CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA03104

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 2012-235 QPC du 20 avril 2012
CE a encore rappelé, dans une décision du 13 mars 2013 ( n° 354976

Texte intégral

11PA03104
PREFET DE POLICE c/ Association « GROUPE INFORMATION ASILES »
Séance du 10 février 2014
Lecture du 3 mars 2014
CONCLUSIONS de M. Dewailly, Rapporteur public
Faits :
Par un arrêt du 20 novembre 2009 le CE a rejeté le pourvoir du PP, dirigé contre un arrêt de notre Cour ayant jugé que toute personne conduite à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris devait être informée, dès son admission, de son droit de consulter un avocat de son choix, la mesure de constituant une mesure d’hospitalisation sans consentement au sens de l’article L. 3211-3 du CSP.
Toutefois, dans l’intervalle, et par un arrêté du 20 juillet 2009, le préfet de police a modifié le règlement intérieur de l’infirmerie psychiatrique de la PP, en mentionnant aux articles 3-2.2 et 5.3 que le patient pouvait consulter le médecin ou l’avocat de son choix sous réserve de l’accord d’un médecin de l’infirmerie psychiatrique de la PP.
L’association « GROUPE INFORMATION ASILES » (GIA) a, le 26 septembre 2009, saisi le TAP d’une demande d’annulation de cet arrêté, requête à laquelle il a été fait droit par un jugement du 10 mai 2011.
Le PP interjette appel de ce jugement, demandant à la Cour de l’annuler et de rejeter la requête de l’association.
Discussion :
1 – En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Le PP soutient que le jugement serait insuffisamment motivé les premiers juges n’ayant pas répondu à l’argumentation selon laquelle l’accord du médecin permettant au patient de rencontrer un avocat constituait une garantie pour le patient et pour la sécurité de l’avocat.
Toutefois, les premiers juges ont répondu de manière suffisamment précise au moyen soulevé : « que les modalités d’organisation d’une telle rencontre relèvent de la police générale de l’établissement et doivent concilier le droit à la consultation directe d’un médecin ou d’un avocat et la protection des personnes ; » ou en précisant encore : « que, dès lors, l’avis négatif d’un médecin de l’infirmerie opposé à une demande de rencontre prive le patient de l’exercice d’un droit fondamental sans recherche par le préfet de police d’une mesure éventuelle moins contraignante et adaptée aux troubles du patient ; ».
Le jugement est suffisamment motivé, le moyen pourra être écarté.
2 – Sur le fond :
A – Sur la légalité de l’article 3-2.2 du règlement intérieur de l’infirmerie psychiatrique de la PP :
Il ressort de l’annexe Règlement intérieur de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de l’arrêté n° 2009-00558 du préfet de police, publiée au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 7 août 2009, relative aux conditions d’admission des personnes présumées malades à l’infirmerie psychiatrique :
« La conduite à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police est limitée strictement aux cas ci-après :
3-1 La règle générale (…) 3-2 Les cas particuliers (…) 3-2.1 Prévenus se trouvant au dépôt ou en centre de rétention (…) 3-2.2 Relaxes, bénéficiaires d’un non-lieu :
En application de l’article 122-1 du code pénal la conduite est effectuée à l’IPPP dès que les pièces suivantes sont réunies ; réquisition écrite du Parquet, accompagnée d’une copie de l’ordonnance de non-lieu ou du jugement de relaxe, copie de l’expertise médicale et levée du mandat d’écrou.
Dans ce cas, un contact préalable doit intervenir avec le Parquet pour préparer les conditions du transfert. »
S’agissant d’une mesure privative de liberté, les cas énoncés par ce règlement doivent être strictement compris, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être entendus que de manière limitative.
Or, ces cas d’admission à l’IPPP, n’énoncent pas la catégorie de personnes mentionnées au titre XXVIII du CPP, article 706-135, relatif à « la procédure et aux décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental », depuis l’entrée en vigueur de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental : « Sans préjudice de l’application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l’hospitalisation d’office de la personne dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code s’il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l’article L. 3213-1 du même code, dont le deuxième alinéa est applicable. L’article L. 3213-8 du même code est également applicable. ».
Certes, le PP soutient que la circonstance que le règlement en litige visait des textes qui n’étaient plus en vigueur ne l’entachait pas d’illégalité, dès lors que la loi du 25 février 2008 n’a pas restreint sa compétence en la matière.
Toutefois, dans sa décision du 26 novembre 2010, le Conseil constitutionnel avait abordé la question de l’administration forcée de soins à une personne hospitalisée sans son consentement alors qu’elle n’entrait pas dans le cadre d’un défèrement judiciaire. Répondant à un grief tiré de ce que la personne hospitalisée ne peut plus (depuis 1990) refuser le traitement envisagé, il avait jugé « que le législateur a estimé qu’une personne atteinte de troubles mentaux qui soit rendent impossible son consentement alors que son état impose une surveillance constante en milieu hospitalier, soit font que cette personne compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, ne peut s’opposer aux soins médicaux que ces troubles requièrent ; qu’en tout état de cause, les garanties encadrant l’hospitalisation sans consentement permettent que l’avis de la personne sur son traitement soit pris en considération ; que, dans ces conditions, en adoptant les dispositions déférées, le législateur a pris des mesures assurant, entre la protection de la santé et la protection de l’ordre public, d’une part, et la liberté personnelle, protégée par l’article 2 de la Déclaration de 1789, d’autre part, une conciliation qui n’est pas manifestement disproportionnée ».
Il avait aussi précisé dans un commentaire « que si le protocole de soins devait permettre l’administration forcée d’un traitement et si les séjours prévus dans le protocole de soins devaient permettre que la personne soignée soit internée ou maintenue dans l’établissement de force, il ne ferait pas de doute qu’en n’imposant pas une intervention judiciaire systématique, les dispositions de la loi ne respecteraient pas les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses deux décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011 au nom de la protection constitutionnelle de la liberté individuelle. »
Il a enfin distingué, parmi les dispositions contestées, entre les personnes soumises au régime particulier de l’irresponsabilité pénale celles qui intéressent le présent litige, c’est-à-dire lorsque les soins dont elles font l’objet ont été ordonnés par l’autorité administrative lorsque l’autorité judiciaire, après avoir fait application de l’article 122-1 du code pénal, a estimé nécessaire d’aviser le représentant de l’État pour qu’il ordonne des soins psychiatriques en application des articles L. 3213-1 et suivant du CSP.
Dans cette hypothèse, les conséquences attachées à la transmission au représentant de l’État de la décision de classement sans suite ou de la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental constituent un régime dérogatoire puisqu’il y a simplement transmission de l’autorité judiciaire à l’autorité administrative et non jugement.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel a jugé que l’absence de garanties légales encadrant ce dispositif tenait à l’absence de dispositions particulières relatives soit à une procédure adaptée (information préalable de l’intéressé) soit à la prise en compte de la nature des infractions pénales concernées (certaines ne révélant pas en elles-mêmes la dangerosité de leur auteur).
Par suite, le Conseil a jugé que les dispositions contestées « font découler de cette décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses celles applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins » (cons. 28 – 2012-235 QPC du 20 avril 2012).
Le Conseil a donc déclaré contraires à la Constitution l’article L. 3213-8, mais reporté au 1er octobre 2013 la date de leur abrogation. En aval, il semble évident que cela vaut pour le présent litige.
Le PP soutient également que le jugement est entaché d’une contradiction de motifs , mais dans la mesure où les dispositions de l’article 3-2.2 « Relaxes, bénéficiaires d’un non-lieu » mentionnées dans le règlement en cause font application d’une rédaction de l’article L3213-7 antérieure à celle de la loi du 25 février 2008, alors que la rédaction de ce texte a été largement modifiée sous l’impulsion du CC, puisque les termes de relaxe et de non lieu ont disparu et qu’on y a intégré les jugements et arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental nécessitant des soins.
Or, le règlement en cause ne tient aucun compte de cette évolution du régime juridique.
Vous pourrez écarter ce premier moyen.
B – Sur la légalité de l’article 5.3 du règlement intérieur de l’infirmerie psychiatrique de la PP :
Le CE, a confirmé l’arrêt de plénière de la CAAP, qui a défini le statut de l’infirmerie psychiatrique de la PP, comme étant soumis aux dispositions de l’article L 3211-3 du code de la santé publique.
Aux termes de cet article, dans sa version applicable à la date de l’arrêté litigieux du 20 juillet 2009 : « Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de cette hospitalisation, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Elle doit être informée dès l’admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. En tout état de cause, elle dispose du droit :
1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l’article L. 3222-4 ;
2° De saisir la commission prévue à l’article L. 3222-5 ;
3° De prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix ;
4° D’émettre ou de recevoir des courriers ;
5° De consulter le règlement intérieur de l’établissement tel que défini à l’article L. 3222-3 et de recevoir les explications qui s’y rapportent ;
6° D’exercer son droit de vote ;
7° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix.
Ces droits, à l’exception de ceux mentionnés aux 4°, 6° et 7°, peuvent être exercés à leur demande par les parents ou les personnes susceptibles d’agir dans l’intérêt du malade. »
Précisons que cet article est bien applicable, n’ayant pas fait l’objet d’une annulation ou d’une réserve de la part du CC saisi d’une QPC, contrairement à d’autres dispositions de ce code concernant l’hospitalisation d’office.
Le CE a encore rappelé, dans une décision du 13 mars 2013 (n° 354976) « si la personne intéressée doit, par conséquent, dès son admission à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, être informée de son droit d’avoir recours à un avocat ou à un médecin, l’accomplissement de cette obligation n’a pas à précéder l’édiction de la décision de conduite à l’infirmerie psychiatrique mais se rapporte à l’exécution de cette décision et est donc sans incidence sur sa légalité ». En d’autres termes, ce droit s’exerce dès l’admission à l’IPPP.
Dans son arrêt n° 313598 du 20 novembre 2009, il rappelle que « le droit de faire appel à un avocat dont disposent les personnes conduites à l’IPPP est prévu par l’article L 3211-3 du code de la santé publique » et a estimé que le PP était « compétent pour prendre les mesures destinées à rendre effectif ce droit en l’inscrivant dans la charte d’accueil… ».
Il ressort de l’annexe Règlement intérieur de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de l’arrêté n° 2009-00558 du préfet de police du 20 juillet 2009, publiée au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 7 août 2009 :
« (…) V Accueil et séjour des présumés malades à l’infirmerie psychiatrique (…) […]
A la demande du patient, l’infirmerie psychiatrique prévient une personne désignée par lui, membre de la famille, proche, médecin, avocat. Cette personne peut être reçue par un membre de l’équipe médicale. Elle peut également rencontrer le patient sous réserve de l’accord du médecin de l’IPPP qui apprécie si l’état de santé du malade le permet (…) ».
Ces dispositions n’assurent pas le droit effectif de consulter un médecin ou un avocat qui impose nécessairement de le rencontrer et non simplement d’être « prévenu » par l’infirmerie psychiatrique, sans contacter celui qui est directement concerné et ne peut donc ainsi exercer ses droits.
Il en va de même lorsqu’en outre un éventuel contact est soumis à l’accord du médecin de l’IPPP voir les conclusions de Mme X sous arrêt n° 341555 Association GIA 26 juillet 2011. Ce droit est nécessairement restreint.
Ce second moyen sera écarté.
3 – Sur les conclusions présentées par l’association GIA au titre des frais irrépétibles :
Dans la mesure où le PP intervient au titre de ses compétences de police municipale, en cette matière, vous ne pourrez mettre à la charge de l’Etat la somme demandée au titre des frais irrépétibles, puisque cela relèverait de la VP. Le Ce s’est d’ailleurs prononcé en ce sens dans sa décision n° 313598 précitée.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et des conclusions au titre des frais irrépétibles présentées par l’association.
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