CAA de PARIS, 2ème chambre, 14 février 2024, 23PA00642, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 2e ch., 14 févr. 2024, n° 23PA00642
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 23PA00642
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 14 décembre 2022, N° 2204927/5-2
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 16 février 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049149901

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du 27 décembre 2021 par lequel le ministre de l’intérieur l’a radié des cadres à compter du 23 novembre 2021.

Par un jugement n° 2204927/5-2 du 15 décembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 février et 22 novembre 2023, M. A représenté par Me Anne-Laure Compoint, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 2204927/5-2 du 15 décembre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d’annuler l’arrêté du 27 décembre 2021 du ministre de l’intérieur ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de le réintégrer dans les cadres dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à venir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le jugement est irrégulier pour être entaché d’omission à statuer et d’insuffisance de motivation ; il est entaché de contrariété de motifs ;

— la décision attaquée est entachée d’incompétence de son auteur ; contrairement à ce qu’a estimé le tribunal, la compétence du ministre n’était pas liée par la condamnation intervenue au pénal ;

— elle est intervenue en méconnaissance des droits de la défense, sans procédure contradictoire préalable lui permettant d’accéder à son dossier administratif individuel ;

— elle méconnaît les dispositions des articles 24 de la loi du 13 juillet 1983 devenu l’article L. 550-1 du code général de la fonction publique et 5 du statut général de la fonction publique faute de mise en œuvre de la procédure de reclassement, dès lors qu’en prononçant uniquement une interdiction d’exercer les fonctions de policier, le juge pénal n’a pas entendu lui faire perdre sa qualité de fonctionnaire ;

— elle est entachée d’erreur de droit faute de mise en œuvre de la procédure disciplinaire, et d’erreur de qualification juridique des faits ;

— elle méconnaît le principe de non rétroactivité des actes administratifs ;

— elle méconnaît le principe constitutionnel d’individualisation des peines ;

— elle méconnaît le principe constitutionnel de nécessité et de proportionnalité des peines au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme ;

— elle méconnaît le principe général des droits de la défense ;

— elle méconnaît le principe général du droit à un reclassement.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2023, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 novembre 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 11 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général de la fonction publique ;

— le code de la sécurité intérieure ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

— le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Jayer,

— les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

— et les observations de Me Bourgeois substituant Me Compoint, représentant M. A.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, gardien de la paix titulaire depuis le 1er janvier 2015, a été définitivement condamné le 17 novembre 2021 par la Cour d’appel de Paris à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie de la peine complémentaire d’interdiction d’exercer les fonctions de policier pour la même durée. Par un arrêté du 27 décembre 2021, le ministre de l’intérieur l’a radié des cadres à compter du 23 novembre 2021. M. A relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés ».

3. Il ressort des points 3 à 5 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance par le ministre de l’intérieur de l’étendue de l’interdiction d’exercice prononcée par le juge pénal et de la méconnaissance de de l’obligation de reclassement sur un nouvel emploi correspondant au grade de M. A compte-tenu de son cadre d’emploi ainsi que des missions qui peuvent être confiées aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, énumérées à l’article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure ou à celles conférées par le code de procédure pénale. Après avoir jugé que le ministre était tenu de radier M. A des cadres des fonctionnaires de police, les premiers juges ont ensuite suffisamment motivé leur jugement et ne se sont pas contredits en estimant que tous les autres moyens invoqués contre la décision attaquée devaient être regardés comme inopérants. Dès lors, les moyens tirés de l’irrégularité du jugement pour insuffisance de motivation et omission de statuer, doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Aux termes de l’article 24 de la loi du 23 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable et désormais codifié à l’article L. 550-1 du code général de la fonction publique : " La cessation définitive de fonctions qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire résulte : 1° De l’admission à la retraite ; 2° De la démission régulièrement acceptée ; 3° Du licenciement ; 4° De la révocation. La perte de la nationalité française, la déchéance des droits civiques, l’interdiction par décision de justice d’exercer un emploi public et la non-réintégration à l’issue d’une période de disponibilité produisent les mêmes effets. [] ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’un agent public a été condamné pénalement à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer, à titre définitif ou temporaire, les fonctions dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice desquelles l’infraction a été commise, il appartient à l’autorité administrative de tirer les conséquences nécessaires de cette condamnation. Cette autorité est tenue de prononcer sa radiation des cadres lorsque l’intéressé ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade, sans méconnaître l’étendue de l’interdiction d’exercice prononcée par le juge pénal.

5. Par ailleurs, aux termes de l’article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure : « les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : » 1° De protection des personnes et des biens ; 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; 3° De police administrative ; 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d’arrestation de leurs auteurs ; 5° De recherche de renseignements ; 6° De maintien de l’ordre public ; 7° De coopération internationale ; 8° D’état-major et de soutien des activités opérationnelles ; 9° De formation des personnels. Ces missions ou activités doivent être exécutées dans le respect des principes républicains et du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale prévu au chapitre IV du titre III du présent livre. ". En vertu de l’article 1er du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, ce corps est également régi par les dispositions du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. En vertu de l’article 2 de ce décret, les gradés et gardiens de la paix participent aux missions qui incombent aux services actifs de police et exercent celles qui leur sont conférées par le code de procédure pénale.

6. Il ressort des pièces du dossier que la Cour d’appel de Paris a, par un arrêt définitif du 17 novembre 2021, prononcé à l’encontre de M. A, gardien de la paix, une interdiction d’exercer la profession de fonctionnaire de police pendant une durée de trois ans. Compte tenu des motifs de la condamnation de ce dernier et de la nature des fonctions correspondant à son grade, telles que définies au point précédent, lesquelles entrent dans le champ de l’interdiction prononcée, c’est à bon droit que le ministre a estimé que M. A ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade au sein de la police nationale. Il suit de là que le ministre de l’intérieur, ainsi qu’il y était tenu, s’est borné à tirer les conséquences de la condamnation prononcée par le juge judiciaire, l’autorité administrative n’étant nullement tenue de chercher un reclassement en dehors du corps auquel appartenait le requérant pour maintenir ce dernier dans un emploi public. Dès lors que le ministre était en situation de compétence liée, les moyens soulevés par M. A à l’appui de ses conclusions d’excès de pouvoir doivent intégralement être écartés comme inopérants.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté du 27 décembre 2021 du ministre de l’intérieur. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions à fin d’injonction et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B A et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 31 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

— Mme Brotons, président de chambre,

— Mme Topin, présidente assesseure,

— Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2024.

La rapporteure,

MD JAYER

Le président,

I. BROTONS

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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