CAA de NANTES, 4ème chambre, 1 octobre 2021, 20NT02078, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 4e ch., 1er oct. 2021, n° 20NT02078
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 20NT02078
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 9 juillet 2020, N° 434353, 434355
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044155265

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater la nullité de la convention de délégation de service public conclue avec la commune de La Guérinière pour la gestion du camping municipal communal et de condamner la commune à lui verser une somme de 1 738 242,31 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 4 mars 2015 et capitalisation des intérêts, en remboursement des redevances dont elle s’était acquittée depuis 2008 en exécution de la convention.

La société Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes d’ordonner la reprise des relations contractuelles avec la commune de La Guérinière à compter de la décision de résiliation.

Par un jugement n°s 1501506, 1501529 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, annulé la convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007 entre la commune de La Guérinière et la société Les Moulins, et en second lieu, condamné la commune de La Guérinière à verser à la société Les Moulins la somme de 428 243, 63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2015 et capitalisation des intérêts au 9 mars 2016 puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour avant cassation :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NT01946 le 15 mai 2018, le 23 janvier 2019 et le 24 avril 2019, la société Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 en ce qu’il ne fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

2°) de porter la condamnation de la commune de La Guérinière à la somme de 1 738 242,26 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jour de chaque paiement indu et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les premiers juges ont entaché leur décision d’une erreur de droit dès lors qu’une somme d’argent versée par le délégataire au délégant, en violation des dispositions de l’article L.1411-2 du code général des collectivités territoriales et sur la base d’un contrat annulé en conséquence de cette violation, doit lui être reversée ; elle a en conséquence droit au remboursement intégral des redevances qu’elle a indument payées à la commune de La Guérinière, à hauteur de la somme de 1 738 242,26 euros TTC, sur la base du contrat annulé par le jugement attaqué ;

 – l’usage que la commune de La Guérinière a fait des redevances indument payées confirme que cette somme d’argent lui a été utile et a constitué une situation d’enrichissement sans cause de la commune au détriment de la société ;

 – la redevance correspondant à la « part commune » était indue puisqu’elle permettait le financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement de la commune de La Guérinière en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; la redevance correspondant à la « part ONF » était excessive ;

 – les montants demandés sont justifiés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2018, le 28 février 2019, le 25 mars 2019 et le 24 avril 2019, la commune de La Guérinière, représentée par Me Le Mière, conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l’annulation du jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes ;

3°) au rejet de la demande présentée par la société Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes ;

4°) à la condamnation de la société Les Moulins à lui verser les sommes de 205 000,80 euros et de 88 029,18 euros, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant aux sommes restant dues à l’office national des forêts (ONF) pour l’utilisation et l’exploitation du camping municipal ;

5°) à la condamnation de la société Les Moulins à lui verser les sommes de 293 029,88 euros et de 103 701,10 euros, assorties de l’intérêt au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

6°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Les Moulins à lui verser la somme de 205 000,80 euros et la somme de 88 029,18 euros, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant aux sommes restant dues à l’office national des forêts (ONF) pour l’utilisation et l’exploitation du camping municipal ;

7°) à titre plus subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à la somme de 37 191,02 euros, à ce qu’une expertise judiciaire soit prescrite pour déterminer les conséquences financières de l’annulation de la convention de délégation de service public, et à ce qu’il soit enjoint à la société Les Moulins de reverser à la commune la différence entre les sommes versées en exécution du jugement attaqué et les sommes arrêtées par la cour ;

8°) en tout de cause, à la condamnation de la société Les Moulins à lui verser la somme de 293 029,88 euros au titre de la redevance ONF, et à la restitution des sommes versées en application du jugement attaqué ;

9°) à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Les Moulins au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est irrégulier ;

 – les moyens soulevés par la société Les Moulins ne sont pas fondés.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 18NT01961 le 15 mai 2018, le 6 décembre 2018, le 11 janvier 2019, le 28 février 2019, le 25 mars 2019 et le 24 avril 2019, la commune de La Guérinière, représentée Me Le Mière, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de condamner la société Les Moulins à lui verser la somme de 205 000,80 euros et la somme de 88 029,18 euros, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant aux sommes restant dues à l’office national des forêts (ONF) pour l’utilisation et l’exploitation du camping municipal ;

4°) de condamner la société Les Moulins à lui verser la somme de 103 701,10 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

5°) à titre subsidiaire de condamner la société Les Moulins à lui verser la somme de 205 000,80 euros et la somme de 88 029,18 euros, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant aux sommes restant dues à l’office national des forêts (ONF) pour l’utilisation et l’exploitation du camping municipal ;

6°) à titre plus subsidiaire, de limiter sa condamnation à la somme de 37 191,02 euros, d’ordonner une expertise judiciaire pour déterminer les conséquences financières de l’annulation de la convention de délégation de service public, et d’enjoindre à la société Les Moulins de reverser à la commune la différence entre les sommes versées en exécution du jugement attaqué et les sommes arrêtées par la cour ;

7°) en tout état de cause de condamner la société Les Moulins à lui verser la somme de 293 029,88 euros au titre de la redevance ONF et à restituer les sommes versées en application du jugement attaqué ;

8°) à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Les Moulins au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont statué ultra petita ; la société Les Moulins a demandé aux juges de constater la nullité du contrat et non de prononcer son annulation ; bien que cette irrecevabilité ait été soulevée en première instance, il n’y a pas été répondu ; par ailleurs, le contrat ayant été résilié le 13 février 2015, les critiques formulées par la société Les Moulins par voie d’action contre le contrat lui-même étaient irrecevables ; seule la requête en contestation de la décision de résiliation était recevable, à l’exclusion de la requête aux fins de « constater la nullité » du contrat ;

 – le contrat de délégation de service public n’était pas illicite ; la clause financière relative à la redevance « part commune » était régulière au regard des dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

 – à titre subsidiaire, le contrat ne pouvait pas être annulé ;

 – à titre plus subsidiaire, l’enrichissement sans cause de la commune de La Guérinière du fait de l’exécution du contrat n’est pas établi ;

 – à titre plus subsidiaire, les chiffres retenus par les premiers juges pour fixer l’indemnisation de la société Les Moulins sont erronés ; si le tribunal a retenu comme montant de base de la redevance celle qui avait été fixée pour la première année d’exécution du contrat, les prévisions et l’intention initiale des parties avaient été de « lisser » le montant de la redevance (à partir d’un taux assis sur le chiffre d’affaires) sur l’ensemble du contrat compte tenu de la valeur des biens mis à disposition et des avantages retirées par le délégataire ; la société Les Moulins n’a versé que 638 188,03 euros au lieu des 736 210,46 euros retenus en première instance de sorte que l’indemnisation doit en tout état de cause être limitée à 330 220,90 euros ; en ce qui concerne la redevance « part ONF », la SAS Les Moulins s’est abstenue de verser la somme totale de 293 029,88 euros due par elle au titre de l’occupation et de l’exploitation du camping au cours de l’année 2014 ; ainsi par compensation elle ne doit être condamnée qu’à verser la somme de 37 191,02 euros ;

 – en jugeant que le montant des redevances « part Commune » avait augmenté de façon disproportionnée, sans relever que la SAS Les Moulins était à l’origine même de cet accroissement – du fait d’une exécution anormale du contrat – le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d’appréciation, doublée d’une erreur de fait et d’une erreur de qualification juridique des faits.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2018, le 21 décembre 2018, le 15 février 2019, et le 24 avril 2019, la société Les Moulins, représentée par Me Benjamin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la condamnation de la commune de La Guérinière soit portée à la somme de 1 738 242,26 euros TTC, assortie de l’intérêt au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Guérinière au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les conclusions de la commune de La Guérinière tendant à ce qu’elle soit condamnée, d’une part, à verser le solde de la redevance « part commune » à hauteur de 103 701,10 euros TTC et, d’autre part, la somme de 293 029,58 euros TTC au titre de la redevance « part ONF » sont irrecevables car présentées pour la première fois en appel ;

 – les autres moyens soulevés par la commune de La Guérinière ne sont pas fondés.

III. Par la lettre enregistrée sous le n° 19NT00746 le 27 juillet 2018, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, a saisi la cour d’une demande tendant à obtenir l’exécution du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018.

Par une ordonnance du 22 février 2019, la présidente de la cour administrative d’appel de Nantes a décidé l’ouverture de la procédure juridictionnelle, prévue à l’article R. 921-6 du code de justice administrative, sur la demande d’exécution de la société Les Moulins.

Par un mémoire, enregistré le 21 mars 2019 et le 27 juin 2019, la société Les Moulins demande en outre le prononcé d’une astreinte de 500 euros par jour de retard et que soit mise à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la commune de La Guérinière, représentée par Me Le Mière, conclut au rejet de la demande d’exécution et demande en outre que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Les Moulins.

Elle soutient qu’elle a intégralement exécuté le jugement du 14 mars 2018 en mandatant la somme de 138 940,62 euros par le trésor public et en opérant une compensation à hauteur de 302 269,69 euros au titre des redevances ONF non acquittées par la société.

Par un arrêt n°s 18NT01946, 18NT01961, 19NT00746 du 19 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Nantes a, en premier lieu, rejeté les requêtes n° 18NT01946 de la société Les Moulins et n° 18NT01961 de la commune de La Guérinière, et en second lieu, enjoint à la commune de La Guérinière, en exécution du jugement n° 1501506 et 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 et de son propre arrêt, de verser à la société Les Moulins la part non acquittée de la somme de 428 243, 63 euros dans un délai de trois mois.

Par une décision n°s 434353, 434355 du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt n°s 18NT019446, 18NT01961, 19NT00746 de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 juillet 2019 et a renvoyé les affaires à la cour, qui portent désormais les numéros 20NT02078, 20NT02079 et 20NT02080.

Procédure contentieuse devant la cour après cassation :

I. Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 24 mars 2021, sous le numéro 20NT02078, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1501506 et 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

2°) de porter la condamnation de la commune de La Guérinière de 428 243,63 euros à titre principal à 1 738 242,26 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jour de chaque paiement indu et capitalisation des intérêts et, à titre subsidiaire, à la somme de 736 201,76 euros ;

3°) de rejeter les conclusions de la commune de La Guérinière tendant à sa condamnation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat a la nature de délégation de service public, ainsi que cela ressort de son objet, de ses stipulations, de sa formulation, de la procédure de passation, de l’intention de la commune et des conditions de son exécution ;

- à supposer, comme le soutient la commune, que la convention soit une convention d’occupation domaniale :

o elle serait nulle, et aurait été signée par une autorité incompétente, la commune n’ayant pas compétence pour conclure une convention d’occupation du domaine privé de l’Etat ; la convention conclue entre l’Office national des forêts et la commune de La Guérinière lui interdisait, en outre, de sous-louer le domaine ;

o elle serait nulle car établie en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2125-3 et de l’article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

o elle devrait être soumise au statut des baux commerciaux ;

o la société aurait droit à l’indemnisation de la perte de son fonds de commerce, évaluée à 5 292 000 euros ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison de l’illicéité de son contenu et de son objet :

o il existe une circonstance particulière justifiant l’annulation du contrat dès lors que si l’omission formelle de la justification du montant ou du mode de calcul de la redevance dans le contrat peut être régularisée, la commune de La Guérinière, alertée sur l’irrégularité des clauses financières de la convention, a refusé de procéder à la régularisation de ces clauses ; la commune a fait du versement des redevances une condition essentielle du contrat ;

o les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; l’omission formelle de toute justification révèle le fait qu’elle est amenée à prendre à sa charge l’exécution de services ou de paiements étrangers à l’objet de la délégation ; les redevances versées à la commune ont alimenté le budget général de la commune ; les deux parts de la redevance sont sans contrepartie pour elle ;

o les clauses financières sont des clauses essentielles et indivisibles du contrat et leur illégalité entraine l’annulation du contrat dans son ensemble ;

o l’objet du contrat est illicite ; la commune de La Guérinière s’est bornée à lui confier les biens mis à disposition par l’Office national des forêts sans contrainte de service public et à encaisser une marge de sous-location de 10 % du chiffre d’affaires sans aucune participation de sa part sous forme d’investissements sur le camping ; la location devait être soumise au statut des baux commerciaux et conclue avec l’ONF ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison d’un vice du consentement, au minimum une erreur, un dol ne pouvant être exclu ; la commune ne l’a pas informée de la finalité réelle du contrat de délégation de service public qui consistait à alimenter le budget général de la commune ; elle a été amenée, par erreur ou par dol, à conclure un contrat dont les clauses financières étaient illicites ;

- à titre subsidiaire les clauses financières du contrat de délégation de service public étant irrégulières, la commune ne pouvait légalement résilier la convention pour un motif financier, encore moins à ses torts exclusifs ; la décision de résiliation à ses torts doit donc être annulée :

o les clauses financières du contrat de délégation de service public étant illicites, elle ne pouvait être contrainte de payer les redevances ;

o les autres griefs formulés par la commune n’étaient pas fondés ;

- en toutes hypothèses il doit être fait droit à l’ensemble de ses demandes indemnitaires ; toutes les redevances qu’elle a versées doivent lui être remboursées, et au minimum, la part « commune » des redevances versées qui n’a servi qu’à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la commune de La Guérinière ; dans l’hypothèse d’une indemnisation fondée sur le contrat, il faudra recourir à une expertise afin de déterminer la valeur vénale des bâtiments construits par la société.

Par des mémoires, enregistrés le 8 octobre 2020 et le 12 mai 2021, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de la SAS Les Moulins présentées devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour ;

3°) de condamner la SAS Les Moulins à lui verser la somme de 470 165,15 euros, correspondant au montant de la part communale de la redevance, majorée des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat litigieux n’est pas une délégation de service public mais une convention d’occupation domaniale ; bien que portant sur une dépendance du domaine privé, il s’agit d’un contrat administratif en raison de clauses exorbitantes du droit commun ; en conséquence, les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables ; la part communale de la redevance, prévue par l’article 12 de la convention, est donc exigible dans sa totalité ;

- la convention d’occupation domaniale n’est pas illégale :

o l’Office national des forêts a donné son accord pour qu’elle sous-loue ou cède les droits qu’elle détenait de la convention conclue en 2008 ;

o aucun vice du consentement, ni erreur ni dol, n’est établi ;

- les moyens soulevés par la société Les Moulins seront écartés comme infondés.

II. Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 24 mars 2021 sous le numéro 20NT02079, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour :

1°) de rejeter l’appel de la commune de La Guérinière dirigé contre le jugement n°s 1501506 et 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de réformer le jugement n° 1501506 et 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

3°) de porter la condamnation de la commune de La Guérinière de 428 243,63 euros à titre principal à 1 738 242,26 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jour de chaque paiement indu et capitalisation des intérêts et à titre subsidiaire à la somme de 736 201,76 euros ;

4°) à titre très subsidiaire, de condamner la commune de La Guérinière à lui verser la somme de 1 738 242, 26 euros TTC en remboursement des redevances et 2 001 174 euros TTC au titre des dépenses d’investissement ;

5°) de mettre à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à supposer, comme le soutient la commune, que la convention ne soit pas une délégation de service public, elle serait nulle, et aurait été signée par une autorité incompétente, la commune n’ayant pas compétence pour conclure une convention d’occupation du domaine privé de l’Etat ;

- à titre principal, le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison de l’illicéité de son contenu et de son objet :

o il existe une circonstance particulière justifiant l’annulation de l’application du contrat dès lors que si l’omission formelle de la justification du montant ou du mode de calcul de la redevance dans le contrat peut être régularisée, la commune de La Guérinière, alertée sur l’irrégularité des clauses financières de la convention, a refusé de procéder à la régularisation de ces clauses ; la commune a fait du versement des redevances une condition essentielle du contrat ;

o les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; l’omission formelle révèle le fait qu’elle est amenée à prendre à sa charge l’exécution de services ou de paiements étrangers à l’objet de la délégation ; les redevances qu’elle verse à la commune alimentent le budget général de la commune ; les deux parts de la redevance sont sans contrepartie pour elle ;

o les clauses financières sont des clauses essentielles et indivisibles du contrat et leur illégalité entraine l’annulation du contrat dans son ensemble ;

o l’objet du contrat est illicite ; la commune de La Guérinière se borne à lui confier les biens mis à disposition par l’Office national des forêts sans contrainte de service public et à encaisser une marge de sous-location de 10 % du chiffre d’affaires sans aucune participation de sa part sous forme d’investissements sur le camping ; la location devrait être soumise au statut des baux commerciaux ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison d’un vice du consentement, au minimum une erreur, un dol ne pouvant être exclu ; la commune ne l’a pas informée de la finalité réelle du contrat de délégation de service public qui consistait à alimenter le budget général de la commune ; elle a été amenée, par erreur ou par dol, à conclure un contrat dont les clauses financières étaient illicites ;

- à titre subsidiaire, la décision de résiliation à ses torts doit être annulée :

o les clauses financières du contrat de délégation de service public étant illicites, elle ne pouvait être contrainte de payer les redevances ;

o les autres griefs formulés par la commune n’étaient pas fondés ;

o la commune de La Guérinière aurait dû prononcer une résiliation pour invalidité du contrat ;

- il doit être fait droit à l’ensemble de ses demandes indemnitaires ; toutes les redevances qu’elle a versées doivent lui être remboursées, et au minimum, la part « commune » des redevances versées qui n’a servi qu’à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la commune de La Guérinière.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2020, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°s 1501506,1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de la SAS Les Moulins présentées devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions d’appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s’en rapporte à ses écritures et pièces produites dans l’instance n° 18NT01961 ;

- le contrat conclu en 2007 ne peut être qualifié de délégation de service public ; en conséquence l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable ;

- à supposer que le contrat conclu en 2007 soit une délégation de service public, son application ne peut être écartée faute d’objet contractuel illicite ou de vice d’une particulière gravité.

III. Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 24 mars 2021 sous le n° 20NT02080, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour de condamner la commune de La Guérinière à lui verser les sommes restant dues en application du jugement n° 1501506 et 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018, avec intérêts, capitalisation des intérêts et intérêts moratoires prévus par le code monétaire et financier, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- à titre principal, le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison de l’illicéité de son contenu et de son objet :

o il existe une circonstance particulière justifiant l’annulation de l’application du contrat dès lors que si l’omission formelle de la justification du montant ou du mode de calcul de la redevance dans le contrat peut être régularisée, la commune de La Guérinière, alertée sur l’irrégularité des clauses financières de la convention, a refusé de procéder à la régularisation de ces clauses ; la commune a fait du versement des redevances une condition essentielle du contrat ;

o les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; l’omission formelle révèle le fait qu’elle est amenée à prendre à sa charge l’exécution de services ou de paiements étrangers à l’objet de la délégation ; les redevances qu’elle verse à la commune alimentent le budget général de la commune ; les deux parts de la redevance sont sans contrepartie pour elle ;

o les clauses financières sont des clauses essentielles et indivisibles du contrat et leur illégalité entraine l’annulation du contrat dans son ensemble ;

o l’objet du contrat est illicite ; la commune de La Guérinière se borne à lui confier les biens mis à disposition par l’Office national des forêts sans contrainte de service public et à encaisser une marge de sous-location de 10 % du chiffre d’affaires sans aucune participation de sa part sous forme d’investissements sur le camping ; la location devrait être soumise au statut des baux commerciaux ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison d’un vice du consentement, au minimum une erreur, un dol ne pouvant être exclu ; la commune ne l’a pas informée de la finalité réelle du contrat de délégation de service public qui consistait à alimenter le budget général de la commune ; elle a été amenée, par erreur ou par dol, à conclure un contrat dont les clauses financières étaient illicites ;

- à titre subsidiaire, la décision de résiliation à ses torts doit être annulée :

o les clauses financières du contrat de délégation de service public étant illicites, elle ne pouvait être contrainte de payer les redevances ;

o les autres griefs formulés par la commune n’étaient pas fondés ;

o la commune de La Guérinière aurait dû prononcer une résiliation pour invalidité du contrat ;

- il doit être fait droit à l’ensemble de ses demandes indemnitaires ; toutes les redevances qu’elle a versées doivent lui être remboursées, et au minimum, la part « commune » des redevances versées qui n’a servi qu’à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la commune de La Guérinière ;

- en cas d’indemnisation fondée sur le contrat, il faute une expertise avant-dire droit pour déterminer la valeur vénale des bâtiments qu’elle a construits ;

- la commune de La Guérinière a totalement exécuté sa condamnation à lui rembourser la somme de 428 243, 63 euros en remboursement des redevances.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions de la SAS Les Moulins à fin d’exécution du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a exécuté le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 ; les conclusions à fin d’exécution sont donc dépourvus d’objet ;

- en application de la décision du Conseil d’Etat annulant l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 juillet 2019, il appartient à la SAS Les Moulins de rembourser les sommes en cause.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code monétaire et financier ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Liébeaux et Me Benjamin, représentant la SAS Les Moulins et de Me Marchand, représentant la commune de La Guérinière.

Une note en délibéré, présentée pour la SAS Les Moulins par Me Benjamin, a été enregistrée le 15 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20NT02078, n° 20NT02079 et n° 20NT02080, présentées pour la SAS Les Moulins et pour la commune de La Guérinière, sont relatives à un même jugement, présentent à juger des questions similaires et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. La commune de La Guérinière (Vendée) exploite depuis l’année 1968 un camping, anciennement dénommé « camping de la Sourderie » sur un terrain, situé dans la forêt domaniale de Noirmoutier, d’une contenance de 5 hectares, 58 ares et 90 centiares situé sur les parcelles cadastrées section AK n° 251 et n° 167 p. Ces parcelles sont la propriété de l’Etat et sont gérées par l’Office national des forêts (ONF), avec lequel la commune a conclu une convention d’occupation. Cette convention d’occupation a été renouvelée par une convention conclue en février 2008 entre l’Etat, l’ONF et la commune de La Guérinière, autorisant l’exploitation, selon un cahier des charges établissant les principes d’une gestion forestière durable, du camping de la Sourderie, pour une durée maximale de neuf années entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2016 en échange du paiement à l’ONF par la commune d’une redevance, calculée au prorata du chiffre d’affaires brut hors taxes correspondant aux recettes de l’exploitant du camping. L’article 2 de la convention tripartite autorisait la commune de La Guérinière à exploiter le camping de la Sourderie sous forme d’une délégation de service public, soumise à l’agrément préalable de l’ONF.

3. La commune de La Guérinière a fait paraitre en juin 2007 un avis d’appel d’offre pour la conclusion, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2008, d’une convention de délégation de service public portant sur l’exploitation du camping municipal de la Sourderie, dans le respect de la charte mise en place par l’ONF et son cahier des charges. M. B… A… a présenté sa candidature pour l’exploitation de ce camping. Son offre ayant été retenue par la commune, la gestion du camping, rebaptisé Camping des Moulins, a été confiée pour une durée de neuf années à M. A…, ou toute société qu’il pourrait substituer en cours de contrat, sous certaines conditions, par un contrat de délégation de service public du 27 décembre 2007. Par un avenant du 4 mars 2008, la SAS Les Moulins, dont les statuts avaient été signés le 5 février précédent, et dont M. A… détenait 94 % du capital, a été substituée à ce dernier dans l’exécution de la convention du 27 décembre 2007. Un second avenant, signé le 10 août 2009, a porté la durée d’exécution du contrat signé en décembre 2007 à quinze années, soit jusqu’au 31 décembre 2022, afin de tenir compte des investissements engagés par la SAS Les Moulins.

4. Néanmoins, par un courrier du 18 juillet 2014, la commune de La Guérinière a mis en demeure la SAS Les Moulins de respecter ses obligations contractuelles, notamment de s’acquitter d’une somme due au titre des redevances prévues par les articles 12 et 13 de la convention de décembre 2007 et de communiquer à la commune les comptes rendus financiers complets de l’exploitation du camping au titre des années 2010 à 2013. Par ailleurs, dans cette mise en demeure, la commune relevait, entre autres, que la société avait procédé, sans autorisation, à des modifications de l’état des lieux et avait diminué le nombre d’emplacements, aménagé un parking, abattu des arbres et installé des habitations légères de loisirs. La commune de La Guérinière a réitéré sa mise en demeure par des courriers des 22 août 2014 et 15 janvier 2015, ce dernier courrier informant la société du début d’une procédure de résiliation de la délégation aux torts et risques du délégataire. Puis, par une décision du 13 février 2015, la maire de la commune de La Guérinière, autorisée par une délibération du 12 février 2015 de son conseil municipal, a prononcé la résiliation du contrat conclu le 27 décembre 2007 pour faute aux torts exclusifs de la SAS Les Moulins avec effet immédiat.

5. La SAS Les Moulins a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la délibération du 12 février 2015 et de la décision du 13 février suivant. Sa demande a été successivement rejetée par une ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 11 mars 2015 et par une décision du Conseil d’Etat du 17 juin 2015. Parallèlement, la SAS Les Moulins a saisi le tribunal administratif de Nantes de demandes distinctes tendant l’une à ce que le juge du contrat ordonne la reprise des relations contractuelles avec la commune de La Guérinière à compter de la décision de résiliation, et l’autre à ce que le juge constate la nullité de la convention de délégation de service public conclue avec la commune et condamne la commune de La Guérinière à lui verser une somme globale de 1 738 242,31 euros en remboursement des redevances dont elle s’est acquittée depuis l’année 2008. Par un jugement n°s 1501506, 1501529 du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007 avec la commune de La Guérinière et a condamné la commune à verser à la SAS Les Moulins la somme de 428 243,63 euros avec intérêts à compter du 9 mars 2015 et capitalisation des intérêts. La SAS Les Moulins a saisi la cour administrative d’appel de Nantes d’un appel tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires. La commune de La Guérinière a également saisi la cour administrative d’appel de Nantes d’un appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 tendant à la condamnation de la SAS Les Moulins à lui verser une somme globale de 308 701,90 euros. Enfin, en juillet 2018, la SAS Les Moulins a saisi la cour administrative d’appel de Nantes d’une demande tendant à l’exécution du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018. Par un arrêt n°s 18NT01946, 18NT01961, 19NT00746 du 19 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Nantes a, en premier lieu, rejeté les appels de la SAS Les Moulins et de la commune de La Guérinière dirigés contre le jugement du 14 mars 2018, et, en second lieu, enjoint à la commune de La Guérinière, en exécution du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 et de son propre arrêt, de verser à la société Les Moulins la part non acquittée de la somme de 428 243,63 euros dans un délai de trois mois. Par une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 19 juillet 2019 et a renvoyé les affaires à la cour.

Sur l’appel de la commune de La Guérinière :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance enregistré sous le n° 1501529 que la société Les Moulins a demandé au tribunal de constater la nullité de la convention conclue avec la commune de La Guérinière le 27 décembre 2007 et de condamner, sur le terrain de l’enrichissement sans cause, cette collectivité à lui rembourser toutes les sommes dont elle estime s’être indûment acquittée au titre des redevances prévues aux articles 12 et 13 de cette convention. Dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Les Moulins devait être regardée comme demandant au tribunal d’annuler la convention du 27 décembre 2007 ainsi que le versement d’une indemnité sur le fondement de l’enrichissement sans cause de la commune de La Guérinière. Par suite, la commune de La Guérinière n’est pas fondée à soutenir que le jugement du 14 mars 2018 serait entaché d’une omission de répondre à la fin de non-recevoir opposée en première instance ou que les premiers juges auraient statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis.

En ce qui concerne la nature de la convention conclue le 27 décembre 2007 :

7. L’existence d’une délégation de service public suppose de caractériser la volonté d’une personne publique d’ériger des activités d’intérêt général en mission de service public et d’en confier la gestion à un tiers, sous son contrôle. Les obligations que l’autorité chargée de la gestion du domaine public peut imposer, tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, aux concessionnaires du domaine, sans exercer un droit de regard sur l’activité exercée par l’occupant, ne caractérisent pas une délégation de service public. Il en est de même de l’existence d’un programme d’investissements répondant au besoin de conservation des dépendances domaniales que l’occupant s’engage à réaliser sous sa seule responsabilité et dont la nature et la programmation sont laissées à son appréciation, ainsi que de l’existence d’une redevance déterminée conformément aux modalités de calcul des redevances d’occupation domaniale.

8. La commune de La Guérinière invoque, dans le dernier état de ses écritures, l’inapplicabilité des dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales en vigueur à la date de la conclusion du « contrat de délégation service public » qui la liait à la société Les Moulins, opposable aux seules délégations de service public, au motif que ledit contrat conclu le 27 décembre 2007 ne serait pas une délégation de service public mais une convention d’occupation domaniale. Néanmoins, si cette convention mentionne à son seul article 4 l’existence d’une « convention d’occupation » et délimite la consistance de l’autorisation dans son article 1er, comme portant sur l’occupation d’un terrain et des bâtiments existants, il résulte de l’instruction que la convention expressément intitulée « contrat de délégation de service public » a été conclue après une procédure de publicité et de mise en concurrence. Il résulte ensuite des termes mêmes de cette convention que la commune de La Guérinière a entendu conserver le caractère d’un service public à l’exploitation de son camping municipal à la date de la conclusion du contrat litigieux, et s’est réservée à cet effet la possibilité d’imposer à tout moment au délégataire les modifications de ses « modalités d’exploitation rendues nécessaires par l’adaptation du service aux conditions économiques » (article 2), obligeant l’exploitant à assurer la continuité des services (article 5 bis). Elle a également organisé la possibilité de se substituer à l’exploitant dans la réalisation de travaux nécessaires au fonctionnement du service en cas de défaillance de celui-ci (article 10) et imposé la réalisation de travaux nécessaires à l’exploitation du camping, comme la mise aux normes d’une piscine (article 5). Il résulte également de l’instruction que si la convention litigieuse laisse le délégataire libre de fixer les tarifs du camping, elle organise un contrôle par la commune qui doit être informée annuellement et en début de saison touristique de ces tarifs (article 11). De même, la commune « définit la politique de gestion du terrain » (article 6), reçoit chaque année un compte-rendu financier et un compte-rendu d’activité (article 17) et exerce explicitement le contrôle technique et financier de l’exécution du contrat (article 18). En outre, il résulte de la convention conclue entre l’Etat, la commune de La Guérinière et l’ONF que la collectivité était explicitement autorisée à exploiter son camping sous la forme d’une délégation de service public. Dans ces conditions, et alors en outre que la convention ne porte pas sur des parcelles domaniales appartenant à la commune de La Guérinière mais à l’Etat, la commune n’est pas fondée à soutenir que la convention qu’elle a conclue le 27 décembre 2007 avec M. A… n’avait pas la nature d’une délégation de service public.

En ce qui concerne la validité de la convention :

9. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

10. Aux termes de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre. (…) / Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l’exécution de services ou de paiements étrangers à l’objet de la délégation. / Les montants et les modes de calcul des droits d’entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions. (…) ».

11. L’article 12 de la convention conclue en décembre 2007 entre la commune de La Guérinière et M. A… stipule que : « En contrepartie de la mise à disposition de l’exploitant délégataire des équipements, installation et matériels appartenant à la Commune ou implantés sur le site, une redevance sera due à la Commune. / Cette redevance est égale à 10 % du chiffre d’affaires brut hors taxe » recettes camping « . / Cette redevance est payable de la manière suivante : / 30 % au 31 juillet de chaque année intéressée, / 40 % au 31 août de chaque année intéressée, / Le solde, calculé au prorata du chiffres d’affaires, au 30 novembre de l’année N. / Le paiement sera effectué par chèque libellé à l’ordre du Trésor Public. / L’exploitant délégataire devra justifier de ses recettes au vu des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu’il s’engage à communiquer à la Commune dès leur établissement, la Commune se réservant le droit de procéder ou de faire procéder à un contrôle de ses documents comptables. (…) ».

12. L’omission de faire figurer dans une convention de délégation de service public, comme le prévoyait l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la justification des montants et modes de calcul des droits d’entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante ne donne pas un caractère illicite au contrat ni n’affecte les conditions dans lesquelles les deux parties ont donné leur consentement et peut, au demeurant, être régularisée. Dès lors, une telle omission n’est pas de nature à justifier, en l’absence de toute autre circonstance particulière, que dans le cadre d’un litige entre les parties, l’application de ce contrat soit écartée.

13. Si l’article 1er de la convention conclue entre la commune de La Guérinière et la SAS Les Moulins définit précisément les équipements existant sur le terrain concédé et définit diverses conditions d’exploitation du terrain de camping, il résulte de l’instruction que ni l’article 12, ni aucune stipulation de la convention conclue le 27 décembre 2007 ne comportent de justification du montant de la redevance perçue au profit de la commune ou du mode de calcul permettant de retenir le taux de 10 % du chiffre d’affaires brut de l’exploitant. Néanmoins, ainsi qu’il a été rappelé au point précédent, cette méconnaissance des dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales n’a pas donné un caractère illicite au contrat litigieux ni n’a affecté les conditions dans lesquelles la commune et M. A… ont donné leur consentement. Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 8 du présent arrêt, la convention en cause constitue une délégation de service public par laquelle la commune de La Guérinière a confié à son délégataire la gestion de son camping municipal, et non une convention portant uniquement occupation du domaine privé de l’Etat. Dès lors la SAS Les Moulins n’est pas fondée à soutenir que la convention conclue en décembre 2007 aurait pour objet d’assurer la sous-location du terrain et des immeubles à son profit moyennant une redevance versée à la commune de La Guérinière, occupante au premier chef du terrain appartenant à l’Etat, et que le contrat aurait dès lors un caractère illicite. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs, eu égard à l’objet de la convention qui était de confier la gestion du service public du camping municipal à un délégataire, la SAS Les Moulins ne peut sérieusement soutenir que son consentement aurait été vicié, par erreur ou par dol, au motif que la convention litigieuse, portant sur l’exploitation du camping municipal de La Guérinière, aurait en réalité eu pour objet principal de permettre à la commune de percevoir une redevance de « sous-location », au surplus uniquement destinée à financer des dépenses communales sans lien avec l’objet de la délégation de service public, et qu’elle aurait été ainsi trompée ou induite en erreur quant à l’objet réel de la convention. Enfin, la circonstance que la commune de La Guérinière a refusé, par courrier du 19 novembre 2012, de procéder à une renégociation des clauses financières des articles 12 et 13 de la convention de décembre 2007 n’est pas de nature à caractériser, contrairement à ce que soutient la SAS Les Moulins, une circonstance particulière d’une gravité telle que l’application du contrat devrait être écartée, en l’absence notamment d’un vice affectant gravement la légalité du choix du délégataire ou donnant un caractère illicite au contrat. Par suite, les vices allégués affectant la convention du 27 décembre 2007 ne peuvent qu’être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Guérinière est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la convention conclue avec M. A… en décembre 2007.

15. Il appartient à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les autres moyens présentés par la SAS Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour administrative d’appel de Nantes.

16. L’article 13 du contrat de délégation de service public conclu entre la commune de La Guérinière et la SAS Les Moulins stipule que : « Le terrain de camping étant exploité sur le domaine privé de l’Etat, géré par l’Office National des Forêts, une redevance dont le montant est fixé par la convention liant la commune à l’Office National des Forêts, conformément au document annexé, sera à reverser en sus de la redevance fixée à l’article 12. (…) ». Par ailleurs, l’article 5 de la convention conclue entre l’Etat, l’Office national des Forêts et la commune de La Guérinière stipule que : " 5.1.1. Montant de la redevance / L’autorisation d’occupation est accordée moyennant le paiement d’une redevance annuelle incompressible qui ne pourra être inférieure à 80 000 euros HT (quatre-vingt mille euros hors taxes) et sera calculée au prorata du chiffre d’affaires brut hors taxes correspondant aux recettes de toute nature encaissées à son profit par l’exploitant du terrain de camping y compris le montant des autorisations saisonnières s’il y en a. / Le prorata est fixé à : / 15 % pour les campings 4* / 16 % pour les campings 3* / 18 % pour les campings 2*. / Le titulaire justifiera de ses recettes au vu des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu’il s’engage à communiquer à l’Office National des Forêts dès leur établissement, l’Office National des Forêts se réservant le droit de procéder à un contrôle de ses documents comptables. (…) ".

17. La SAS Les Moulins invoquait, devant le tribunal administratif de Nantes, l’illicéité de la redevance instituée par les stipulations de l’article 13 de la convention de décembre 2007 et calculée conformément à l’article 5 de la convention tripartite conclue entre l’Etat, l’ONF et la commune de La Guérinière. Elle ne peut cependant, dès lors qu’elle est délégataire pour la gestion du service public communal du camping et non usager de ce même service, invoquer utilement l’absence de proportionnalité entre le montant de cette redevance et le service rendu, ou les dispositions de l’article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales. En admettant ensuite que le mode de calcul de la redevance instituée par l’article 13 de la convention litigieuse, destinée à être intégralement reversée par la commune à l’ONF, doive faire l’objet d’une justification, pour les motifs évoqués pour la redevance de l’article 12, une telle omission ne donne pas un caractère illicite au contrat ni n’affecte les conditions dans lesquelles les deux parties ont donné leur consentement. Par ailleurs, l’éventuelle erreur manifeste d’appréciation entachant le montant de cette redevance n’est pas davantage de nature à justifier, en l’absence de toute autre circonstance particulière, que dans le cadre d’un litige entre les parties, l’application de la convention soit écartée dès lors que la disproportion alléguée n’affecte ni la licéité de l’objet du contrat, ni les conditions dans lesquelles la délégataire a donné son consentement. Enfin, et alors que les dispositions de l’article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques prévoient que les personnes publiques gèrent librement leur domaine privé, la SAS Les Moulins n’est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que la redevance mise à la charge de la commune de La Guérinière par la convention tripartite conclue avec l’Etat et l’ONF serait dépourvue de base légale. Il suit de là que les stipulations de l’article 13 de la convention de décembre 2017 ne revêtent pas un caractère illicite devant conduire le juge du contrat à écarter l’application de ladite convention, ou même ces seules stipulations.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu’en l’absence d’irrégularité tenant au caractère illicite de la convention du 27 décembre 2007 ou à un vice d’une particulière gravité entachant cette même convention, l’application du contrat de délégation de service public ne peut, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, être écartée. Il suit de là que la commune de La Guérinière est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la convention de délégation de service public qu’elle a conclue en décembre 2007 avec M. A….

En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de la SAS Les Moulins :

19. Les conclusions de la commune de La Guérinière tendant à la condamnation de la SAS Les Moulins à lui verser une somme globale de 470 165,15 euros correspondant, avec intérêts, aux « part ONF » et « part commune » de la redevance, prévues par les stipulations des articles 12 et 13 de la convention de délégation de service public du 27 décembre 2007, qui n’ont pas été soumises aux premiers juges dans les instances dont il est interjeté appel, ont, comme le soutient la SAS Les Moulins, le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables. En conséquence, elles ne peuvent qu’être rejetées.

Sur l’appel de la SAS Les Moulins :

En ce qui la validité de la décision de résiliation de la convention de décembre 2007 :

20. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d’un recours de plein contentieux contestant la validité d’une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu’il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s’il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n’est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d’une date qu’il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d’ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l’hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l’indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles. Pour déterminer s’il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d’apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse.

21. Conformément aux principes rappelés au point précédent, la SAS Les Moulins qui invoque, devant la cour administrative d’appel de Nantes, l’illégalité de la décision par laquelle la maire de la commune de La Guérinière a prononcé la résiliation de la convention de délégation de service public de décembre 2007 doit être regardée comme motivant ainsi ses conclusions à fin de reprise des relations contractuelles.

22. Il résulte de l’instruction, notamment de la motivation de la décision du 13 février 2015 portant résiliation de la convention de délégation de service public, que celle-ci a été prononcée aux torts et risques de la délégataire. Le courrier du 13 février 2015 énumérait ainsi les motifs de cette décision : " – régler les redevances contractuelles dues dont le montant total s’élève à 392 897, 08 euros TTC (art 12 et 13 contrat) ; / – remédier au déficit financier constaté par le cabinet d’expertise-comptable KPMG et assurer l’équilibre financier de l’exploitation du camping ; /  – se conformer à son obligation d’information spontanée à l’égard de la commune (art 12 et 17 contrat) dont notamment les documents requis dans les délais prévus au contrat (chiffre d’affaires prévisionnels, éléments comptables, etc….) ; / – se conformer à une comptabilité transparente et tenir une comptabilité particulière régie par le plan comptable (art 14 contrat) ; / – se conformer au pouvoir de contrôle de la délégation par la commune (article 18 contrat) ; / – respecter les obligations de la convention ONF (article 16 bis contrat) ; / respecter le nombre d’emplacements fixé par l’arrêté préfectoral du 10 mai 2011 (art 16 bis contrat) ; / – régulariser les constructions édifiées sans autorisation d’urbanisme ; / – exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles sans y être contrainte par la commune ou par la voie judiciaire ".

23. En premier lieu, il résulte de l’instruction et il n’est au demeurant pas contesté par la SAS Les Moulins qu’à la suite du refus de la commune de La Guérinière à la fin de l’année 2012 de renégocier les clauses financières des articles 12 et 13 de la convention de délégation de service public, la SAS Les Moulins a cessé de verser à la collectivité les redevances prévues par ces stipulations. S’il est également constant que la délégataire a repris ultérieurement le paiement des redevances correspondant à 15 % et 10 % de son chiffre d’affaires, la société a de nouveau, malgré la mise en demeure adressée par la commune, mis fin après l’été 2014 au versement des redevances et a ainsi méconnu de manière durable ses obligations financières contractuelles en violation du principe de loyauté des relations contractuelles.

24. En second lieu, il résulte notamment du rapport de la visite d’inspection menée en juin 2016 par un inspecteur de l’ONF que des habitations légères de loisirs ont été installées par la SAS Les Moulins sur le camping de La Guérinière sans qu’elle ait obtenu l’accord explicite de l’ONF pour l’installation de telles structures. La circonstance que l’accord de l’ONF pourrait être obtenu ou que cet établissement aurait donné à la société un tel accord dans un autre camping qu’elle exploite est sans incidence sur la méconnaissance par la SAS Les Moulins de ses obligations dans le cas du camping de La Guérinière. Il a également été observé par l’agent de l’ONF que la convention n’autorisait la mise en place d’un nombre maximum d’hébergements fixes qu’à hauteur de 35 % du nombre d’emplacements, soit 88 emplacements maximum, alors qu’il a été constaté que 109 emplacements du camping comportaient ce type d’hébergement. De même il a été relevé que l’emprise des installations fixes sur leurs emplacements respectifs dépassait les 30 % de la surface totale de l’emplacement autorisé par l’ONF. Enfin, il a été identifié d’une part que les hébergements locatifs temporaires que sont les tentes, bungalows ou caravanes, n’étaient pas démontés pendant la saison hivernale en méconnaissance des obligations fixées par l’établissement public et, d’autre part, que certaines installations n’apparaissaient pas aisément démontables. Plusieurs méconnaissances des obligations imposées par l’ONF à la commune, et qui s’imposaient à la société Les Moulins en application des stipulations de l’article 16 bis de la convention conclue le 27 décembre 2007, ont ainsi été établies.

25. Il résulte de ce qui précède que compte tenu des manquements précités relevés à son encontre, la société Les Moulins n’est pas fondée à contester le motif de la résiliation prononcée par la commune de La Guérinière. Il suit de là que la SAS Les Moulins n’est pas fondée à demander la reprise des relations contractuelles avec la commune de La Guérinière.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de la SAS Les Moulins :

26. Ainsi qu’il a été rappelé au point 18, en l’absence d’illicéité de la convention de décembre 2007 ou d’un vice d’une particulière gravité entachant cette même convention, l’application du contrat de délégation de service public ne peut, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, être écartée. Il suit de là que la SAS Les Moulins n’est pas fondée à demander la condamnation de la commune de La Guérinière à lui rembourser le montant des redevances qu’elle a déjà versées au titre des stipulations des articles 12 et 13 de la convention de délégation de service public du 27 décembre 2007.

27. Par ailleurs, si, à titre subsidiaire, la SAS Les Moulins indique qu’une expertise doit être ordonnée pour déterminer la valeur vénale des bâtiments qu’elle a construits, en cas d’indemnisation « fondée sur le contrat », une telle demande est sans objet au regard ce qui précède. Ces conclusions doivent donc être rejetées.

28. Il résulte de tout ce qui précède, d’une part que la commune de La Guérinière est fondée à demander l’annulation du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018, d’autre part que les demandes de la SAS Les Moulins et celles de la commune de La Guérinière tendant à leur condamnation respective ne peuvent qu’être rejetées.

Sur l’exécution du jugement n° 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 :

29. Le présent arrêt annule le jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018, la demande de la SAS Les Moulins tendant à l’exécution de ce jugement ne peut, par suite, qu’être rejetée.

Sur les frais du litige :

30. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de La Guérinière, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Les Moulins demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

31. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 1 500 euros au titre de chaque instance en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour administrative d’appel de Nantes et ses conclusions tendant à l’exécution du jugement n°s 1501506, 1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Guérinière tendant à la condamnation financière de la SAS Les Moulins à lui verser diverses sommes au titre de redevances non perçues sont rejetées.

Article 4 : La SAS Les Moulins versera à la commune de La Guérinière la somme de 1 500 euros dans chacune des instances n°s 20NT02078, 20NT02079 et 20NT02080 en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Moulins et à la commune de La Guérinière.

Délibéré après l’audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Guéguen, premier conseiller,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.


La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,


C. RIVAS

La greffière,


V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°s 20NT02078, 20NT02079, 20NT02080

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CAA de NANTES, 4ème chambre, 1 octobre 2021, 20NT02078, Inédit au recueil Lebon