CAA de NANCY, 2ème chambre, 31 décembre 2021, 21NC01440, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 2e ch., 31 déc. 2021, n° 21NC01440
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC01440
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 18 avril 2021, N° 2100183
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044861255

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… C… B… a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler l’arrêté du 15 juin 2020 par lequel le préfet de l’Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100183 du 19 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté du 15 juin 2020 et a enjoint au préfet de l’Aube de réexaminer la situation de M. B… dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, le préfet de l’Aube demande à la cour d’annuler ce jugement du 19 avril 2021 et de rejeter la demande de M. B….

Il soutient que :

 – sa décision de refus de séjour n’était pas fondée sur le seul motif jugé illégal par le tribunal administratif relatif à l’absence d’autorisation de travail au bénéfice de M. B… jusqu’au 4 novembre 2019 mais était également fondée sur l’avis défavorable du service de la main d’œuvre étrangère du 22 août 2019 ;

 – ce second motif peut légalement fonder le refus de délivrance d’un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2021, M. A… C… B…, représenté par Me Ouriri conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de l’Aube ne sont pas fondés.

M. B… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.

Vu :

 – les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code du travail ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

 – le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B…, né en 1976 et de nationalité égyptienne, serait entré irrégulièrement en France le 10 octobre 2011 selon ses déclarations. Le 3 juillet 2012, M. B… a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé qui a été refusée le 27 novembre 2013 au motif de l’absence de résidence habituelle en France. A la suite de l’annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et du réexamen de la situation de l’intéressé, un titre de séjour lui a été délivré pour la période du 11 mars 2015 au 11 mars 2016 sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le 2 décembre 2016, M. B… a sollicité le changement de son statut en demandant un titre de séjour salarié. Cet arrêté a été annulé par jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 juin 2017. M. B… a bénéficié d’autorisations provisoires de séjour le temps du réexamen de sa situation. Le 5 novembre 2018, il a demandé la délivrance d’une carte de séjour « entrepreneur/profession libérale », avant de fournir le 2 mai 2019 des pièces justificatives correspondantes à un titre de séjour « salarié ». Par arrêté du 15 juin 2020, le préfet de l’Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de l’Aube relève appel du jugement du 19 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté du 15 juin 2020 et lui a fait injonction de réexaminer la situation de M. B… dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Sur le motif d’annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l’article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée à l’étranger : / 1° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention » salarié « . (…) ». Aux termes de l’article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d’y exercer une profession salariée, l’étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l’autorité administrative ou une autorisation de travail. « L’article R. 5221-20 du même code dispose : » Pour accorder ou refuser l’une des autorisations de travail mentionnées à l’article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d’appréciation suivants : / 1° La situation de l’emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l’employeur auprès des organismes concourant au service public de l’emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L’adéquation entre la qualification, l’expérience, les diplômes ou titres de l’étranger et les caractéristiques de l’emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s’apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; / 3° le respect par l’employeur, l’utilisateur mentionné à l’article L. 1251-1 ou l’entreprise d’accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; / 4° Le cas échéant, le respect par l’employeur, l’utilisateur, l’entreprise d’accueil ou le salarié des conditions réglementaires d’exercice de l’activité considérée ; / 5° Les conditions d’emploi et de rémunération offertes à l’étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l’entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l’emploi sollicité ; / 6° Le salaire proposé à l’étranger qui, même en cas d’emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l’article L. 3232-1 ; (…) ".

3. Pour annuler l’arrêté du 15 juin 2020, les premiers juges ont considéré que le refus de délivrance du titre de séjour sollicité est fondé sur le seul motif tiré de ce que le requérant n’a pas bénéficié d’une autorisation de travail avant le 4 novembre 2019 et a ainsi travaillé illégalement jusqu’à cette date. Or, selon le tribunal, « un tel motif n’est pas de nature à justifier légalement le refus opposé, l’existence d’une autorisation de travail devant s’apprécier à la date de la décision ».

4. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l’arrêté attaqué que, pour refuser le changement de statut sollicité par M. B… et la délivrance d’un titre de séjour en qualité de travailleur salarié, le préfet de l’Aube s’est fondé sur deux motifs distincts. D’une part, le préfet s’est fondé sur le motif tiré de ce que la demande d’autorisation de travail a été présentée sans justification de diplôme en lien avec le poste proposé de magasinier et de curriculum vitae, qu’aucune offre d’emploi pour ce poste n’a été déposée par l’employeur à Pôle emploi et que des éléments laissaient à penser que l’intéressé gérait en réalité la société dans laquelle il travaillait seul ou avec la présidente de la société. D’autre part, le préfet a opposé le motif tiré de ce que ne disposant que d’une autorisation provisoire de séjour, l’autorisant à occuper un emploi uniquement depuis le 4 novembre 2019, M. B… a donc auparavant travaillé de manière illégale. Il s’ensuit que si le préfet ne pouvait légalement se fonder sur le motif tiré de la situation de travail illégale antérieure au 4 novembre 2019, il n’en demeure pas moins que le préfet s’est également fondé, pour rejeter la demande de titre de séjour en litige, sur ce second motif.

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l’Aube s’est fondé sur l’avis défavorable de la DIRECCTE du 22 août 2019 selon lequel la SAS T.B… n’avait pas justifié avoir cherché à recruter un candidat sur le marché de l’emploi local. Il n’est pas contesté que M. B… n’a fourni aucun document permettant d’apprécier si ses qualifications étaient en parfaite adéquation avec le poste de magasinier sur lequel il a candidaté. M. B… n’apporte pas d’élément tangible pour contester utilement l’appréciation portée sur ce point par l’autorité administrative. La seule circonstance qu’il dispose d’une expérience professionnelle d’au moins quatre ans ne suffit pas à démontrer l’adéquation de son profil avec le poste en cause. Par suite, ce motif pouvait légalement fonder le refus de délivrance d’un titre de séjour.

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l’Aube aurait pris la même décision s’il s’était fondé seulement sur ce second motif.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l’Aube est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s’est fondé sur le motif mentionné au point 3 ci-dessus pour annuler son arrêté du 15 juin 2020.

8. Toutefois, il y a lieu, pour la cour de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur les autres moyens soulevés par M. B… à l’appui de sa demande devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens relatifs à la légalité de l’arrêté du 15 juin 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que celle-ci comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle rappelle le parcours de l’intéressé depuis son arrivée en France, ses attaches privées et familiales en France et en Egypte, ainsi que les différentes demandes de titre de séjour qu’il a sollicitées. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation ne peut qu’être écarté.

10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l’intéressé, il n’a pas bénéficier d’autorisations provisoires de séjour l’autorisant à travailler à la suite du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 juin 2017, mais seulement à compter du 4 novembre 2019. Avant cette date, à l’exception de la période du 11 mars 2015 au 11 mars 2016 au cours de laquelle l’intéressé a bénéficié d’un titre de séjour sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, M. B… n’avait pas l’autorisation d’occuper un emploi. Par suite, l’arrêté qui détaille suffisamment ces circonstances, n’est pas entaché d’un défaut d’examen particulier de sa situation personnelle.

11. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction alors en vigueur : » Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) / 7° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (…) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B… n’établit sa présence en France que depuis juillet 2012. Si l’intéressé justifie avoir régulièrement travaillé entre 2015 et 2019 et être locataire de son propre logement depuis le 2 mai 2020, ces seules circonstances ne suffisent pas à justifier d’une insertion particulière en France. Par ailleurs, M. B…, qui est entré en France à l’âge de trente-six ans, n’est pas dépourvu d’attaches familiales en Egypte où résident son épouse et ses deux enfants nés en 2005 et en 2008. Les copies de son passeport produites par le préfet en première instance démontrent qu’il a conservé des attaches dans son pays d’origine dès lors qu’il a régulièrement séjourné en Egypte, notamment en août 2015, en janvier, août et octobre 2016, entre le 7 juin 2017 et le 12 juillet 2017, entre le 11 janvier et le 12 février 2019, et en décembre 2019, sur des périodes d’un mois environ à chaque visite. La seule présence d’amis, d’un frère et d’un cousin, dont M. B… ne justifie pas des liens qu’il aurait avec eux, ne suffit pas à démontrer l’existence d’une vie privée et familiale en France. Dans ces conditions, l’arrêté contesté n’a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B… une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à invoquer, par la voie de l’exception, l’illégalité de la décision lui refusant le séjour à l’appui de ses conclusions dirigées contre l’obligation de quitter le territoire dont il fait l’objet.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le préfet n’a ni méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l’Aube est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’arrêté du 15 juin 2020 et lui a fait injonction de réexaminer la situation de M. B…. Il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B… devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B… présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur et à M. A… C… B….

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l’Aube.

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N° 21NC01440

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