Cour administrative d'appel de Marseille, 18 juin 2018, n° 17MA00710

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 18 juin 2018, n° 17MA00710
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 17MA00710
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 15 décembre 2016, N° 1402264

Sur les parties

Texte intégral

jbd COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 17MA00710

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SOCIETE PEOPLE & BABY

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Grimaud

Rapporteur

___________

La cour administrative d’appel de Marseille M. X

Rapporteur public 6ème chambre ___________

Audience du 4 juin 2018 Lecture du 18 juin 2018 ___________ 39-04 C

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société People & Baby a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal de condamner solidairement la commune du Pontet et le centre communal d’action sociale (CCAS) du Pontet au paiement d’une somme globale de 3 716 183,83 euros augmentée des intérêts de retard en réparation des préjudices subis du fait des conditions d’exécution du marché public de réservation de berceaux dans la crèche qu’elle gère ainsi que du bail commercial l’unissant à la commune, et à titre subsidiaire, de condamner la commune de Pontet au paiement de la somme globale de 3 101 539,94 euros augmentée des intérêts de retard et le CCAS du Pontet au paiement de la somme globale de 1 446 250 euros augmentée des intérêts de retard.

Par un jugement n° 1402264 du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 février 2017 et le 29 janvier 2018, la société People & Baby, représentée par Me de Gaulle, demande à la Cour :



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1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement la commune du Pontet et le centre communal d’action sociale (CCAS) du Pontet à lui verser les sommes de :

- 1 558 142 euros correspondant à la part non amortie, au 31 décembre 2013, des travaux qu’elle a réalisés ;

- 576 000 euros correspondant aux loyers indûment mis à sa charge ;

- 1 696,94 euros, correspondant aux charges d’entretien indûment mis à sa charge ;

- 608 951 euros, correspondant à ses pertes d’exploitation ;

- 770 250 euros, en dédommagement des prestations fournies pendant la période de mai à septembre 2012 ;

- 100 000 euros augmentés des intérêts de retard au titre de son préjudice d’image ;

3°) à titre subsidiaire de condamner, d’une part, la commune du Pontet à lui verser les sommes de 1 558 142 euros correspondant à la part non amortie des travaux, de 1 696,94 euros, correspondant aux charges d’entretien indûment mises à sa charge, de 608 951 euros, correspondant à ses pertes d’exploitation, de 256 750 euros en réparation des préjudices imputables à la résiliation du contrat et de 100 000 euros au titre de son préjudice d’image et, d’autre part, le CCAS du Pontet au paiement des sommes de 576 000 euros, correspondant aux loyers indûment mis à sa charge, de 770 250 euros en dédommagement des prestations fournies pendant la période de mai à septembre 2012 et de 100 000 euros au titre de son préjudice d’image ;

4°) de majorer ces sommes des intérêts moratoires et de leur capitalisation en ce qui concerne la somme de 770 250 euros correspondant aux prestations fournies de mai à septembre 2012 ;

5°) de mettre une somme de 6 000 euros chacun à la charge de la commune de Pontet et du CCAS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de réorganisation du service public de la petite enfance est entachée de détournement de pouvoir dès lors que l’investissement qu’elle a réalisé dans la crèche est désormais propriété du CCAS ;

- elle n’a pas été rémunérée pour les prestations effectuées de mai à septembre 2012 et est dès lors fondée à en demander le paiement sur le terrain de l’enrichissement sans cause ;

- le CCAS a commis une faute en résiliant unilatéralement le marché ;

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée pour défaut de contrôle du CCAS.



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Par un mémoire enregistré le 8 mai 2017, la commune du Pontet et le CCAS du Pontet, représentés par Me Jaouen, concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société People & Baby, à verser à chacun d’eux, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la société People & Baby sont infondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture de l’instruction a été fixée au 2 février 2018.

Par une lettre en date du 17 mai 2018, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l’affaire était susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrégularité du jugement attaqué pour méconnaissance de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu’il statue sur les conclusions dirigées contre la commune du Pontet alors que la société People and Baby a conclu avec la commune un bail de droit privé.

Par un mémoire du 30 mai 2018, la société People & Baby a répondu à ce moyen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d’appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Philippe Grimaud, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Renaud X, rapporteur public.

1. Considérant que la société People & Baby a conclu le 23 décembre 2010 avec le centre communal d’action sociale (CCAS) du Pontet un marché public de services portant sur la réservation, au profit de la commune, de vingt-cinq berceaux au sein de la nouvelle crèche collective « Pom’Malices », aménagée par la société dans un local commercial propriété de M. Y, avec lequel elle avait conclu un bail commercial d’une durée de dix ans ; que le centre communal d’action sociale du Pontet a acquis le bâtiment appartenant à M. Y par acte du 27 juin 2012 ; que la société People et Baby a demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, la condamnation solidaire de la commune et du CCAS du Pontet à réparer les préjudices qu’elle estime avoir subis à raison de cette opération ;



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Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si le bâtiment accueillant la crèche est propriété du CCAS, il résulte de l’instruction que la gestion de cet équipement est assurée par la société People & Baby à titre purement privé et que celui-ci n’est pas affecté à un service public ; qu’il s’ensuit que le bien en cause n’appartient pas au domaine public communal ; qu’il résulte par ailleurs de l’instruction que le bail conclu le 19 octobre 2010 entre la société People & Baby et M. Y et transféré au CCAS par l’effet de la cession du bien, ne comporte aucune clause impliquant dans l’intérêt général qu’il relève d’un régime exorbitant de droit public ; qu’il en résulte que ce bail afférent à la gestion du domaine privé demeure soumis à la législation sur les baux commerciaux et constitue dès lors un contrat de droit privé ; qu’il en résulte que le litige soulevé par la société People & Baby quant au refus réel ou supposé de résiliation de ce bail et à la prise en charge des dépenses d’entretien de l’immeuble relève de la seule compétence des tribunaux judiciaires ; qu’il y a lieu, dès lors, d’annuler le jugement attaqué comme irrégulier en ce qu’il a statué sur cette demande ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés » ;

4. Considérant que le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré, par la requérante, de l’illégalité de l’avenant de prolongation du marché qui lui a été proposé par le CCAS ; que la société People & Baby est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société People & Baby ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

6. Considérant que pour les motifs exposés au point 2 ci-dessus, l’action en responsabilité contractuelle fondée par la société People & Baby sur les stipulations du bail conclu avec la commune du Pontet ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ; qu’il y a lieu dès lors de les rejeter comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur le surplus des conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

7. Considérant qu’aux termes des stipulations de l’article 3 de l’acte d’engagement du marché attaqué : « Le délai d’exécution des prestations est de douze mois, reconductible expressément trois fois. / Le délai d’exécution court à compter du 2 mai 2011. / Le marché sera reconduit dans les conditions prévues au C.C.A.P. » ; qu’aux termes des stipulations de l’article 1er de l’avenant conclu le 28 juillet 2011 : « Le présent avenant a pour objet : / la modification de la date de commencement du délai d’exécution des prestations : initialement prévue le 2 mai 2011, la date d’ouverture de la crèche Pom/Malice, gérée par la société People and Baby, n’a eu lieu que le 10 mai 2011. Le délai d’exécution court donc à compter de cette date » ; qu’aux termes des stipulations de l’article 3 du cahier des clauses administratives particulières : « Reconduction du marché : le présent marché pourra être reconduit dans les conditions suivantes : le marché a une durée de 12 mois fermes à compter du 1er mai 2011, reconductible expressément trois fois pour une période de 12 mois, sans que sa durée totale ne puisse excéder 48 mois. » ;



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8. Considérant qu’il résulte de ces stipulations que le délai d’exécution du marché, qui a commencé à courir à compter du 10 mai 2011, a expiré le 10 mai 2012 ; que contrairement à ce que soutient la société People & Baby, ni le courrier qu’elle a adressé à la commune le 4 novembre 2011, ni le projet d’avenant n° 2 qui lui a été proposé par le CCAS le 21 mai 2012 ne révèlent l’existence d’une décision de reconduction du marché ; qu’en l’absence de la décision expresse de reconduction prévue par le contrat, celui-ci a pris fin le 10 mai 2012 par suite de l’arrivée à son terme, la circonstance que l’avenant proposé par la commune aurait été irrégulier, à la supposer démontrée, étant sans incidence sur ce point dès lors que cet avenant était en tout état de cause postérieur à la date d’expiration du marché ; que la société People & Baby n’est dès lors, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le marché aurait été résilié, ni que la responsabilité contractuelle du CCAS serait engagée à raison de cette mesure ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle pour faute :

9. Considérant, en premier lieu, qu’il ne résulte nullement de l’instruction et qu’il n’est pas davantage démontré que la décision prise par la commune et le CCAS du Pontet d’acquérir l’immeuble où se trouve installée la crèche aménagée par la société People & Baby aurait eu pour objet la perception d’une subvention d’investissement de la caisse d’allocation familiale en lieu et place de la société requérante et l’éviction directe ou indirecte de la société en vue de bénéficier des travaux qu’elle a réalisés dans cet immeuble ; qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que cette décision reposerait sur un motif étranger à l’intérêt général ou que la commune et le CCAS auraient, en procédant à cette acquisition, usé de leurs prérogatives dans un objet autre que ceux pour lesquelles ces prérogatives leur ont été confiées ; que la société People & Baby n’est dès lors pas fondée à soutenir, à supposer même que cette décision puisse être regardée comme constituant, avec la décision de non reconduction du marché, comme une réorganisation du service public communal de l’accueil de la petite enfance, que la commune ou le CCAS du Pontet auraient commis un détournement de pouvoir ;

10. Considérant, en second lieu, que la société People & Baby ne caractérise pas la consistance de la faute que la commune du Pontet aurait commise dans l’exercice de son pouvoir de contrôle sur le CCAS, ni ne démontre l’existence de cette faute ;

En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle sans faute :

11. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus au considérant 9, la non-reconduction du marché de service dont était titulaire la requérante et l’achat de l’immeuble où est implantée la crèche ne caractérisent, à elles seules, aucune décision de réorganisation du service public communal révélant la rupture d’un accord préexistant entre les parties ou d’une promesse unilatérale de la commune, dont la société People & Baby n’établit d’ailleurs pas l’existence ; que la requérante n’est dès lors pas fondée à soutenir qu’en adoptant ces deux mesures dans le cadre, respectivement, de son pouvoir contractuel et de son pouvoir de gestion de son domaine, la commune lui aurait causé un préjudice anormal et spécial de nature à lui ouvrir droit à indemnité sur le fondement de la responsabilité de la puissance publique à raison de la rupture d’égalité devant les charges publiques ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société People & Baby n’est pas fondée à engager la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de la commune ou du CCAS du Pontet ;



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En ce qui concerne l’enrichissement sans cause :

13. Considérant que si la société People & Baby fait valoir que des enfants lui auraient été confiés par la commune ou le CCAS dans le cadre du marché de prestation de service conclu le 23 décembre 2010 au-delà de l’achèvement des relations contractuelles et que leur affectation dans son établissement aurait été maintenue par la commune de mai à septembre 2012, elle ne démontre pas qu’elle se serait appauvrie au bénéfice de la commune en accueillant ces quinze enfants pendant cette période ; qu’elle n’est par suite pas fondée à demander la condamnation de la commune et du CCAS du Pontet à lui verser une somme quelconque au titre de l’enrichissement sans cause ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société People & Baby doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions s’opposent à ce que la somme réclamée par la société People & Baby au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune et du CCAS du Pontet, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la requérante une somme de 1 000 euros à verser respectivement à la commune du Pontet et au CCAS du Pontet en application de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1402264 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société People & Baby sur le fondement du contrat de bail conclu avec la commune du Pontet sont rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente.



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Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 17MA00710 est rejeté.

Article 4 : La société People & Baby versera une somme de 1 000 euros à la commune du Pontet et une somme de 1 000 euros au CCAS du Pontet au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société People & Baby, au CCAS du Pontet et à la commune du Pontet.

Délibéré après l’audience du 4 juin 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2018.

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