CAA de NANTES, 2ème chambre, 12 janvier 2016, 14NT01235, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 2e ch., 12 janv. 2016, n° 14NT01235
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 14NT01235
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 12 mars 2014, N° 1201469,1201473
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031858946

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Bretagne Ateliers a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler les décisions du 10 octobre 2011 et du 22 novembre 2011 par lesquelles l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) a rejeté sa demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap pour 28 de ses salariés handicapés, ainsi que les décisions des 3 novembre 2011 et 3 février 2012 rejetant ses recours gracieux et hiérarchique dirigés contre ces décisions.

Par un jugement n° 1201469,1201473 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes présentées par l’association Bretagne Ateliers.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2014, et des mémoires enregistrés le 22 juin 2015 et le 9 novembre 2015, l’association Bretagne Ateliers, représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 mars 2014 ;

2°) d’annuler les décisions des 10 octobre 2011, 3 novembre 2011, 22 novembre 2011 et 3 février 2012 ;

3°) d’enjoindre à l’Agefiph de prendre une nouvelle décision reconnaissant la lourdeur du handicap pour chacun des salariés et évaluant le surcoût lié à l’incidence de la lourdeur du handicap à plus de 50 % du produit du salaire horaire minimum de croissance par le nombre d’heures correspondant à la durée collective du travail applicable dans l’établissement  ;

4°) de mettre à la charge de l’Agefiph la somme de 3 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les décisions contestées sont entachées d’une erreur de droit ;

 – depuis la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, les entreprises adaptées (EA) relèvent, en effet, du milieu ordinaire de travail, et non plus du milieu protégé, de sorte qu’elles bénéficient de l’ensemble des dispositifs destinés aux entreprises et à leurs salariés, et sont donc en droit de bénéficier de « l’aide à l’emploi », associée à la reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH), versée par l’Agefiph depuis le 1er juillet 2011 ;

 – l’article L. 5213-19 du code du travail dispose que « l’aide au poste » forfaitaire n’est versée par l’Etat que dans la limite d’un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances ;

 – dans ces conditions, en fonction de cet effectif de référence, les entreprises adaptées, comme en l’espèce, ne sont aucunement assurées du bénéfice d’un nombre « d’aides au poste » couvrant leur besoin réel, notamment au-delà de ce contingentement ;

 – rien ne justifie que le EA soient alors exclues des aides de droit commun, et notamment de « l’aide à l’emploi » liée au dispositif de reconnaissance de RLH, sauf à leur consacrer un caractère discriminatoire ;

 – aucune disposition législative ou réglementaire n’exclut les entreprises adaptées du dispositif d’aide à l’emploi destinée à compenser la lourdeur du handicap ;

 – les aides de droit commun ne peuvent se cumuler, pour un même poste, avec les aides spécifiques, de sorte que, pour un même travailleur handicapé, une EA ne peut bénéficier de l’aide au poste et de l’aide à l’emploi de l’Agefiph ;

 – mais en l’espèce, tel n’est pas le cas : pour les 28 postes de travail confiés aux travailleurs handicapés pour lesquels une demande de RLH a été déposée, Bretagne Ateliers n’a bénéficié d’aucune aide au poste ;

 – la reconnaissance de la lourdeur du handicap peut donc bénéficier aux entreprises adaptées pour les salariés n’ouvrant pas droit à l’aide au poste, ainsi qu’il ressort des nombreuses réponses ministérielles apportées tant devant l’Assemblée Nationale que le Sénat et la note de service n° 2006-21 du 5 juillet 2006 relative aux entreprises adaptées et centres de distribution de travail à domicile ;

 – avant le transfert à l’Agefiph de la gestion de la RLH par la loi de finances de 2011, l’administration du travail ne contestait nullement l’éligibilité des entreprises adaptées au dispositif de compensation de la lourdeur du handicap et Bretagne Ateliers a ainsi pu bénéficier en 2008 de l’aide à l’emploi pour 17 salariés reconnus travailleurs handicapés ;

 – la DIRECCTE de Bretagne a même proposé en l’espèce à l’Agefiph un projet de décision pour les 28 salariés en cause leur reconnaissant la lourdeur du handicap et évaluant même le surcoût lié à l’incidence de la lourdeur du handicap à plus de 50 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2015, et des mémoires enregistrés les 14 octobre et 26 octobre 2015, l’association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph), représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu’une demande d’avis soit transmise au Conseil d’Etat, en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, et à ce qu’une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l’association Bretagne Ateliers au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors qu’elle se borne à reprendre les écritures de première instance et ne comporte aucune critique du jugement dont appel ;

 – à titre subsidiaire, les moyens tirés de l’erreur de droit et la discrimination ne sont pas fondés ;

Par un mémoire enregistré le 28 août 2015, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté des observations au soutien de la requête et conclut à l’infirmation du jugement.

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2015, le Défenseur des droits a présenté des observations.

Une lettre d’information a été adressée aux parties le 22 octobre 2015 en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Un avis d’audience emportant clôture d’instruction immédiate a été adressé aux parties le 16 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Millet,

 – les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

 – les observations de Me A…, représentant l’association Bretagne Ateliers et de Me B…, représentant l’Agefiph.

1. Considérant que l’association Bretagne Ateliers est une entreprise adaptée qui emploie au moins 80 % de personnes handicapées en production ; que dans le cadre d’un contrat d’objectif l’Etat lui apporte des soutiens financiers que sont l’aide au poste forfaitaire et la subvention spécifique ; qu’en 2011, l’accroissement de l’activité de l’association requérante, ayant nécessité l’embauche de 28 salariés handicapés, celle-ci n’a alors pas bénéficié d’une augmentation du nombre d’aides au poste forfaitaire pour couvrir ses besoins ; que l’association a formé auprès de l’association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph), des demandes de reconnaissance de la lourdeur du handicap pour les 28 salariés en cause afin d’obtenir l’aide à l’ emploi pour chacun d’entre eux ; que l’Agefiph a rejeté ces demandes par décisions du 10 octobre 2011 et du 22 novembre 2011, ainsi que les recours gracieux et le recours hiérarchique formés par la requérante par décisions respectives du 3 novembre 2011 et du 3 février 2012 ; que l’association Bretagne Ateliers relève appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5212-2 du code du travail : « Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l’effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l’article L. 5212-13. » ; qu’aux termes de l’article L. 5212-9 de ce code : « L’employeur peut s’acquitter de l’obligation d’emploi en versant au fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés prévu à l’article L. 5214-1 une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de l’obligation qu’il aurait dû employer. / Le montant de cette contribution peut être modulé en fonction de l’effectif de l’entreprise et des emplois, déterminés par décret, exigeant des conditions d’aptitude particulières, occupés par des salariés de l’entreprise. Il tient également compte de l’effort consenti par l’entreprise en matière de maintien dans l’emploi ou de recrutement direct des bénéficiaires mentionnés à l’article L. 5212-13, notamment ceux pour lesquels l’association mentionnée à l’article L. 5214-1, a reconnu la lourdeur du handicap, ou de ceux rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi. » ; qu’aux termes de l’article L. 5213-13 de ce même code : " Les entreprises adaptées (…) peuvent être [créées] par les (…) organismes publics ou privés (…). / Leurs effectifs de production comportent au moins 80 % de travailleurs handicapés (…) / [Elles] concluent avec l’autorité administrative un contrat d’objectif triennal valant agrément. » ; qu’aux termes de l’article L. 5213-19 du code du travail : « Les entreprises adaptées (…) perçoivent pour chaque travailleur handicapé employé, dès lors que celui-ci remplit les conditions mentionnées à l’article L. 5213-13, une aide au poste forfaitaire versée par l’Etat, dans la limite d’un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances. En outre, compte tenu des surcoûts résultant de l’emploi majoritaire de ces travailleurs handicapés, les entreprises adaptées et les centres de distribution de travail à domicile reçoivent de l’Etat une subvention spécifique, destinée notamment au suivi social, à l’accompagnement et à la formation spécifiques de la personne handicapée, pour favoriser son adaptation à son poste de travail (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 5213-11 du code du travail : « Pour l’application des dispositions de l’article L. 5213-7 relatives au salaire du travailleur handicapé, une aide financée par le fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés peut être attribuée sur décision de l’association mentionnée à l’article L. 5214-1. / Cette aide, demandée par l’employeur, peut être allouée en fonction des caractéristiques des bénéficiaires. / Elle ne peut être cumulée avec la minoration de la contribution prévue pour l’embauche d’un travailleur mentionnée à l’article L. 5212-9. » ; qu’aux termes de l’article R. 5213-40 du code du travail : « La modulation de la contribution annuelle et l’attribution de l’aide à l’emploi prévues aux articles L. 5212-9 et L. 5213-11 ont pour objet de compenser la lourdeur du handicap d’un bénéficiaire de l’obligation d’emploi. La lourdeur du handicap est évaluée, au regard du poste de travail, après aménagement optimal de ce dernier. » ;

3. Considérant, d’une part, que la contribution prévue à l’article L. 5212-9 du code du travail n’est due que par les entreprises soumises à l’obligation d’emploi d’une proportion de 6 % de personnes handicapées de l’effectif total de ses salariés, et que la reconnaissance de la lourdeur du handicap prévue au même article a pour effet de permettre à ces entreprises d’opter, soit pour la modulation de la contribution obligatoire, soit pour l’attribution de « l’aide à l’emploi » prévue à l’article L. 5213-11 du code du travail et financée par l’Agefiph ; que, d’autre part, les « entreprises adaptées », dont les effectifs de production comportent au moins 80 % de personnes handicapées, perçoivent, pour chaque travailleur handicapé employé, en vertu des articles L. 5213-13 et L. 5213-19 du code du travail, une « aide au poste » versée par l’Etat, dans la limite d’un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances, ainsi qu’une « subvention spécifique », destinées à compenser les surcoûts générés par l’emploi très majoritaire de personnes handicapées et à favoriser leur adaptation à leur poste de travail ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’alors même qu’elles relèvent du « milieu ordinaire du travail », les « entreprises adaptées » bénéficient d’aides spécifiques attachées à leur mission qui n’ont pas vocation à se cumuler avec d’autres aides dont l’objet est identique ; que, quand bien même les financements publics afférents aux aides spécifiques aux entreprises adaptées seraient insuffisants, l’éligibilité au dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap ne saurait avoir pour effet de pallier cette insuffisance en permettant à ces entreprises de percevoir des aides au-delà du contingent d’aides au poste fixé par l’avenant financier à leur contrat d’objectif, dès lors que ce dernier définit, en application de l’article R. 5213-66 5° du code du travail, les conditions de révision du contingent d’aides au poste « en cas de variation de l’effectif employé » en cours d’année ;

4. Considérant que l’association Bretagne Ateliers, qui a le statut d’entreprise adaptée, a pour objet d’employer au moins 80 % de travailleurs handicapés en production ; que si 28 de ses salariés handicapés ne rentrent pas dans l’effectif de référence ouvrant droit à l’aide au poste versée par l’Etat, le nombre d’aides au poste étant insuffisant pour couvrir ses besoins en 2011, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cette entreprise ne saurait être regardée comme figurant au nombre des employeurs susceptibles de voir reconnaître pour certains de ses salariés la reconnaissance de la lourdeur du handicap conditionnant l’attribution éventuelle de l’aide à l’emploi ; que, par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir que, par les décisions contestées, l’Agefiph a commis une erreur de droit en refusant d’accorder la reconnaissance de la lourdeur du handicap à ces salariés, au motif qu’elle n’est pas éligible à la procédure permettant cette reconnaissance en raison de son statut d’entreprise adaptée ;

5. Considérant, d’autre part, que si les entreprises adaptées relèvent du « milieu ordinaire du travail », elles sont soumises à une obligation d’emploi d’au moins 80 % de personnes handicapées en production, différente de celle applicable aux employeurs soumis à l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées ; que bénéficiant, par ailleurs, d’un régime d’aides financières distinct, les entreprises adaptées sont, dès lors, dans une situation différente des autres entreprises du « milieu ordinaire de travail » ; que, par suite, le moyen tiré de l’existence d’une discrimination entre travailleurs handicapés selon le statut de l’entreprise employeur doit être écarté ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête, que l’association Bretagne Ateliers n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d’annulation de l’association Bretagne Ateliers n’implique aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par l’association requérante doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Agefiph, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que lui demande l’association Bretagne Ateliers au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association Bretagne Ateliers le versement à l’Agefiph de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu’elle a exposés ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de l’association Bretagne Ateliers est rejetée.

Article 2 : L’association Bretagne Ateliers versera la somme de 1 500 euros à l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Bretagne Ateliers, à l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés et au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Copie du présent arrêt sera adressée et au Défenseur des droits.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

— M. Pérez, président de chambre,

 – M. Millet, président-assesseur,

 – M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 janvier 2016.


Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

A. PÉREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

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N° 14NT01235

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