CAA de NANTES, 5ème chambre, 22 décembre 2020, 19NT03519, Inédit au recueil Lebon

  • Navigation·
  • Environnement·
  • Site·
  • Concession·
  • Étude d'impact·
  • Exploitation·
  • Communauté d’agglomération·
  • Extraction·
  • Évaluation·
  • Pêche

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 22 déc. 2020, n° 19NT03519
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT03519
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 3 juillet 2019
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042752790

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Lannion, l’association Trébeurden patrimoine environnement, les communes de Locquirec et de Louannec, la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, la communauté d’agglomération Morlaix Communauté, les communes de Perros-Guirec, de Plestin-les-Grèves, de Trébeurden, de Trégastel, de Pleumeur-Bodou, de Ploumilliau, de Plouzélambre, de Saint-Michel-en-Grève, de Trédrez-Locquémeau et de Tréduder ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler, d’une part, l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a autorisé pour une durée de quinze ans la société « Compagnie armoricaine de navigation » à exploiter les sables coquilliers contenus à l’intérieur du périmètre de la concession de « Pointe d’Armor », d’autre part, l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère et le préfet des Côtes d’Armor ont autorisé la même société à occuper temporairement le domaine public maritime en vue de l’exploitation de la concession de sables calcaires coquilliers de « Pointe d’Armor » accordée par le décret du 14 septembre 2015, enfin, l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère et le préfet des Côtes d’Armor ont décidé de l’institution d’une commission de suivi, d’information et de concertation.

Par un jugement nos 1600438 1600443 1600441 1600452 1600454 1600456 1600457 1600459 1600460 1600461 1600462 1600463 1600464 1600465 1600466 1600467 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août 2019, 26 mars 2020, et 29 juin 2020, la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, la communauté d’agglomération Morlaix Communauté, les communes de Lannion, Locquirec, Louannec, Perros-Guirec, Plestin-les-Grèves, Pleumeur-Bodou, Ploumilliau, Plouzélambre, Saint-Michel-en-Grève, Trébeurden, Trédrez-Locquémeau, Tréduder, Trégastel, et l’association Trébeurden patrimoine environnement, représentées par Me C…, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d’annuler l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère a autorisé pour une durée de quinze ans la société « Compagnie armoricaine de navigation » à exploiter les sables coquilliers contenus à l’intérieur du périmètre de la concession de « Pointe d’Armor » ;

3°) d’annuler l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère et le préfet des Côtes d’Armor ont autorisé la société « Compagnie armoricaine de navigation » à occuper temporairement le domaine public maritime en vue de l’exploitation de la concession de sables calcaires coquilliers de « Pointe d’Armor » accordée par le décret du 14 septembre 2015 ;

4°) d’annuler l’arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet du Finistère et le préfet des Côtes d’Armor ont décidé de l’institution d’une commission de suivi, d’information et de concertation ;

5°) de mettre à la charge solidaire de l’Etat et de la société « Compagnie armoricaine de navigation » la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

— le jugement est irrégulier en ce que la note en délibéré produite à l’issue de l’audience n’a pas été communiquée, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

 – le jugement est irrégulier en ce qu’il a omis de répondre à un moyen qui n’était pas inopérant ;

 – le dossier d’enquête publique est entaché d’insuffisances substantielles quant à la prise en compte de l’état initial, à l’absence d’analyse des effets du projet et des mesures de substitution et compensatoires envisagées et à l’insuffisance de la bibliographie et de l’analyse des méthodes ; l’étude d’impact est également insuffisante concernant l’évaluation des incidences Natura 2000 ;

 – les arrêtés contestés méconnaissent l’article L. 161-1 du code minier ;

 – les arrêtés contestés méconnaissent le principe de précaution ;

 – les préfets ont entaché les actes contestés d’erreur manifeste d’appréciation quant au respect du dispositif Natura 2000 ; le projet ne répond à aucune raison impérative d’intérêt public majeur, pas plus qu’aux deux autres conditions cumulatives de dérogation à l’opposition au projet qui s’imposait en l’occurrence aux deux préfets en application de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;

 – les préfets ont commis une erreur manifeste d’appréciation au regard de la sensibilité des écosystèmes concernés par le projet, de l’absence de prise en compte de la présence du lançon, de l’absence de prise en compte de l’impact direct sur les sites Natura 2000, de l’absence de prise en compte du caractère irréversible de la destruction d’une partie de la dune et de l’absence de prise en compte de la modification du trait de côte ;

 – les actes attaqués sont entachés d’erreur manifeste d’appréciation au regard des enjeux économiques de la baie de Lannion, des répercussions sur la pêche professionnelle et de l’impact sur le tourisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 novembre 2019 et le 22 avril 2020, la société « Compagnie armoricaine de navigation », représentée par Me E…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérantes le versement de la somme de 15 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par les requérantes n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mai 2020, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par les requérantes n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Charte de l’environnement ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code minier ;

 – le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l’exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A…,

 – les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

 – et les observations de Me F…, représentant la communauté d’agglomération Lannion Trégor Communauté et autres, et de Me D…, représentant la société « Compagnie armoricaine de navigation ».

Considérant ce qui suit :

1. La société « Compagnie armoricaine de navigation » est un armateur sablier, filiale du groupe breton Roullier, exploitant de bancs de maërl et de sable coquillier, matériaux calcaires utilisés en agriculture pour réduire l’acidité des sols, au large des côtes du Finistère. En voie d’épuisement, les gisements de maërl ont été fermés et l’extraction est interdite depuis 2013. Souhaitant accroître le volume d’exploitation de sable coquillier, composé de sable et de débris de coquillages, la société « Compagnie armoricaine de navigation » a présenté le 23 décembre 2009 une demande conjointe de concession minière, d’autorisation domaniale et d’autorisation d’ouverture de travaux sur les fonds du domaine public maritime au large des côtes des départements du Finistère et des Côtes d’Armor en vue d’exploiter une partie du gisement de sables calcaires coquilliers dit de la « Pointe d’Armor ». Le 15 janvier 2010, les services du ministre chargé des mines ont accusé réception de cette demande portant sur une superficie de 4 km2 et un volume d’extraction maximum de 400 000 m3 par an sur une durée de 20 ans. La concession sollicitée, dite « de la Pointe d’Armor », a été accordée à la société par un décret du Premier ministre du 14 septembre 2015, pour une durée de quinze ans et pour un volume d’extraction maximum de 250 000 m3 par an à l’issue des cinq premières années d’exploitation. Par une décision du 5 décembre 2016, n°394592 – 394617, le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé contre ce décret. Par un arrêté du 1er décembre 2015 portant ouverture de travaux, le préfet du Finistère a délivré l’autorisation d’exploitation de la concession. Par deux arrêtés conjoints du même jour, les préfets du Finistère et des Côtes d’Armor ont, d’une part, autorisé la société « Compagnie armoricaine de navigation » à occuper temporairement le domaine public maritime en vue de l’exploitation de la concession de sables calcaires coquilliers dite de la « Pointe d’Armor » accordée par le décret du 14 septembre 2015, d’autre part, créé une commission de suivi, d’information et de concertation en vue de suivre l’exploitation du site. Par 16 requêtes distinctes, la commune de Lannion, l’association Trébeurden patrimoine environnement, les communes de Locquirec et de Louannec, la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, la communauté d’agglomération Morlaix Communauté, les communes de Perros-Guirec, de Plestin-les-Grèves, de Trébeurden, de Trégastel, de Pleumeur-Bodou, de Ploumilliau, de Plouzélambre, de Saint-Michel-en-Grève, de Trédrez-Locquémeau et de Tréduder, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler ces trois arrêtés. Par un jugement nos 1600438 1600443 1600441 1600452 1600454 1600456 1600457 1600459 1600460 1600461 1600462 1600463 1600464 1600465 1600466 1600467 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes. La communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, la communauté d’agglomération Morlaix Communauté, les communes de Lannion, Locquirec, Louannec, Perros-Guirec, Plestin-les-Grèves, Pleumeur-Bodou, Ploumilliau, Plouzélambre, Saint-Michel-en-Grève, Trébeurden, Trédrez-Locquémeau, Tréduder, Trégastel, et l’association Trébeurden patrimoine environnement relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2.En premier lieu, devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier que la note en délibéré produite par les requérantes à l’issue de l’audience du 22 mai 2019, qui a été visée par les premiers juges, ne comporte l’exposé d’aucune des circonstances de fait ou de droit énoncées au point 2. En particulier, la circonstance que le préfet a refusé à la société « Compagnie armoricaine de navigation » l’ouverture des travaux miniers pour la période 2016/2017 n’a pas d’incidence sur la légalité des arrêtés contestés en date du 1er décembre 2015 alors, en tout état de cause, que cette décision de refus a été prise le 10 janvier 2017, soit plus de deux ans avant l’audience. Par suite, les juges de première instance n’ont pas entaché leur jugement attaqué d’irrégularité en ne rouvrant pas l’instruction pour soumettre au débat contradictoire cette note en délibéré.

4. En second lieu, il ressort des motifs même du jugement que le tribunal administratif de Nantes a répondu aux moyens contenus dans les requêtes. En particulier, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n’a pas omis de répondre au moyen tiré de l’insuffisance manifeste de l’étude d’impact, qu’il a explicitement écarté aux points 10 à 14. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement serait entaché d’irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l’article 3 du décret susvisé du 6 juillet 2006 dans sa rédaction applicable au litige : " Le demandeur peut présenter simultanément la demande de titre minier et la demande d’autorisation d’ouverture de travaux de recherches ou d’exploitation. Lorsque la demande de titre minier concerne le domaine public maritime, elle est accompagnée de la demande d’autorisation domaniale. Le dossier unique dont sont assorties ces demandes en vue d’une instruction simultanée comprend : (…) 5° L’étude d’impact définie à l’article R. 122-3 du code de l’environnement ; 6° Lorsque tout ou partie du périmètre est situé dans un site Natura 2000 ou, à proximité d’un tel site, dans le cas prévu à l’article R. 414-19 du code de l’environnement, le dossier d’évaluation d’incidences défini à l’article R. 414-23 du même code ; 7° Une note exposant la compatibilité du projet avec la sécurité publique ; 8° Le document de sécurité et de santé prévu à l’article 40 et la copie du permis de navigation en cours de validité pour chacun des navires dont l’utilisation est envisagée ; 9° La nature des substances, les quantités minimales et maximales que le demandeur envisage d’extraire annuellement ; 10° L’indication des mesures envisagées par le demandeur afin d’assurer le suivi de son activité, notamment les moyens mis en oeuvre pour assurer l’autosurveillance du positionnement des navires ainsi que le contrôle des volumes extraits, ainsi que l’indication des mesures envisagées pour contrôler l’impact des travaux sur l’environnement ; 11° Pour les demandes de permis exclusif de recherches, un engagement financier précisant le montant minimum de dépenses que le demandeur s’engage à consacrer aux recherches ; 12° Pour les demandes de concession, l’engagement, prévu à l’article 25 du code minier, de respecter les conditions générales de la concession ; 13° Les pièces justifiant des capacités techniques du demandeur, mentionnées à l’article 4 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 susvisé ; 14° Les pièces justifiant des capacités financières du demandeur, mentionnées à l’article 5 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 susvisé. ". Les articles R. 122-3 et suivants du code de l’environnement définissent le contenu de l’étude d’impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. L’étude d’impact ne peut comporter d’inexactitudes, omissions ou insuffisances susceptibles d’avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

6. Les requérantes soutiennent que le dossier d’enquête publique est entaché d’insuffisances relative à la prise en compte de l’état initial, à l’absence d’analyse des effets du projet et des mesures compensatoires envisagées, ainsi qu’à la bibliographie et l’analyse des méthodes retenues. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l’étude d’impact menée par le maître d’ouvrage, réalisée par le cabinet Astérie, et jointe au dossier d’enquête publique, analyse l’état initial du site, notamment la morphologie et la géologie de la baie de Lannion, s’agissant en particulier des couches sédimentaires, ainsi que les caractéristiques des eaux marines, y compris s’agissant de la turbidité, et de l’environnement naturel. Cette étude présente les effets attendus du projet sur la faune et la flore marines, incluant le lançon, sur la morphologie des fonds marins et de la côte et sur les activités humaines dans cette baie, notamment le tourisme et la pêche, et tient compte des effets cumulés du projet avec ceux de l’exploitation attendue de la concession des Duons, distante d’une quinzaine de kilomètres du site de la Pointe d’Armor. Elle contient un résumé des principales mesures envisagées afin d’atténuer, de supprimer ou de compenser les incidences négatives du projet sur l’environnement. Par ailleurs, ces éléments ont été complétés par une note produite par la société « Compagnie armoricaine de navigation » jointe au dossier d’enquête publique qui détaille, notamment, les raisons qui l’ont conduite à retenir la concession de la pointe d’Armor (site de Trezen Ar Gorjegou) et présente les autres sites également envisagés. La circonstance qu’en réponse aux réserves émises par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Finistère postérieurement à la clôture de l’enquête publique, la société pétitionnaire a fourni, le 24 mars 2011, aux services instructeurs un dossier répondant à ces réserves ne saurait être regardée, en l’espèce, comme établissant l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au dossier d’enquête. Enfin, le document présente une analyse des méthodes utilisées, notamment celles relatives aux campagnes de mesures réalisées au moyen d’un levé bathymétrique, d’un levé au sonar à balayage latéral, et d’un levé en sismique réflexion, ainsi que des références bibliographiques complètes. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’étude d’impact menée par le maître d’ouvrage est entachée d’insuffisances susceptibles d’avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable au litige : « I. – Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après » Evaluation des incidences Natura 2000 « : (…) / 2° Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations (…) VI.- L’autorité chargée d’autoriser, d’approuver ou de recevoir la déclaration s’oppose à tout document de planification, programme, projet, manifestation ou intervention si l’évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n’a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s’il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000. (…) VII.- Lorsqu’une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000 et en l’absence de solutions alternatives, l’autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d’intérêt public majeur (…) ». Aux termes de l’article R. 414-21, dans sa rédaction applicable au litige : " I. – Le dossier d’évaluation d’incidences, établi par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage, comprend : / 1° Une description du programme ou du projet, accompagnée d’une carte permettant de localiser les travaux, ouvrages ou aménagements envisagés par rapport au site Natura 2000 ou au réseau des sites Natura 2000 retenus pour l’évaluation et, lorsque ces travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d’un site Natura 2000, d’un plan de situation détaillé ; / 2° Une analyse des effets notables, temporaires ou permanents, que les travaux, ouvrages ou aménagements peuvent avoir, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres programmes ou projets dont est responsable le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage, sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / II. – S’il résulte de l’analyse mentionnée au 2° du I que les travaux, ouvrages ou aménagements peuvent avoir des effets notables dommageables, pendant ou après la réalisation du programme ou du projet, sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le maître d’ouvrage ou le pétitionnaire complète le dossier d’évaluation en indiquant les mesures de nature à supprimer ou réduire ces effets dommageables, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes. (…) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la concession de la Pointe d’Armor est située entre les sites Natura 2000 de la baie de Morlaix à l’ouest et de la Côte de Granit Rose – Sept-Îles à l’est. L’évaluation des incidences Natura 2000 produite par la société « Compagnie armoricaine de navigation », après avoir présenté les caractéristiques des deux sites et analysé de manière suffisante les incidences du projet sur leur conservation, en particulier au regard des conséquences sur les mammifères marins et poissons du site de la baie de Morlaix et sur les oiseaux et poissons du site de la Côte de Granit Rose – Sept-Îles, a conclu à des effets négligeables sur les habitats et espèces marines et à un impact temporaire et faible sur les oiseaux. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux porte atteinte aux objectifs de conservations d’un site Natura 2000, de sorte que les autorisations contestées ne devaient pas répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur ou aux autres conditions de dérogation prévues par les dispositions précitées. Par ailleurs, il ressort des rapports d’évaluation, produits par la société pétitionnaire, que l’approvisionnement en sables coquillers des ports de Roscoff, Saint-Brieuc, Saint Malo et Pontrieux, qui ne sont pas situés au sein d’une zone protégée, n’occasionnera pas d’effets sur l’environnement. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la localisation du port de Tréguier au sein d’une zone Natura 2000 n’impliquait pas l’obligation d’établir, pour ce site précis, une notice distincte et indépendante de celles déjà réalisées en 2010 et en 2012 pour l’exploitation de la concession litigieuse, et alors que ce port relève au demeurant de la réglementation des installations classées pour l’environnement. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’évaluation des incidences Natura 2000 comporterait des erreurs et insincérités de nature à en remettre en cause la pertinence. Par suite, les moyens tirés de l’insuffisance de l’évaluation des incidences Natura 2000 et de l’inexacte application des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement doivent être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 161-1 du code minier : " Les travaux de recherches ou d’exploitation minière doivent respecter, sous réserve des règles prévues par le code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés [à l’article] L. 211-1 (…) du code de l’environnement (…) « . Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement : » I. – Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (…) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d’accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu’il s’agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; (…) II. – La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; 3° De l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. ".

10. Ainsi qu’il a été dit au point 8, il ressort de l’étude d’impact et de l’évaluation des incidences Natura 2000, dont les insuffisances ne sont pas établies, que le projet d’exploitation de la société « Compagnie armoricaine de navigation » n’aura qu’un impact limité sur l’environnement ainsi que sur les habitats et espèces marines. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier que le trait de côte sera modifié. Les différentes études réalisées, ainsi que l’avis de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement du 28 avril 2011, mentionnent également le caractère temporaire et faible des effets des extractions sur la turbidité de l’eau, au demeurant déjà importante sur le site. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de lançons sur la zone d’extraction soit particulièrement significative. Si les études menées, ainsi que les avis et notes de l’IFREMER du 24 janvier et 24 mai 2011 font notamment état d’incertitude quant à l’impact du projet sur cette espèce de poisson, la décision contestée d’ouverture des travaux et d’autorisation d’exploitation prévoit une exploitation progressive et limitée du site, ainsi qu’un suivi régulier des activités. Précisément, il ressort des pièces du dossier, et notamment des décisions contestées, que la durée globale de concession a été ramenée de 20 à 15 ans, que le périmètre d’exploitation effective a été limité à une superficie de 1,5 km2, que les quantités annuelles pouvant être extraites ont été diminuées, que l’extraction a été interdite du 1er mai au 31 août inclus, et que des mesures de suivi ont été imposées, notamment en ce qui concerne la turbidité et le suivi halieutique, parmi lesquelles une étude environnementale spécifique sur le lançon exercée sous le contrôle d’une autorité scientifique indépendante. Il ressort également des pièces du dossier que l’autorité administrative, en fonction des mesures de suivi, s’est réservée la possibilité de modifier le volume de sables coquilliers pouvant être extrait, ainsi que les modalités de l’extraction, voire de mettre un terme à la poursuite de cette exploitation. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L. 161-1 du code minier doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’autorité administrative n’aurait pas pris en compte, avant de prendre les arrêtés contestés, l’impact du projet sur l’économie locale, sur la pêche professionnelle et sur le tourisme. Si les requérantes soutiennent que les décisions sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation concernant ces différents enjeux, il ressort des pièces du dossier que l’exploitation des sables coquilliers s’effectue sur une surface résiduelle de la superficie de la baie de Lannion et que le temps annuel de présence du navire d’exploitation est particulièrement réduit, y compris lors des années d’extraction les plus intenses. Par ailleurs, et ainsi qu’il a été dit au point 10, les actes contestés prévoient une interdiction d’exploiter le site pendant les mois de mai, juin, juillet et août, soit pendant la période principale de fréquentation touristique. Cette interdiction permet au demeurant de préserver le milieu naturel afin de ne pas compromettre le renouvellement des ressources biologiques et en particulier des lançons. L’incidence de cette activité sur le tourisme et la pêche, alors que l’extraction est arrêtée durant la période estivale ainsi qu’il a été dit ci-dessus, apparaît au demeurant limitée. En outre, les requérantes n’établissent pas que les rendements des navires de pêche exerçant au sein de la baie de Lannion auraient significativement diminué au cours de l’année 2016, et alors que l’exploitation du site entraîne elle-même une activité économique locale importante. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation au regard des enjeux économiques du site et de l’impact du projet sur la pêche professionnelle et sur le tourisme doit être écarté.

12. En cinquième lieu, il résulte des dispositions des articles 1er et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que de l’article L. 110-1 du code de l’environnement que le principe de précaution s’applique en cas de risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé.

13. D’une part, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la réalité et la portée des risques de destruction de la population de lançons et de marsouins, d’augmentation de la turbidité et d’érosion côtière aient été, en l’état des connaissances scientifiques à la date des arrêtés contestés, affectées d’une incertitude de nature à justifier l’application du principe de précaution.

14. D’autre part, et ainsi qu’il a été dit aux points 10 et 11, les décisions en litige ont, en tout état de cause, été accompagnées de prescriptions qui ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes au regard de l’objectif consistant à parer à la réalisation de dommages susceptibles de résulter de l’exploitation autorisée.

15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement et du principe de précaution doit être écarté.

16. En dernier lieu, la circonstance que le préfet du Finistère a refusé de délivrer à la société « Compagnie Armoricaine de Navigation » de nouveaux arrêtés d’autorisation d’ouverture des travaux pour l’exploitation des sables coquilliers à la concession dite de la « Pointe d’Armor » pour les années 2017, 2018 et 2019, est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés.

17. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et de la société « Compagnie armoricaine de navigation », qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de ces dernières le versement à la société « Compagnie armoricaine de navigation » d’une somme au titre des mêmes frais.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société « Compagnie armoricaine de navigation » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d’agglomération Lannion-Trégor Communauté, représentant unique désigné par Me C…, à la société « Compagnie armoricaine de navigation » et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan et au préfet du Finistère.

Délibéré après l’audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

 – M. Célérier, président de chambre,

 – Mme B…, présidente-assesseur,

 – M. A…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Le rapporteur,

A. A… Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03519

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de NANTES, 5ème chambre, 22 décembre 2020, 19NT03519, Inédit au recueil Lebon