Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 10 mai 1994, 92-22.075, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 10 mai 1994, n° 92-22.075
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 92-22.075
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 12 octobre 1992
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007220279
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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Ydol, dont le siège social est lieudit « Le Cochon Noir » à Grand-Fort-Philippe (Nord), en cassation d’un arrêt rendu le 13 octobre 1992 par la cour d’appel de Douai (2e chambre civile), au profit de la société anonyme Crédit Lyonnais, dont le siège est …, avec agence … (Nord), et direction du groupe de Calais, dont le siège est … (Pas-de-Calais), défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 9 mars 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, M. Nicot, Mme Loreau, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Poullain, Canivet, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Léonnet, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Ydol, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Crédit Lyonnais, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Douai, 13 octobre 1992) que la société Ydol exploite un commerce de grande surface sous la dénomination « Intermarché » à Grand-Fort-Philippe (59) ; que cliente du Crédit Lyonnais, elle a souscrit un contrat le 17 août 1987 aux termes duquel cette banque devait lui assurer l’encaissement des sommes dues par les clients qui réglaient leurs achats au moyen de cartes de crédit, le Crédit Lyonnais mettant à sa disposition le matériel destiné à assurer la transmission par ordinateur des paiements ainsi effectués ; qu’en échange de cette prestation de services, le Crédit Lyonnais a perçu une commission proportionnelle de 0,80 %, une ristourne sur le montant de cette commission devant être reversée à la société Ydol ; que la banque usant de la possibilité offerte par l’article 7 de la convention du 17 août 1987, qui lui permettait de modifier à tout moment les conditions générales de fonctionnement et les conditions particulières convenues avec le commerçant, a fait connaître, le 15 mars 1990, à la société Ydol son intention de mettre en application de nouvelles conditions de rémunération ; que le 22 mars 1990, la société ayant refusé les nouvelles conditions qui lui étaient offertes, le Crédit Lyonnais a mis fin au contrat qui les liait à compter du 15 avril 1990 ; que la société Ydol l’a alors assigné en dommages et intérêts devant le tribunal de commerce à la suite du préjudice subi par elle consécutif à la rupture du contrat :

Sur le premier moyen pris en ses quatre premières branches :

Attendu que la société Ydol fait grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre du Crédit Lyonnais, alors, selon le pourvoi, d’une part, que l’existence d’un contrat suppose un accord de volontés sur des points déterminés qui lient les parties ; qu’est nulle toute clause qui donnerait à une partie la faculté de modifier unilatéralement les conditions du contrat, une telle clause portant atteinte au principe de l’accord des volontés et à l’existence même du contrat ; qu’en l’espèce l’article 7 du contrat conclu entre la société Ydol et le Crédit Lyonnais donnait à ce dernier la faculté de modifier unilatéralement les conditions du contrat stipulées initialement ; qu’une telle clause était nulle ; qu’en y donnant effet, la cour d’appel a violé les articles 1108 et 1134 du Code civil ; alors, d’autre part, qu’est nulle toute obligation souscrite sous une condition potestative ; qu’en l’espèce l’article 7 du contrat conclu entre la société YDOL et le Crédit Lyonnais conférait à ce dernier la faculté de modifier unilatéralement les conditions du contrat litigieux ; qu’une telle clause potestative était nulle ; qu’en déclarant valable et en y donnant effet, la cour d’appel a violé l’article 1174 du Code civil ; alors, en outre, que sont nulles les clauses d’un contrat qui instaurent une pratique anticoncurrentielle ; qu’en l’espèce l’article 7 du contrat conclu entre la société Ydol et le Crédit Lyonnais permettait à ce dernier d’augmenter unilatéralement le taux de la commission lui revenant sur le traitement informatique des factures payées par cartes bleues ; qu’ainsi cet article 7 créait une situation de monopole au bénéfice de la banque alors qu’il entrainait la possibilité pour la société Ydol de faire face à la concurrence en augmentant ses charges financières ; qu’en considérant que cet article était valable et en y donnant effet, la cour d’appel a violé les articles 7, 8, 9 et 10-2 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que l’article 85 du traité de Rome ;

et alors, enfin, que sont abusives au sens de la loi du 10 janvier 1978 les clauses d’un contrat consacrant un abus de puissance économique ; qu’en l’espèce, il résulte de l’article 8 du contrat conclu entre la société Ydol et le Crédit Lyonnais que les parties avaient la faculté de résilier unilatéralement le contrat ; qu’une telle clause consacrait la position dominante de la Banque, qui pouvait à tout moment retirer ses services à la société Ydol consommateur ; que la société Ydol qui avait besoin des services du Crédit Lyonnais se trouvait donc soumise à la position dominante de la banque ; qu’en déclarant valable l’article 8 du contrat litigieux, la cour d’appel a violé l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne résulte pas des conclusions de la société Ydol devant la cour d’appel que celle-ci ait soulevé, sur le fondement des articles 1108, 1134, 1174 du Code civil et des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986, la nullité de la clause des conditions générales du contrat prévoyant la possibilité pour l’établissement bancaire de modifier unilatéralement les conditions de fonctionnement du contrat ; que le moyen pris en chacune de ses trois branches est donc nouveau et, étant mélangé de fait et de droit, est comme tel, irrecevable ;

Attendu, en second lieu, que la cour d’appel n’avait pas à se prononcer sur la licéité de l’article 8 du contrat prévoyant la faculté pour les parties de le résilier unilatéralement au regard de l’article 35 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, la convention ayant été conclue entre deux professionnels ;

Que le moyen irrecevable en ses trois premières branches n’est pas fondé en sa quatrième ;

Sur le premier moyen pris en sa cinquième branche et sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Ydol fait encore grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le pourvoi, que, d’une part, par lettre en date du 22 mars 1990 la société Ydol s’était bornée à indiquer au Crédit Lyonnais qu’elle ne pouvait accepter les nouvelles conditions qui lui étaient imposées par ce dernier ; qu’il ne résulte nullement des termes de cette lettre que la société Ydol ait accepté la résiliation du contrat ; que les articles 7 et 8 du contrat conclu entre la société Ydol et le Crédit Lyonnais conféraient à ce dernier la faculté de modifier unilatéralement le contrat ou d’en demander la résiliation ;

qu’en refusant les nouvelles conditions qui lui étaient imposées, la société Ydol subissait donc une résiliation forcée du contrat ;

qu’en énonçant que la société Ydol avait accepté la résiliation du contrat, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre susvisée, violant ainsi l’article 1134 du Code civil ; et alors, d’autre part, que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la faculté de renoncer ; qu’en l’espèce le Crédit Lyonnais avait notifié à la société Ydol sa volonté de modifier unilatéralement le contrat, faculté que lui donnait l’article 7 du contrat ; que par lettre du 22 mars 1990, la société Ydol s’était bornée à faire valoir qu’elle ne pouvait assumer les nouvelles conditions trop onéreuses qui lui étaient imposées par le Crédit Lyonnais ; qu’en considérant que la société Ydol avait accepté la résiliation du contrat et avait renoncé au droit de mettre en cause la responsabilité contractuelle et délictuelle du Crédit Lyonnais sans relever des actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, tant par motifs propres qu’adoptés, la cour d’appel a constaté que dans sa lettre du 22 mars 1990, la société Ydol, après avoir refusé les nouvelles conditions concernant le taux des commissions qui lui était proposé par la banque, lui avait fait savoir que la dénonciation du contrat litigieux ne pouvait prendre effet avant le 15 avril 1990 ; qu’en l’état de ces constatations et, hors toute dénaturation, la cour d’appel a pu en déduire, que la dénonciation du contrat et sa date de prise d’effet avait été admise de part et d’autre ; que le premier moyen pris en sa cinquième branche et le deuxième moyen ne sont pas fondés ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Ydol fait encore grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le pourvoi, que le Crédit Lyonnais s’était engagé à recevoir les paiements par cartes bleues jusqu’au 15 avril 1990 ;

qu’ainsi tous les paiements faits par cartes bleues à la société Ydol jusqu’au 15 avril 1990 devaient être traités par le Crédit Lyonnais même si le traitement lui-même s’étendait au-delà du 15 avril 1990 ; que dans ses conclusions d’appel la société Ydol avait fait valoir que le Crédit Lyonnais avait commis une faute contractuelle en bloquant, le 15 avril 1990 les paiements reçus antérieurement ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, en ce qu’il mettait en exergue la faute contractuelle du Crédit Lyonnais, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que tant par motifs propres qu’adoptés, la cour d’appel a relevé que la société Ydol avait continué postérieurement au 17 avril 1990 à adresser au Centre de traitement des cartes bleues des factures émises par machine manuelle ; qu’ayant constaté que le contrat avait pris fin le 15 avril 1989, elle a pu en déduire, répondant ainsi aux conclusions prétendument omises, que le Crédit Lyonnais n’était pas tenu de traiter ces nouvelles factures ou celles qui lui avaient été adressées postérieurement à la date où la résiliation du contrat avait pris effet ; que le troisième moyen n’est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Ydol fait enfin grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de ses demandes alors que le professionnel est tenu envers celui qui n’a pas la même spécialité que lui d’un devoir de conseil ; que dans ses conclusions d’appel, la société Ydol avait fait valoir que le Crédit Lyonnais avait commis une faute en débranchant soudainement le matériel informatique la reliant à un organisme de crédit sans s’assurer préalablement qu’elle était reliée à un autre centre de traitement qui prendrait en charge les paiements par cartes dès le 16 avril 1990 ;

que ce moyen était péremptoire en ce qui mettait en exergue le manquement du Crédit Lyonnais à son obligation de conseil ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moment, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni des conclusions ni de l’arrêt que la société Ydol ait soutenu que le Crédit Lyonnais avait manqué à son égard à son obligation de conseil ; d’où il suit que le moyen manque en fait et ne peut être accueilli ;

Sur la demande formée par le Crédit Lyonnais sur le fondement de l’article 700 :

Attendu que le Crédit Lyonnais sollicite sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, l’allocation d’une somme de 11 860 francs ;

Mais attendu qu’il n’y a pas lieu d’accueillir cette demande ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

REJETTE également la demande formée par le Crédit Lyonnais sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société Ydol, envers le Crédit Lyonnais, aux dépens et aux frais d’exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix mai mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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