Cour administrative d'appel de Versailles, 1re chambre, 3 mars 2020, n° 18VE00875

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 1re ch., 3 mars 2020, n° 18VE00875
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 18VE00875
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 8 janvier 2018, N° 1508180, 1508193, 1508195, 1508197
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TAIPAN FZE a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au 31 décembre des années 2008 à 2012, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les périodes du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, de la taxe d’apprentissage et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie pour les années 2009 à 2012, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n°s 1508180, 1508193, 1508195, 1508197 du 9 janvier 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société TAIPAN FZE.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 9 mars et le 24 septembre 2018, la société TAIPAN FZE, représentée par Me Gabizon, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3° et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— ne disposant pas d’un établissement stable en France au regard de la loi, de la convention franco-émiratie et de la documentation de base 4 H-1412, n°s 4 et 5, 4 H-1413, nos 31 et 32 et 4 H-1422, n° 9, du 1er mars 1995, elle ne peut être assujettie aux impositions en litige ;

— les rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée pour la période antérieure au 1er janvier 2010 ne sont pas justifiés au regard de la loi fiscale, ni de la documentation de base 3 A-2143, n° 61, du 20 octobre 1999, dans la mesure où le preneur réel n’est pas localisé en France ;

— il convient d’exclure toute taxation en France dans la mesure où le preneur réel des prestations de la société n’est pas localisé en France et dans les cas où la requérante a agi en qualité de sous-traitante de sociétés françaises ;

— son intervention en Angola qui a trait à un chantier et partant à un immeuble situé à l’étranger, est exclue du champ d’application de la taxe en vertu des dispositions du 2° de l’article 259A du code général des impôts et de l’instruction du 4 janvier 2010 3A-1-10 n°55, devenu BOI-TVA-champ-20-50-30-2012/09/12 n° 120 ;

— à titre subsidiaire, l’établissement stable en France ne participait pas au cycle d’exploitation de la société, au sens de l’article 283-0 du code général des impôts ainsi que de l’instruction du 4 janvier 2010 3A-1-10 n° 179, mais n’accomplissait que des taches accessoires et établissement stable n’ayant qu’un rôle secondaire ;

— les preneurs réels des prestations étaient des sociétés non établies en France ;

— s’agissant de l’impôt sur les sociétés, une répartition fonctionnelle des bénéfices imposables doit être faite entre le siège et l’établissement français, conformément au BOI-INT-DG 20 20 10-20120912 n°120 ;

— de ces bénéfices doivent être déduits les coûts résultant de la sous-traitance des fonctions administratives à Dome X’Pat ;

— le profit sur le Trésor n’est pas justifié ;

— la cotisation sur la valeur ajoutée est exagérée, au regard tant de l’article 1586 sexies du code général des impôts que du BOI-VAE-Base 20-20-0130221, dans la mesure où elle procède d’une requalification erronée de prestataires de service indépendants en salariés ;

— aucun lien de subordination n’existe entre la requérante et ce personnel, en raison notamment de l’éloignement géographique, de l’absence de pouvoir de direction, de contrôle et sanction ;

— en l’absence également de salaires, elle a été à tort assujettie à la taxe d’apprentissage et à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ;

— elle ne pouvait faire l’objet d’une majoration de 80 % pour activité occulte, en vertu des dispositions du c) de l’article 1728 du code général des impôts, dès lors que l’absence de déclaration de son activité résulte d’une erreur commise de bonne foi par suite de la complexité de la réglementation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le règlement n° 593/2 208 du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) ;

— la convention entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement des Emirats Arabes Unis en vue d’éviter les doubles impositions, signée le 19 juillet 1989 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Soyez, président-assesseur ;

— et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société TAIPAN FZE, créée aux Emirats Arabes Unis en 2008, sous la dénomination d’Acerjem Consulting Fze, comme établissement de zone franche à responsabilité limitée, a reçu des autorités émiraties une licence de conseil de publicité. Elle relève appel du jugement n°s 1508162, 1508290, 1508294, 1508307, 1508308 du 9 janvier 2018, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, tendant à la décharge, au titre de l’activité occulte d’un établissement stable en France, d’impôt sur les sociétés pour les exercices correspondant aux années civiles de 2008 à 2012, de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les années 2010 à 2012, et, pour les années 2008 à 2012, de taxe d’apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue.

Sur le bien-fondé des impositions à l’impôt sur les sociétés, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la taxe d’apprentissage, à la contribution au développement de l’apprentissage et à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle :

En ce qui concerne le principe de l’assujettissement en France à ces impositions :

2. L’administration a procédé le 27 septembre 2012, sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à une visite au siège de la SAS Dom X’PATS, au 6 rue Hélène Boucher, à Guyancourt, où la société TAIPAN FZE sous-loue un bureau, ainsi qu’au domicile de Mme A, épouse H, et de son époux, M. E H, à Montigny-le-Bretonneux. A cette occasion, elle a découvert la présence en France de nombreux documents administratifs, juridiques, financiers et commerciaux relatifs à cette société, nécessaires à l’exploitation en France de l’activité de mise à disposition de personnel, tels que des courriers à en-tête, un tampon au nom de la société, des offres commerciales, des formulaires d’inscription auprès de compagnie d’assurance, des factures adressées aux clients. Ces documents mentionnent des numéros de téléphone et de télécopieurs en France, et l’adresse de la société Dome X’Pats, à laquelle sont envoyées les factures de fournisseurs. Les données électroniques sont composées du nom de la société Dome X’Pats et de ceux des M. et Mme H. Il résulte des mêmes pièces que les mouvements d’argent de la société, en espèces, ou par chèques et virements, se font exclusivement à partir et en direction de comptes bancaires en France, que M. et Mme H détiennent seuls la signature sur ces comptes et que Mme H dispose seule de la carte bancaire adossée à ces comptes. À l’examen des correspondances saisies ou communiquées par des tiers, il apparaît que seuls M. et Mme H sont responsables des offres commerciales et élaborent les contrats de travail conclus avec le personnel de la société TAIPAN FZE, Mme H exerçant les pouvoirs administratif, économique et financier dans l’entreprise. Il n’est pas contesté que M. et Mme H demeurent en France, et ont la qualité de résident fiscal français. Par suite, l’administration établit que la société TAIPAN FZE, au regard de loi française, possède un établissement stable en France qui assume des opérations en litige formant un cycle commercial complet de mise à disposition de personnel.

3. Pour établir qu’elle possède également un établissement stable aux Émirats Arabes Unis, la société TAIPAN FZE expose qu’elle y a son siège, à l’adresse « PO Box 10559 à Ras al Khayma », et qu’elle a passé un contrat de location à compter du 26 mai 2008 pour un bureau partagé dont l’usage est limité à 5 heures par semaine et nécessite une réservation préalable. Toutefois, il ne s’agit que d’une adresse de domiciliation, et le contrat passé en 2008, au demeurant sans mention d’adresse, n’était que d’un an, et n’a pas été reconduit. Elle n’a déclaré aux Emirats Arabes Unis, pour la période en litige, qu’un employé qui a quitté la société en 2010. Son capital social, qui se compose d’une action de 100 000 AED, a été entièrement libéré, il est détenu par la société Acerjem Manpower agency, société de droit philippin fondée et dirigée par M. G A, et cette dernière société a conclu un « nominee agreement » avec Mme D H, soeur de M. G A, par lequel elle s’engage à porter les titres de la société Taipan Fze et lui en a confié la direction. À supposer même que l’objet social officiel de la société ne fasse pas obstacle à sa participation à l’activité de mise à disposition de personnel sur des sites industriels et pétroliers, le siège ne dispose d’aucun moyen matériel et humain pour exercer effectivement cette activité.

4. De même, la société TAIPAN FZE prétend assurer la gestion d’un chantier de construction offshore en Angola et être représentée sur place par M. F B, chargé d’assurer et de superviser la bonne exécution des missions de construction. Toutefois, il est constant que le site pétrolier est exploité par la société Sonacergy, cliente portugaise de la requérante, et par la filiale de celle-ci, la société Sonamet, auprès de laquelle la société TAIPAN FZE agit uniquement en tant que prestataire pour la mise à disposition de personnel. Ainsi, la requérante n’établit pas la présence d’un établissement stable en Angola.

5. La société TAIPAN FZE invoque, en vain, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les documentations de base 4 H-1412, nos 4 et 5, et 4 H-1413 nos 31 et 32 et 4 H-1422, n° 9, du 1er mars 1995, qui ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui vient d’être faite.

6. Aux termes de l’article 4 A de la convention fiscale signée le 19 juillet 1989 entre la France et les Emirats Arabes Unis : « 1. Au sens de la présente Convention, l’expression » établissement stable « désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L’expression » établissement stable " comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau () / 4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si : () e) Une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ; () / 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne – autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 – agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l’intermédiaire d’une installation fixe d’affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe. « . Aux termes de l’article 6 de la même convention : » 1. Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. ".

7. Comme il a été dit plus haut, la société TAIPAN FZE possède en France un établissement stable, constitué notamment par un siège de direction et un bureau. Loin de n’accomplir, pour la société, que des fonctions administratives et de caractère préparatoire ou annexe, cet établissement est le centre de décision et d’exploitation de l’activité de mise à disposition de personnel. Ainsi, les stipulations précitées de la convention fiscale franco-émiratie ne font pas obstacle à l’application à cet établissement de la loi fiscale française.

8. Il suit de là que la société TAIPAN FZE doit être regardée comme assujettie, pour son activité réalisée par son établissement stable, à l’impôt sur les sociétés, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la taxe d’apprentissage, à la contribution au développement de l’apprentissage et à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

9. La société TAIPAN FZE ne s’étant pas fait connaître du centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ni ne s’étant acquittée de ses obligations déclaratives en tant que contribuable en France, elle a exercé son activité en France de façon occulte. Elle a, par suite, été taxée d’office, en application de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales, aux impositions en litige et doit apporter la preuve de leur caractère exagéré en application de l’article L. 193 du même livre.

En ce qui concerne la détermination du montant de ces impositions :

S’agissant de l’impôt sur les sociétés :

10. En vertu des dispositions du I de l’article 209 du code général des impôts, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. Pour reconstituer, en application de ces dispositions, les résultats de l’établissement stable en France de la société TAIPAN FZE, l’administration, qui a dû dresser un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité au cours du contrôle fiscal, a reconstitué le chiffre d’affaires imposable à partir des factures établies par cet établissement stable, et les charges déductibles à partir des justificatifs fournis et des décaissements bancaires, retenant les sommes versées au personnel mis à disposition, les frais d’assurances, notamment ceux relatifs à ce personnel, les frais bancaires et le loyer du local pris en sous-location en France.

11. La société TAIPAN FZE estime qu’à supposer même qu’elle soit imposable à l’impôt sur les sociétés au titre de son établissement stable en France, exagéré le montant de l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie. À ce titre, elle fait valoir, d’une part, que le chiffre d’affaires et les bénéfices ont été reconstitués, sans tenir compte de la part dans ces derniers de l’activité exercée depuis son siège aux Emirats Arabes Unis et en Angola. Toutefois, alors que la charge de la preuve lui incombe en vertu des dispositions combinées du 2° de l’article L. 66 et du 3° de l’article L. 68 et de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, elle n’a pu établir, ainsi qu’il a été dit plus haut, l’existence d’installations matérielles et de moyens humains nécessaires à l’exercice de l’activité de mise à disposition de personnel sur des sites industriels et pétroliers dans ces deux pays ni, partant, la réalité des établissements stables dont elle fait état. En se bornant, d’autre part, à produire le journal de paye de la société Dome X’Pat pour les années 2007 à 2013, qui fait apparaître la rémunération au cours des exercices en litige des trois membres de la famille H déjà mentionnés, de M. C et de quelques autres personnes, et en s’abstenant de produire un contrat de sous-traitance ou un justificatif de flux financiers, la société TAIPAN FZE ne rapporte pas la preuve des coûts de sous-traitance de fonctions administratives réglées à la société Dome X’Pat.

12. Par suite, le moyen tiré du caractère infondé dans son principe et exagéré dans son montant, des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles la société TAIPAN FZE a été assujettie, doit être écarté sur le terrain de la loi fiscale.

13. Enfin, la société TAIPAN FZE se prévaut de la doctrine administrative 4H1412 n°s 4 et 5 du 1er mars 1995 selon laquelle les bénéfices des entreprises qui ont leur siège hors de France ne sont imposées en France que lorsqu’ils résultent d’opérations constituant l’exercice habituel en France d’une activité. Mais cette doctrine ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été faite précédemment. Elle invoque également le BOI-INT-DG-20 20 10-20120912 n°120, au demeurant en grande partie postérieur au litige, selon lequel il convient en cas d’entreprises ayant leur siège à l’étranger un établissement stable en France, de se livrer à une analyse fonctionnelle de l’activité de l’un et de l’autre pour déterminer les résultats imposables respectivement en France et à l’étranger. Mais cette interprétation de la loi fiscale ne remet pas en cause le bien-fondé des rectifications opérées par l’administration.

S’agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 :

14. En vertu des dispositions de l’article 1586 sexies du code général des impôts, la valeur ajoutée servant de base à cette cotisation est égale à la différence entre le chiffre d’affaires et diverses charges, dont des prestations de services et les services externes.

15. La société TAIPAN FZE critique le principe même de son assujettissement à cette cotisation, en se défendant à nouveau de posséder en France un établissement stable participant directement à l’exploitation de son activité. Comme il a été dit, notamment au paragraphe 2, l’existence d’un tel établissement en France est établie.

16. La société TAIPAN FZE soutient à titre subsidiaire que, dans son montant, cette cotisation a été surévaluée par suite d’une requalification injustifiée du lien juridique qui unit le personnel mis à disposition des sociétés clientes et de la rémunération qui en découle. Ce personnel serait constitué de prestataires de services indépendants, à l’égard desquels l’emploi dans des chantiers éloignés de l’établissement stable à l’étranger exclut tout rapport de subordination avec elle, et rien dans les contrats ne révèlerait un contrat de travail, faute de toute trace de subordination juridique. La requérante se prévaut des dispositions de l’article 8 du règlement visé ci-dessus du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), selon lequel, à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail. Si elle en infère que le droit du travail français ne pourrait s’appliquer à ces contrats, les copies des contrats produits ne font souvent pas mention de leur lieu d’exécution, et ne permettent pas de faire échapper ces contrats aux critères de qualification du droit français. De plus, ces contrats, confirmés en cela par les factures-types versées au dossier, stipulent des sanctions et déterminent unilatéralement des conditions de travail, une rémunération selon un taux horaire journalier commun à l’ensemble du personnel, qui fait présumer l’absence de négociation, d’autre part, des feuilles de pointage remises au service au cours du contrôle qui attestent l’absence d’autonomie des intervenants. Aussi, alors même que ces contrats spécifient que les agents optent « librement » pour le statut de travailleur indépendant, des indices convergents révèlent l’absence de négociation et d’individualisation des conditions de travail et de rémunération et un degré de contrôle se rattachant à un pouvoir de subordination juridique. Par suite, le moyen tiré de ce qu’en méconnaissance de l’article 1586 sexies du code général des impôts, la rémunération des prestations de services du personnel de la société requérante est exclue des charges mentionnées au paragraphe 20, doit être écarté.

17. La société TAIPAN FZE ne saurait davantage invoquer la DA BOI CVAE Base 20-20-0130221, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi fiscale.

S’agissant de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue :

18. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit à écarter les moyens dirigés contre le principe et le montant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, il y a lieu d’écarter ceux soulevés contre la taxe d’apprentissage, la contribution au développement de l’apprentissage et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 :

19. Aux termes de l’article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009 : « Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. ». En vertu des dispositions du 2° de l’article 259 A du code général des impôts, les prestations se rattachant à un immeuble ne sont imposables en France que lorsque l’immeuble est situé en France. Aux termes de l’article 283 du même code : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 274 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. / Toutefois, lorsque la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l’acquéreur, le destinataire ou le preneur qui dispose d’un numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. () ». Il résulte de la combinaison des dispositions précitées, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009, que sont soumises en France à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations mentionnées à l’article 259 B effectuées par un prestataire établi en France au bénéfice d’un preneur établi en France.

20. En premier lieu, l’activité réelle de la société TAIPAN FZE consistant en la mise à disposition de personnel, la requérante ne saurait se prévaloir des dispositions du 2° de l’article 259 A du code général des impôts, dès lors que les prestations fournies par celle-ci ne participent pas à la construction, à l’amélioration ou à l’aménagement de biens immobiliers se rapportant à des chantiers industriels ou des sites pétroliers situés hors de France. Elle ne se prévaut donc pas utilement de l’instruction du 4 janvier 2010 3A-1-10 n°55, devenu BOI-TVA-champ-20-50-30-2012/09/12 n° 120, en tout état de cause postérieure à la période en litige. En deuxième lieu, si la société TAIPAN FZE soutient que certaines des prestations litigieuses sont fournies à des preneurs établis hors de France, l’administration fait valoir sans être contredite qu’elle n’a pas rappelé la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations fournies à la société Sonarcy, de droit portugais, pour la mise à disposition de personnel en majorité philippin sur des chantiers à l’étranger. Par ailleurs, pour les prestations facturées aux sociétés Dome X’PAT et HB Assistance, et Aerotech Pro, l’administration expose sans être contredite avoir abandonné le 19 décembre 2014, au stade de l’interlocution départementale, les rectifications correspondantes, lorsque la société TAIPAN FZE rapportait la preuve qu’elle avait agi en qualité de sous-traitante de ces sociétés françaises ou que le personnel mis à disposition de ces sociétés avait été utilisé exclusivement hors de France. Ce faisant, l’administration a agi conformément prescription conformément aux prescriptions du paragraphe n°61 de la DB 3A2143.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 :

21. Aux termes de l’article 259 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2010 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu’il a en France : a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; / b) Ou dispose d’un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. « . Aux termes de l’article 259 B du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2010 : » Par dérogation aux dispositions de l’article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu’elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : () 7° Mise à disposition de personnel ; () / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu’il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre État membre de la communauté. « . Et aux termes de l’article 283-0 de ce code, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2010: » Pour l’application des articles 283 à 285 A, un assujetti qui réalise une livraison de biens ou une prestation de services imposable en France et qui y dispose d’un établissement stable ne participant pas à la réalisation de cette livraison ou de cette prestation est considéré comme un assujetti établi hors de France « . Il résulte de la combinaison de ces dispositions que sont soumises en France à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations mentionnées à l’article 259 B effectuées par un prestataire établi en France au bénéfice d’un preneur établi en France, sauf si l’établissement stable de ce prestataire n’a pas participé à la fourniture de ces prestations. ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que sont soumises en France à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations mentionnées à l’article 259 B effectuées par un prestataire établi en France au bénéfice d’un preneur établi en France, sauf si l’établissement stable de ce prestataire n’a pas participé à la fourniture de ces prestations.

22.En premier lieu, comme il a été dit au sujet de la période précédente, la clientèle de la société TAIPAN FZE est principalement de sociétés françaises et, pour les mises à disposition de personnel, pour des chantiers en Angola et au Nigéria, l’administration fait valoir à nouveau sans être contredite qu’elle n’a pas rappelé la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations fournies à la société Sonarcy, de droit portugais. L’administration se prévaut à nouveau, pour les prestations facturées aux sociétés Dome X’PAT et HB Assistance, et Aerotech Pro, de l’abandon des rectifications correspondantes, lorsque la société TAIPAN FZE rapportait la preuve qu’elle avait agi en qualité de sous-traitante de ces sociétés françaises ou que le personnel mis à disposition de ces sociétés avait été utilisé exclusivement hors de France. Ainsi, la requérante qui ne prétend pas que ces abandons auraient été insuffisants, se prévaut en vain de l’interprétation de la loi fiscale contenue dans la documentation de base 3A2143, n° 61, du 20 octobre 1999, abandonnée au surplus à compter du 1er janvier 2010. En deuxième lieu, la société TAIPAN FZE invoque la réponse de la Commission européenne du 12 mars 1979 JOCE n° C 68/15 Cointat, et la notion de bénéficiaire effectif de la prestation, pour contester que les sociétés françaises bénéficiaires de ces prestations en soient les preneurs réels. Mais les justificatifs qu’elle produits, ne suffisent pas à établir que les prestations de services étaient rendues à des sociétés établies hors de l’Union Européenne. En dernier lieu, la requérante se prévaut de la distinction entre établissement stable en France participant au cycle d’exploitation, et établissement stable n’ayant qu’un rôle secondaire. Mais il résulte de ce qui a été dit plus haut, notamment au paragraphe 2, que l’établissement stable en France a participé activement à la mise à disposition de personnel, qu’il constitue le prestataire réel des opérations litigieuses, en l’absence d’autres établissements stables de la société TAIPAN FZE. L’assujettissement de ces prestations n’est donc contraire ni aux dispositions de l’article 283-0 du code général des impôts ni à celles de l’instruction du 4 janvier 2010 3A-1-10 (n° 179).

23.Par suite, la société UNIVERSAL CONSULTING MANAGEMENT a été à bon droit imposée à la taxe sur la valeur ajoutée au titre tant de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, que de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Sur le profit sur le Trésor :

24.Il résulte de ce qui a été dit plus haut au sujet de la taxe sur la valeur ajoutée, que le moyen tiré de ce que l’administration aurait à tort constaté un profit sur le Trésor au titre des droits de cette taxe, ne peut qu’être écarté.

Sur la majoration de 80 % pour activité occulte :

25.En vertu des dispositions du c. du 1. de l’article 1728 du code général des impôts, le défaut de production dans le délai prescrit d’une déclaration fiscale entraîne une majoration 80 % en cas de découverte d’une activité occulte.

26.Pour contester cette majoration, la société TAIPAN FZE invoque une erreur découlant de la complexité des réglementations relatives aux impositions dues au titre d’un établissement stable en France. Toutefois, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, de ce que la totalité connue de l’activité de la société s’effectuait dans un établissement non déclaré en France et de ce que son siège était situé dans les Émirats Arabes Unis, à une adresse de domiciliation, et où, d’ailleurs, elle n’allègue pas avoir acquitté d’imposition, la requérante doit être regardée comme ayant organisé le caractère occulte de son activité pour se soustraire à l’impôt. Ainsi, le moyen tiré de l’omission par erreur de déclaration ne peut qu’être écarté.

27.Il résulte de tout ce qui précède que la société TAIPAN FZE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TAIPAN FZE est rejetée.

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Cour administrative d'appel de Versailles, 1re chambre, 3 mars 2020, n° 18VE00875