CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 30 décembre 2020, 18VE03274, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 5e ch., 30 déc. 2020, n° 18VE03274
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 18VE03274
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 19 juillet 2018, N° 1706352
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042844222

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… B… a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler la décision de la commune de Stains en date du 10 avril 2017 prononçant son licenciement et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706352 du 20 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 21 septembre 2018 et le 15 novembre 2018, M. B…, représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° d’annuler cette décision ;

3° de mettre à la charge de la commune de Stains la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal a omis de répondre au moyen soulevé dans le mémoire complémentaire n° 2 tiré de l’absence d’accès à l’entier dossier préalablement à l’intervention de la sanction ;

- la décision de licenciement est entachée d’insuffisance de motivation ;

- le défaut de consultation de la commission consultative paritaire entache le licenciement d’illégalité ;

- le licenciement est entaché d’erreur de fait et d’erreur de qualification juridique des faits ; aucune faute disciplinaire ne peut lui être reprochée ; la ville de Stains était parfaitement informée de son activité à la ville de Sevran et ne s’est jamais opposé à ce cumul ; il pouvait légalement continuer à travailler auprès de la ville de Sevran car il s’agissait d’une activité accessoire d’intérêt général auprès d’une personne publique ; il a sollicité une autorisation de cumul lors de l’entretien de licenciement le 27 mars 2017 ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2019, la commune de Stains, représentée par Me Carrère, avocat, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. B… une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 ;

- l’arrêté du 4 juin 2018 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme D…,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me A…, pour la commune de Stains.

Considérant ce qui suit :

1. M. B… a été recruté à compter du 5 avril 2004, par un contrat à durée déterminée à temps incomplet (50 %), par la commune de Stains au grade d’attaché territorial pour occuper des fonctions de journaliste au sein d’un journal d’informations locales. Après plusieurs renouvellements, son contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée avec effet au 13 mars 2012. A compter du 1er février 2015, M. B… a exercé ses fonctions à temps complet. Par un courrier du 2 février 2017, le maire de la commune de Sevran a indiqué au maire de la commune de Stains que M. B… était employé dans sa commune sous contrat à durée indéterminée à temps non complet à hauteur de 45 %. Par un courrier du 20 mars 2017, le requérant a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 27 mars suivant. Par une décision du 10 avril 2017, le maire de la commune de Stains a prononcé à l’encontre de M. B… la sanction disciplinaire de licenciement pour faute grave. M. B… fait appel du jugement du 20 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la mesure de licenciement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal n’a pas répondu au moyen, qui n’était pas inopérant, tiré de ce que M. B… n’aurait pas eu accès à son entier dossier préalablement à l’intervention de la sanction et soulevé dans le mémoire complémentaire enregistré auprès du greffe du tribunal le 19 septembre 2017. Par suite, le jugement attaqué, qui est entaché d’une omission à statuer, doit être annulé.

3. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentées par M. B… devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Au fond :

4. En premier lieu, aux termes de la décision attaquée, le maire de la ville de Stains indique qu’il fait application des dispositions du 4° de l’article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale et que M. B… a manqué à son obligation de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui étaient confiées par la collectivité en exerçant des activités lucratives non autorisées. Contrairement à ce que soutient M. B…, la décision n’est pas illégale du seul fait de l’absence de citation des dispositions législatives et réglementaires relatives aux cumuls d’activité applicables aux agents contractuels. Les faits reprochés à M. B… sont rapportés avec une précision suffisante dans la décision contestée. Ainsi, cette décision comporte les considérations de fait et droit qui en constituent le fondement et a mis à même le requérant de connaître les motifs de la sanction. Il suit de là que le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision de licenciement ne peut qu’être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 42-1 du décret du 15 février 1988 susvisé : « Lorsqu’à l’issue de l’entretien prévu à l’article 42 et de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l’autorité territoriale décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge (…) ». Aux termes de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « (…) Les commissions consultatives paritaires connaissent des décisions individuelles prises à l’égard des agents contractuels et de toute question d’ordre individuel concernant leur situation professionnelle. / Elles sont créées dans chaque collectivité territoriale ou établissement public. Lorsque la collectivité ou l’établissement est affilié à un centre de gestion, la commission consultative paritaire est placée auprès du centre de gestion. (…) Les dispositions relatives à la composition, aux modalités d’élection et de désignation des membres, à l’organisation, aux compétences et aux règles de fonctionnement des commissions consultatives paritaires sont définies par décret en Conseil d’État ».

6. L’article 46 de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ainsi que l’article 52 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, ont prévu la création de commissions consultatives paritaires compétentes à l’égard des agents non titulaires de la fonction publique territoriale dont la composition, les modalités d’élection et de désignation des membres, l’organisation, les compétences et les règles de fonctionnement devaient être définies par décret en Conseil d’Etat. Le décret du 23 décembre 2016 relatif aux commissions consultatives paritaires et aux conseils de discipline de recours des agents contractuels de la fonction publique territoriale précise en son article 33 que les premières élections des représentants du personnel aux commissions consultatives paritaires sont organisées à la date du prochain renouvellement général des instances représentatives du personnel de la fonction publique territoriale. L’arrêté du 4 juin 2018 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique territoriale a ensuite prévu que ces élections se dérouleraient le 6 décembre 2018. Dans ces conditions, à la date du licenciement en litige, les commissions consultatives paritaires n’avaient pas encore été mises en place et les dispositions de l’article 42-1 du décret du 15 février 1988 prévoyant leur consultation n’étaient donc pas applicables. Il s’ensuit que M. B… ne peut utilement se prévaloir de l’absence de consultation de la commission consultative paritaire. Il ne peut sérieusement soutenir qu’il ne s’agissait pas d’une formalité impossible et que la commune de Stains aurait pu installer une commission consultative paritaire avant la tenue du scrutin national permettant la désignation des représentants du personnel. Le moyen ne peut donc qu’être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 37 du décret du 15 février 1988 susvisé : « (…) L’agent contractuel à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’autorité territoriale doit informer l’intéressé de son droit à communication du dossier ».

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B… a été informé de son droit à obtenir communication de son dossier et l’a consulté le 24 mars 2017. Toutefois, le requérant conteste avoir eu accès à l’intégralité de son dossier dans la mesure où au cours de l’entretien préalable du 27 mars 2017, les responsables de la ville qui l’ont reçu ont mentionné, d’une part, un écrit du directeur de cabinet du maire attestant qu’il n’était pas au courant de son cumul d’activités et, d’autre part, l’existence d'« échanges formels » pour régulariser sa situation. Toutefois, l’existence même d’un document relatif à ces échanges qui aurait dû être communiqué préalablement à M. B… n’est pas établie. En outre, l’écrit du directeur de cabinet n’a pas contribué à fonder la décision de licenciement, celle-ci résultant de l’absence d’autorisation de cumul. Dans ces conditions, l’absence de communication préalable de ces documents à M. B… n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie préalablement à la sanction en litige.

9. En quatrième lieu, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Aux termes de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l’article 7 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 32 de cette même loi : « I. – Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. (…) IV. – Le fonctionnaire peut être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n’affecte pas leur exercice. (…) ». Aux termes de l’article 3 du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat applicable jusqu’au 31 janvier 2017 : « Les activités exercées à titre accessoire peuvent être également : 1° Une activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique (…) ». L’article 4 du même décret dispose : « Le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé ». Aux termes de l’article 6 du décret du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique, applicable à compter du 1er février 2017 : « Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d’être autorisées sont les suivantes : (…) h) Activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique (…) ». Aux termes de l’article 8 du même décret : « Préalablement à l’exercice de toute activité accessoire soumise à autorisation, l’intéressé adresse à l’autorité dont il relève, qui lui en accuse réception, une demande écrite (…) ». Enfin, l’article 9 du même décret dispose : « L’autorité compétente notifie sa décision dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. (…) En l’absence de décision expresse écrite dans le délai de réponse mentionné aux premier et troisième alinéas, la demande d’autorisation d’exercer l’activité accessoire est réputée rejetée ».

11. Pour prononcer le licenciement de M. B…, le maire de la ville de Stains a retenu que ce dernier avait manqué à son obligation de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui avait été confiées par la collectivité en exerçant des activités lucratives non autorisées. Si M. B… conteste la réalité de la faute commise, il ressort des pièces du dossier qu’à compter du 1er février 2015, date à laquelle il a exercé ses fonctions à temps complet pour la ville de Stains, le requérant a également travaillé pour la ville de Sevran à hauteur d’un temps de travail de 45 %, sans solliciter une autorisation de cumul alors même qu’il y avait été invité par deux courriers des 26 avril 2016 et 18 juillet 2016. Ces courriers et notamment le second que M. B… ne conteste pas avoir reçu invitaient l’intéressé à se rapprocher rapidement du pôle ressources humaines, ce que le requérant n’a pas fait. Par suite, les circonstances alléguées par M. B… tirées de ce que son employeur avait connaissance de cette situation de cumul, de ce que ce cumul aurait pu être autorisé en application des dispositions applicables et de ce qu’aucun reproche ne lui a été fait sur sa manière de servir sont sans incidence sur la matérialité de la faute commise. De la même manière, le fait que M. B… ait finalement déposé une demande d’autorisation de cumul dans un courrier daté du 24 mars 2017, trois jours avant l’entretien préalable est sans incidence sur la réalité du cumul d’activités sans autorisation depuis plus de deux années. L’exercice sans autorisation d’une activité accessoire lucrative est établi et de nature à justifier une sanction disciplinaire. Ainsi, le moyen tiré de l’existence d’une erreur de fait et d’une erreur de qualification juridique des faits doit être écarté.

12. M. B… soutient que la sanction présente un caractère disproportionné en soulignant que son travail et sa manière de servir n’ont jamais été perturbés par ce cumul et que cette situation n’a pas nui au bon fonctionnement des services ni à l’image de la commune. Toutefois, eu égard à la durée et à l’ampleur du cumul non autorisé ainsi qu’à la circonstance que M. B… ne s’est pas rapproché des services de la commune alors qu’il y avait été expressément invité par le courrier du 18 juillet 2016 l’informant de l’engagement d’une procédure disciplinaire faute de retour dans un délai raisonnable, la sanction n’est pas disproportionnée par rapport à la faute commise par M. B…, alors même que ses qualités professionnelles étaient reconnues.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B… doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Stains au titre de ces mêmes dispositions.


D É C I D E :


Article 1er : Le jugement n° 1706352 du 20 juillet 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B… devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d’appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Stains au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… B… et à la commune de Stains.

Délibéré après l’audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Camenen, président,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme D…, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2020.


Le rapporteur,

J. D… Le président,

G. CAMENEN

Le greffier,

C. YARDE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,


N° 18VE03274 2

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