Cour administrative d'appel de Paris, 17 octobre 2013, n° 12PA03499

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 17 oct. 2013, n° 12PA03499
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 12PA03499
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 28 juin 2012, N° 1016701/6-1

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE PARIS

N° 12PA03499

__________

M. Y X

__________

M. Moreau

Président

__________

M. Polizzi

Rapporteur

__________

Mme Macaud

Rapporteur public

__________

Audience du 3 octobre 2013

Lecture du 17 octobre 2013

__________

C

N.A.

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Paris

(3e Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 9 août 2012, présentée pour M. Y X, demeurant XXX à XXX, par Me Charlet-Dormoy ; M. X demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1016701/6-1 du 29 juin 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a limité à la somme de 1 907,58 euros les indemnités dues par l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) au titre de l’infection nosocomiale qu’il a contractée à l’hôpital Necker ;

2°) de condamner l’Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 29 267,64 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2006, les intérêts étant eux mêmes capitalisés au 6 novembre 2009 ;

3°) mettre à la charge de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 octobre 2013 :

— le rapport de M. Polizzi, rapporteur,

— les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public,

— et les observations de Me Ronez, substituant Me Tsouderos, avocat de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris ;

1. Considérant que M. X, alors âgé de trente-sept ans, a été victime d’un traumatisme du testicule gauche, le 23 juillet 2006 ; qu’il a reçu, le jour même, des soins externes à l’hôpital des Broussailes de Cannes ; qu’il a, par la suite, été hospitalisé à l’hôpital Necker à Paris relevant de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), où il a subi, le 27 juillet 2006 une intervention chirurgicale consistant à évacuer un hématome scrotal, suturer l’albuginée et procéder à l’ablation de plages de nécrose testiculaire ; que les suites de cette intervention ont notamment été marquées par une infection à staphylocoque doré, qui a conduit à une nouvelle intervention, réalisée le 12 août 2006 et consistant en une orchidectomie ; que, par un courrier en date du 6 novembre 2009, M. X a saisi l’AP-HP d’une demande indemnitaire ; que le 16 juillet 2010, l’AP-HP a présenté à M. X une offre d’indemnisation transactionnelle, qu’il a refusée ; que le 14 septembre 2010, M. X a demandé au tribunal administratif, en référé, d’ordonner une expertise médicale ; qu’il a été fait droit, par une ordonnance du 12 novembre 2010, à sa demande ; que l’expert désigné par le juge des référés a remis son rapport le 3 janvier 2012 ; que M. X a alors demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’AP-HP à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices ayant résulté pour lui de l’infection nosocomiale qu’il a contractée au sein de l’hôpital Necker en juillet 2006 qu’il évalue à la somme globale de 29 267,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2006 et de la capitalisation de ces intérêts ; que le requérant n’a pas été indemnisé par le fonds de garantie des victimes d’infractions, la Cour d’appel de Paris ayant jugé, par un arrêt du 22 mars 2012, que la demande de M. X était irrecevable en l’absence d’infraction ; que, par un jugement en date du 29 juin 2012, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’AP-HP à verser à M. X la somme de 1 907,58 euros au titre de l’infection nosocomiale contractée à l’hôpital Necker, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2009, date de sa demande préalable ; que M. X relève appel de ce jugement en ce qu’il a limité l’indemnisation de ses préjudices à ladite somme ; que par la voie de l’appel incident, l’AP-HP demande à la Cour notamment que l’indemnité allouée à M. X soit rapportée à de plus justes proportions ;

Sur l’étendue de la responsabilité de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que M. X a contracté une infection à staphylocoque doré lors de son hospitalisation à l’hôpital Necker entre le 27 et le 29 juillet 2006, au cours de laquelle il a subi une intervention chirurgicale, réalisée conformément aux règles de l’art, aux fins d’évacuer un hématome scrotal, de suturer l’albuginée et de procéder à l’ablation de nécroses testiculaires, à la suite d’un traumatisme accidentel de son testicule gauche ; que cette infection a rendu nécessaire une nouvelle intervention chirurgicale pratiquée le 12 août 2006 et consistant en une orchidectomie ; qu’ainsi, l’infection de M. X par le staphylocoque doré est survenue au cours des soins qu’il a reçus pendant son hospitalisation ; que l’origine nosocomiale de cette infection n’est d’ailleurs pas contestée par l’AP-HP qui ne fait pas état dans ses écritures de l’existence d’une cause étrangère ; que la responsabilité de l’AP-HP est donc engagée au titre de cette infection nosocomiale ;

4. Considérant que dans le cas où une infection nosocomiale a compromis les chances d’un patient d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette infection et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant que l’infection nosocomiale dont M. X a été victime a entraîné pour celui-ci la perte de chance d’éviter une orchidectomie ; que le requérant soutient que cette perte de chance était importante et que le tribunal aurait dû retenir le taux de 50% proposé par son médecin conseil ; que les conclusions du médecin conseil de M. X ne sont cependant pas étayées par des précisions médicales permettant d’apprécier l’ampleur de la chance perdue ; qu’en revanche, il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que compte tenu de la gravité des lésions initiales, il y avait une probabilité importante pour que l’évolution se fasse vers une perte de ce testicule ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont limité la responsabilité de l’AP-HP à la réparation de la fraction du dommage corporel de M. X correspondant à l’ampleur de la chance perdue ; qu’en fixant à 25% l’ampleur de la chance perdue par M. X d’éviter une orchidectomie, le tribunal a justement apprécié cette part ;

Sur l’indemnisation des préjudices de M. X :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

6. Considérant que M. X soutient que des dépenses de santé liées à ses hospitalisations sont demeurées à sa charge pour une somme de 414,64 euros et que c’est donc à tort que le tribunal a limité l’indemnisation de ses frais hospitaliers et de soins à la somme de 120 euros ; que, toutefois, la seule circonstance que M. X parvienne à démontrer que la somme de 414,64 euros est restée à sa charge ne saurait suffire dès lors que la condamnation de l’AP-HP à lui rembourser les frais de soins laissés à sa charge est subordonnée à la condition que ces frais aient été rendus nécessaires par l’infection nosocomiale contractée à l’hôpital Necker ; qu’ainsi que le tribunal l’a relevé à bon droit, seule la somme de 120 euros dont s’est acquitté l’intéressé au titre du forfait journalier pour son hospitalisation au cours de la période comprise entre le 12 et le 19 août 2006 est en lien direct et certain avec l’infection nosocomiale à staphylocoque doré ; que les autres factures, correspondant à des consultations chez un ostéopathe au cours de l’année 2007, alors qu’il résulte du rapport d’expertise que l’état de santé de l’intéressé était déjà consolidé, et aux soins qu’il a reçus à l’hôpital de Cannes en juillet 2006, à la suite du traumatisme de son testicule gauche, ne peuvent être prises en compte dans la détermination du préjudice total lié aux dépenses de santé résultant de la seule contamination de M. X par une infection nosocomiale à staphylocoque doré ; que, dès lors, c’est à bon droit que le tribunal n’a fait droit qu’à sa demande concernant la facture de 120 euros ;

Quant aux frais de transport :

7. Considérant que Monsieur X fait grief au jugement entrepris de ne pas avoir fait droit à sa demande de remboursement des frais de taxi qu’il a dû supporter lorsqu’il s’est rendu de son domicile à l’hôpital Necker les 27 et 30 juillet 2006 ; que, cette indemnisation est également subordonnée à l’obligation de justifier le lien entre lesdits frais et l’infection nosocomiale dont l’AP-HP est responsable ; que ces déplacements ont été effectués dans la perspective de rendez-vous et de soins médicaux liés aux lésions initiales de M. X et ne sont donc pas en lien avec l’infection nosocomiale contractée ; que, par suite, c’est à bon droit que le tribunal a refusé de faire droit au remboursement de ces deux factures et n’a retenu que la facture de taxi d’un montant de 10,30 euros ;

Quant à la perte de revenus :

8. Considérant qu’il est constant que M. X a dû interrompre son activité de paysagiste du 12 août au 4 septembre 2006 du fait de l’infection nosocomiale contractée ; qu’il évalue son préjudice à la somme de 2 671,20 euros en se fondant sur la moyenne des chiffres d’affaire réalisés entre, d’une part, le 27 juillet 2005 et le 15 septembre 2005, d’autre part, le 27 juillet 2007 et le 15 septembre 2007, en produisant ses avis d’impôt sur les revenus de 2005, 2006 et 2007 ainsi que le bilan arrêté au 31 décembre 2006 ; que, toutefois, compte tenu de la période à laquelle l’activité a été interrompue, période estivale qui entraîne une baisse d’activité pour un grand nombre de professions, il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en le fixant à 1 500 euros ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, compte tenu du taux de perte de chance de 25%, l’AP-HP doit être condamnée à indemniser M. X de ses préjudices patrimoniaux en lui versant la somme de 407,57 euros ;

En qui concerne les préjudices à caractère personnel :

10. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’infection engageant la responsabilité de l’AP-HP a entraîné une intervention chirurgicale le 12 août 2006, une incapacité temporaire totale de sept jours et une période d’incapacité temporaire partielle, comprise entre le 20 août et le 15 septembre 2006, évaluée à 50% par l’expert ; que contrairement à ce que soutient M. X, le tribunal n’a commis aucune erreur d’appréciation en jugeant que la période d’incapacité partielle s’achevait le 15 septembre 2006 et non pas le 12 décembre 2006, date de la consolidation de son état de santé dès lors que l’expert désigné par le tribunal tout comme le médecin conseil de M. X ont relevé dans leurs conclusions que ce dernier avait pu reprendre son travail en septembre 2006 et que l’incapacité temporaire avait été importante jusqu’au 15 septembre 2006 ; que ce préjudice peut être évalué à la somme de 250 euros ;

11. Considérant que le tribunal a justement évalué l’incapacité permanente partielle au taux sur lequel l’expert et le médecin conseil de M. X se sont accordés, soit 3% ; que, compte tenu de ce taux et de l’âge du requérant, ce préjudice peut être évalué à 2 500 euros ;

12. Considérant que la part des souffrances endurées par M. X liée à l’infection nosocomiale engageant la responsabilité de l’AP-HP a été évaluée par l’expert à deux et demi sur une échelle de un à sept ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l’évaluant à la somme de 2 400 euros ;

13. Considérant que le préjudice esthétique permanent de M. X, lié à la cicatrice scrotale majorée par les complications septiques de l’infection nosocomiale, a été évalué à 0,5 sur la même échelle ; que, par suite, la somme due à titre de réparation de ce préjudice peut être fixée à 350 euros ;

14. Considérant, enfin, que si les premiers juges ont à bon droit écarté l’existence d’un préjudice d’agrément en lien avec l’infection nosocomiale, ils ont retenu à tort l’existence d’un préjudice sexuel lié à l’infection nosocomiale contractée ; qu’en effet, il résulte de l’instruction que tant le préjudice d’agrément que le préjudice sexuel dont se prévaut M. X sont exclusivement liés au traumatisme qu’il a subi à Cannes lors de ses vacances ;

15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, les préjudices personnels étant évalués à un montant total de 5 500 euros, l’AP-HP doit être condamnée, compte tenu du taux de perte de chance de 25%, à indemniser M. X à hauteur de 1 375 euros ;

16. Considérant qu’il résulte de ce tout qui précède que la somme que l’AP-HP doit verser à M. X doit être ramenée à 1 782,57 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

17. Considérant que lorsqu’ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l’article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l’absence d’une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ;

18. Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière » ; que, pour l’application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant les juges du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu’à cette date, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s’accomplit à nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;

19. Considérant que c’est à bon droit que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts assortissant l’indemnité due à M. X au titre de ses préjudices au 6 novembre 2009, date de réception de sa demande indemnitaire par l’AP-HP ; qu’ils ont également justement fixé le point de départ de la capitalisation des intérêts au 6 novembre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’AP-HP, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. X, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. X la somme demandée par l’AP-HP au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : L’Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. X la somme de 1 782,57 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2009 avec capitalisation de ces intérêts au 6 novembre 2010, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juin 2012 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de l’AP-HP tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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