CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 15 juin 2020, 19MA03034, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 6e ch., 15 juin 2020, n° 19MA03034
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA03034
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 27 juin 2019, N° 420776
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042040372

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler les marchés conclus par la communauté d’agglomération de la Riviera française au titre des lots n° 1 « maintenance et fourniture des bacs à déchets », n° 2 « maintenance des points d’apport volontaire », n° 3 « fourniture de points d’apport volontaire », n° 4 « lavage des bacs à déchets et des points d’apport volontaire » et n° 6 « fourniture de sacs poubelle » de l’opération de fourniture, de maintenance et de lavage des moyens de pré-collecte des déchets ménagers.

Par un jugement n° 1500101 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande comme irrecevable.

Par un arrêt n° 16MA02355 du 19 mars 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement, a annulé le marché conclu au titre du lot n° 3 et a sursis à statuer sur les conclusions en annulation visant les marchés afférents aux lots nos 1, 2, 4 et 6.

Par une décision n° 420776 du 28 juin 2019, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi formé par la société Plastic omnium systèmes urbains, a annulé cet arrêt du 19 mars 2018 en tant qu’il a fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l’annulation du marché relatif au lot n° 3, dont cette société était attributaire, et a renvoyé l’affaire, dans cette mesure, devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par la requête enregistrée initialement sous le n° 16MA02355 le 15 juin 2016 et désormais reprise, après cassation, sous le n° 19MA03034, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1500101 du 8 avril 2016 ;

2°) de prononcer l’annulation ou, à défaut, la résiliation du contrat en cause.

Il soutient que :

 – son déféré n’était pas tardif dès lors que sa lettre d’observations avait suspendu le délai du recours contentieux ;

 – l’avis d’appel public à concurrence ne mentionnait pas les modalités de paiement du marché ;

 – il ne mentionnait pas davantage la quantité ou l’étendue du marché ;

 – le règlement de consultation du marché et l’avis d’appel public à concurrence étaient contradictoires quant à la pondération des critères et seuls les candidats en ont été informés par courrier rectificatif ;

 – la formule de calcul du prix mise en oeuvre lors de l’analyse des offres ne respectait pas celle prévue par le règlement de consultation du marché ;

 – le calcul du prix des offres effectué dans le rapport d’analyse des offres repose sur des quantités différentes de celles mentionnées dans le cahier des clauses techniques particulières ;

 – en l’absence de transmission aux soumissionnaires d’un détail quantitatif estimatif ou d’un devis descriptif détaillant la nature des matériels et des prestations à effectuer, la notation des offres sur la base de quantités modifiées par rapport aux documents de consultation a affecté la possibilité de formuler des offres pertinentes ;

 – le sous-critère « qualité du mémoire » n’ayant pas de rapport direct avec la valeur économique des offres, son utilisation est irrégulière.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2016 sous le n° 16MA02355 et, après renvoi par le Conseil d’État, par un mémoire enregistré le 4 février 2020 sous le n° 19MA03034, la communauté d’agglomération de la Riviera française conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, en cas d’annulation du marché, à ce que les effets soient différés jusqu’à la date de régularisation du contrat et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l’État la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le déféré est tardif, la lettre d’observations n’ayant pu interrompre le délai de recours ;

 – l’avis d’appel public à concurrence est suffisamment renseigné et ses éventuelles carences n’ont pu avoir aucun effet sur les garanties offertes aux candidats et le choix du cocontractant ;

 – le sous-critère « qualité du mémoire » est lié à l’objet du marché ;

 – le préfet ne démontre pas que l’utilisation de ce sous-critère ait affecté son consentement ou révélé une volonté de favoriser un candidat ;

— la modification de la pondération des critères de sélection n’était pas substantielle car elle s’est bornée à reprendre ceux prévus dans l’avis d’appel public à concurrence ;

 – elle n’était pas tenue de porter la méthode de notation des offres à la connaissance des candidats et le calcul des prix des offres a respecté la méthode annoncée ;

 – les quantités à traiter retenues dans l’analyse des offres étaient conformes à celles prévues au cahier des clauses techniques particulières ;

 – le rejet des candidatures des sociétés Sud location voirie et Celio plastic est justifié par le caractère incomplet de leur dossier de candidature.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2017 sous le n° 16MA02355 et, après renvoi par le Conseil d’État, par un mémoire enregistré le 9 août 2019 sous le n° 19MA03034, la société Sulo France, venant aux droits de la société Plastic omnium systèmes urbains, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’État la somme de 7 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le déféré est tardif, la lettre d’observations n’ayant pu interrompre le délai de recours ;

 – aucune des illégalités invoquées par le préfet n’est d’une gravité telle qu’elle ne pourrait être régularisée ;

 – l’avis d’appel public à concurrence était correctement renseigné ;

 – les critères de sélection n’ont pas été modifiés ;

 – le calcul des prix des offres a respecté la méthode de notation annoncée ;

 – l’utilisation du sous-critère « valeur du mémoire » était justifiée ;

 – l’annulation ou la résiliation des marchés porterait atteinte à l’intérêt général.

Par ordonnance du 5 février 2020, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 14 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code des marchés publics ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme B… C…, rapporteure,

 – et les conclusions de M. A… Thiele, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d’agglomération de la Riviera française a lancé en juin 2014 une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la conclusion de marchés à bons de commande sans minimum ni maximum d’une durée de trois ans portant sur une opération, divisée en six lots, relative à la fourniture, à la maintenance et au lavage des moyens de pré-collecte des déchets ménagers. La société Plastic omnium systèmes urbains s’en est vue attribuer, le 2 septembre 2014, le lot n° 3, « fournitures de points d’apport volontaire ». Le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 8 avril 2016, rejeté comme tardive et, par suite, irrecevable la requête du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l’annulation des lots nos 1, 2, 3, 4 et 6 de l’opération. Par un arrêt du 19 mars 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel par le préfet, annulé ce jugement et, d’une part, annulé le marché conclu le 2 septembre 2014 par la communauté d’agglomération de la Riviera française avec la société Plastic omnium systèmes urbains au titre du lot n° 3, « fourniture de points d’apport volontaire », d’autre part, sursis à statuer sur les conclusions dirigées contre les marchés afférents aux autres lots. Sur pourvoi de la société Plastic omnium systèmes urbains, le Conseil d’État a, par une décision n° 420776 du 28 juin 2019, annulé cet arrêt en tant qu’il a fait droit aux conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l’annulation du marché relatif au lot n° 3 et renvoyé l’affaire, dans cette mesure, devant la Cour.

Sur la recevabilité du déféré :

2. Selon l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l’article L. 5211-3 du même code : « Le représentant de l’État dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (…) ».

3. Lorsque, dans le délai de deux mois indiqué à l’article L. 2131-6 précité, le préfet, préalablement à l’introduction d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, saisit l’autorité compétente d’un recours gracieux, celui-ci interrompt le délai de recours contentieux.

4. En l’espèce, le contrat en litige a été reçu en préfecture le 4 septembre 2014 et le préfet des Alpes-Maritimes a adressé au président de la communauté d’agglomération de la Riviera française, le 29 octobre suivant, une lettre d’observations relevant plusieurs irrégularités, sollicitant la production de documents et demandant le retrait de l’ensemble des lots composant le marché. Cette lettre, constitutive d’un recours gracieux, a ainsi interrompu le délai de recours contentieux, lequel a recommencé à courir le 14 novembre 2014, date à laquelle le préfet a réceptionné la réponse du président de la collectivité. Par suite, et contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le déféré introduit par le préfet des Alpes-Maritimes, enregistré au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2015, n’était pas tardif.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa demande et a rejeté cette dernière comme irrecevable. Il s’ensuit que ce jugement, en tant qu’il porte sur le marché afférent au lot n° 3 de l’opération litigieuse, doit être annulé.

6. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement, dans cette même mesure, sur le déféré présenté par le préfet des Alpes-Maritimes devant le tribunal administratif de Nice.

Sur la régularité de la procédure de passation du marché :

En ce qui concerne l’avis d’appel public à la concurrence :

7. Aux termes de l’article 40 du code des marchés publics alors en vigueur : « I. – En dehors des exceptions prévues aux II et III de l’article 28 ainsi qu’au II de l’article 35, tout marché ou accord-cadre d’un montant égal ou supérieur à 15 000 euros HT est précédé d’une publicité, dans les conditions définies ci-après. / (…) / III. (…) / 2° Lorsque le montant estimé du besoin est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l’article 26, le pouvoir adjudicateur est tenu de publier un avis d’appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l’Union européenne, ainsi que sur son profil d’acheteur. Cet avis est établi conformément au modèle fixé par le règlement de la Commission européenne établissant les formulaires standard pour la publication d’avis en matière de marchés publics. / (…) ». Le I de l’article 5 du code des marchés publics, alors applicable, prescrit par ailleurs au pouvoir adjudicateur de déterminer « la nature et l’étendue des besoins à satisfaire … avec précision avant tout appel à la concurrence. ».

8. D’une part, le modèle d’avis d’appel public à la concurrence issu des dispositions de l’annexe II du règlement d’exécution (UE) n° 842/2011 de la Commission du 19 août 2011 établissant les formulaires standard pour la publication d’avis dans le cadre de la passation de marchés publics comporte une rubrique II.2 « Quantité ou étendue du marché » dans laquelle le pouvoir adjudicateur doit indiquer l’importance quantitative des prestations qu’il entend confier à l’opérateur unique ou aux opérateurs multiples avec lequel ou lesquels il envisage de contracter et, le cas échéant, la valeur en chiffres estimée hors TVA du marché ou une fourchette monétaire exprimant cette valeur.

9. En l’espèce, la rubrique II. 2 de l’avis d’appel à la concurrence publié en vue de l’attribution du marché litigieux se borne à indiquer la nature des prestations relevant de chaque lot, en l’occurrence, pour le lot n° 3, « la fourniture de points d’apport volontaire », sans faire état d’aucune donnée quantitative de nature à renseigner les éventuels candidats sur l’ampleur des prestations en cause. La circonstance que le règlement de consultation du marché comportait, lui, davantage de précisions sur ce point n’est pas de nature à compenser l’insuffisance des mentions de l’avis d’appel public à concurrence dès lors que ce règlement ne fait pas l’objet des mêmes mesures de publicité et n’a vocation à être remis qu’aux entreprises qui manifestent leur intérêt pour le marché en cause auprès du pouvoir adjudicateur.

10. D’autre part, le modèle d’avis d’appel public à la concurrence issu des dispositions de l’annexe II du règlement d’exécution (UE) n° 842/2011 de la Commission du 19 août 2011 comporte une rubrique III.1.2 « modalités essentielles de financement et de paiement et/ou références aux textes qui les règlementent » dans laquelle le pouvoir adjudicateur doit indiquer, ne serait-ce que de manière succincte, la nature des ressources qu’il entend mobiliser pour financer l’opération faisant l’objet du marché, qui peuvent être ses ressources propres, des ressources extérieures publiques ou privées ou des contributions des usagers

ainsi que les modalités de règlement du prix du marché.

11. En l’espèce, la rubrique III.1.2 de l’avis d’appel à la concurrence litigieux se borne à comporter la mention « Budget principal » sans autre précision. Cette mention ne fait référence qu’aux modalités essentielles de financement du marché, impliquant les ressources propres de la collectivité, mais n’apporte aucune indication, même succincte, relative aux modalités essentielles de paiement des prestations. Les autres rubriques de l’avis ne renseignaient pas davantage sur ce point et il est indifférent, pour la raison déjà énoncée au point 9, que le règlement de consultation ait été à cet égard plus complet.

12. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à invoquer l’insuffisance de l’avis d’appel à la concurrence et, de ce fait, un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

En ce qui concerne la contradiction affectant les critères de sélection :

13. En vertu de l’article 40 du code des marchés publics alors en vigueur, « (…) tout marché doit être précédé d’une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective.(…) ». Ces dispositions imposent à la personne publique, lorsqu’elle apporte des modifications substantielles aux conditions de la consultation, de reprendre à son commencement la procédure et, notamment, de publier un avis d’appel public à la concurrence rectificatif.

14. Alors que la rubrique IV.2. relative aux « critères d’attribution » de l’avis d’appel public à concurrence mentionne que l’offre économiquement la plus avantageuse serait appréciée en fonction de la valeur technique, critère assorti d’une pondération de 60 %, et du prix des prestations, critère assorti d’une pondération de 40 %, et que les dispositions littérales de l’article 5 du règlement de consultation présentent les critères de la valeur technique et du prix des prestations comme assortis des mêmes pourcentages de pondération, le tableau de décomposition inséré à cet article 5 affecte, en revanche et de manière inversée, une pondération de 60 % au critère du prix et répertorie les cinq sous-critères d’appréciation de la valeur technique en leur affectant des taux dont le cumul atteint, pour l’ensemble de ce critère, un pourcentage de pondération de 40. Par un courrier en date du 1er juillet 2014, le président de la communauté d’agglomération de la Riviera française a averti les candidats ayant manifesté leur intérêt pour le marché de l’existence d’une « erreur matérielle » affectant les critères de sélection des offres et les a informés que le critère de la valeur technique serait évalué en tenant compte d’une pondération de 40 % tandis que le critère du prix des prestations serait assorti d’une pondération de 60 %. La correction ainsi apportée par ce courrier, qui a eu pour effet d’inverser la pondération appliquée aux deux critères de jugement des offres, telle qu’elle ressortait des documents initiaux de la consultation, et notamment de l’avis d’appel public à concurrence, doit être regardée comme substantielle. Elle exigeait dès lors, comme le soutient le préfet des Alpes-Maritimes, la publication d’une avis d’appel à la concurrence rectificatif à défaut duquel la communauté d’agglomération de la Riviera française a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

En ce qui concerne la méthode de notation utilisée :

15. Selon l’article 5.1 du règlement de consultation du marché, relatif aux critères d’attribution : « (…) Au stade de l’offre : / Le choix de l’attributaire est fondé sur l’offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés ci-dessous avec leur pondération sous forme de pourcentages / (…) / Pour l’application du critère » prix des prestations ", il sera tenu compte du montant total résultant de la somme de tous les prix forfaitaires indiqués par les candidats dans le bordereau de prix unitaire. / La note sera calculée de la façon suivante : / N = (Po/P) x NPo / où N est la note (prix) du candidat évalué, P est le prix proposé par le candidat noté, Po est le prix du candidat le moins disant et NPo est la note obtenue par le candidat le moins disant. ". Le règlement de la consultation d’un marché est obligatoire dans toutes ses mentions.

16. Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment du rapport d’analyse des offres, que les notes attribuées aux différentes offres portant sur le lot n° 3, en ce qui concerne le critère « prix des prestations », ont été obtenues après la mise en oeuvre de la formule N = (Po/P) x NPo sur la base de cinq des dix coûts unitaires de points d’apport volontaire indiqués par les candidats, multipliés par un nombre d’unités rendant compte de l’estimation, par la communauté d’agglomération, de ses besoins. Cette méthode de notation, qui a abouti à la détermination de la note finale en n’utilisant que la moitié des coûts unitaires fixés par les soumissionnaires dans leurs offres et en les appliquant à des quantités, est contraire aux dispositions précitées de l’article 5.1 du règlement de la consultation. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que la notation des offres a été irrégulière et, la circonstance que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu de porter sa méthode de notation à la connaissance des candidats est sans incidence sur le bien-fondé de ce moyen dès lors qu’il était en tout état de cause contraint de respecter les dispositions du règlement de la consultation.

En ce qui concerne la modification des quantités utilisées :

17. Il résulte de l’instruction que la communauté d’agglomération de la Riviera française a analysé, s’agissant du lot de fourniture de points d’apport volontaire, les offres des candidats sur la base de besoins estimés annuels, en l’occurrence quatre points d’apport volontaire aérien de 4 mètres cubes et neuf points d’apport volontaire enterrés de 5 mètres cubes alors que les articles 5.1.3.3 et 5.1.4.4 du cahier des clauses techniques et particulières prévoyaient respectivement, au titre des estimations annuelles pour les fournitures de colonnes d’apport volontaire aérienne, un volume entre 0 et 30 et, pour les colonnes d’apport volontaire enterrées, un volume entre 0 et 20. Il n’est pas démontré que le contenu de ces besoins estimés ne correspondrait pas à l’objet du marché, de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé, ni que les offres proposées par les différents candidats aurait été reconstituées en recourant à des simulations différentes. Il n’est pas davantage établi, les offres des candidats se situant dans un même ordre de prix, que les volumes mentionnés aux articles 5.1.3.3 et 5.1.4.4 du cahier des clauses techniques et particulières auraient mis un ou des candidats dans l’impossibilité de formuler une offre pertinente. Aucune irrégularité n’a donc été commise à cet égard.

En ce qui concerne l’utilisation du sous-critère « qualité du mémoire » :

18. Aux termes de l’article 53 du code des marchés publics alors en vigueur : " I. – Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d’utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution, la sécurité d’approvisionnement, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l’objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix.(…) ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur est tenu, pour attribuer le marché, de se fonder exclusivement sur la valeur intrinsèque des offres.

19. L’article 5.12 du règlement de consultation prévoyait, pour le lot n° 3, que le critère de la « valeur technique de l’offre » était pondéré à hauteur de 40 % et décomposé en cinq sous-critères relatifs aux « qualités techniques des modèles proposés », à « la valeur environnementale », aux « délais de livraison », à la « qualité du mémoire » et à « l’esthétique ». Si le pouvoir adjudicateur n’a pas clairement précisé, dans les documents de consultation, ses attentes quant au sous-critère « qualité du mémoire », qui représentait 12,5 % de la note attribuée au titre de la valeur technique de l’offre, il ressort des annotations portées sur le tableau d’analyse des offres que ce sous-critère avait pour objectif d’évaluer la qualité de la présentation des dossiers des entreprises sans aucunement s’attacher aux éléments caractérisant la qualité intrinsèque de leurs offres. Dès lors, ce sous-critère ne satisfait pas aux exigences des dispositions précitées.

En ce qui concerne la méconnaissance de la délibération du 30 juin 2014 :

20. Si, alors que la délibération du conseil communautaire du 30 juin 2014 a autorisé le président de la communauté d’agglomération de la Riviera française à signer, pour les prestations ici en cause, un « marché à bons de commande avec un maximum dont les crédits alloués pour la période totale du marché, soit 3 ans, sont de 2,5 millions d’euros », le marché conclu par le président correspondant au lot n° 3 ne comportait aucun maximum et méconnaissait ainsi l’autorisation qui lui avait été conférée par l’assemblée délibérante, ce vice a été régularisé par une délibération en date du 19 avril 2018, par laquelle le conseil communautaire a habilité son président à conclure ces marchés sans maximum. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur les conséquences des vices constatés :

21. Il appartient au juge du contrat, lorsqu’il est saisi par le représentant de l’État d’un déféré contestant la validité d’un contrat, d’apprécier l’importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Ainsi, ce n’est que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité devant être relevé d’office que le juge peut prononcer son annulation, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

22. Le préfet des Alpes-Maritimes, tant dans ses écritures de première instance que celles présentées en appel, demande l’annulation du marché et, à défaut, en sollicite la résiliation.

En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation du marché passé pour le lot n° 3 :

23. Les vices tirés de l’absence de précisions des éléments permettant d’apprécier l’étendue du marché et les modalités essentielles de paiement ainsi que celui tiré du défaut de publication d’un avis rectificatif n’ont pas pour effet de conférer au contrat litigieux un contenu illicite ni de l’affecter d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une gravité telle que le juge devrait la relever d’office. Il en est de même de l’illégalité résultant de l’utilisation d’un sous-critère sans lien avec l’objet du marché et de l’illégalité entachant la méthode de notation utilisée en méconnaissance de l’article 5.1 du règlement de consultation du marché, quand bien même, en leur absence, le marché eût été attribué à l’entreprise Contenur plutôt qu’à la société Plastic omnium systèmes urbains, dans la mesure où ces vices ne révèlent pas une volonté de la personne publique de favoriser un candidat. Dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes n’est pas fondé à demander l’annulation des marchés relatifs au lot n° 3 en raison de ces irrégularités.

En ce qui concerne les conclusions à fin de résiliation du marché passé pour le lot n° 3 :

24. Le marché relatif au lot n° 3 a été conclu le 2 septembre 2014 pour une durée de trois ans et a été intégralement exécuté. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à sa résiliation.

Sur les frais liés au litige :

25. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Sulo France venant aux droits de la société Plastic omnium systèmes urbains et par la communauté d’agglomération de la Riviera française sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1500101 du 8 avril 2016 est annulé en tant qu’il concerne le marché afférent au lot n° 3, « fourniture des points d’apport volontaire », de l’opération de fourniture, maintenance et lavage des moyens de pré-collecte des déchets ménagers de la communauté d’agglomération de la Riviera française.

Article 2 : Les conclusions du préfet des Alpes-Maritimes tendant à l’annulation du marché du lot n° 3 sont rejetées.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet des Alpes-Maritimes à fin de résiliation du marché du lot n° 3.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Sulo France et par la communauté d’agglomération de la Riviera française au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Alpes-Maritimes, à la société Sulo France, venant aux droits de la société Plastic omnium systèmes urbains, et à la communauté d’agglomération de la Riviera française.

Délibéré après l’audience du 3 juin 2020, où siégeaient :

— M. David Zupan, président,

 – Mme B… C…, présidente assesseure,

 – Mme D…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

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N° 19MA03034

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