CAA de PARIS, 7ème chambre, 22 février 2023, 21PA05722, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7e ch., 22 févr. 2023, n° 21PA05722
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 21PA05722
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 19 juillet 2021, N° 2001540
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 23 février 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047217994

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Nextedia a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et au Tribunal administratif de Montreuil, par deux requêtes dont le jugement a été attribué au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du président de la section du Conseil d’Etat, de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2013 à 2015 en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2001540 du 20 juillet 2021 le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Nextedia, en droits, intérêts et majorations, de la différence entre les rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie aux titres des années 2013 à 2015 et ceux qui résultent de la réduction de l’assiette de cette retenue à concurrence des sommes versées à une société de Singapour, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2013 à 2015 en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts, mis la somme de 1 000 euros à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 novembre 2021, le 1er avril et le 10 août 2022, le ministre de l’économie, des finances et de la relance, demande à la Cour d’annuler le jugement en tant qu’il a prononcé la décharge des amendes infligées à la société Nextedia au titre des années 2013 à 2015 en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts, et de rétablir ces amendes à la charge de cette société.

Il soutient que :

— les sommes versées par la société Nextedia à des sociétés étrangères ayant la nature de revenus de capitaux mobiliers et, comme l’a relevé le Tribunal, n’étant pas concernées par l’obligation déclarative prévue par l’article 240 du code général des impôts, il demande que soit substitué au motif initial tiré de la méconnaissance de l’obligation déclarative prévue à l’article 240 du code général des impôts, le motif tiré de la méconnaissance de l’obligation déclarative prévue à l’article 242 ter du même code, cette substitution, qui ne modifie pas le fondement légal de l’amende, n’étant pas soumise à la condition d’identité des faits ;

— la société Nextedia n’a pas respecté l’obligation déclarative prévue à l’article 242 ter du code général des impôts ;

— l’article 242 ter du code général des impôts n’exclut pas de son champ d’application les revenus réputés distribués au sens des articles 111 c et 119 b du même code ;

— l’amende en litige prévue par le 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts, qui a pour objectif de valeur constitutionnelle la lutte contre la fraude fiscale, n’est pas disproportionnée au sens de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er de son protocole additionnel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 24 février et le 25 juillet 2022 la société Nextedia, représentée par Me Riou et Me Boverie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme C,

— les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

— et les observations de Me Boverie, avocate de la société Nextedia.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Nextedia a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 à l’issue de laquelle l’administration a mis à sa charge des rappels de retenue à la source, assortis d’intérêts de retard et de majorations pour manquement délibéré, portant sur le versement de revenus réputés distribués à deux sociétés singapouriennes, ainsi que des amendes infligées en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts et motivées par le non-respect des obligations déclaratives résultant de l’article 240 de ce même code. Par un jugement du 20 juillet 2021, le Tribunal administratif de Montreuil l’a déchargée, en droits, intérêts et majorations, de la différence entre les rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie aux titres des années 2013 à 2015 et ceux qui résultent de la réduction de l’assiette de cette retenue à concurrence des sommes versées à l’une des deux sociétés, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2013 à 2015 en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance fait appel de ce jugement en tant qu’il a prononcé la décharge de ces amendes.

Sur le fond du litige :

2. Aux termes du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts : « I. – 1. Entraîne l’application d’une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l’article 240 et au 1 de l’article 242 ter et à l’article 242 ter B. L’amende n’est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l’administration, avant la fin de l’année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. ». L’article 240 de ce même code, dans sa rédaction applicable aux années en litige, dispose que : « 1. Les personnes physiques qui, à l’occasion de l’exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87,87 A et 89. / () 2. Les dispositions des 1 et 1 bis sont applicables à toutes les personnes morales ou organismes, quel que soit leur objet ou leur activité () ». Aux termes du 1. de l’article 242 ter du même code : « Les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 125 ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l’identité et l’adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable et du crédit d’impôt, le revenu brut soumis à un prélèvement et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés. ».

3. Le Tribunal a prononcé la décharge des amendes en litige en relevant qu’elles avaient été infligées à la SA Nextedia sur le fondement du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts au motif que celle-ci avait méconnu les obligations déclaratives prévues par l’article 240 du même code en s’abstenant de déclarer les sommes versées aux sociétés de Singapour, alors que ces sommes ayant la nature de revenus de capitaux mobiliers, elles ne sont pas concernées par les obligations déclaratives prévues par l’article 240 du code général des impôts, mais par celles prévues par l’article 242 ter du même code. Le ministre demande à la Cour, en appel, de fonder l’amende sur les dispositions du même article du code général des impôts en tant qu’il prévoit que l’amende peut être infligée au contribuable qui ne se conforme pas aux obligations déclaratives prévues par l’article 242 ter du même code. Cette demande doit être regardée comme constituant une substitution de base légale.

4. L’administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d’une pénalité en en modifiant le fondement juridique, à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l’administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu’elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.

5. Il résulte de l’instruction que la proposition de rectification adressée le 30 novembre 2016 à la société Nextedia mentionnait uniquement que celle-ci avait omis, pour leur intégralité, de procéder à la déclaration des sommes versées aux sociétés de Singapour en 2013, 2014 et 2015 sur le formulaire dit « A 2 » prévu par les dispositions de l’article 240 du code général des impôts. Ce fait n’est pas identique à une absence de déclaration des sommes en cause sur le formulaire dit « B » prévu par les dispositions de l’article 242 ter du même code, la nature des informations à porter sur ces deux formulaires étant différente.

6. Il résulte de ce qui précède que la demande de substitution de base légale présentée par le ministre pour rétablir les amendes en litige ne peut en tout état de cause être accueillie. Par suite, l’appel dirigé contre l’article 3 du jugement n° 2001540 du 20 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Nextedia des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2013 à 2015 en application du 1. du I de l’article 1736 du code général des impôts doit être rejeté.

Sur les frais de l’instance :

14. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Nextedia sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de de l’économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à la société Nextedia une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société anonyme Nextedia.

Délibéré après l’audience du 7 février 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Jardin, président de chambre,

— Mme Hamon, présidente assesseure,

—  Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2023.

La rapporteure,

P. CLe président,

C. JARDINLa greffière,

L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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