CAA de NANTES, 4ème chambre, 21 décembre 2016, 15NT00472, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 4e ch., 21 déc. 2016, n° 15NT00472
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 15NT00472
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 10 décembre 2014, N° 1401581
Identifiant Légifrance : CETATEXT000033695191

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B… a demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler la décision du président du conseil général de la Manche du 10 juillet 2014 portant retrait de son agrément en qualité d’assistante maternelle.

Par un jugement n° 1401581 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février 2015 et 29 février 2016, Mme B…, représentée par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 11 décembre 2014 ;

2°) d’annuler la décision du président du conseil général de la Manche du 10 juillet 2014 portant retrait de son agrément en qualité d’assistante maternelle ;

3°) de mettre à la charge du département de la Manche le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le signataire était incompétent dès lors que la délégation ne satisfait pas aux dispositions de l’article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales ;

 – les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus : les motifs du retrait d’agrément ne sont pas ceux mentionnés dans sa convocation devant la commission et n’ont pas tous été évoqués lors de la séance devant cette commission ; la prise en compte du suivi effectué entre juillet 2012 et décembre 2012 ne peut donner lieu à l’application de la jurisprudence Danthony ;

 – l’article R. 421-26 du code de l’action sociale et des familles a été méconnu en l’absence d’avertissement préalable ; le président du conseil général s’est notamment fondé sur la présence d’un enfant non déclaré ;

 – c’est à tort que les premiers juges ont écarté les erreurs de fait entachant les différents motifs de la décision contestée, sur la présence et mise à disposition des enfants accueillis de jeux et d’espaces de jeux, sur son intérêt porté aux enfants, compte tenu des circonstances particulières prévalant lors de la visite inopinée du 15 mai 2014, sur le caractère sécurisé du jardin, sur le respect des consignes données par les parents ;

 – les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard des dispositions de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, dès lors que ses aptitudes éducatives, confirmées par de nombreux témoignages de parents, ne sont pas en cause, et que les griefs relatifs à la législation du travail, qui émanent d’un seul couple de parents, ne peuvent justifier le retrait de son agrément ; sa fille, qui a obtenu son BEPA de services à la personne en juin 2014, était en stage chez elle lors de la visite des services et qu’elle lui avait confié la garde d’un très jeune enfant ;

 – la décision est entachée d’erreur d’appréciation : elle n’a pas bénéficié de mesures d’aide et d’accompagnement et a fait l’objet d’une sanction sans mise en garde préalable et injustifiée ; les seuls parents à lui avoir fait des reproches sont les parents de Mathéo, pourtant très satisfaits de ses services depuis le mois de novembre 2012, jusqu’à ce qu’ils découvrent qu’ils lui étaient redevables plusieurs mois plus tard d’une indemnité pour rupture de son contrat de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2015, le département de la Manche, représenté par Me C…, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B… le versement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

 – les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

 – et les observations de Me D…, représentant Mme B…, et de Me C…, représentant le département de la Manche.

1. Considérant que Mme B… exerce la profession d’assistante maternelle depuis le

2 mai 2002, date de son premier agrément délivré par le département de Seine-et-Marne ; qu’à la suite de son déménagement dans le département de la Manche le 26 mai 2012, elle a été agréée en qualité d’assistante maternelle pour l’accueil à la journée de deux enfants de 0 à 12 ans, et de deux enfants en périscolaire de 2 à 12 ans ; que suite à une plainte de parents, Mme B… a fait l’objet d’une visite des agents des services départementaux le 15 mai 2014 ; qu’à la suite de cette visite, un arrêté de suspension de l’agrément pour une durée de quatre mois a été signé le 20 mai 2014 et notifié à la requérante le 23 mai 2014 ; que, par courrier du 6 juin 2014, Mme B… a été convoquée devant la commission consultative paritaire des assistants maternels et familiaux lors de sa séance du 27 juin 2014 ; que suite à cette séance, une décision de retrait de l’agrément de Mme B… a été prise le 10 juillet 2014 et notifiée à l’intéressée le même jour ; qu’elle relève appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision de retrait de son agrément en qualité d’assistante maternelle ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales : « Le président du conseil général est le chef des services du département. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services » ; qu’en donnant délégation à Mme F…, directrice de la maison départementale de l’autonomie, le président du conseil général de la Manche n’a pas méconnu les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les conclusions du rapport de visite des puéricultrices du 15 mai 2014 au médecin responsable du service de protection maternelle et infantile (PMI) mentionnent notamment des conflits répétitifs avec des parents employeurs, mettant en cause au moins quatre familles, et que cet élément figure au rang des motifs de la décision envisagée, annexés à la convocation du 6 juin 2014 à la séance de la commission consultative départementale ; que dans ce même rapport de visite du 15 mai 2014, les puéricultrices soulignent que, lors du suivi effectué entre juin et décembre 2012, Mme B… avait été informée de ses responsabilités d’assistante maternelle, en ce qui concerne notamment la sécurisation de son jardin, le respect de la législation sur les obligations d’accueil et ses obligations administratives vis-à-vis de la PMI de communication des débuts d’accueil et des plannings, et constatent que l’intéressée ne satisfait pas à ces obligations ; que dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les motifs du retrait d’agrément ne seraient pas ceux mentionnés dans sa convocation devant la commission et qu’ils n’auraient pas tous été évoqués lors de sa séance du 27 juin 2014 ; que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont ainsi été respectés ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 421-26 du code de l’action sociale et des familles : « Un manquement grave ou des manquements répétés aux obligations de déclaration et de notification prévues aux articles R. 421-38, R. 421-39, R. 421-40 et R. 421-41 ainsi que des dépassements du nombre d’enfants mentionnés dans l’agrément et ne répondant pas aux conditions prévues par l’article R. 421-17 peuvent justifier, après avertissement, un retrait d’agrément » ; qu’en l’espèce, la décision de retrait contestée n’est pas fondée sur l’accueil d’un enfant en surnombre par rapport à l’agrément accordé à Mme B…, mais sur son attitude lors de la visite inopinée à son domicile du 15 mai 2014 et sa tentative de cacher la présence de cet enfant ; que par suite, et alors, en tout état de cause, que la décision contestée était également fondée sur les pratiques éducatives inadaptées de Mme B…, son opposition au contrôle par les services de la PMI, son non respect des consignes données par les parents, le défaut de sécurisation de son jardin et l’absence de projet éducatif, la circonstance que le retrait de l’agrément n’a pas été précédé par l’avertissement prévu par les dispositions précitées de l’article R. 421-26 du code de l’action sociale et des familles, n’entache pas la légalité de la décision ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : « L’agrément nécessaire pour exercer la profession d’assistant maternel ou d’assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. (…) / L’agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d’octroi ainsi que la durée de l’agrément sont définies par décret. Cette durée peut être différente selon que l’agrément est délivré pour l’exercice de la profession d’assistant maternel ou d’assistant familial. Les conditions de renouvellement de l’agrément sont fixées par ce décret. Sans préjudice des dispositions de l’article L. 421-9, le renouvellement de l’agrément des assistants familiaux est automatique et sans limitation de durée lorsque la formation mentionnée à l’article L. 421-15 est sanctionnée par l’obtention d’une qualification (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 421-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : «  (…) Si les conditions de l’agrément cessent d’être remplies, le président du conseil général peut, après avis d’une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l’agrément ou procéder à son retrait. (…)Toute décision de retrait de l’agrément, de suspension de l’agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (…). » ; qu’aux termes de l’article D. 421-12 du même code : « L’agrément d’assistant maternel est accordé pour une durée de cinq ans, sauf dans les cas prévus à l’article D. 421-21. La décision accordant l’agrément mentionne le nombre d’enfants que l’assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément, ainsi que, le cas échéant, leur âge et les périodes durant lesquelles ils peuvent être accueillis. Elle précise notamment que la présence d’un enfant de moins de trois ans de l’assistant maternel rend indisponible une place d’accueil autorisée par l’agrément. » ; qu’aux termes de l’article R. 421-23 du même code : « Lorsque le président du conseil général envisage de retirer un agrément, d’y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l’article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. L’assistant maternel ou l’assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. La liste des représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission lui est communiquée dans les mêmes délais. L’intéressé peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. La commission délibère hors la présence de l’intéressé et de la personne qui l’assiste. » ;

6. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il incombe au président du conseil général de s’assurer que les conditions d’accueil garantissent la sécurité, la santé et l’épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l’agrément si ces conditions ne sont plus remplies ; qu’à cette fin, dans l’hypothèse où il est informé de suspicions de comportements de nature à compromettre la santé, la sécurité ou l’épanouissement d’un enfant, de la part du bénéficiaire de l’agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux, et de déterminer s’ils sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l’enfant est victime des comportements en cause, ou risque de l’être ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’un rapport des services de PMI de juin 2012 indique que Mme B… a été avisée de la nécessité de mettre une barrière en haut de l’escalier extérieur, d’acquérir un autre lit-parc et de remédier à l’insuffisance des espaces qu’elle entend destiner à l’accueil des deux enfants par jour et deux enfants en accueil périscolaire autorisés par son agrément, et que les puéricultrices ont subordonné le maintien de l’agrément de l’intéressée à un suivi rapproché jusqu’au mois de décembre 2012 ; qu’un autre rapport de contrôle du 8 janvier 2013 constate la réalisation des aménagements extérieurs, la présence de deux lits parapluie, Mme B… assurant qu’un troisième serait rangé, prend acte de ce que l’intéressée se propose d’installer un lit dans la chambre parentale et d’aménager l’espace de jeux dans le séjour-salon, et indique que des modèles de contrat de travail et d’attestation d’accueil en vigueur lui sont remis ; qu’une attestation des services du relai assistantes maternelles (RAM) du 14 mai 2014 relate les conflits ayant opposé Mme B… à des parents employeurs à propos d’un contrat de travail comportant une clause reconnue illégale par la direction du travail et d’un chèque de caution indument réclamé ; que par une lettre du 13 mai 2014, les parents de Mathéo se sont plaints notamment du non respect des consignes parentales par Mme B… ; que le compte-rendu de la visite inopinée des services de PMI au domicile de Mme B…, le 14 mai 2014, constate le non respect de ses obligations concernant la sécurisation du jardin, de la règlementation des capacités d’accueil et de ses obligations déclaratives au service de la PMI, conclut à l’insuffisance de ses capacités éducatives et de sa disponibilité envers les enfants, après avoir noté l’inadéquation des installations, le manque de lits, le défaut de mise à disposition effective de jeux et d’espaces de jeux et le fait que l’intéressée ne communique pas avec les enfants et ne leur porte pas attention pendant la visite, souligne enfin le non respect des consignes parentales propres à certains enfants et l’absence de projet éducatif ainsi que la dissimulation de la présence d’un enfant de cinq mois non déclaré au service de la PMI ;

8. Considérant que Mme B…, qui se borne à faire valoir qu’elle ne serait en conflit qu’avec les seuls parents de Mathéo et uniquement en raison du mécontentement de ceux-ci en constatant qu’ils lui seraient redevables d’une indemnité de rupture de contrat, et qu’elle était exceptionnellement perturbée lors de la visite du 15 mai 2014 en raison des graves problèmes de santé de son père, décédé quelques jours plus tard, ne peut être regardée comme contestant sérieusement la matérialité de l’ensemble des faits sus-énumérés qui lui sont reprochés ; qu’en estimant, au regard de l’ensemble de ces faits, que les conditions d’accueil garantissant la sécurité, la santé et l’épanouissement des enfants accueillis ne sont plus remplies, le président du conseil général de la Manche n’a entaché sa décision de retrait de l’agrément d’assistante maternelle de Mme B… ni d’erreur de fait ni d’erreur d’appréciation ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme que demande Mme B… au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du département de la Manche, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B… le versement au département de la Manche d’une somme au titre de ces mêmes frais ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Manche au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E… B… et au département de la Manche.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

— M. Lainé, président de chambre,

 – Mme Loirat, président-assesseur,

 – Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2016.


Le rapporteur,


C. LOIRATLe président,


L. LAINÉ


Le greffier,

M. A…

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15NT00472

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