CAA de PARIS, 1ère chambre, 1 octobre 2020, 18PA02648, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 6 octobre 2021

N° 446302 et 446494 Associations PRIARTEM et Agir pour l'environnement N° 446643 Mme Marie-Christine D... et autres N° 452518, 452520, 452522 et 452524 M. Côme G... et autres 2ème et 7ème chambres réunies Séance du 10 septembre 2021 Décision du 6 octobre 2021 CONCLUSIONS M. Philippe Ranquet, rapporteur public 1. Votre formation de jugement commence à devenir coutumière des contentieux suscités par la cinquième génération de communications mobiles, communément appelée 5G, qu'ils émanent des opérateurs mécontents des conditions dans lesquelles ils sont autorisés à utiliser cette technologie …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 1re ch., 1er oct. 2020, n° 18PA02648
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 18PA02648
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 30 mai 2018, N° 1705104
Dispositif : Avant dire-droit
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042400898

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. T… M… et autres ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté de la maire de Paris du 23 janvier 2017 portant non-opposition à l’exécution des travaux déclarés par la société Free Mobile en vue de l’installation d’une antenne de téléphonie mobile sur l’immeuble situé au 52 rue Championnet à Paris dans le 18e arrondissement.

Par un jugement n° 1705104 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 janvier 2017 et a condamné la ville de Paris au versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er août 2018 et 24 octobre 2019, la société Free Mobile, représentée par Me I…, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1705104 en date du 31 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. T… M… et autres devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Free Mobile soutient que :

 – la demande de M. M… et autres était irrecevable, dès lors qu’ils ne justifiaient pas d’un intérêt pour agir à l’encontre de la décision d’installation d’une station relais de téléphonie mobile, seul le fonctionnement de l’antenne étant à l’origine de l’émission d’ondes électromagnétiques ;

 – le fonctionnement de l’antenne ne relève pas de la compétence du maire mais de l’agence nationale des fréquences (ANFR) ;

 – les risques évoqués sont, en l’état des connaissances scientifiques, inexistants ;

 – le jugement est entaché d’une contradiction, puisque les premiers juges ont écarté au fond le moyen tiré du principe de précaution, tout en admettant la recevabilité de la demande en raison de risques pour la santé ;

 – une vue photographique depuis le passage Duhesme ne pouvait pas être réalisée en raison de la présence d’un arbre de haute tige ;

 – la partie de l’immeuble où devait être réalisé le projet n’était ainsi pas visible depuis le passage Duhesme et c’est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le dossier de déclaration préalable était incomplet ;

 – au demeurant, une telle insuffisance n’aurait pas été de nature à générer une irrégularité, d’autres éléments du dossier, notamment des plans de coupe projetée et un plan de toiture projetée, permettant d’appréhender l’aspect visuel que revêtira le projet depuis la façade donnant sur le passage Duhesme ;

 – l’arrêté du 26 janvier 1966 ne vise que les demandes de permis de construire ; la consultation de l’inspection générale des carrières n’est dès lors pas requise en cas de déclaration préalable ;

 – en tout état de cause, les travaux en cause n’ont pas d’impact sur la stabilité des immeubles concernés ;

 – à titre subsidiaire, un éventuel vice de procédure est régularisable en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;

 – le projet n’est pas visible depuis l’immeuble des Amiraux en raison de la présence d’immeubles de grande hauteur entre les deux ; en l’absence de co-visibilité, le projet relevait de l’avis simple de l’architecte des bâtiments de France ;

 – la photographie produite par les requérants en première instance a été prise à l’aide d’un zoom et le projet n’est pas visible « à l’oeil humain » ;

 – elle a été prise depuis un logement privatif et non depuis un « endroit normalement accessible » par les architectes des bâtiments de France ;

 – la valeur probante de la photographie est sujette à discussion ;

 – les premiers juges ont méconnu les dispositions de l’article L. 621-30 du code de l’urbanisme ;

 – en tout état de cause, le vice ne serait pas de nature à justifier l’annulation de l’arrêté contesté, dès lors qu’il n’a eu aucune influence sur le sens de la décision prise et n’a pas privé les demandeurs de première instance d’une garantie ;

 – le vice a été régularisé, l’article L. 632-2-1 du code du patrimoine prévoyant désormais que les antennes-relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut-débit par voie hertzienne ne sont plus soumises à l’accord de l’architecte des bâtiments de France mais à un avis consultatif ;

 – une régularisation est possible en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;

 – la circonstance que la notice architecturale ne précise ni les matériaux utilisés pour les modules techniques ni les modalités d’exécution des travaux, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 413-14 du code de l’urbanisme n’est pas suffisante, compte tenu des dimensions mineures de la partie visible depuis un monument historique, pour affecter la légalité de la décision de non opposition contestée ;

 – les autres moyens de la demande de première instance n’étaient pas fondés ;

 – l’arrêté du 23 janvier 2017 n’est pas entaché d’incompétence ;

 – le dossier de déclaration préalable n’était pas incomplet et ne comportait pas d’inexactitude, dès lors que l’absence de plan de masse en trois dimensions n’était pas nécessaire, que l’indication des chemins de câbles sur les plans au dossier n’est pas obligatoire, que le dossier n’indique pas que le projet serait totalement invisible depuis tous les points de l’espace public ;

 – le projet relève du régime de la déclaration préalable ;

 – les dispositions de l’article UG 11 4° du plan local d’urbanisme ne sont pas méconnus ;

 – le principe de précaution n’a pas été méconnu.

Par des mémoires, enregistrés le 11 février 2019 et le 29 avril 2020, M. T… M…, M. N… K…, M. L… G…, M. S… O… et Mme P… D…, représentés par Me Q…, concluent au rejet de la requête et demandent qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Free Telecom en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 9 juillet 2020, les parties ont été informées, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, que la Cour était susceptible de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des vices tenant au caractère incomplet du dossier de déclaration préalable au regard des articles R. 431-1, R. 431-36 et R. 413-14 du code de l’urbanisme et à l’irrégularité de la décision contestée en raison, d’une part, de l’absence d’avis de l’inspection générale des carrières et, d’autre part, de l’erreur d’appréciation de l’architecte des bâtiments de France.

Par un mémoire enregistré le 18 août 2020, la Ville de Paris, représentée par Me H…, demande à la Cour de faire droit aux conclusions présentées par la société Free Telecom et de mettre solidairement à la charge de M. T… M…, M. N… K…, M. L… G…, M. S… O… et Mme P… D… la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les requérants de première instance n’avaient pas intérêt pour agir ;

 – le dossier n’était pas incomplet ;

 – l’inspection générale des carrières n’avait pas à être consultée ; en tout état de cause, l’absence de saisine de l’Inspection générale des carrières n’a privé les requérants d’aucune garantie ;

 – l’architecte des bâtiments de France n’avait pas à être consulté et les dispositions de l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme n’étaient pas applicables ;

 – les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.

Par un courrier du 4 septembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d’office l’irrecevabilité des écritures de la Ville de Paris.

Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2020, la Ville de Paris renonce à ses conclusions et demande à la Cour de regarder ses écritures comme de simples observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Constitution ;

 – la Charte de l’environnement ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code du patrimoine ;

 – l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d’anciennes carrières de Paris et du département de la Seine ;

 – l’arrêté inter-préfectoral du 25 février 1977 relatif aux terrains exposés à des risques naturels ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B…,

 – les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

 – les observations de Me C…, pour la Ville de Paris,

 – et les observations de Me J…, pour M. M… et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free mobile a déposé auprès des services de la mairie de Paris un dossier de déclaration préalable de travaux en vue de l’implantation d’une antenne relais en toiture de l’immeuble du 52 rue Championnet dans le 18e arrondissement de Paris. Par une décision du 23 janvier 2017, la maire de Paris a décidé de ne pas s’opposer aux travaux ainsi déclarés. Par un jugement du 31 mai 2018 dont la société Free Mobile fait appel, le tribunal administratif de Paris, saisi par M. M… et autres, a annulé cette décision. La ville de Paris a, dans le dernier état de ses écritures, présenté des observations dans le cadre de cette instance.

Sur la recevabilité de la demande présentée par M. M… et autres :

2. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation d’un projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de première instance a été présentée par des propriétaires d’appartements situés au 49, 54 et 56 rue Championnet à Paris 18e qui ont donc la qualité de voisins immédiats de la parcelle d’assiette du projet en litige. Pour justifier de leur intérêt à agir, les intéressés se sont prévalus de la nature du projet et plus particulièrement du danger représenté par l’exposition aux ondes électromagnétiques générées par ce relais de téléphonie mobile en toiture, à proximité immédiate de leur habitation, notamment pour leurs jeunes enfants en produisant des extraits d’études relatives à l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé humaine. Si la société Free Mobile fait valoir que les risques invoqués ne sont pas établis, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité d’une requête au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Ainsi, en jugeant que la demande de M. M… et autres était recevable et en écartant au fond le moyen tiré d’une méconnaissance du principe de précaution, les premiers juges n’ont pas entaché leur jugement d’une contradiction de motifs. En toute hypothèse, M. M… et autres se sont également prévalus de nuisances esthétiques et d’une perte de valeur vénale de leurs appartements et justifiaient ainsi, compte tenu de leur qualité de voisins immédiats, d’intérêts leur donnant qualité pour agir à l’encontre de la décision de la maire de Paris de ne pas s’opposer aux travaux pour lesquels la société Free Mobile avait déposé une déclaration préalable. Par suite, la société Free Mobile n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Paris a admis la recevabilité de la demande dirigée contre la décision du 23 janvier 2017.

Sur les moyens retenus par les premiers juges :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 431-36 du même code : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l’intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d’une construction existante ; / c) Une représentation de l’aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci. (…) Il est complété, s’il y a lieu, par les documents mentionnés aux a et b de l’article R. 431-10 (…). / Lorsque la déclaration porte sur un projet de création ou de modification d’une construction et que ce projet est visible depuis l’espace public ou que ce projet est situé dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, le dossier comprend également les documents mentionnés aux c et d de l’article R. 431-10 (…) « . Aux termes de l’article R. 431-10 du même code : » Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d’un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l’état initial et l’état futur ; (…) / c) Un document graphique permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu’aucune photographie de loin n’est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

5. La circonstance que le dossier de déclaration préalable de travaux ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité l’autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Free Telecom était visible depuis le passage du roi d’Alger situé en face du n° 52 rue Championnet et depuis le passage Duhesme situé à l’arrière de l’immeuble et qu’il était situé dans le périmètre de protection de l’immeuble des Amiraux, classé au titre des monuments historiques. A supposer qu’un arbre de haute tige empêchait de photographier la façade arrière de l’immeuble, le dossier joint par la société requérante à sa déclaration préalable ne comportait aucun plan ou représentation graphique de cette façade, alors que l’antenne-relais devait être construite à l’arrière du bâtiment. Les autres éléments du dossier, à savoir une description littérale sommaire, des plans de coupe perpendiculaire à la rue Championnet, un plan de la façade rue Championnet, un plan de toiture ainsi que des photomontages du projet et trois photographies de l’existant réalisés depuis des points de vue où l’installation n’était pas visible, ne permettaient pas de pallier l’absence de représentation des modifications affectant l’aspect de la façade arrière de l’immeuble et l’insertion du projet par rapport aux constructions avoisinantes et son aspect visuel. Dans ces conditions, alors que la construction devait précisément intervenir à l’arrière de l’immeuble, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les omissions entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article 1er de l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 relatif aux zones d’anciennes carrières de Paris et du département de la Seine : « Les demandes de permis de construire concernant l’édification, la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments dans Paris et dans le département de la Seine sont transmises pour examen et avis par la Direction de l’Urbanisme à la Direction générale des Services techniques (Inspection générale des carrières), lorsque le terrain est situé dans une zone d’anciennes carrières, afin que soient précisées les conditions qui seront inscrites dans le permis de construire et auxquelles devra satisfaire le maître de l’oeuvre en vue d’assurer la stabilité des constructions projetées ainsi que des cours, jardins, garages, parkings, voies de circulation et tous abords de ces constructions (…) ». Aux termes des dispositions de l’article UG. 2.1 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Paris : « Dans les zones d’anciennes carrières souterraines, dans les zones comportant des poches de gypse antéludien et dans la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien, la réalisation de constructions ou d’installations et la surélévation, l’extension ou la modification de bâtiments existants sont, le cas échéant, subordonnées aux conditions spéciales imposées par l’Inspection générale des carrières en vue d’assurer la stabilité des constructions projetées et de prévenir tout risque d’éboulement ou d’affaissement (la Zone de risque de dissolution du gypse antéludien est délimitée sur le Plan des secteurs de risques figurant dans l’atlas général (…) ».

8. Les dispositions précitées de l’article 1er de l’arrêté inter-préfectoral du 26 janvier 1966 doivent être regardées comme imposant l’intervention d’un avis de l’inspection générale des carrières en cas d’édification, de surélévation, d’extension ou de modification d’un bâtiment, indépendamment de la nature de l’autorisation d’urbanisme en cause. En l’espèce, le projet de la société Free Mobile vise à modifier un bâtiment en installant une antenne-relais et ses modules techniques en toiture d’un immeuble situé dans la Zone de risques de dissolution du gypse antéludien délimitée par le PLU de la ville de Paris. Par suite, quand bien même ces travaux ne sont pas soumis à un permis de construire et n’auraient, compte tenu du poids des installations, pas d’impact sur la stabilité de l’immeuble, la consultation de l’inspection générale des carrières était requise.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : « I. – Les immeubles ou ensembles d’immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords (…). II. – (…) En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. ». Aux termes de l’article L. 621-32 du même code : « Les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable (…) ». Aux termes de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (…) la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 621-32 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l’objet de l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. » La visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à l’oeil nu, à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage.

10. Le projet se situe dans les abords de l’immeuble des Amiraux, bâtiment classé au titre des monuments historiques. L’architecte des bâtiments de France, par un avis du 22 décembre 2016, a estimé qu’il n’existait pas de visibilité entre l’immeuble classé et l’immeuble sur lequel la construction projetée devait être implantée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites par les demandeurs de première instance que le projet, situé à moins de 300 mètres, est visible, à l’oeil nu, depuis une fenêtre du dernier étage de l’immeuble des Amiraux et il est constant que cette fenêtre correspond à celle d’un logement qui, s’il n’est pas librement accessible au public, est normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage. Il ressort également d’une photographie issue du « dossier d’information Mairie » établi par la société requérante que l’immeuble des Amiraux est visible depuis le toit de l’immeuble du 52 rue Championnet. Au contraire, si la société Free Mobile fait valoir que des immeubles de grande hauteur situés entre les deux bâtiments empêcheraient une visibilité, elle ne l’établit pas en ne produisant elle-même aucune vue prise depuis le projet ou depuis le monument historique. Ainsi, l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France était entaché d’une erreur d’appréciation et il ne pouvait valoir accord au projet de la société Free Mobile au sens des dispositions précitées de l’article R. 421-5 du code de l’urbanisme.

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. L’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.

12. Il résulte, cependant, des dispositions précitées de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme et de l’article L. 621-32 du code du patrimoine que l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France doit être obtenu au préalable, quel que soit le sens de la décision de l’autorité appelée à statuer. Dès lors, l’irrégularité de cet avis entache la décision prise non pas d’un vice de procédure, mais d’incompétence. Il s’ensuit que la société Free Mobile ne peut utilement soutenir, en tout état de cause, que M. M… et autres n’auraient été privés, du fait de cette irrégularité, d’aucune garantie, ni que celle-ci aurait été sans incidence sur le sens de la décision prise.

13. En quatrième lieu, aux termes de l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet porte (…) sur un immeuble situé (…) dans les abords des monuments historiques, la notice mentionnée à l’article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d’exécution des travaux. »

14. En l’espèce, la notice générale figurant au dossier de déclaration préalable présentée par la société Free Mobile ne précise pas les matériaux utilisés pour les modules techniques ni les modalités d’exécution des travaux. Aucune autre pièce du dossier, qui ne présentait notamment aucune image de l’antenne et des installations techniques en cause, ne permet de pallier cette insuffisance qui est de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a retenu, à l’encontre de l’arrêté contesté, les moyens tirés de l’insuffisance du dossier de déclaration préalable, de l’absence d’un accord de l’architecte des bâtiments de France émis au titre de la législation sur les monuments historiques et de l’absence d’un avis de l’inspection générale des carrières.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. M… et autres :

16. En premier lieu, par un arrêté du 22 juillet 2016, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 2 août 2016, la maire de Paris a délégué sa signature à Mme A… F…, en ce qui concerne, notamment, les arrêtés, actes et décisions concernant les déclarations préalables dans le 18e arrondissement de Paris. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté contesté, manque ainsi en fait.

17. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 421-14 du même code : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : a) Les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés ; b) Dans les zones urbaines d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 « . Aux termes de l’article R. 421-17 du même code : » Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant, à l’exception des travaux de ravalement ; (…) f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d’une emprise au sol, soit d’une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants : – une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; – une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, à l’exclusion de ceux impliquant la création d’au moins vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 du présent code ".

18. M. M… et autres ne peuvent pas utilement soutenir que le projet litigieux aurait dû faire l’objet d’une demande de permis de construire en application des dispositions de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme dès lors que cet article ne régit que les « constructions nouvelles » et non les « travaux exécutés sur des constructions existantes », catégorie à laquelle appartient le projet et qui est régie par les dispositions des articles R. 421-13 et suivants du même code. Il ressort des pièces du dossier de déclaration préalable que, quand bien même les dimensions précises des installations accessoires de l’antenne étaient inconnues, le projet répondait aux critères cumulatifs énoncés par les dispositions précitées et relevait, par suite, du régime de la déclaration de travaux et non du permis de construire.

19. En troisième lieu, aux termes du 4° de l’article UG.11.1.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la ville de Paris relatif aux constructions existantes « A l’occasion de travaux, qu’il s’agisse de toitures constituées de matériaux traditionnels (tuiles, zinc, ardoises…) ou plus récents (bacs acier, tôles d’aluminium anodisé ou laqué…) ou de terrasses, la suppression, le regroupement et l’intégration des accessoires à caractère technique (caissons de climatisation, extracteurs, édicules ascenseur, garde-corps, antennes…) doivent être recherchés de façon à en limiter l’impact visuel. Antennes : les antennes d’émission ou de réception (radios, télévisions, radios-téléphones) doivent être implantées en partie supérieure des bâtiments et en retrait des façades. Elles ne doivent pas, dans la mesure du possible être visibles depuis l’espace public ».

20. Il ressort des pièces du dossier que l’antenne et les modules techniques l’accompagnant doivent être installés en retrait de la façade du bâtiment. Si l’installation sera néanmoins visible depuis l’espace public, en particulier depuis le passage Duhesme, les dispositions précitées de l’article U.G. 11 du règlement du plan local d’urbanisme ne prohibent pas une telle visibilité et il ressort du dossier de déclaration préalable que l’antenne sera placée dans un tube, dont la forme et la couleur l’apparente à une cheminée d’évent et qu’il existe déjà sur le toit des cheminées de teinte grise. Il en ressort également qu’un cache mât reprenant, en trompe l’oeil, la teinte et le motif de la brique existante doit être réalisé et que les modules techniques, de couleur grise, seront placés en pied d’antenne de façon à être le moins visibles possible. Ainsi, eu égard à son emplacement et à ses caractéristiques, le projet répond à l’exigence de limitation de la visibilité des antennes depuis l’espace public. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l’article UG.11.1.1. du règlement du plan local d’urbanisme de la ville de Paris doit être écarté.

21. En dernier lieu, l’article 5 de la Charte de l’environnement dispose : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». S’il appartient à l’autorité administrative compétente pour se prononcer sur l’octroi d’une autorisation en application de la législation sur l’urbanisme, de prendre en compte le principe de précaution énoncé à l’article 5 de la Charte de l’environnement et rappelé par l’article L. 110-1 du code de l’environnement auquel renvoie l’article R. 111-15 devenu R. 111-26 du code de l’urbanisme, ces dispositions ne lui permettent pas, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d’une autorisation d’urbanisme en l’absence d’éléments circonstanciés sur l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, de risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d’autorisation.

22. M. M… et autres pour faire valoir que l’antenne dont l’implantation est autorisée sera la source de champs magnétiques dangereux pour la santé humaine se réfèrent à des études relatives aux dangers pour la santé humaine que peut, en général, comporter l’exposition aux ondes électromagnétiques émises notamment par les antennes de téléphonie mobile. Ils n’invoquent, comme élément circonstancié propre à caractériser un risque de nature à justifier, en l’espèce, un refus d’autorisation ou au moins la mise en oeuvre de mesures proportionnées ou de prescriptions spéciales, que la circonstance selon laquelle des enfants en bas-âge résident à proximité immédiate de la future source d’ondes électromagnétiques et que la zone est déjà couverte par d’autres antennes. Toutefois, ils n’établissent pas qu’ils seraient exposés à des champs électromagnétiques d’une intensité excédant les plafonds fixés par la réglementation nationale et locale mais soutiennent que ces plafonds sont insuffisants, sans apporter aucun commencement de démonstration à cet égard. Dans ces conditions, le dossier ne comporte pas d’éléments circonstanciés faisant apparaitre, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, mêmes incertains, de nature à justifier une opposition à la déclaration en litige, ou qu’il soit fait obligation au pétitionnaire de respecter des prescriptions spéciales. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté est entaché d’une violation du principe de précaution ne peut qu’être écarté.

Sur l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

23. En vertu des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue l’article 80 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées (…) contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

24. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Par suite, la société Free Mobile ne peut pas utilement faire valoir qu’en application de l’article L. 632-2-1 du code du patrimoine issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, la construction d’une antenne relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d’accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques est soumis à l’avis de l’architecte des bâtiments de France et non plus à son accord.

25. Il résulte de ce qui précède que l’arrêté de la maire de Paris en date du 23 janvier 2017 portant non-opposition à l’exécution des travaux déclarés par la société Free Mobile est entaché de vices tenant à l’insuffisance du dossier de déclaration préalable, à l’absence d’un accord de l’architecte des bâtiments de France émis au titre de la législation sur les monuments historiques et à l’absence d’un avis de l’inspection générale des carrières.

26. Les vices susmentionnés sont susceptibles de régularisation par la délivrance d’un permis de construire modificatif intervenant après que le dossier de déclaration préalable ait été complété et que les consultations nécessaires aient été réalisées. Les parties ont été avisées de cette possibilité et invitées à présenter leurs observations. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de surseoir à statuer et d’impartir à la société Free Telecom un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d’obtenir la régularisation de l’arrêté du 23 janvier 2017.


DÉCIDE :


Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l’arrêté de la maire de Paris du 23 janvier 2017 jusqu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société Free Mobile de notifier à la Cour un arrêté de non-opposition le régularisant.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu’en fin d’instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Telecom, à M. T… M…, M. N… K…, M. L… G…, M. S… O…, Mme P… D… et à la Ville de Paris.


Délibéré après l’audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. R…, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. B…, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.


Le rapporteur,

F. B… Le président,

J. R… Le greffier,
M. E… La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18PA02648

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CAA de PARIS, 1ère chambre, 1 octobre 2020, 18PA02648, Inédit au recueil Lebon