CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 30 décembre 2022, 20TL04469, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Toulouse, 2e ch., 30 déc. 2022, n° 20TL04469
Juridiction : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro : 20TL04469
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 10 avril 2022
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046930326

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A B a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

1°) d’annuler l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser sa carrière ;

2°) d’annuler le refus de la rectrice de l’académie de Montpellier de lui accorder un entretien de carrière et, par voie de conséquence, le refus implicite de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018 ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser des indemnités et intérêts de retard du fait du retard mis à verser les sommes prévues par l’arrêt du 10 juillet 2018 ;

4°) d’annuler le refus implicite de la rectrice de lui accorder la protection fonctionnelle et ses refus implicites d’exécution de décisions de juridictions administratives ;

5°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 200 000 euros, avec intérêts, en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1806068 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille sous le n° 20MA04469, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n°20TL04469, et un mémoire enregistré le 26 juillet 2022, Mme A B, représentée par Me Bras, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 2 octobre 2020 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser sa carrière et de la reclasser, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 9 janvier 2018 ;

3°) d’annuler le refus de la rectrice de l’académie de Montpellier de lui accorder un entretien de carrière et, par voie de conséquence, le refus implicite de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018 ;

4°) d’annuler le refus implicite de la rectrice de l’académie de Montpellier de lui accorder la protection fonctionnelle et ses refus implicites d’exécution de décisions des juridictions administratives ;

5°) de condamner l’Etat à lui verser des indemnités et intérêts de retard du fait du retard à lui payer les sommes mises à sa charge par l’arrêt du 10 juillet 2018, ainsi qu’une

somme de 150 000 euros au titre des préjudices subis, augmentée des intérêts à compter de la demande, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

6°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

— le mémoire en défense devra être écarté des débats, à défaut de justification de l’existence de la délégation de la directrice des ressources humaines, régulièrement publiée ;

— le jugement est entaché d’irrégularité en ce qu’il est insuffisamment motivé ;

— il est erroné en ce qu’il a considéré que ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er septembre 2017 étaient tardives ;

— elle reprend les moyens de droit et de fait développés dans ses écritures devant le tribunal ;

— le jugement du 15 décembre 2009 et l’arrêt du 27 septembre 2016 n’ont pas été exécutés par les services du rectorat : la réévaluation de sa note administrative au titre de 2007 n’a pas été prise en compte sur son récapitulatif de carrière, retardant son avancement au 7ème échelon puis aux échelons suivants ; son reclassement dans le corps des agrégés a été effectué de manière erronée, de même que son reclassement dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ; elle n’a pu bénéficier d’aucun entretien de carrière, en méconnaissance du décret du 28 juillet 2010, et a subi une inégalité de traitement ; elle a ainsi subi des retards de carrière en cascade, aggravant son préjudice sur plus de treize années, dans un contexte de harcèlement ; elle aurait dû accéder au 11ème échelon au moment de la saisine du tribunal ;

— elle est fondée à se prévaloir de la mauvaise exécution de l’arrêt du 10 juillet 2018 du fait du versement des sommes qui lui étaient dues près de huit mois plus tard ;

— elle a été victime de harcèlement moral au sens de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, de sorte que l’administration était tenue de lui accorder la protection fonctionnelle en application de l’article 11 de la même loi ;

— elle est fondée à demander l’indemnisation de l’ensemble des préjudices moraux, matériels, d’atteinte à sa réputation et des troubles dans ses conditions d’existence subis ; elle a par ailleurs été contrainte de saisir la juridiction administrative à cinq reprises pour obtenir l’annulation de décisions administratives et la réparation de préjudices, constituant également un préjudice et des troubles dans ses conditions d’existence ; il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des préjudices subis en lui allouant une somme de 10 000 euros par année écoulée, de 2006 à 2020, soit 150 000 euros.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme B.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2022, la rectrice de l’académie de Montpellier conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

— elle reprend l’ensemble de ses observations formulées devant le tribunal ;

— le jugement n’est entaché d’aucune irrégularité ;

— l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 27 septembre 2016 a donné lieu à la reconstitution de la carrière de Mme B par deux arrêtés rectoraux du 6 mars 2020 et par arrêtés ministériels du 28 mai 2020 ; les dispositions de l’arrêté du 1er septembre 2017 ont ainsi été rapportées ; les conclusions tendant à l’annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet du recours gracieux sont devenues sans objet ;

— Mme B ne pouvait prétendre à un entretien de carrière au 31 août 2018 au titre du 8ème échelon, son ancienneté dans cet échelon étant supérieure à trente mois ; un rendez-vous a par ailleurs été organisé lorsque Mme B était au 9ème échelon ; elle ne produit aucun élément tendant à justifier qu’elle aurait dû bénéficier d’une progression de carrière plus rapide ;

— elle ne produit aucun élément permettant d’établir qu’elle aurait été victime d’agissements constitutifs de harcèlement de la part de la principale du collège de  ; en outre, ses écritures méconnaissent l’autorité de la chose jugée par le tribunal, la cour administrative d’appel ainsi que le Conseil d’Etat ; ni le changement d’affectation en 2007, ni le litige relatif au décompte des heures travaillées ne sauraient être regardés comme des faits de harcèlement moral ; ses allégations relatives à une mauvaise volonté dans l’exécution des décisions de justice sont infondées ;

— l’académie de Montpellier n’a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat et les préjudices invoqués ne sont pas établis, comme démontré devant le tribunal.

Par ordonnance du 27 juillet 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 19 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;

— le décret n°2016-203 du 26 février 2016 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

— et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, professeure agrégée des sciences de la vie et de la terre, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser sa carrière, d’annuler le refus de la rectrice de l’académie de Montpellier de lui accorder un entretien de carrière ainsi que le refus implicite de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018, d’annuler le refus implicite de la rectrice de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi que ses refus implicites d’exécution de décisions de juridictions administratives, et de condamner l’Etat à lui verser des indemnités et intérêts de retard du fait du retard mis à lui verser les sommes prévues par l’arrêt du 10 juillet 2018, et à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de ses préjudices. Elle relève appel du jugement du 8 octobre 2020 qui a rejeté l’ensemble de ses demandes, et limite ses prétentions indemnitaires à la somme de 150 000 euros.

Sur la recevabilité du mémoire en défense de la rectrice :

2. Le mémoire en défense produit par la rectrice de l’académie de Montpellier a été signé par Mme C, secrétaire générale adjointe et directrice des ressources humaines du rectorat, qui dispose d’une délégation de signature en cas d’absence ou d’empêchement de la rectrice consentie par l’article 1er de l’arrêté du 7 février 2020 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° R76-2020-035 consultable en ligne. Par suite, Mme B n’est pas fondée à soutenir que le mémoire en défense a été signé par une autorité incompétente.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements doivent être motivés. ».

4. D’une part, Mme B soutient qu’en rejetant ses conclusions tendant à l’annulation des refus implicites de la rectrice d’exécuter les décisions de juridictions administratives au motif qu’elles étaient imprécises et irrecevables, les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision alors qu’elle avait largement développé ses fins et moyens. Toutefois, si sa requête introductive d’instance enregistrée le 28 novembre 2018 demandait l’exécution des arrêts de la cour administrative d’appel de Marseille des 26 décembre 2016 et 10 juillet 2018, alors que le tribunal administratif de Montpellier était incompétent pour examiner de telles conclusions dirigées à l’encontre d’arrêts pris par la cour administrative d’appel, il ne ressort ni du mémoire récapitulatif enregistré le 11 février 2020, ni du mémoire complémentaire enregistré le 17 juillet 2020 que Mme B ait repris ces conclusions et les aurait précisées à la suite de l’information des parties, le 24 mars 2020, du moyen d’ordre public soulevé sur l’imprécision de ces conclusions. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du considérant 6 du jugement attaqué doit être écarté.

5. D’autre part, il résulte de l’examen du jugement attaqué, qui n’était pas tenu à répondre à tous les arguments invoqués par Mme B, qu’il précise les motifs pour lesquels les conclusions tendant au refus de la promouvoir au 11ème échelon du corps des professeurs agrégés au titre de l’année 2018 doivent être rejetées.

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement contesté doit être écarté.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er septembre 2017 :

7. Il ressort des pièces du dossier que, par trois arrêtés en date du 6 mars 2020 notifiés à l’appelante par lettre recommandée du 16 mars suivant, la rectrice de l’académie de Montpellier a procédé à la reconstitution de la carrière de Mme B en exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 27 septembre 2016. Elle a ainsi été promue au grand choix à l’échelon 7 du corps des professeurs certifiés au 1er mars 2007, au choix à l’échelon 8 au 1er mars 2010, puis reclassée dans cet échelon au 1er septembre 2013 avec une ancienneté conservée de deux ans, deux mois et vingt-et-un jours. Par un courrier du 28 mai 2020, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse l’informait de son reclassement dans le corps des professeurs agrégés en lui adressant les trois arrêtés pris le même jour afin de la reclasser au 8ème échelon au 1er septembre 2014 avec une ancienneté conservée d’un mois six jours, au même échelon au 1er septembre 2017 avec une ancienneté conservée de trois ans un mois six jours et au 9ème échelon au 25 janvier 2018. Le dernier arrêté du 28 mai 2020 précise par ailleurs, dans son article 2, que les dispositions de l’arrêté de reclassement PPCR du 1er septembre 2017 concernant Mme B sont rapportées. Par suite, les conclusions dirigées à l’encontre de l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser la carrière de Mme B et de la reclasser, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 9 janvier 2018, étaient devenues sans objet à la date du jugement du 8 octobre 2020. Par suite c’est à tort que les premiers juges ont rejeté ces conclusions comme irrecevables. Il y a lieu d’évoquer et de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions tendant à l’annulation du refus de la rectrice de l’académie de Montpellier d’accorder à Mme B un entretien de carrière et du refus implicite de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018 :

8. Aux termes de l’article 9 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré, dans ses dispositions applicables à compter du 1er septembre 2017 : " Le professeur agrégé bénéficie de trois rendez-vous de carrière dont l’objectif est d’apprécier la valeur professionnelle de l’intéressé. Ils ont lieu lorsque au 31 août de l’année scolaire en cours : () 2° Pour le deuxième rendez-vous, le professeur agrégé justifie d’une ancienneté dans le 8e échelon de la classe normale comprise entre 18 et 30 mois ; 3° Pour le troisième rendez-vous, le professeur agrégé est dans la deuxième année du 9e échelon de la classe normale. () ".

9. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 que Mme B a été reclassée dans le corps des professeurs agrégés au 8ème échelon à la date du 1er septembre 2017, avec une ancienneté conservée de trois ans un mois six jours. Au regard de son ancienneté dans cet échelon, elle ne pouvait dès lors bénéficier de l’entretien de carrière prévu au 8ème échelon. Il ressort en outre des pièces du dossier que l’appelante a bénéficié d’un entretien de carrière prévu au 9ème échelon à la fin de l’année 2020, compte tenu de son reclassement intervenu par arrêté du 28 mai 2020. Les conclusions à fin d’annulation du refus de la rectrice de lui accorder un entretien de carrière doivent dès lors être rejetées.

10. Si Mme B soutient qu’elle devait accéder au 11ème échelon du corps des agrégés dès 2018 au vu des règles d’avancement et des appréciations de ses supérieurs, elle n’apporte aucune précision ni justificatif sur ce point et ne conteste pas les modalités de son reclassement dans ce corps effectué par arrêtés du ministre de l’éducation nationale en date du 28 mai 2020. Les conclusions à fin d’annulation du refus implicite de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018 doivent dès lors être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l’annulation du refus implicite de la rectrice de l’académie de Montpellier d’accorder à Mme B la protection fonctionnelle et des refus implicites d’exécution de décisions des juridictions administratives :

11. D’une part, aux termes de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à l’espèce : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; () "

12. D’autre part, aux termes de l’article 11 de la même loi : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / () La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté () ».

13. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

14. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l’agent victime doit alors être intégralement réparé.

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme B a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle une première fois en 2007 au regard des accusations dont elle exposait alors faire l’objet au collège de . Toutefois, par un arrêt rendu le 3 juillet 2012 sous le n° 10MA00721, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande, en relevant que Mme B ne soutenait pas que les faits dont elle se prévalait auraient procédé d’un harcèlement moral commis par la principale du collège à son encontre, et seraient donc de ceux qui pouvaient permettre d’obtenir à ce titre la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983. L’appelante a de nouveau sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en 2012. De même, par un arrêt rendu le 27 septembre 2016 sous le n° 15MA01021, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande, confirmé sur ce point par le Conseil d’Etat par une décision n° 405438 du 20 décembre 2017. Ainsi, le Conseil d’Etat a confirmé que les difficultés professionnelles rencontrées par Mme B durant son affectation au collège de , résultant notamment de ses relations conflictuelles avec la direction de cet établissement, trouvaient leur origine dans son propre comportement, que les accusations portées par elle à l’encontre de sa hiérarchie n’étaient pas justifiées et que les faits invoqués par l’intéressée n’étaient pas constitutifs de harcèlement moral, de sorte qu’elle ne justifiait pas à raison de ces faits d’un droit à la protection fonctionnelle. Mme B ne peut dès lors, compte-tenu de l’autorité de la chose jugée, reprendre de nouveau les mêmes faits relatifs à l’illégalité de sa notation pour l’année 2006-2007, à l’affichage sur le tableau d’information administrative du collège de de courriers personnels et de recours administratifs, au changement d’affectation illégal, au refus de prise en compte et de rémunération de certaines heures travaillées ainsi de multiples interventions publiques, notamment en conseil d’administration dirigées contre elles, alors que l’ensemble de ces faits a été considéré comme n’étant pas constitutif de harcèlement moral.

16. Si Mme B invoque ensuite un mauvais vouloir de l’administration dans l’exécution des décisions de justice, il ressort toutefois des pièces du dossier que tant les précédents jugements rendus par le tribunal administratif de Montpellier que les arrêts rendus par la cour administrative d’appel de Marseille les 27 septembre 2016 et 10 juillet 2018 ont été entièrement exécutés, nonobstant un certain retard s’agissant notamment des arrêtés en date des 6 mars 2020 et 28 mai 2020 portant reconstitution de sa carrière et reclassement dans le corps des professeurs certifiés puis des professeurs agrégés.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation du refus implicite de la rectrice de l’académie de Montpellier d’accorder à Mme B la protection fonctionnelle ainsi que des refus implicites d’exécution de décisions des juridictions administratives doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

18. Si Mme B invoque les nombreuses procédures juridictionnelles qu’elle a été contrainte d’engager pour faire reconnaître ses droits, elle ne se prévaut d’aucun préjudice distinct de ceux pour lesquels elle a obtenu une indemnisation par arrêts rendus par la cour administrative d’appel de Marseille n° 10MA00721 du 3 juillet 2012 et n°14MA04816 du 27 septembre 2016.

19. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que Mme B ne peut utilement exciper de l’illégalité du refus de la rectrice de lui accorder un entretien de carrière, de la promouvoir au 11ème échelon du corps des agrégés au titre de l’année 2018, d’exécuter la décision juridictionnelle rendue par la cour administrative d’appel de Marseille le 27 septembre 2016 et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.

20. Si l’intéressée demande réparation du préjudice subi du fait du retard de paiement dû à l’erreur de son reclassement dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », elle n’en justifie par aucune pièce, en l’absence de toute contestation sérieuse des arrêtés pris le 28 mai 2020.

21. Enfin, Mme B invoque un retard de paiement d’une heure de première chaire et de la prime découlant de la réalisation de plus de trois heures supplémentaires. Toutefois, l’appelante qui reconnaît avoir reçu les sommes qui lui étaient dues à la suite de l’arrêt n°17MA05100 rendu le 10 juillet 2018 par la cour administrative d’appel de Marseille, ne justifie d’aucun préjudice financier. Elle ne justifie pas non plus que ce retard de paiement lui ait occasionné un quelconque préjudice moral.

22. Il résulte tout de ce qui précède que Mme B n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses demandes autres que celles visées au point 7.

Sur les frais d’instance :

23. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E  :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 octobre 2020 est annulé en tant qu’il a statué sur les conclusions de Mme B tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser sa carrière et de la reclasser, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 9 janvier 2018.

Article 2 : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme B tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er septembre 2017 du recteur de l’académie de Montpellier en tant qu’il refuse de réviser sa carrière et de la reclasser, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 9 janvier 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A B et au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera donnée à la rectrice de l’académie de Montpellier.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 30 décembre 2022, 20TL04469, Inédit au recueil Lebon