Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 mai 1998, 97-83.328, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 6 mai 1998, n° 97-83.328
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 97-83.328
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 1997
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007574777
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général de B… ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

— LI Robert,

— DOS SANTOS Marie-José, parties civiles, contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de PARIS, en date du 22 janvier 1997, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre personnes non dénommées pour abus d’autorité, violences, arrestation et séquestration illégales, atteinte à la liberté, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Vu l’article 575, alinéa 2, 7°, du Code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 et 184, alinéa 1, de l’ancien Code pénal, 432-4 et 432-8 du Code pénal, 201 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a décidé qu’il n’y avait pas lieu à suivre contre personne non dénommée sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C… et de Marie A… Santos des chefs d’abus d’autorité et séquestration arbitraire ainsi que d’atteinte à la liberté individuelle ;

« aux motifs que s’agissant des infractions dénoncées, il n’existe pas de charges suffisantes de culpabilité contre les fonctionnaires de police;

que ne peut davantage prospérer la plainte pour violences illégitimes et qu’à cet égard, en l’état des pièces de la procédure, il n’apparaît pas que des investigations complémentaires soient susceptibles de révéler l’existence de charges sérieuses à l’encontre des policiers ;

« alors que la chambre d’accusation s’est bornée à écarter la demande des parties civiles tendant à voir ordonner des investigations complémentaires pour établir le caractère illégitime des violences subies, sans statuer sur le chef péremptoire de leur mémoire par lequel elles demandaient à voir ordonner un supplément d’information également en vue de faire toute la lumière non seulement sur les faits constitutifs d’abus d’autorité, d’arrestation et séquestration arbitraire, ainsi que d’atteinte à la liberté individuelle qu’elles avaient dénoncés dans leur plainte mais, en outre, sur le caractère prémédité de l’intervention policière » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 et 184, alinéa 1, de l’ancien Code pénal, 432-4 et 432-8 du Code pénal, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 53 et suivants ainsi que 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a décidé qu’il n’y avait pas lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C… et de Marie A… Santos du chef d’abus d’autorité ;

« aux motifs que les articles 184 ancien et 432-8 du Code pénal répriment le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi;

que cette infraction n’est pas constituée en l’espèce, le restaurant exploité par les parties civiles, siège de l’intervention des fonctionnaires de police, ne constitue pas leur domicile mais un lieu ouvert au public;

que de surcroît, les fonctionnaires de police, dont l’intervention avait été requise pas Robert C…, n’y sont entrés que sur l’invitation de Robert C…, qui refusait de les rejoindre dans le couloir pour s’entretenir avec eux;

qu’au cours de l’information en effet, Robert C… a expliqué que les trois premiers fonctionnaires de police arrivés sur les lieux étaient entrés dans son restaurant à sa demande car il avait refusé de les rejoindre dans le couloir pour s’expliquer;

que cette intervention était légitime dès lors qu’elle avait eu lieu à la requête de tiers et avait pour but de mettre fin au tapage nocturne causé par le bruit de la perceuse dont Robert C… venait de faire usage dans le but manifeste de gêner les clients du restaurant voisin ;

« alors que constitue un domicile protégé par la loi tout lieu où une personne a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux, qui peuvent servir à l’exercice d’une profession;

que la chambre d’accusation ne pouvait dès lors décider qu’en faisant irruption dans le restaurant de Robert C… et de Marie A… Santos, les policiers n’avaient pas violé leur domicile ;

« alors qu’en justifiant sa décision par le fait que Robert C… avait déclaré au cours de l’information que les fonctionnaires de police étaient entrés dans son établissement à sa demande parce qu’il ne voulait pas les rejoindre dans le couloir, la chambre d’accusation s’est déterminée en contradiction avec la propre audition de l’intéressé lors de l’instruction, puisqu’il n’en résultait nullement qu’il aurait précisé avoir invité les policiers à pénétrer dans son restaurant ;

« alors que la chambre d’accusation ne pouvait légalement considérer que l’intervention des fonctionnaires de police dans l’établissement de Robert C… et de Marie A… Santos était justifiée par la nécessité de mettre fin au tapage nocturne qui venait d’être commis et dénoncé par un tiers, dès lors que l’enquête de flagrance ne pouvait s’appliquer à la contravention de tapage nocturne ;

« alors que la chambre d’accusation a omis de répondre au chef péremptoire du mémoire des parties civiles, qui l’invitaient à constater qu’en l’absence de preuve de la réalité de l’infraction dénoncée, que les policiers reconnaissaient n’avoir pas constatée eux-mêmes, l’intervention de ces derniers dans leur établissement n’était pas légitime » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 186, 198 et 309 de l’ancien Code pénal, 222-11 et 222-12, 7° et 9° du Code pénal ainsi que 593 et 803 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’ordonner un supplément d’information et a décidé qu’il n’y avait lieu à suivre sur une plainte avec constitution de partie civile de Robert C… et de Marie A… Santos du chef de violences illégitimes et voies de fait commises par des agents et officiers de la police judiciaire ;

« aux motifs que les injures proférées publiquement à l’égard des policiers dans l’exercice de leurs fonctions par Robert C… et Marie A… Santos totalement surexcités à la vue de ces derniers comme a pu l’indiquer un client du restaurant, M. Z…, ainsi que le fait de les photographier au moment de leur intervention alors qu’ils agissaient dans le cadre de leurs fonctions, étaient de nature à les discréditer, à réduire leur autorité et à diminuer le respect dû à leur fonction et constituaient des outrages à agents justifiant qu’il fût procédé à l’interpellation de leurs auteurs;

que Robert C… et Marie A… Santos n’ont pas contesté s’être débattus lors de leur interpellation;

qu’à cet égard, il y a lieu de relever que le docteur H…, qui a examiné Robert C… le lendemain des faits, a déclaré que ce dernier et sa compagne, présente à l’entretien, avaient tous deux reconnus avoir eu la veille au soir des réactions très violentes ;

que les témoignages recueillis, notamment parmi les clients, tendent à confirmer que la force n’a été utilisée par les policiers qu’en raison de la résistance opposée par les parties civiles surexcitées et ne permettent pas de caractériser des violences délibérées et injustifiées de leur part à l’occasion de ces interpellations;

que les seules accusations des parties civiles, qui ne contestent pas s’être débattues, ne constituent pas des charges suffisantes à l’encontre des fonctionnaires de police qui ont procédé à leur interpellation pour justifier une mise en examen et il n’apparaît pas, en l’état des pièces de la procédure, que des investigations complémentaires soient susceptibles de révéler l’existence de charges sérieuses à l’encontre de ces derniers ;

« alors que la chambre d’accusation s’est bornée à relever que les violences exercées par les fonctionnaires de police auraient été justifiées par le simple fait que Robert C… et Marie A… Santos n’avaient pas voulu se laisser interpeller, sans répondre au chef péremptoire de leur mémoire par lequel ils objectaient non seulement que l’un des témoins présents dans leur établissement ( Cathy F…) avait formellement attesté que l’homme et la femme n’avaient pas cherché à porter des coups aux policiers et qu’à un moment, l’un d’eux avait pris la femme par les cheveux, mais, en outre, qu’il ressortait de l’information que, par cela seul qu’elle avait voulu prendre des photos, les policiers avaient traîné la femme à terre et lui avaient donné un coup de poing, ce qui démontrait que les violences policières n’avaient nullement été »strictement nécessaires à leur action", et qu’à tout le moins, une confrontation s’imposait ;

« alors que, en outre, la chambre d’accusation ne s’est pas davantage expliquée sur les conclusions des parties civiles faisant valoir que les mesures de coercition physiques dont Robert C… avait été victime bien qu’il n’eût pas tenté de s’enfuir et qu’aucun indice de dangerosité n’eût été relevé à son encontre, constituaient une infraction à l’article 803 du Code de procédure pénale, selon lequel »nul ne peut être soumis au port de menottes ou d’entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de prendre la fuite" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 114 de l’ancien Code pénal, 432-4 du Code pénal, L. 343 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a décidé qu’il n’y avait lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Robert C… et de Marie A… Santos du chef d’arrestation et séquestration illégales et d’atteinte à la liberté individuelle ;

« aux motifs que Robert C… soutient que son arrestation et son placement à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police jusqu’au 3 août vers 10 heures 45 sont constitutifs de ces infractions ;

que les fonctionnaires de police ont procédé à l’interpellation de Robert C… et de Marie A… Santos pour justifier une mise en examen ;

qu’en l’espèce, aucun grief ne peut être formulé contre les policiers, qu’il résulte des éléments du dossier que l’excitation dont Robert C… a fait preuve était révélatrice d’une agitation psychique suffisamment importante et inquiétante pour faire craindre, après le départ des services de police, un danger pour la sécurité de M. et de Mme E… et c’est à bon droit que M. D…, en application des dispositions de l’article L. 343 du Code de la santé publique, a pris la décision de le faire examiner par un médecin en vue de son éventuel transfert à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police;

que l’article précité autorise en effet à Paris les commissaires de police, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, à prendre des mesures provisoires à l’égard de celles dont le comportement révèle un trouble mental à charge d’en référer dans les 24 heures au préfet, qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office et, à cet égard, la Cour relève que le docteur X…, qui a examiné Robert C… dans la soirée du 2 août aussitôt son interpellation, n’a pu porter un diagnostic précis sur son état psychique, qualifié par ce praticien « d’interprétatif », et qu’il a estimé nécessaire de le faire conduire à l’infirmerie psychiatrique en vue d’un examen plus approfondi;

que dans ces conditions, Robert C… ayant été remis en liberté le 3 août en fin de matinée après un entretien approfondi avec le docteur H… avant l’expiration du délai de 24 heures, qu’aucun acte arbitraire et attentatoire à sa liberté individuelle n’a été commis ;

« alors qu’en considérant, d’une part, que Robert C… avait été interpellé en vue d’une mise en examen fondée sur la commission d’une infraction, et d’autre part, qu’il avait été appréhendé en application de l’article L. 343 du Code la santé publique en vue d’un internement psychiatrique en raison de son état prétendument dangereux, la chambre d’accusation s’est contredite et n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle sur la base légale de l’arrestation de Robert C… ;

« alors qu’il ressort des propres énonciations de la chambre d’accusation que M. D…, officier de paix à la sécurité publique affecté au commissariat du cinquième arrondissement, était incompétent pour prendre les mesures prévues par l’article L. 343 du Code de la santé publique, qui réserve aux seuls commissaires de police le pouvoir de prendre, à Paris, des mesures provisoires à l’encontre d’une personne dont le comportement est dangereux et révèle un trouble mental ;

« alors que la chambre d’accusation ne pouvait légalement décider que l’arrestation et la rétention de Robert C… à l’infirmerie psychiatrique étaient justifiées par son comportement dangereux et révélant un trouble mental, dès lors qu’il s’inférait tant de ces constatations que des pièces visées par elle, que le docteur Y…, médecin psychiatre ayant examiné Robert C… dans la soirée du 2 août, avait indiqué qu’il n’était ni violent, ni excité, et que le docteur G…, médecin psychiatre ayant vu Robert C… le lendemain des faits, avait formellement conclu qu’il ne présentait pas l’ombre d’une pathologie mentale imposant une hospitalisation, ce qui excluait toute présomption de dangerosité et de trouble psychique » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits dénoncés par les parties civiles, a répondu aux articulations essentielles du mémoire déposé par celles-ci et, après avoir considéré comme inutile le supplément d’information demandé, a exposé les motifs par lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis les infractions reprochées, notamment, au regard des articles 224-1 et 432-4 du Code pénal, dès lors que, « l’excitation dont Robert C… a fait preuve était révélatrice d’une agitation psychique suffisamment importante et inquiétante pour faire craindre, après le départ de la police, un danger pour la sécurité » ;

Attendu que les moyens proposés, qui se bornent à discuter la valeur des motifs de fait et de droit retenus par les juges ne peuvent qu’être écartés ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Mistral, Blondet, Mme Garnier, M. Ruyssen conseillers de la chambre, Mme Ferrari, M. Sassoust conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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