Cour administrative d'appel de Nantes, 31 octobre 2014, n° 13NT02221

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Me Mathieu Baronet · consultation.avocat.fr · 6 mai 2022

On l'a vu précédemment, la légalité d'un trop perçu dépends depuis l'arrêt TERNON du 26 octobre 2001 et l'arrêt SOULIER du 6 novembre 2002, n°223041, du caractère créateur de droit ou non de l'avantage accordé. S'il est créateur de droit, l'avantage octroyé ne peut être retiré que dans le délai de quatre mois. Il s'agit d'une sorte de principe de sécurité juridique au profit des administrés opposable à l'Etat. Mais cette distinction s'est avérée assez difficile à appliquer. En pratique, la détermination du caractère créateur de droit s'avère assez délicate et laisse au juge une grande …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 31 oct. 2014, n° 13NT02221
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 13NT02221
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 3 juin 2013

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE NANTES

Nos 13NT02221, 13NT03167


M. Y X

_____________

M. Auger

Rapporteur

_____________

M. Gauthier

Rapporteur public

_____________

Audience du 7 octobre 2014

Lecture du 31 octobre 2014

_____________

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d’appel de Nantes

(4e chambre)

Vu, I, la requête n° 13NT02221, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour M. Y X, demeurant XXX à XXX, par Me Sarday ; M. X demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 mars 2009 du ministre de la défense lui demandant de reverser un trop-perçu de traitement d’un montant de 50 123,12 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d’autre part, à l’annulation du titre de perception de même montant émis le 27 avril 2009 par le trésorier-payeur-général de la Gironde, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux ;

2°) d’annuler ces décisions ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en raison du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité de ces décisions ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les dispositions des articles 6 et 8 du décret n° 72-154 du 24 février 1972 étaient applicables à sa situation dès lors qu’aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu’il bénéficie de la mensualisation, est soumis à un régime spécial de retraite ou que sa rémunération est déterminée en fonction des salaires pratiqués dans le commerce et l’industrie ;

— c’est à tort que le tribunal a considéré que les services du ministère ont commis une simple erreur de liquidation non créatrice de droits dans la mesure où la décision du 16 mars 2009 doit être regardée comme portant retrait d’une décision créatrice de droits ;

— le ministère ne peut lui reprocher de ne pas avoir adressé ses arrêts de travail au service de paye alors qu’il les a communiqués à son employeur ;

— le maintien injustifié en plein traitement pendant une durée de trois années, s’il devait être confirmé, est imputable à un comportement fautif de l’administration, d’autant plus grave compte tenu de sa durée, de nature à engager sa responsabilité ;

— au lieu de lui demander de reverser la différence de 3 051,51 euros entre son plein traitement versé à tort et les indemnités journalières auxquelles il avait droit, l’administration lui a versé ces dernières et lui a demandé de reverser la somme de 50 123,12 euros ce qui l’a placé dans une situation financière difficile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 9 janvier 2014 au trésorier-payeur-général de la Gironde, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2014, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

— les dispositions du décret n° 72-154 du 24 février 1972 sont applicables à l’intéressé dès lors que les ouvriers de l’Etat sont des agents publics non titulaires dont le recrutement et la carrière sont régis par des textes spécifiques ; n’ayant pas la qualité de fonctionnaires, les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 ne leur sont pas applicables ;

— le requérant a perçu, à tort, une double rémunération pour la période du 10 novembre 2006 au 16 mars 2009, ce qui est constitutif d’une erreur de liquidation non créatrice de droits ; il ne pouvait ignorer qu’il avait irrégulièrement perçu un plein traitement et des indemnités journalières pour une même période ;

— les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice sont irrecevables car nouvelles en appel ; elles n’ont pas été précédées d’une demande de nature à lier le contentieux ;

— l’administration n’a pas commis de faute ;

— la réalité du préjudice invoqué n’est pas établie ;

Vu le courrier du 21 août 2014 adressé aux parties en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l’ordonnance du 5 septembre 2014 portant clôture immédiate de l’instruction en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu, II, la requête n° 13NT03167, enregistrée le 21 novembre 2013, présentée pour M. Y X, demeurant XXX à XXX, par Me Sarday ; M. X demande à la cour :

1°) d’ordonner le sursis à l’exécution du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 mars 2009 du ministre de la défense lui demandant de reverser un trop-perçu de traitement d’un montant de 50 123,12 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d’autre part, à l’annulation du titre de perception de même montant émis le 27 avril 2009 par le trésorier-payeur-général de la Gironde, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— les conditions d’applications de l’article R. 811-17 du code de justice administrative sont réunies ;

— les conséquences de l’exécution du jugement du 4 juin 2013 seront difficilement réparables car il ne dispose plus de la somme qui lui est réclamée et qui lui a été versée sept ans auparavant ; sa situation financière est précaire ; il a dû contracter un emprunt pour changer de véhicule et il serait dans l’obligation de vendre son logement pour s’acquitter du trop-perçu litigieux ;

— les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les dispositions des articles 6 et 8 du décret n° 72-154 du 24 février 1972 étaient applicables à sa situation dès lors qu’aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu’il bénéficie de la mensualisation, est soumis à un régime spécial de retraite ou que sa rémunération est déterminée en fonction des salaires pratiqués dans le commerce et l’industrie ;

— c’est à tort que le tribunal a considéré que les services du ministère ont commis une simple erreur de liquidation non créatrice de droits dans la mesure où la décision du 16 mars 2009 doit être regardée comme portant retrait d’une décision créatrice de droits ;

— le ministère ne peut lui reprocher de ne pas avoir adressé ses arrêts de travail au service de paye alors qu’il les a communiqués à son employeur ;

— le maintien injustifié en plein traitement pendant une durée de trois années, s’il devait être confirmé, est imputable à un comportement fautif de l’administration, d’autant plus grave compte tenu de sa durée, de nature à engager sa responsabilité ;

— au lieu de lui demander de reverser la différence de 3 051,51 euros entre son plein traitement versé à tort et les indemnités journalières auxquelles il avait droit, l’administration lui a versé ces dernières et lui a demandé de reverser la somme de 50 123,12 euros ce qui l’a placé dans une situation financière difficile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2014, présenté par le trésorier-payeur

général de la région Aquitaine qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

— le requérant connaît l’existence d’un trop-perçu depuis 2009 et a disposé d’un délai de quatre ans pour en organiser le remboursement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2014, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

— aucun des moyens soulevés par M. X ne parait sérieux ;

— l’intéressé n’établit ni la précarité de sa situation ni les conséquences difficilement réparables dont il se prévaut ;

— M. X a été mis à même de comprendre qu’il avait indûment perçu la totalité de son traitement dont il devrait ultérieurement rembourser le trop-perçu ;

Vu l’ordonnance du 1er septembre 2014 fixant la clôture d’instruction au 17 septembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 72-154 du 24 février 1972 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 octobre 2014 :

— le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

— et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes de M. X enregistrées sous les nos 13NT02221 et 13NT03167 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre afin qu’elles fassent l’objet d’un seul arrêt ;

2. Considérant que M. X, ouvrier d’Etat, a été affecté le 1er avril 1994 au groupement de gendarmerie de la Roche-sur-Yon en tant que mécanicien automobile ; qu’il a contracté une algodystrophie avec épicondylite dont l’imputabilité au service a été reconnue par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles le 17 juin 2008 et pour laquelle il a bénéficié d’arrêts de travail du 3 avril 2006 au 22 avril 2006 puis à compter du 1er septembre 2006 et du versement, le 28 janvier 2009, d’indemnités journalières d’un montant de 47 071,61 euros ; que, le 16 mars 2009, le centre territorial d’administration et de comptabilité (CTAC) de Rennes l’a informé que, depuis le 10 novembre 2006, il avait perçu, à tort, l’intégralité de sa rémunération au lieu de ces seules indemnités journalières ; que, par une décision du 16 mars 2009, le ministre de la défense a demandé le reversement de la somme de 50 123,12 euros ; qu’un titre de perception de ce montant a été émis le 27 avril 2009 par la trésorerie générale de la Gironde ; que M. X relève appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du ministre de la défense du 16 mars 2009, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d’autre part, à l’annulation du titre de perception émis à son encontre le 27 avril 2009, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux ; qu’il demande en outre en appel la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 6 du décret du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d’accidents du travail dont peuvent bénéficier certains ouvriers de l’Etat mensualisés : « En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, les trois premiers mois d’incapacité temporaire sont rémunérés à plein salaire. » ; qu’aux termes de l’article 8 du même décret : « En dehors des avantages qui sont actuellement consentis aux ouvriers affiliés au régime spécial de retraite du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, les ouvriers mensualisés ne peuvent bénéficier que des dispositions prévues par le présent texte et les législations sur les assurances sociales et les accidents du travail. » ;

4. Considérant que si les ouvriers de l’Etat relevant du ministère de la défense sont des agents publics, ils n’ont pas la qualité de fonctionnaire ; que la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ne leur est en conséquence pas applicable, non plus que les textes réglementaires pris pour son application ; qu’en l’absence de toute autre disposition législative ou réglementaire applicable, la situation administrative de M. X, employé en qualité d’ouvrier de l’Etat, se trouve ainsi régie par le décret du 24 février 1972 et non par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ; que, dans ces conditions, le requérant ne conteste pas utilement la décision du ministre de la défense du 16 mars 2009 et le titre de perception émis à son encontre le 27 avril 2009 en se prévalant de l’article 34 de cette loi selon lequel un fonctionnaire en congé de maladie du fait d’une maladie professionnelle conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à sa mise à la retraite ou jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ;

5. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu’une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ; qu’en revanche, n’ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement ; que le maintien indu du versement d’un avantage financier à un agent public n’a pas le caractère d’une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation ; qu’il appartient à l’administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort, sans que l’agent intéressé puisse se prévaloir de droits acquis à l’encontre d’une telle demande de reversement ;

6. Considérant que le versement d’un plein traitement à M. X pendant ses congés de maladie, au lieu d’indemnités journalières correspondant à 80 % de son traitement, n’a pas le caractère d’une décision accordant un avantage financier et constitue une simple erreur de liquidation non créatrice de droits ; qu’il résulte de l’instruction que le centre territorial d’administration et de comptabilité de Rennes, auquel les arrêts de travail du requérant n’avaient pas été communiqués, s’est borné à tirer les conséquences de ce défaut d’information ; que, dans ces conditions, il appartenait à l’administration de corriger cette erreur et d’exiger le reversement des sommes indûment perçues sans que l’intéressé puisse utilement se prévaloir de la transmission en temps utile à son administration de ses arrêts de travail ; qu’il suit de là que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du ministre de la défense du 16 mars 2009 et du titre de perception émis à son encontre le 27 avril 2009, implicitement confirmés sur recours gracieux ;

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Considérant que les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice que lui aurait causé le versement indu de la somme de 50 123,12 euros sont nouvelles en appel et n’ont pas été précédées d’une réclamation ainsi que le fait valoir l’administration avant toute défense au fond ; qu’il suit de là que ces conclusions ne sont pas recevables ; qu’elles doivent, dès lors et en tout état de cause, être rejetées ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête présentée par M. X tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2013 ; que, par suite, les conclusions de la requête n° 13NT03167 tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n’y a plus lieu d’y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d’une somme au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 13NT02221 de M. X est rejetée.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 13NT03167.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y X, au ministre de la défense, au trésorier-payeur général de la Gironde et au directeur régional des finances publiques d’Aquitaine et du département de la Gironde.

Délibéré après l’audience du 7 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

— Mme Aubert, président de chambre,

— Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,

— M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 octobre 2014.

Le rapporteur, Le président,

P. AUGER S. AUBERT

Le greffier,

M. GUÉRIN

La République mande et ordonne au ministre de la défense, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Cour administrative d'appel de Nantes, 31 octobre 2014, n° 13NT02221