CAA de PARIS, 4ème chambre, 29 décembre 2020, 20PA02025 - 20PA02135, Inédit au recueil Lebon

  • Étrangers·
  • Enfant·
  • Paternité·
  • Cartes·
  • Tribunaux administratifs·
  • Police·
  • Reconnaissance·
  • Fraudes·
  • Justice administrative·
  • Sursis à exécution

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 29 déc. 2020, n° 20PA02025 - 20PA02135
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA02025 - 20PA02135
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 3 juin 2020, N° 1912407/6-2
Dispositif : Satisfaction totale
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042828020

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D… F… a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de police lui a retiré ses titres de séjour et sa carte de résident.

Par un jugement n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du 10 avril 2019, a enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de résident dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I – Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020 sous le n° 20PA02025, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020 ;

2°) de rejeter la requête de Mme F….

Il soutient que :

— il était fondé, au motif de la fraude, à retirer les titres de séjour et la carte de résident ; la reconnaissance de paternité effectuée par M. C… est une reconnaissance de complaisance effectuée afin de faciliter l’octroi de la nationalité française à l’enfant et la régularisation du séjour de Mme F… ;

 – l’arrêté n’a pas été signé par une autorité incompétente ;

 – il est suffisamment motivé ;

 – il n’est pas entaché d’une erreur de fait ;

 – la circonstance que la nationalité française de l’enfant n’ait pas été contestée et que le certificat de nationalité française n’ait pas été annulé est sans incidence sur la légalité de l’arrêté ;

 – il ne méconnait pas les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – il ne méconnait pas les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020, Mme F…, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

II – Par une requête, enregistrée le 6 août 2020 sous le n° 20PA02135, le préfet de police demande à la Cour d’ordonner le sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020.

Il soutient que les moyens sont sérieux et de nature à justifier l’annulation du jugement et le rejet de la requête de Mme F… dès lors qu’il était fondé, en raison de la fraude, à retirer les titres de séjour et la carte de résident.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2020, Mme F…, représentée par Me A…, conclut au rejet de la requête tendant à ce qu’il soit sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 juin 2020.

Elle fait valoir que :

— les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas sérieux ni de nature à justifier le sursis à exécution ;

 – la fraude n’est pas établie ; la reconnaissance de l’enfant a été faite de bonne foi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la convention internationale des droits de l’enfant ;

 – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 – le code des relations entre le public et l’administration ;

 – le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme E…,

 – les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme F…, ressortissante camerounaise née le 20 octobre 1984, est entrée en France le 28 mars 2004 selon ses déclarations. Elle est la mère d’un enfant né le 14 décembre 2006 et reconnu par M. C…, ressortissant français. En août 2007, Mme F… a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d’un enfant de nationalité française. Elle s’est vu délivrer plusieurs titres de séjour entre 2008 et 2011 puis, le 8 janvier 2011, une carte de résident sur le fondement des dispositions du 2° de l’article L. 314-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2016, la reconnaissance de paternité dont a bénéficié l’enfant a été annulée au profit de M. I…, ressortissant camerounais. Par un courrier du 2 mai 2016, Mme F… a été informée de ce que le préfet envisageait de lui retirer ses titres de séjour et sa carte de résident. Par un arrêté du 10 avril 2019, le préfet de police a procédé au retrait des titres de séjour délivrés à Mme F… entre 2008 et 2011 et au retrait de la carte de résident délivrée le 8 janvier 2011. Il relève appel du jugement n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer une carte de résident à Mme F….

2. L’appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de police étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l’objet d’une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°20PA02025 :

En ce qui concerne le moyen d’annulation retenu par le Tribunal administratif :

3. Aux termes de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ». Le préfet peut légalement faire usage du pouvoir général qu’il détient, même en l’absence de texte, pour retirer à tout moment une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude. Il appartient cependant à l’administration, et non au requérant dont la bonne foi se présume, d’apporter la preuve de la fraude.

4. Aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « est délivrée de plein droit : (…) 6° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l’article L. 313-2 soit exigée (…) ». Et aux termes de l’article L. 314-9 du même code : « La carte de résident est délivrée de plein droit : (…) 2° A l’étranger qui est père ou mère d’un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l’article L. 313-11 ou d’une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l’article L. 313-18, sous réserve qu’il remplisse encore les conditions prévues pour l’obtention de cette carte de séjour et qu’il ne vive pas en état de polygamie. (…) ».

5. En application de ces dispositions, il appartient au préfet, s’il dispose d’éléments précis et concordants de nature à établir, lors de l’examen d’une demande présentée sur le fondement du 6° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou après l’attribution de ce titre, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l’obtention de la nationalité française ou d’un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la délivrance du titre de séjour sollicité par la personne se présentant comme père ou mère d’un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.

6. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2016, la reconnaissance de paternité de l’enfant de Mme F… effectuée par M. C…, ressortissant français, a été annulée. M. I…, qui a engagé l’action en contestation de paternité, a été reconnu, par cette même décision judiciaire, comme le véritable père de cet enfant. Il est en outre constant que M. I… entretenait une relation avec Mme F… avant la naissance de l’enfant et qu’il est, en outre, le père du second enfant de l’intéressée, né en juillet 2009. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que Mme F… et M. C… auraient partagé une vie commune. Par ailleurs, l’enfant de Mme F… ne portait pas le nom de M. C… dont il n’est ni établi ni même allégué qu’il aurait participé à l’entretien et à l’éducation de cet enfant. Dans ces circonstances particulières, la reconnaissance de paternité doit être regardée comme ayant été souscrite dans le but de faciliter l’obtention d’un titre de séjour.

7. Ainsi c’est à tort que le Tribunal administratif de Paris s’est fondé sur l’absence d’établissement de la fraude pour annuler la décision du préfet de police en date du 10 avril 2019.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner les autres moyens soulevés par Mme F… devant le Tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. En premier lieu, par un arrêté n° 2018-00237 du 21 mars 2018, régulièrement publié le 30 mars 2018 au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à Mme H… G…, attachée principale d’administration de l’Etat, signataire de l’arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté attaqué doit être écarté.

10. En deuxième lieu, après avoir visé notamment le code de l’entrée et du séjour et des étrangers et du droit d’asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’arrêté contesté indique que la requérante, de nationalité camerounaise, est entrée en France en 2004 selon ses déclarations et y réside sous couvert d’une carte de résident délivrée en 2011, qu’elle est la mère d’un enfant de nationalité française né en 2006 de sa relation avec un ressortissant français, que toutefois, le Tribunal de grande instance de Paris a mis en évidence que ce dernier n’était pas le père de l’enfant et que la nationalité de l’enfant n’est donc plus démontrée. Il indique également que la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations, que les éléments d’explication n’ont pas permis d’écarter le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité et qu’au vu de sa situation familiale, notamment la scolarisation de ses enfants, les services de la préfecture envisagent, à titre dérogatoire, un examen de sa situation administrative au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, l’arrêté contesté contient l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de l’erreur de fait qu’aurait commise le préfet de police en considérant que la reconnaissance de paternité de son enfant aurait été effectuée dans un but frauduleux doit être écarté pour les motifs énoncés au point 6.

12. En quatrième lieu, et ainsi qu’il a été dit au point 6, dès lors qu’il a été établi que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but d’obtenir frauduleusement un titre de séjour, il appartenait au préfet de police de faire échec à cette fraude en retirant les titres de séjour délivrés à Mme F… sur le fondement de cette reconnaissance de paternité. Dès lors que l’arrêté contesté a pour objet le retrait de titres de séjour pour fraude, Mme F… ne peut utilement soutenir qu’elle remplissait les conditions exigées pour la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l’article L. 313-11 et de l’article L. 314-9 du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile.

13. En cinquième lieu, dès lors que l’arrêté contesté, qui ne porte pas obligation pour Mme F… de quitter le territoire français et la convoque pour réexamen de sa situation sur le fondement des dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’a ni pour objet ni pour effet de séparer l’enfant de sa mère ou de renvoyer cette dernière dans son pays d’origine, elle ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 10 avril 2019. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme F…, partie perdante à l’instance, tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur la requête n°20PA02135 :

15. Le présent arrêt statuant sur la demande d’annulation du jugement n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 20PA02135 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.


DÉCIDE


Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02135 du préfet de police.

Article 2 : Le jugement n° 1912407/6-2 du 4 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme F… devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d’appel tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D… F… et au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l’audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :


- Mme B…, président de chambre,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme E…, premier conseiller,


Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.


Le rapporteur,

C. E… Le président,
M. B… Le greffier,

A. BENZERGUALa République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

Nos 20PA02025…

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de PARIS, 4ème chambre, 29 décembre 2020, 20PA02025 - 20PA02135, Inédit au recueil Lebon