CAA de NANTES, 5ème chambre, 19 juin 2020, 19NT01992, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 19 juin 2020, n° 19NT01992
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT01992
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 28 mars 2019, N° 1605023
Dispositif : Satisfaction totale
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042325935

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 19 mai 2016 par lequel le maire de Bangor a délivré à M. D… un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain cadastré à la section YD sous le n° 457 situé au lieu-dit « Donnant » et le rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1605023 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté du 19 mai 2016 du maire de Bangor et sa décision portant rejet du recours gracieux formé par l’association.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mai, 1er et 10 octobre 2019, la commune de Bangor, représentée par le cabinet d’avocats Le Roy-Gourvennec-Prieur, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray devant ce tribunal;

3°) de mettre à la charge de l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le permis de construire litigieux n’a été délivré en méconnaissance ni de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ni de l’article L. 121-13 de ce code et se rapporte, plus le surplus, à ses écritures de première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 août et 19 septembre 2019, l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray, représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bangor et à ce que la même somme soit mise à la charge de M. D…, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – « l’appel incident » de M. D… est irrecevable ;

 – les moyens soulevés par la commune de Bangor ne sont pas fondés ; l’arrêté du 19 mai 2016 a été pris en méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l’urbanisme ;

 – le schéma de cohérence territoriale du Pays d’Auray fait obstacle à la délivrance du permis de construire litigieux ;

 – quand bien même les dispositions de ce document d’urbanisme autoriseraient la construction litigieuse, elles seraient contraires à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ;

 – le plan local d’urbanisme est entaché d’illégalité au regard de ces dispositions en ce qu’il classe en zone constructible Ub le lieu-dit « Donnant » ; le permis a donc été délivré sous l’empire d’un document illégal ; le terrain n’est pas situé dans une zone urbanisée de la commune ; le projet est contraire aux dispositions du règlement national d’urbanisme auxquelles le plan d’occupation de sols illégal s’est substitué ;

 – l’arrêté litigieux est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que le maire de Bangor aurait dû surseoir à statuer, en application de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme, sur la demande de permis de construire de M. D….

M. F… D…, représenté par Me A…, a présenté des observations enregistrées les 5 septembre et 1er octobre 2019.

Par une ordonnance du 18 octobre 2019, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d’instruction a été fixée avec effet immédiat.

Des observations, enregistrées les 16 et 17 mai 2020, postérieurement à la clôture de l’instruction, ont été présentées pour M. D….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme B…,

 – les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

 – et les observations de Me E…, pour la commune de Bangor, de Me A…, pour M. D… et de Me C…, pour l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray, l’arrêté du 19 mai 2016 par lequel le maire de Bangor a délivré à M. D… un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain cadastré à la section YD sous le n° 457 situé au lieu-dit « Donnant » et le rejet de son recours gracieux. La commune de Bangor relève appel de ce jugement.

Sur les écritures de M. D… :

2. La requête d’appel de la commune de Bangor a été communiquée par la cour à M. D…, bénéficiaire du permis de construire du 19 mai 2016, qui était partie en défense en première instance et n’a pas fait appel du jugement. M. D… est donc présent à l’instance en qualité d’observateur et ses écritures sont prises en compte en tant que simples observations.

Sur la légalité du permis de construire du 19 mai 2016 :

3. D’une part, aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants (…) ». Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des plans et des photographies produites, que le lieu-dit « Donnant » comporte une cinquantaine de maisons d’habitation implantées de façon organisée et cohérente et regroupées autour de plusieurs voies communales, dans un rayon compris entre 100 et 120 mètres, et forme ainsi un ensemble caractérisé par une densité significative de constructions. La parcelle d’assiette du projet en litige, cadastrée section YD n° 457, bordée sur plusieurs de ses côtés par des parcelles bâties, se trouve au coeur de cet ensemble urbanisé. Dans ces conditions, en délivrant à M. D… le permis de construire qu’il sollicitait le maire de Bangor n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage (…) est justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale (…) ». Une opération qu’il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une « extension de l’urbanisation » au sens de ces dispositions que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. En revanche, la seule réalisation dans un quartier urbain d’un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi.

6. Il n’est pas contesté que le terrain d’assiette du projet est situé au sein d’un espace proche du rivage de la mer. Le permis litigieux porte sur l’édification d’une maison d’habitation d’une surface de 57 m2, dans un secteur déjà urbanisé. Il n’a pas pour effet d’étendre ou de renforcer de manière significative l’urbanisation de secteur ni d’en modifier de manière importante les caractéristiques. Par suite, il constitue une simple opération de construction et non une extension de l’urbanisation au sens des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme. Dès lors, en délivrant le permis de construire attaqué, le maire de Bangor n’a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

7. Il résulte des développements qui précèdent que c’est à tort que, pour annuler le permis de construire du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Rennes s’est fondé sur ce que le permis de construire avait été délivré en méconnaissance des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l’urbanisme.

8. Il appartient toutefois à la cour saisie de l’ensemble du litige, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray devant le tribunal administratif de Rennes et la cour.

9. En premier lieu, aux termes de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « (…) L’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 424-1, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable. ».

10. Par délibération du 15 novembre 2011, le conseil municipal de Bangor a prescrit l’élaboration de son plan local d’urbanisme. Le débat du conseil municipal sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables a eu lieu le 15 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier que les orientations de ce projet traduisent, à la date de la délivrance du permis de construire contesté, le 19 mai 2016, un état suffisamment avancé du futur plan local d’urbanisme. L’axe 1 du projet consiste à « promouvoir un développement urbain raisonné pour préserver la qualité du cadre de vie de Belle-Ile-en-Mer ». Il est prévu à ce titre parmi les orientations générales que, « conformément à la loi littoral », la densification « des entités urbaines significatives » sera déterminée « selon quatre critères (nombre de constructions, la desserte, la densité et la présence d’un noyau ancien) ». Eu égard à la situation de la parcelle en cause, dont il a été dit au point 4 qu’elle s’insère au sein d’une zone urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions, le projet de construction d’une maison d’une surface de 57 m2 ne peut être regardé comme de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l’exécution du plan. Par suite, le maire de Bangor n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en décidant, en application de ces dispositions, de ne pas surseoir à statuer sur la demande de permis de construire de M. D….

11. En second lieu, la légalité du permis de construire litigieux s’appréciant directement au regard des dispositions citées ci-dessus de la loi « littoral » et non du plan local d’urbanisme, les moyens tirés de ce que ce plan, qui classe la parcelle en cause en zone constructible, serait incompatible, sur ce point, avec le schéma de cohérence territoriale du Pays d’Auray, lequel ferait obstacle à ce que le permis de construire litigieux soit accordé, de ce que ce permis aurait été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal et de ce qu’il méconnaitrait les dispositions du règlement national d’urbanisme alors remises en vigueur ne peuvent qu’être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bangor est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray, l’arrêté du 19 mai 2016 par lequel son maire a délivré à M. D… un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain situé au lieu-dit « Donnant ».

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ». Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray, le versement des sommes que demande la commune de Bangor en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bangor le versement à l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray de la somme que celle-ci demande au titre de ces mêmes dispositions. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D…, dès lors qu’il n’est pas partie dans la présente instance mais simple observateur et qu’il n’aurait pas eu qualité pour former tierce opposition s’il n’avait pas été invité à présenter des observations.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3  : Les conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bangor et à l’association pour l’application de la loi littoral dans le Pays d’Auray.

Copie en sera adressée, pour information, à M. F… D….

Délibéré après l’audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :

 – M. Célérier, président de chambre,

 – Mme B…, présidente-assesseur,

 – Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

C. B… Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19NT01992

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