façon contradictoire ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que les sommes qui ont été réclamées à la société appelante sont excessives par rapport au coût de la remise en état du domaine public, qu’elles portent sur la réparation de dégâts autres que les seuls dommages causés par le navire ou qu’elles présentent un caractère anormal ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société ENTMV n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l’a condamnée à verser au Grand Port maritime de Marseille la somme de 33 924,47 euros correspondant aux frais de remise en état du domaine public portuaire ; que doivent, par suite, être également rejetées ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D É C I D E :


Article 1er : La requête de la société ENTMV est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l’audience du 30 mai 2017, où siégeaient :

— M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative,

 – M. Chanon, premier conseiller,

 – Mme B…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.


15MA04328 2

bb



Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de MARSEILLE, 7ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15MA04328, Inédit au recueil Lebon