CAA de PARIS, 4ème chambre, 30 décembre 2022, 22PA00363, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 22PA00363
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 22PA00363
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 30 décembre 2021, N° 2123994, 2123996
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046888635

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A D a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler les arrêtés du 8 novembre 2021 par lesquels le préfet de police, d’une part, l’a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et, d’autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2123994, 2123996 du 31 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du préfet de police portant interdiction de retour sur le territoire français en tant qu’il fixe à vingt-quatre mois la durée de cette interdiction, et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, le préfet de police de Paris demande à la Cour :

1°) d’annuler l’article 2 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande n° 2123996 présentée par M. D devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

— contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, il a tenu compte de la durée de présence en France de M. D en retenant implicitement que ce dernier, qui s’est abstenu d’indiquer sa date d’entrée en France et ne s’est jamais présenté en préfecture, était entré en France le 6 novembre 2021, date de son interpellation en flagrant délit ;

— M. D ne justifie pas de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et représente une menace pour l’ordre public, de sorte qu’il était fondé à prendre à son encontre un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français ;

— les autres moyens de M. D soulevés en première instance doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2022, M. D, représenté par Me Vernon, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l’Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du juillet 1991, ainsi que la somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

M. D a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. C a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A D, ressortissant marocain né le 11 octobre 1999, a fait l’objet d’une interpellation sur la voie publique pour des faits de vol le 6 novembre 2021. Par un arrêté du 8 novembre 2021, le préfet de police l’a obligé à quitter le territoire sans délai en fixant le pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 31 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l’arrêté du 8 novembre 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français de M. D en tant qu’il fixe à vingt-quatre mois la durée de cette interdiction.

Sur le moyen d’annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. » Aux termes de l’article L. 612-10 du même code : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ».

3. Il ressort de ces dispositions que l’autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l’encontre de l’étranger soumis à l’obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu’elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l’un ou plusieurs d’entre eux. La décision d’interdiction de retour doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l’autorité compétente, au vu de la situation de l’intéressé, de l’ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n’impose que le principe et la durée de l’interdiction de retour fassent l’objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l’importance accordée à chaque critère.

4. Il incombe ainsi à l’autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d’indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l’étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l’intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, à la nature et à l’ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d’éloignement dont il a fait l’objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l’ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l’intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n’est pas tenue, à peine d’irrégularité, de le préciser expressément.

5. Pour annuler l’arrêté du 8 novembre 2021 en tant qu’il fixe à deux ans l’interdiction de retour sur le territoire français prise à l’encontre de M. D, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s’est fondé sur la circonstance que ni l’arrêté litigieux ni aucune autre pièce du dossier, et notamment pas le mémoire en défense du préfet, ne permettaient d’établir que ce dernier avait pris en compte, conformément aux dispositions de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la durée de présence de M. D sur le territoire français pour justifier la durée de cette interdiction. Pour contester ce motif d’annulation, le préfet de police fait valoir que M. D ne s’étant jamais fait connaître auprès des services préfectoraux afin de régulariser sa situation et s’étant abstenu, lors de son audition par les services de police le 7 novembre 2021, d’indiquer sa date d’entrée en France, il s’est implicitement fondé sur la date de son interpellation, soit le 6 novembre 2021, pour tenir compte de sa durée de présence sur le territoire français. Il soutient en outre que cette prise en compte de la durée de présence de l’intéressé ressort tout à la fois des termes de l’arrêté litigieux, des procès-verbaux d’interpellation et d’audition de M. D et de son mémoire en défense de première instance.

6. Il ne résulte toutefois pas des termes de l’arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français de M. D que le préfet aurait pris en compte, fût-ce implicitement, la durée de présence de l’intéressé sur le territoire français, aucune référence même allusive à cette durée de présence n’y figurant. Le préfet ne saurait en outre utilement soutenir que cette prise en compte résulterait des procès-verbaux d’interpellation et d’audition de M. D, l’objet de l’interpellation et de l’audition de l’intéressé faisant suite à cette interpellation et le contenu des procès-verbaux correspondants étant sans rapport avec les motifs de la décision ultérieure portant interdiction de retour sur le territoire français. Enfin, il ne résulte pas davantage du mémoire en défense de première instance du préfet que ce dernier aurait soutenu ou même simplement allégué qu’il aurait implicitement considéré, pour fixer la durée de l’interdiction de retour, que M. D n’était présent sur le territoire français que depuis le 6 novembre 2021, date de son interpellation. Dans ces conditions, le préfet de police de Paris ne peut être regardé comme ayant tenu compte de la durée de présence de l’intéressé sur le territoire français, qui est au nombre des quatre critères qu’il devait prendre en compte pour fixer la durée de l’interdiction de retour sur le territoire français. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le magistrat désigné a considéré que le préfet de police de Paris avait méconnu les dispositions susmentionnées de l’article L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police de Paris n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 novembre 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français de M. D en tant qu’il fixe à vingt-quatre mois la durée de cette interdiction.

Sur les frais liés au litige :

8. M. D ayant été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Vernon, avocat de M. D, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros, comprenant les frais de plaidoirie.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à Me Vernon la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Vernon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur et des Outre-mer et à M. A D.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— Mme Heers, présidente,

— M. D’Haëm, président-assesseur,

— M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

P. C

La présidente,

M. B

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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