CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 08P04182

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 3 juillet 2008, N° 083457
Précédents jurisprudentiels : 17 décembre 1997, préfet de l' Isère c/ M. B, n° 171201
19 février 2009, concernant toujours M. A, n° 310285
C.E. 15 novembre 2006, Toquet, n° 264363
C.E. 20 juin 1997 Kessai, n° 168019
C.E. 21 décembre 2007 M. E, n° 300578
C.E. 28 mai 1997, Préfet de police c/ M. C, n° 168193
C.E. 3 septembre 2008 M. D, n° 297718
Conseil d'Etat, M. M A, n° 310286
Cour le 18 décembre 2008, M. X, n° 08PA01768 et 08PA01769
Stirn le 26 décembre 2008, M. Z, n° 322158

Texte intégral

08PA04182 Monsieur N O P H I c/ Préfecture de police
Lecture du 30 décembre 2009
CONCLUSIONS de Madame Seulin, rapporteur public
Par la présente affaire, votre cour est une nouvelle fois saisie de la délicate question des refus implicites de visa de long séjour opposés aux conjoints de ressortissants français, sur le fondement desquels l’autorité préfectorale prend une décision de refus de titre de séjour.
Les faits de l’espèce sont les suivants. M. N O P H I, ressortissant du Congo Brazzaville, âgé de 27 ans à la date du refus de titre de séjour en qualité de conjoint de Français qui lui a été opposé le 23 janvier 2008 par le préfet de Police, est entré régulièrement en France le 19 septembre 2004 muni d’un visa de court séjour, à l’âge de 23 ans. Il a épousé le 7 avril 2007 une ressortissante française, Melle F G, avec laquelle il mène une vie commune. M. H I a fait une demande tendant à obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de Français sur le fondement de l’article L. 313-11-4° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et a formé une demande sur place de visa de long séjour dans les conditions prévues au sixième paragraphe de l’article L. 211-2-1 du même code. Le 23 janvier 2008, un refus de séjour lui a été opposé par le préfet de police, au motif notamment que les services consulaires français au Congo avaient implicitement rejeté sa demande de visa de long séjour.
Dans son jugement du 4 juillet 2008, les premiers juges ont rejeté la requête de M. H I en écartant le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La question posée aux parties, qui justifie la venue de cette affaire devant vous en Assemblée Plénière, est la suivante : l’article L. 211-2-1 du CESEDA, modifié en dernier lieu par la loi n°2007-1631 du 30 novembre 2007, prévoit expressément dans son quatrième paragraphe que le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public et, dans son cinquième paragraphe, que les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur la demande de visa de long séjour formée par le conjoint de Français dans les meilleurs délais.
Le sixième paragraphe de cet article ajoute que lorsque la demande de visa de long séjour émane d’un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l’autorité administrative compétente pour la délivrance d’un titre de séjour.
Compte tenu de la protection particulière ainsi instaurée au profit des étrangers conjoints de Français, renforcée par l’obligation faite de motiver les refus de visa de long séjour qui leur sont opposés (article L. 211-1 du CESEDA), l’article L. 211-2-1 du CESEDA organise t-il au profit du préfet, pour la délivrance des visas de long séjour aux étrangers conjoints de Français, un transfert de la compétence normalement dévolue aux autorités diplomatiques et consulaires (article L. 211-2 du CESEDA), auquel cas la commission de recours contre les refus de visas, prévue à l’article D. 511-5 du CESEDA, serait incompétente pour connaître des décisions de refus du préfet ?
Il conviendrait alors d’annuler la décision du préfet au motif que celui-ci aurait méconnu l’étendue de sa compétence et l’article L. 211-2-1 du CESEDA en opposant à M. J I le refus implicite de visa de long séjour pris par les autorités consulaires dès lors qu’il n’est pas certain que le préfet aurait pris la même décision en se fondant seulement sur l’absence d’atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale.
L’autre raison pour laquelle cette affaire vient aujourd’hui devant vous en Assemblée Plénière est que dans l’hypothèse où vous estimeriez qu’il n’y a pas eu de transfert de compétences des autorités consulaires vers les préfets pour statuer sur les demandes de visa de long séjour dans le cas particulier du sixième paragraphe de l’article L. 211-2-1 du CESEDA, nous vous proposerions alors d’infirmer l’arrêt rendu par la 7e chambre de votre Cour le 18 décembre 2008, M. X, n°08PA01768 et 08PA01769, classé en B.
Par cet arrêt, la Cour a considéré que le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision de refus de visa prise par les autorités consulaires, ne peut être soulevé de façon opérante devant le juge de l’excès de pouvoir des décisions de refus de titre de séjour, compte tenu du recours administratif préalable obligatoire institué contre les refus de visas devant la commission de recours instituée par l’article D. 211-5 du CESEDA.
I – S’agissant d’abord de la question de la compétence du préfet pour décider de délivrer des visas de long séjour aux conjoints de Français, il ressort des travaux préparatoires de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, que les dispositions du paragraphe 6 de l’article L. 211-2-1 du CESEDA modifié sont directement issues d’un amendement n° 100 déposé au Sénat notamment par M. Y, puis rectifié par le ministre délégué, M. K L.
L’amendement initial était ainsi rédigé : « Lorsque la demande d’un visa de long séjour émane d’un étranger marié avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur réside avec son conjoint sur le territoire national, les autorités préfectorales se substituent aux autorités consulaires et diplomatiques et délivrent le visa de long séjour ». Les mariages visés étaient ceux célébrés en France entre un étranger et un ressortissant français.
La volonté des parlementaires était d’éviter que des conjoints de ressortissants français vivant en France soient obligés de repartir dans leur pays demander un visa de long séjour compte tenu des délais avec lesquels les autorités consulaires statuent sur ces demandes du fait de leur engorgement et de leur absence de moyen, afin de respecter le droit au respect de la vie privée et familiale de ces étrangers.
Ils estimaient que les préfectures pouvaient tout à fait prendre contact si besoin avec les consulats afin de vérifier l’authenticité des actes d’état civil et que c’étaient les services préfectoraux qui étaient les mieux à même pour savoir, s’agissant de mariages célébrés en France, s’il y avait fraude, si le mariage avait été annulé ou s’il y avait une menace à l’ordre public.
Afin, selon ses propres termes, de tenir compte, dans une perspective humanitaire, des cas que certains sénateurs avaient bien voulu évoquer, le ministre délégué a accepté de retenir cet amendement à condition de le rectifier et a proposé la rédaction suivante, finalement retenue au paragraphe 6 de l’article L. 211-2-1 du CESEDA : « Lorsque la demande de visa de long séjour émane d’un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présenté à l’autorité administrative compétente pour la délivrance d’un titre de séjour ».
Et le ministre a ajouté « qu’à partir de là, c’est l’autorité administrative compétente en France qui instruit la demande de visa de long séjour », ce qui pourrait laisser entendre que dans l’intention du législateur, c’est bien le préfet qui prend la décision de délivrer un visa de long séjour aux étrangers se trouvant dans la situation du sixième paragraphe de l’article L. 211-2-1 du CESEDA.
Une ordonnance de référé prise par le Président Stirn le 26 décembre 2008, M. Z, n°322158, classé en B, semble aller dans ce sens, puisque selon cette ordonnance, il résulte des dispositions de l’article D. 211-5 du CESEDA, selon lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France est chargée d’examiner les recours contre les décisions de refus de visa prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, que ne relève pas de cette commission les décisions prises par l’autorité préfectorale sur le fondement de l’article L. 211-2-1 du CESEDA, ce qui pourrait signifier que les décisions de refus de visa de long séjour ne sont pas prises par les autorités consulaires mais par le préfet.
Mais il n’est pas certain que ce soit le sens à donner à cette ordonnance car il convient selon nous de la mettre en perspective avec une autre ordonnance de référé rendue un an avant, le 28 novembre 2007, par le Conseil d’Etat, M. M A, n°310286, également classée en B.
Selon cette ordonnance, il résulte des dispositions du sixième paragraphe de l’article L. 211-2-1 du CESEDA modifié que l’étranger qu’elles déterminent peut présenter à la préfecture de son domicile une demande de visa de long séjour et qu’il appartient au préfet d’examiner si le demandeur remplit les conditions fixées et, dans cette hypothèse, de transmettre la demande aux autorités consulaires françaises qui doivent l’examiner compte tenu, notamment, des dispositions du deuxième paragraphe de l’article L. 211-2-1, relatif à la délivrance d’un visa à un conjoint de Français.
Il appartient ainsi au préfet d’apprécier la recevabilité de la demande de visa de long séjour puis de la transmettre aux autorités consulaires en vue d’y être examinée.
Cette solution a été confirmée dans un arrêt du 19 février 2009, concernant toujours M. A, n°310285, qui est seulement classé en C.
Ainsi, dès lors qu’en vertu de cette jurisprudence, le préfet est tenu d’apprécier la recevabilité de la demande de visa de long séjour de l’étranger conjoint de Français, et non de statuer sur cette demande, l’ordonnance de référé du 26 décembre 2008 ci-dessus visée, relatif à la situation de M. Z, a pu logiquement en déduire que les décisions prises par le préfet sur la recevabilité des demandes ne relevaient pas de la compétence de la commission de recours contre les refus de visa pris par les autorités diplomatiques ou consulaires.
Cette interprétation des textes est d’ailleurs conforme à celle qui a été donnée par la circulaire N°int/D/07/00031/C du 19 mars 2007 relative à l’application de l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile introduit par la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.
Nous vous proposerons donc de vous en tenir à cette interprétation des textes, et de considérer que l’article L. 211-2-1 du CESEDA modifié n’organise pas un transfert de compétence des autorités consulaires vers les autorités préfectorales, même si une interprétation différente aurait pu en être donnée.
II. La question de se pose alors de savoir si l’étrangers peut exciper de l’illégalité du refus implicite de visa de long séjour qui lui est opposé par les autorités consulaires, à l’occasion de son recours dirigé contre le refus de titre de séjour qui lui est opposé par le préfet, nonobstant l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire.
1. Tout d’abord, M. H I doit être regardé comme soulevant bien ce moyen tiré de l’exception d’illégalité du refus implicite de visa de long séjour, même si sa formulation n’est pas toujours très claire.
Dans ses développements relatifs à l’erreur de droit, l’intéressé soutient qu’il remplit toutes les conditions requises par l’article L. 211-2-1 du CESEDA et, dans les développements consacrés à la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il ajoute qu’il n’est pas contesté que la communauté de vie n’a pas cessé, qu’elle dure depuis plus de six mois à la date à laquelle il a sollicité son admission au séjour et qu’il n’existe aucun élément établissant que le visa sollicité aurait pu lui être refusé pour l’un des motifs énumérés au deuxième paragraphe de cet article, devenu le quatrième paragraphe après la modification apportée par la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007.
Même s’il n’a pas soulevé cette exception d’illégalité en première instance, M. H I est recevable à la soulever devant vous en appel, car il s’agit d’un moyen de légalité interne qui relève de la même cause juridique que le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales soulevé devant les premiers juges.
2. Nous rappellerons ensuite que dans un arrêt du 17 décembre 1997, préfet de l’Isère c/ M. B, n°171201 publié au recueil, le Conseil d’Etat a admis l’exception d’illégalité d’un refus de visa verbal non motivé confirmé implicitement sur recours hiérarchique non devenu définitif, à l’encontre d’un arrêté de reconduite à la frontière et a constaté l’illégalité dudit refus verbal pour violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Certes, cet arrêt a été rendu avant l’instauration, par le décret du 10 novembre 2000, d’un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours contre les refus de visas. Ce texte dispose que cette commission doit être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus et la décision prise à la suite du recours, soit par la commission, soit par le ministre sur avis de la commission, se substitue à la décision initiale et peut seule être directement attaquée devant le juge de l’excès de pouvoir.
Mais dès lors que le refus implicite de visa n’a pas été notifié à M. H I, qui n’en a eu connaissance qu’avec le refus de titre de séjour, celui-ci n’a pas pu saisir la commission des refus de visa.
Nous ne voyons donc pas ce qui fait obstacle à ce qu’il excipe de l’illégalité du refus implicite de visa, non devenu définitif, à l’encontre du refus de titre de séjour, lorsque ce recours administratif préalable n’a pas pu être exercé préalablement du fait même de l’administration.
Plusieurs arguments militent en faveur de l’admission de cette exception d’illégalité, nonobstant l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire.
a) En premier lieu, vous constaterez que la procédure décrite par la circulaire ci-dessus visée du 19 mars 2007 n’a pas été respectée.
Cette circulaire prévoit en effet que l’autorité consulaire adresse au demandeur une lettre motivant le refus, notifiée par la préfecture concernée, afin que le demandeur puisse former un recours par les voies prévues pour requérir une annulation du refus de visa. Or, en l’espèce, aucune lettre n’a été adressée par l’autorité consulaire à M. H I, expliquant les motifs du refus de visa de long séjour. M. H I n’a reçu la notification du refus implicite de visa de long séjour qu’avec la notification du refus de titre de séjour et n’a donc pu contester préalablement ce refus de visa de long séjour devant la commission de recours contre les refus de visa.
Il a ainsi été privé d’un droit au recours effectif contre ce refus implicite de visa de long séjour, avant que le préfet ne lui oppose un refus de titre de séjour, au sens de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
b) En deuxième lieu, l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours contre les refus de visas ne nous semble pas un obstacle à la recevabilité du moyen tiré de l’exception d’illégalité du refus implicite de visa de long séjour, sous peine d’opérer une confusion entre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir et la recevabilité d’un moyen tiré de l’exception d’illégalité d’une décision individuelle.
En effet, la seule limite mise par la jurisprudence à la recevabilité du moyen tiré de l’exception d’illégalité d’une décision individuelle est le caractère définitif de cette décision. Et encore, lorsque la décision individuelle est devenue définitive, on peut exciper de son illégalité s’il s’agit d’une opération complexe.
C’est ainsi que le Conseil d’Etat admet depuis longtemps l’exception d’illégalité du refus de titre de séjour non définitif contre un arrêté de reconduite à la frontière, sans pour autant reconnaître l’existence d’une opération complexe : C.E. 20 juin 1997 Kessai, n°168019, publié au recueil, ou encore l’exception d’illégalité du refus d’autorisation de travail lorsque ce refus fonde le refus de séjour et que l’étranger s’est maintenu sur le territoire malgré le refus de séjour, alors même que ce n’est pas la même autorité qui est compétente pour statuer sur les deux demandes d’autorisation de travail et de séjour : C.E. 28 mai 1997, Préfet de police c/ M. C, n°168193, publié au recueil.
Dans l’arrêt Kessai, le Conseil d’Etat fait nettement apparaître que les exceptions d’illégalité ne sont rien d’autres qu’une catégorie particulière de moyens.
Par ailleurs, la recevabilité de l’exception d’illégalité est, en vertu de la jurisprudence susvisée, appréciée à la date à laquelle elle est invoquée.
En l’espèce, le refus implicite de visa de long séjour ayant été notifié en même temps que le refus de titre de séjour du 23 janvier 2008 et ce refus de titre de séjour ayant été attaqué le 19 février 2008 devant les premiers juges dans les délais du recours contentieux, le refus implicite de visa de long séjour n’était pas devenu définitif.
Au surplus, si l’on raisonne par analogie avec la jurisprudence rendue pour les militaires, nous voyons que dans ses arrêts, le Conseil d’Etat affirme le caractère obligatoire du recours administratif préalable devant la commission chargée d’examiner les recours formés par les militaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle, telle que la notation, avant tout recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier (C.E. 3 septembre 2008 M. D, n°297718), tout en admettant néanmoins dans d’autres arrêts la recevabilité d’un moyen tiré de l’exception d’illégalité d’une notation soulevé contre une autre décision individuelle, sans que l’on sache si cette notation a fait l’objet d’un recours administratif obligatoire (C.E. 21 décembre 2007 M. E, n°300578).
La question de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir est donc bien distincte de la question de la recevabilité du moyen tiré de l’exception d’illégalité.
c) En troisième lieu, il ne nous semble pas possible de mettre en concurrence la décision qui serait susceptible d’être prise par la commission de recours contre les refus de visa, si elle était saisie, et la décision susceptible d’être prise à l’issue d’un recours juridictionnel.
D’un côté, vous êtes seulement en présence de l’autorité de chose décidée alors que de l’autre côté, vous êtes en présence de l’autorité de la chose jugée, laquelle peut même revêtir un caractère absolu pour les recours pour excès de pouvoir.
C’est ainsi que la décision prise par le juge de l’excès de pouvoir sur l’illégalité du refus implicite de visa opposé par les autorités consulaires, s’imposera à la commission de recours contre les refus de visa dans l’hypothèse où celle-ci serait saisie, postérieurement à la notification du refus de titre de séjour, de la légalité de ce refus implicite de visa de long séjour.
En outre, il nous semble être de l’office du juge de l’excès de pouvoir de connaître précisément par voie d’exception de l’illégalité de décisions individuelles qui n’ont pu, en leur temps, faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire par le fait de l’administration mais qui ne sont pas pour autant devenues définitives.
Nous observerons aussi que la circonstance que le Conseil d’Etat soit compétent en premier et dernier ressort pour connaître des décisions prises par la commission de recours contre les refus de visa n’est pas de nature à faire obstacle à la recevabilité de l’exception d’illégalité du refus implicite de visa pris par les autorités consulaires, devant les juridictions de 1re instance et d’appel. En effet, les juridictions de 1re instance et d’appel sont depuis longtemps compétentes pour se prononcer sur l’exception d’illégalité d’un décret, alors que le Conseil d’Etat est seul compétent pour connaître du recours direct dirigé contre un tel acte.
d) En quatrième et dernier lieu, admettre l’exception d’illégalité du refus implicite de visa opposé à un étranger, servant de fondement à la décision de refus de titre de séjour, ne nous paraît pas non plus conduire à un risque de détournement de procédure, qui consisterait à soulever cette exception d’illégalité devant le juge plutôt que de saisir la commission de recours contre les refus de visas.
Ce risque de détournement nous semble très limité pour les raisons suivantes.
En vertu de l’article 19 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, toute demande adressée à l’autorité administrative doit faire l’objet d’un accusé de réception dans des conditions fixées par décret. Lorsque l’accusé de réception n’a pas été transmis à l’auteur d’une demande ou ne comporte pas les indications prévues par le décret, les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur de la demande.
Selon l’article 1er du décret n°2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 19 de la loi susvisée, l’accusé de réception doit comporter la date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d’une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée et lorsque la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, l’accusé de réception doit aussi mentionner les délais et voies de recours à l’encontre de la décision.
En l’espèce, c’est devant le préfet que l’étranger dépose sa demande de visa de long séjour sur le fondement du 6e paragraphe de l’article L. 211-2-1 du CESEDA de sorte qu’il nous semble que c’est au préfet, une fois constatée la recevabilité de la demande, d’accuser réception de cette demande de visa de long séjour dans les conditions ci-dessus visées.
Il nous semble aussi qu’à ce stade, le préfet doit indiquer que le refus express ou implicite de visa de long séjour doit faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours contre les refus de visa ainsi que les délais de saisine de cette commission, sous peine d’irrecevabilité du recours exercé devant le juge administratif.
Par ailleurs, comme il a été dit plus haut, il résulte de la circulaire du 19 mars 2007 que les autorités consulaires doivent normalement adresser un courrier à l’étranger indiquant les motifs du refus de visa de long séjour et ce courrier est notifié par le préfet.
Si l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire n’a pas été mentionné dans l’accusé de réception de la demande, il appartient alors au préfet d’indiquer l’existence d’un tel recours au moment de la notification de la décision de refus de visa de long séjour, s’il entend opposer les voies et délais de recours contentieux contre cette décision (voir sur le principe : C.E. 15 novembre 2006, Toquet, n°264363, publié aux tables).
Nous nous trouvons ainsi devant les hypothèses suivantes.
Si l’étranger ne saisit pas dans les délais la commission de recours contre la décision initiale de refus de visa de long séjour, ce refus, express ou implicite, devient définitif et il ne pourra plus exciper de son illégalité contre le refus de titre de séjour.
Par ailleurs, l’étranger ne pourra pas saisir directement le juge de l’excès de pouvoir d’un recours dirigé contre ce refus initial express ou implicite de visa de long séjour, sous peine d’irrecevabilité de sa requête en raison de l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire.
Enfin, si l’on veut éviter qu’un refus de titre de séjour intervienne dans le délai imparti à l’étranger pour contester le refus de visa de long séjour, il appartient au préfet de suspendre l’examen de la demande de titre de séjour, le temps que l’étranger introduise un recours devant la commission de recours contre les refus de visa, en renouvelant l’autorisation provisoire de séjour le temps que la commission se prononce contre ce refus de visa.
Il apparaît ainsi qu’en dehors du cas de la présente espèce où l’on se trouve en présence d’une décision implicite de visa de long séjour notifié en même temps que le refus de titre de séjour et dont la demande n’a pas fait l’objet d’un accusé de réception dans les conditions ci-dessus visées, il y a très peu de chance que l’étranger puisse soulever l’exception d’illégalité du refus initial de visa de long séjour contre un refus de titre de séjour.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposerons d’infirmer votre jurisprudence X du 18 décembre 2008 et d’admettre la recevabilité de l’exception d’illégalité du refus implicite de visa de long séjour qui a été opposé à M. H I, à l’encontre du refus de titre de séjour du 23 janvier 2008.
IV. S’agissant pour finir d’apprécier la légalité du refus implicite de visa de long séjour notifié le 23 janvier 2008 avec la décision de refus de titre de séjour, nous rappellerons que les motifs limitativement énumérés au quatrième paragraphe de l’article L. 211-2-1 du CESEDA pour opposer un refus de visa de long séjour à un conjoint de Français sont la fraude, l’annulation du mariage et la menace à l’ordre public.
Nous vous proposerons de considérer, à l’instar du Conseil d’Etat dans son arrêt B, que faute pour l’administration consulaire d’avoir invoqué et justifié quelque motif fondant la décision de refus de visa, cette décision, qui affecte le droit de M. H I au respect de sa vie privée familiale, doit être regardée comme ayant porté à ce droit une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a pu être prise, et, par suite, comme étant intervenue en méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dès lors, l’illégalité de ce refus implicite de visa de long séjour entache, par voie de conséquence, d’illégalité l’arrêté portant refus de titre de séjour.
Contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, nous vous proposerons donc de prononcer l’annulation de l’arrêté du 23 janvier 2008 ayant refusé un titre de séjour en qualité de conjoint de Français à M. H I.
PCMNC : – à l’annulation du jugement n°083457 du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 2008.
- à l’annulation de l’arrêté du 23 janvier 2008 du préfet de police rejetant la demande de titre de séjour en qualité de conjoint de Français de M. H I et l’obligeant à quitter le territoire français.
- A la condamnation de l’Etat à verser à M. H I la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
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