CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28 janvier 2020, 19VE02392, Inédit au recueil Lebon

  • Impôts sur les revenus et bénéfices·
  • Contributions et taxes·
  • Retenues à la source·
  • Impôt sur le revenu·
  • Règles générales·
  • Impôt·
  • Luxembourg·
  • Justice administrative·
  • Domicile fiscal·
  • Imposition

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 3e ch., 28 janv. 2020, n° 19VE02392
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 19VE02392
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 23 juin 2019, N° 413156
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041514389

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Estienne d’Orves a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge des retenues à la source et pénalités correspondantes prélevées au titre des années 2006 et 2007, soit la somme de 26 503 263 euros et, à titre subsidiaire, la réduction des retenues et pénalités litigieuses, résultant de l’application du taux de retenue à la source de 5 %.

Par un jugement n° 1201949 du 4 novembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SARL Estienne d’Orves la réduction des retenues à la source et des pénalités correspondantes résultant de l’application du taux de retenue à la source de 5% et a rejeté le surplus des conclusions de la société.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 décembre 2014, le 24 juillet 2015 et le 8 février 2016, la SARL Estienne d’Orves , représentée par Me A… et Me D…, avocats, a demandé à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions litigieuses, à hauteur, pour l’année 2006, de 21 331 251 euros en droits et 5 119 500 euros en majorations et, pour l’année 2007, de 44 054 euros en droits et 8 458 euros en majorations ;

3° à titre subsidiaire, de réduire le montant du rappel de retenue à la source pour l’année 2006 à 6 031 329 euros ;

4° de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mai 2015 et 29 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Une note en délibéré présentée pour la société Estienne d’Orves a été enregistrée le 2 juin 2017.

Par un arrêt n° 14VE03659 du 15 juin 2017, la 7e chambre de la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la SARL Estienne d’Orves contre le jugement.

Procédure devant le Conseil d’Etat :

Par une décision n° 413156 du 24 juin 2019, le Conseil d’État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu’il a statué sur le rappel de retenue à la source mis à la charge de la société Estienne d’Orves au titre de l’exercice clos en 2006 et sur les pénalités correspondantes et, dans cette mesure, renvoyé l’affaire devant la Cour.

Procédure après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2019, M. G… B…, agissant en sa qualité de liquidateur de la SARL Estienne d’Orves , représenté par Me A… et Me D…, avocats, demande à la Cour :

1° de réduire le montant des rappels de retenue à la source de l’année 2007 établies au titre des bénéfices de l’exercice clos en 2006 à 6 031 329 euros ;

2° d’ordonner le dégrèvement de l’excédent entre la retenue à la source réclamée par l’administration, soit 8 716 573 euros, et la retenue à la source réellement due d’un montant de 6 031 329 euros, soit la somme de 2 685 244 euros.

3° de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros en application de l’article l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

 – lorsque l’administration fait application de la présomption de distribution prévue par le 1 de l’article 115 quinquiès du code général des impôts, elle est tenue d’appliquer la règle d’assiette posée par ce même article ;

 – dans ces conditions, la base de calcul qui lui est applicable est limitée à la somme de 114 595 248 euros, pour un montant de retenue à la source de 6 031 329 euros.

Par une ordonnance du président de la 3e Chambre en date du 22 octobre 2019, la clôture de l’instruction a été fixée au 6 novembre 2019 à 12 heures, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté par le ministre des finances et des comptes publics a été enregistré le 8 janvier 2020.

Une note en délibéré présentée pour M. B… a été enregistrée le 15 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme F…,

 – les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

 – et les observations de Me A…, avocat, pour M. B….

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Estienne d’Orves, dont M. B… est devenue le liquidateur, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge des retenues à la source et pénalités correspondantes prélevées au titre des années 2006 et 2007, soit la somme de 26 503 263 euros et, à titre subsidiaire, la réduction des retenues et pénalités litigieuses, résultant de l’application du taux de retenue à la source de 5 %. Le tribunal n’ayant que partiellement fait droit à sa demande, la société a fait appel du jugement du 4 novembre 2014. Par un arrêt du 15 juin 2017, la Cour a rejeté cet appel. Par une décision du 24 juin 2019, le Conseil d’État a annulé cet arrêt en tant qu’il a statué sur le rappel de retenue à la source mis à la charge de la société Estienne d’Orves au titre de l’exercice clos en 2006 et sur les pénalités correspondantes et renvoyé, dans cette seule mesure, l’affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B…, le Tribunal administratif a indiqué que la société requérante exerçait la totalité de ses activités dans le cadre de son établissement stable situé en France. Ainsi, les premiers juges, qui n’étaient pas tenus de répondre à l’ensemble des arguments du requérant, ont répondu au moyen tiré de ce que la Société Estienne d’Orves , à supposer qu’elle dispose d’un établissement stable en France, ne pouvait être imposée qu’à hauteur des résultats réalisés par cet établissement stable lui-même. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du jugement, lequel n’est pas entaché d’omission à statuer, doit être écarté.

Sur les conclusions à fin de restitution des montants de retenue à la source de l’année 2006 :

En ce qui concerne le principe de l’imposition en France :

3. D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article 209 du code général des impôts : « (…) les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés (…) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ». D’autre part, en vertu des stipulations des articles 2 et 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, les revenus des entreprises commerciales ne sont imposables que dans l’État sur le territoire duquel se trouve un établissement stable, entendu comme une installation fixe d’affaires dans laquelle l’entreprise exerce tout ou partie de son activité, un représentant ou un employé agissant dans un des territoires pour le compte d’une entreprise de l’autre territoire n’étant considéré comme tel que s’il dispose de pouvoirs généraux qu’il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l’entreprise.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Estienne d’Orves a été créée au Luxembourg, à l’initiative notamment de M. C… E…, fondateur du groupe HRO, pour mener une activité de promotion immobilière qui a consisté en l’acquisition, la démolition, la reconstruction partielle et la revente d’un ensemble immobilier situé rue Estienne d’Orves à Colombes. Pour réaliser cette opération immobilière, la société Estienne d’Orves a conclu avec la société HRO France, dont M. E… était l’actionnaire indirect, un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Indépendamment des termes de ce contrat, l’opération immobilière en cause a été entièrement réalisée par les dirigeants et salariés de la société HRO France, alors que les salariés de la société Estienne d’Orves, travaillant à Luxembourg, n’y étaient que formellement associés et qu’en particulier, la signature par M. B…, gérant de la société Estienne d’Orves, des actes engageant cette dernière mais conçus et négociés par la société HRO France était exclusivement formelle, de sorte que cette dernière devait être regardée comme ayant eu la capacité de conclure des contrats au nom de la société Estienne d’Orves. Par suite, cette société disposait dans les locaux de la société HRO France situés à Paris d’une installation fixe d’affaires à partir de laquelle elle exerçait son activité. Ainsi, la société Estienne d’Orves doit être regardée comme ayant exploité une entreprise en France, au sens de l’article 209 du code général des impôts et comme y ayant disposé, dans les locaux de la société HRO France, d’un établissement stable, au sens des stipulations du 3 de l’article 2 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958. Les doctrines administratives citées dans les mémoires du requérant, qui ne sont d’ailleurs pas formellement invoquées sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne procèdent pas, en tout état de cause, à une interprétation différente des textes fiscaux susmentionnés. Par conséquent, c’est à bon droit que l’administration fiscale l’a assujettie en France aux impositions en litige, en application de ces dispositions et stipulations.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

5. Aux termes du premier alinéa du VI de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales : « L’administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu’après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 47 » et aux termes de l’article L. 76 B de ce livre : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ».

6. D’une part, les pièces saisies dans les locaux de la société HRO France, au siège social d’autres sociétés ou au domicile de particuliers dans le cadre de visites domiciliaires ont été restituées aux intéressés les 24 et 25 août 2009, soit avant l’engagement de la vérification de comptabilité de la société Estienne d’Orves. D’autre part, cette société n’a pas demandé avant la mise en recouvrement, comme l’y autorisaient les dispositions précitées de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, communication des renseignements et documents obtenus des tiers dans le cadre de ces visites et ayant servi à établir les impositions contestées. Par suite, l’administration n’a pas violé les dispositions précitées de l’article L. 76 B ni méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense, garantis notamment par le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la compétence du signataire de l’avis de mise en recouvrement du 15 juin 2011 :

7. Aux termes de l’article R. 256-8 du livre des procédures fiscales : « (…) Le comptable public compétent pour établir l’avis de mise en recouvrement est (…) celui du lieu de déclaration ou d’imposition du redevable (….) ». La direction des résidents à l’étranger et des services généraux, créée par décret n° 2010-1651 du 28 décembre 2010 est, en vertu de l’article 1 de ce décret un service à compétence nationale. Aux termes de l’article 1 de l’arrêté du 28 décembre relatif aux attributions de cette direction : " La direction des résidents à l’étranger et des services généraux assure, sans préjudice des compétences dévolues à d’autres services de la direction générale des finances publiques: / (…) / 2° Le contrôle des déclarations souscrites et des retenues et perceptions à la source dues par les établissements payeurs et débiteurs divers à raison des rémunérations, revenus et gains de toute nature versés à des personnes physiques ou morales, groupements ou entités domiciliés ou établis en France ou hors de France, et le recouvrement des sommes de toute nature afférentes ; (…) « . Aux termes de l’article 5 de l’arrêté précité : » La recette des non-résidents et le service des impôts des entreprises étrangères sont des services comptables de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux ".

8. Aux termes de l’article 381 A de l’annexe III au code général des impôts : « I.-La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts prélevée par un établissement payeur dans les conditions du 2 de l’article 1672 du même code fait l’objet, dans les quinze premiers jours du mois suivant celui au titre duquel elle est due, d’un versement au service des impôts désigné par le ministre chargé du budget. / II. Chaque versement est accompagné du dépôt d’une déclaration établie sur une formule délivrée par l’administration. (…) ». L’article 188-0 H de l’annexe IV à ce même code dispose : « La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du code général des impôts est versée à la recette des impôts de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux. ».

9. En application des dispositions précitées, la retenue à la source litigieuse établie au titre de l’année 2006 sur le fondement de l’article 119 bis du code général des impôts à raison des profits distribués à des sociétés établies aux États-Unis et aux Îles Vierges britanniques devait être déclarée et acquittée auprès de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux. Par suite, le comptable public de la recette des non-résidents, service comptable de cette direction, était compétent territorialement pour établir l’avis de mise en recouvrement portant sur la retenue à la source litigieuse.

En ce qui concerne le bénéfice des dispositions du 3 de l’article 115 quinquies du code général des impôts :

10. Aux termes de l’article 115 quinquies du code général des impôts : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s’entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l’impôt sur les sociétés. (…) 3. Les dispositions du 1 ne s’appliquent pas lorsque la société étrangère remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ; / b) Y être passible de l’impôt sur les sociétés, sans possibilité d’option et sans en être exonérée « . Aux termes du 2. de l’article 119 bis du même code, dans la rédaction applicable : » Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source (…) lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (…) ". Le siège de direction s’entend du lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble. A cet égard, si le lieu où se tiennent les réunions des organes de direction d’une société peut constituer un indice pour l’identification d’un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer.

11. M. B… fait valoir que les décisions stratégiques relatives à l’activité de la société Estienne d’Orves étaient prises à son siège au Luxembourg où se réunissaient les quatre administrateurs statutaires composant son conseil de gérance. A supposer même que les copies de procès-verbaux de délibération et les justificatifs de transport produits soient de nature à établir que ses quatre administrateurs statutaires, domiciliés pour trois d’entre eux hors du Luxembourg, à savoir aux États-Unis, à Gibraltar et en Grande- Bretagne, se sont effectivement réunis à l’adresse du siège de la société, il résulte de ces procès-verbaux que les administrateurs de la société se sont bornés à approuver et à ratifier des actes déjà signés qui leur étaient présentés à cette occasion, sans prendre eux-mêmes aucune décision stratégique. Les ordres du jour et comptes rendus de conférences téléphoniques entre administrateurs, produits par la société requérante, ne permettent pas davantage d’établir que les décisions stratégiques concernant la société auraient été prises au Luxembourg. Dans ces conditions, la société ne peut être regardée comme ayant eu son siège de direction effective au Luxembourg, où l’adresse de son siège correspond d’ailleurs à un local de deux pièces, dont le bail locatif est établi au nom d’une société tierce et qui est utilisé par une dizaine d’autres sociétés. La circonstance que la société requérante dispose en France d’un représentant agissant en son nom au sens et pour l’application de l’article 2 de la convention franco-luxembourgeoise n’est pas de nature à établir qu’elle dispose dans ce pays de son siège de direction effective. Au surplus, il est constant qu’en vertu de l’interprétation par les autorités du Luxembourg, des stipulations de l’article 3 de la convention franco-luxembourgeoise, dans la rédaction antérieure à l’avenant du 24 novembre 2006, les bénéfices réalisés par une entreprise commerciale lors de l’aliénation d’un bien immobilier situé en France n’étaient imposables que dans ce pays et exonérés au Luxembourg. Aucun élément ne permet de justifier que la société Estienne d’Orves aurait été effectivement assujettie à l’impôt sur les sociétés au Luxembourg. Ainsi, dès lors qu’il n’est pas établi que la société remplissait les conditions prévues au 3. de l’article 115 quinquies du code général des impôts, et en l’absence de précision suffisante sur l’interprétation administrative de la loi fiscale dont le requérant entend se prévaloir, les bénéfices réalisés en France par l’établissement stable, et qui ont seuls été pris en compte par l’administration fiscale, dont au surplus il n’est pas contesté qu’ils ont été directement distribués aux États-Unis et aux îles Vierges britanniques, sont réputés distribués à des associés n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France et doivent être soumis à la retenue à la source en application de l’article 119 bis du code général des impôts.

En ce qui concerne les modalités de calcul du montant de la retenue à la source :

12. En revanche, l’article 115 quinquies du code général des impôts dispose également, dans sa rédaction applicable à la période d’imposition demeurant en litige : « 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n’ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s’entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l’impôt sur les sociétés. / (…) 2. Toutefois, la société peut demander que la retenue à la source exigible en vertu des dispositions du 1 et de l’article 119 bis 2 fasse l’objet d’une nouvelle liquidation dans la mesure où les sommes auxquelles elle a été appliquée excèdent le montant total de ses distributions effectives. / L’excédent de perception lui est restitué. / Il en est de même dans la mesure où elle justifie que les bénéficiaires de ces distributions ont leur domicile fiscal ou leur siège en France, et qu’elle leur a transféré les sommes correspondant à la retenue. / (…) ». Aux termes du 2 de l’article 119 bis du même code, dans sa rédaction applicable à la même période : « 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187-1 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d’application de cette disposition. / (…) ».

13. Lorsque l’administration fiscale choisit de se fonder, pour assujettir une société étrangère à un rappel de retenue à la source, sur les dispositions combinées de l’article 115 quinquies et du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, elle ne peut asseoir la retenue à la source que sur des bénéfices que les dispositions du 1 de l’article 115 quinquies réputent distribués par cette société. L’assiette constituée de ces bénéfices réputés distribués s’entend du montant total des résultats réalisés en France par la société étrangère, qu’ils soient imposables ou exonérés, après déduction de l’impôt sur les sociétés.

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la proposition de rectification du 25 mai 2010, que l’administration fiscale s’est fondée sur les dispositions combinées de l’article 115 quinquies et du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts pour établir le rappel de retenue à la source sur les revenus distribués par la société Estienne d’Orves au titre de l’exercice clos en 2006. Cependant, en retenant comme assiette de liquidation de la retenue à la source, les sommes effectivement distribuées par la société en l’absence de toute demande de la société Estienne d’Orves de bénéficier d’une liquidation de la retenue à la source conformément aux dispositions du 2 de l’article 115 quinquies du code général des impôts, l’administration a méconnu les dispositions du 1 de ce même article lui imposant de déduire du montant total des résultats, soit la somme de 174 738 285 euros au titre du montant des bénéfices réputés distribués, le montant de l’impôt sur les sociétés dont s’est acquittée la société. Par suite, ainsi que le soutient M. B… pour la première fois en appel, il convient de déduire la somme de 58 246 095 euros au titre de l’impôt sur les sociétés mis à la charge de la société Estienne d’Orves. En revanche, il n’y a pas lieu de prendre en compte le montant de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés prévue à l’article 235 ter ZC du code général des impôts, laquelle constitue une imposition distincte de l’impôt sur les sociétés et dont les dispositions précitées de l’article 115 quinquies, qui n’ont pas été modifiées par le législateur après l’instauration de cette contribution, ne prévoient pas explicitement la déduction quand bien même elle est établie et recouvrée dans les mêmes conditions que l’impôt sur les sociétés et est assise sur l’impôt sur les sociétés lui-même. Par conséquent, le montant total des résultats imposables ou exonérés, après déduction de l’impôt sur les sociétés, d’un montant de 58 246 095 euros, s’élève à la somme de 116 492 190 euros et il y a lieu d’ordonner la restitution de la retenue à la source pour la part liquidée sur un montant excédant cette base.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… en sa qualité de liquidateur de la SARL Estienne d’Orves est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de réduction de la retenue à la source de l’année 2006 et des pénalités correspondantes en tant que celles-ci ont été assises sur une somme excédant 116 492 190 euros en base ainsi qu’il a été dit au point 14.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État le versement au requérant d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : Il est restitué à M. B…, en sa qualité de liquidateur de la SARL Estienne d’Orves, la retenue à la source acquittée au titre des revenus distribués de l’année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, pour la part liquidée sur un montant excédant la somme de 116 492 190 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1201949 du 4 novembre 2014 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’État versera la somme de 2 000 euros à M. B…, en sa qualité de liquidateur de la SARL Estienne d’Orves, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B… concernant la retenue à la source de l’année 2006 ainsi que les pénalités correspondantes est rejeté.

2

N° 19VE02392

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 28 janvier 2020, 19VE02392, Inédit au recueil Lebon