Cour administrative d'appel de Nancy, 20 juin 2013, n° 12NC01027

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 20 juin 2013, n° 12NC01027
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 12NC01027
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 11 avril 2012, N° 0805758

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANCY

N° 12NC01027


SARL SODIPRO

_______

M. Commenville

Président

_______

Mme Stefanski

Rapporteur

________

M. Féral

Rapporteur public

_______

Audience du 14 mai 2013

Lecture du 20 juin 2013

__________

19-04-01-04

C ml

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

La Cour administrative d’appel de Nancy

(2e chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 juin 2012, présentée pour la SARL Sodipro, dont le siège est 7 Sente-à-My à XXX, représentée par son curateur Me Fabien Verreau, représentée par Me Guerbert, avocate au barreau de Metz, chez qui elle élit domicile;

La société Sodipro demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0805758 en date du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge de l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— qu’elle n’a pas d’établissement stable en France au sens de l’article 4 de la convention franco-luxembourgeoise dès lors qu’elle avait un bureau et un dépôt au Luxembourg et que les documents saisis en 2007 ne sont pas probants pour les exercices antérieurs en litige ;

— qu’elle fait l’objet d’une double imposition dès lors qu’elle a déjà payé ses impôts au Luxembourg ;

— qu’elle n’a pas réalisé de plus-values d’actif relatives à des clientèles acquises à titre gratuit, dès lors que ces clientèles n’avaient pas de valeur en dehors du chiffre d’affaires que la société a réalisé et que ces plus-values, réalisées par son établissement stable au Luxembourg, ne pouvaient pas, en tout état de cause, être imposées en France en application du paragraphe 2 de l’article 4 de la convention franco-luxembourgeoise dans sa rédaction alors en vigueur ;

— qu’en l’absence d’établissement stable en France, la pénalité de l’article 1759 n’est pas justifiée et méconnaît la convention franco-luxembourgeoise qui prévoit l’imposition de ses dépenses au Luxembourg ;

— qu’en l’absence d’établissement stable en France la majoration de 80 % pour activité occulte ne se justifie pas davantage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2012 présenté par le ministre de l’économie et des finances ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

— qu’il appartient à la contribuable taxée d’office de démontrer qu’elle n’avait pas d’établissement stable en France et que sur ce point, il s’en remet à ses écritures de première instance ;

— que si la requérante estime avoir fait l’objet d’une double imposition, elle doit mettre en œuvre l’article 24 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise destiné à régler ce genre de situation ;

— qu’en ce qui concerne les plus-values d’actif, leur réalité est établie et la société inverse la charge de la preuve ;

— que les pénalités sont justifiées en raison de la présence d’un établissement stable en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 mai 2013 :

— le rapport de Mme Stefanski, président,

— les observations de Me Guerbert, conseil de la SARL Sodipro représentée par son curateur Me Fabien Verreau,

— et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

1. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 209-1 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés (…) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (…) » ; qu’aux termes du 1 de l’article 4 de la convention fiscale signée le 1er avril 1958 par la France et le Luxembourg : « Les revenus des entreprises (…) commerciales (… ) ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable (…) » ; qu’aux termes de l’article 2.3 alinéa 1 de cette convention « l’établissement stable désigne une installation fixe d’affaires dans laquelle l’entreprise réalise tout ou partie de son activité » ; que le deuxième alinéa de cet article précise qu’au nombre des établissements stables figurent notamment : « a. Les sièges de direction ; b. Les succursales ; c. Les bureaux … » ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la société Sodipro, créée le 15 décembre 2004 a son siège social au Luxembourg où elle est immatriculée et a notamment pour associés Mme X et de façon indirecte M. Y ; qu’elle vend des produits diététiques qui avaient auparavant été commercialisés par la SARL Karmiel Santé qui les fabrique, qui a son siège social en France et dont Mme X est associée ; qu’à l’occasion des visites domiciliaires effectuées aux domiciles, en France, de M. et Mme X, de M. et Mme Y et au siège social de la SARL Karmiel Santé selon la procédure prévue par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l’administration a constaté la présence de nombreux documents commerciaux et bancaires nécessaires à l’activité de la société Sodipro ; qu’au domicile de M. et Mme X ont été retrouvés le bail commercial conclu par la société Sodipro, l’empreinte du timbre humide de la société, l’extrait du registre du commerce la concernant, des documents relatifs à ses clients, notamment des conventions passées entre eux et la société Sodipro, les actes de constitution de la société et les contrats liés à sa domiciliation au Luxembourg ; qu’au siège de la société Karmiel, il a été constaté que les fichiers informatiques de la gestion commerciale de la société Sodipro se trouvaient dans le matériel informatique de la société Karmiel et que les commandes de la société Sodipro, le suivi de ses clients, les facturations, les pièces relatives aux livraisons et les tarifs de ventes étaient gérés par le personnel de la société Karmiel travaillant au lieu de son siège social en France ; que si la société Sodipro était domiciliée au Luxembourg, elle n’y exposait pas de frais de fonctionnement, tels que des frais de téléphone ou de personnel, révélant une activité depuis ce pays ; qu’ainsi l’administration doit être regardée comme démontrant l’existence d’un établissement stable en France à partir duquel s’exerçait l’activité de la société ; qu’en conséquence, la société Sodipro était redevable de l’impôt sur les sociétés, en France, pour les prestations qu’elle avait réalisées à partir de cet établissement ;

3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminué des suppléments d’apport et augmenté des prélèvements effectués au cours de la période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés » ; qu’aux termes de l’article 38 quinquies de l’annexe III au même code : "1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d’origine. / Cette valeur d’origine s’entend :… / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale…" ;

4. Considérant que la société luxembourgeoise KL Diffusion a cédé à la société Sodipro les clientèles de la société Eurodiet Benelux en 2005 et de la SA Prolife en 2006, avec lesquels la société Sodipro a réalisé l’essentiel de son chiffre d’affaires au cours de ces exercices ; que l’administration, estimant que la cession de ces clientèles avait été effectuée à titre gratuit, a réintégré dans les résultats imposables de la société Sodipro les valeurs vénales évaluées de ces clientèles ; que si la société soutient que ces clientèles n’ont pas de valeur patrimoniale, elle n’apporte aucune précision, ni élément à l’appui de ses allégations en se bornant à faire valoir que la valeur d’une clientèle ne dépend pas du chiffre d’affaires qu’elle procure mais de la loi de l’offre et de la demande ainsi que du prix que l’acquéreur accepte de payer ; qu’ainsi, c’est à bon droit que l’administration a réintégré la valeur de ces clientèles dans les résultats de l’établissement stable de la société Sodipro situé sur le territoire français et imposable en France en application du paragraphe 2 de l’article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ;

5. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 24 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : " 1. Tout contribuable qui prouve que les mesures prises par les autorités fiscales des deux Etats contractants ont entraîné pour lui une double imposition en ce qui concerne les impôts visés par la présente convention peut adresser une demande soit aux autorités compétentes de l’Etat sur le territoire duquel il a son domicile, soit à celles de l’autre Etat. Si le bien-fondé de cette demande est reconnu, les autorités compétentes s’entendent pour éviter de façon équitable la double imposition…" ;

6. Considérant que si la société Sodipro fait valoir que ses résultats ont déjà fait l’objet d’une imposition au Luxembourg, elle n’allègue pas avoir présenté, avant la mise en recouvrement des redressements contestés, une demande ayant pour objet l’application des stipulations précitées de l’article 24 de la convention franco-luxembourgeoise ; que, dès lors, son moyen tiré de ce que l’imposition contestée conduirait à une double imposition ne peut qu’être rejeté ;

Sur les pénalités :

7. Considérant que les moyens tirés par la société Sodipro de ce qu’elle ne devait pas être soumise aux pénalités prévues par l’article 1763 A devenu article 1759 du code général des impôts, ni à la majoration de 80 % pour activité occulte, pour le motif qu’elle ne disposait pas d’établissement stable en France, ne peuvent qu’être rejetés, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la Sodipro n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société Sodipro la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sodipro est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sodipro et au ministre de l’économie et des finances.

Délibéré après l’audience du 14 mai 2013, à laquelle siégeaient :

M. Commenville, président de chambre,

Mme Stefanski, président,

M. Wallerich, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 juin 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé : C. STEFANSKI Signé : B. COMMENVILLE

La greffière,

Signé : V. CHEVRIER

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. CHEVRIER

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