Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 mars 2010, 09-11.873, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Parabellum

La Cour de cassation a eu l'occasion récemment de rappeler à plusieurs reprises le principe de l'interdiction de l'évaluation forfaitaire d'un préjudice : • En matière de bail commercial et plus précisément de responsabilité contractuelle du bailleur qui a manqué à son obligation de jouissance paisible, la 3ème chambre civile a estimé que la réparation du préjudice subi par le preneur ne peut être fixée à une somme forfaitaire (Cass. 3e civ., 23 mars 2010, n° 09-11.873, F-D, SCPI Barclays Pierre c/ Sté JPR services : JurisData n° 2010-002637) : "viole l'article 1147 du Code civil, la …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 23 mars 2010, n° 09-11.873
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-11.873
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 10 décembre 2008
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000022030394
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2010:C300410
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la cour d’appel a, sans dénaturation, retenu que les désordres ayant affecté les lieux loués entre 1989 et 2002, date du départ de la société JPR, avaient entraîné un trouble de jouissance ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1147 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 11 décembre 2008), que la société JPR services, preneuse à bail de locaux à usage de bureaux, propriété de la société Barclays Pierre, a assigné celle-ci en réparation de troubles de jouissance et d’exploitation ;

Attendu qu’après avoir constaté que ces désordres avaient entraîné un trouble de jouissance qu’il convenait d’indemniser, la cour d’appel retient qu’il convient d’arbitrer le montant de ce préjudice à la somme forfaitaire de 80 000 euros ;

Qu’en fixant ainsi le préjudice à une somme forfaitaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société Barclays Pierre à payer à la société JPR services la somme de 80 000 euros, l’arrêt rendu le 11 décembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne la société JPR services aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Barclays Pierre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF A L’ARRÊT infirmatif ATTAQUE d’avoir dit que des désordres ont affecté les lieux loués entre 1989 et 2002, date du départ de la société JPR SERVICES et d’avoir en conséquence condamné la SCI BARCLAY’S PIERRE, bailleresse, à payer à la société JPR SERVICES la somme de quatre-vingt mille euros au titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU’il résulte des pièces du dossier que divers désordres ont affecté l’immeuble objet du contrat de bail pendant de longues années ; Qu’ainsi, il faut noter, quand bien même la SCPI Barclay’s n’est bailleur de la SA JPR services depuis 1989, que les difficultés ont commencé en 1987 ; Qu’ainsi un constat d’huissier en date du 12 octobre 1987, établit que la cage d’escalier était inondée par plus de 2 cms d’eau et que les pompiers étaient en train de retirer l’eau à l’aide d’une moto pompe très bruyante ; Que ces désordre ont perduré ainsi qu’en attestent des courriers de Multiburo le 30 avril 1992 qui parlent d’importantes infiltrations d’eau se produisant dans un bureau d’angle, le 9 décembre 1993 « nous notons une infiltration importante dans un de nos bureaux dans l’aile gauche et nous subissons de nouveau les désagréments d’une eau stagnante à l’entrée de l’immeuble ; l’infiltration détrempe sérieusement la moquette et semble s’aggraver », une lettre de Buropole en date du 16 mars 1995 qui indique que « l’eau stagne de façon peu agréable dans l’entrée de l’immeuble et ce depuis la fin de la semaine dernière », une autre lettre en date du 9 février 1996 qui indique « vous avez noté vous-même mardi dernier que le bureau occupé par Spie Trindel au rez-de-chaussée était détrempé … Nous aimerions que notre client cesse d’avoir les pieds dans l’eau », un courrier de Buropole en date du 8 novembre 1996 « j’espère que vous avez pris conscience de la gravité de la situation et de l’urgence d’une intervention efficace » ; Que l’expert dans son rapport résume ainsi les difficultés rencontrées par la SA JPR Services tout au long de la période pendant lequel le bail a couru : « L’immeuble a été construit par la compagnie marchande et financière sous forme de SCI Parc de l’activité Kennedy et livré probablement courant octobre 1987. JPR Services prend à bail le 1er juillet 1987 le rez-de-chaussée de l’immeuble soit 479 m ² pour y exercer l’activité de centre d’affaires qu’il pratique déjà sur un autre site ; dès octobre suivant, des problèmes d’infiltration en pieds de la cage d’escaler apparaissent et sont officiellement constatés. Le 6 janvier 1989, le bâtiment C (dont il s’agit) est vendu à la Barclays Pierre 1er et la gestion est assurée par Progestim et la maintenance par Feau Hampton. La gestion sera ensuite confiée à Lafitte gérance et Lamy. Divers constats seront établis et mentionneront les divers désordres subis par le locataire et notamment encore celui du 14 février 1996 par Me X… et Y…. Des infiltrations d’eau par les façades détrempant les bureaux seront traitées en dommage-ouvrage en 1995 / 1996. Des clients se manifesteront également pour dénoncer des dysfonctionnements dans l’exploitation des locaux : toilettes dégradées, hygiène douteuse, éclairage extérieur au point de suspendre le paiement des loyers. En tout état de cause, l’activité du locataire ne peut être que pénalisée. En résumé, de nombreux désordres surtout liés à des infiltrations d’eau par les façades, le sol et les toitures mais d’autres également moins graves perturberont certes l’activité du locataire en même temps qu’elles mettent en évidence la lenteur de réaction des organismes de gérance et les difficultés relationnelles quasi permanentes entre bailleur et son locataire. Il y a eu, à notre sens, l’existence d’un préjudice de jouissance et d’exploitation » ; Qu’il est par conséquent établi que des désordres ont affecté les lieux loués entre 1989 et 2002, date du départ de la société JPR Services ; Que ces désordres ont entraîné un trouble de jouissance qu’il convient d’indemniser ;

ALORS QU’en considérant qu’un constat d’huissier du 12 octobre 1987, des courriers de Multiburo des 30 avril 1992 et 9 décembre 1993, des lettres de Buropole des 16 mars 1995, 9 février et 8 novembre 1996, enfin, que le rapport de l’expertise judiciaire relatant ces documents « établiss (aient) que des désordres ont affecté les lieux loués entre 1989 et 2002, date du départ de la société JPR Services », alors que les termes clairs et précis de ces documents, seuls visés par le juge à l’appui de son appréciation, ne pouvaient, par nature, que relater des événements qui leur étaient antérieurs, soit, au plus tard, en novembre 1996, les juges en ont dénaturé les termes clairs et précis ; Qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF A L’ARRÊT infirmatif ATTAQUE d’avoir dit que des désordres ont affecté les lieux loués entre 1989 et 2002, qu’un trouble de la jouissance a affecté la société JPR SERVICES, locataire, d’avoir condamné la SCI BARCLAY’S PIERRE, bailleresse, à lui payer la somme de quatre-vingt mille euros au titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la SA JPR Services réclame une somme de 198 749 euros se décomposant ainsi : A) Perte de loyers. Il s’agit des bureaux 13, 14, 19, 28 qui jouxtent le hall périodiquement inondé :- Bureau 13 : 11. 433 euros ;- Bureau 14 : 5. 029 euros ;- Bureau 19 : 21. 485 euros ;- Bureau 28 : 21. 502 euros, soit une perte totale de 65. 449 euros, pour un préjudice qui a duré de 1987 à 2001 ; B) La perte de chiffre d’affaires pour éviter une chute de la fréquentation, elle a dû baisser les loyers. La perte du chiffre d’affaires, dit-elle, est facile à calculer car correspondant à la différence entre le loyer pratiqué et le loyer normal : Bureau 13 : 12. 558 euros ; Bureau 14 : 13. 728 euros ; Bureau 19 : 2. 964 euros ; Bureau 28 : 11. 991 euros, soit un total de 41. 141 euros ; C) La perte financière pour non facturation des services annexes ; L’état des locaux a rendu plus difficile la facturation des services annexes tels que standard, facturation, fax, photocopie ; elle estime son préjudice à 31. 100 euros ; D) La perte de commercialité. Les bureaux concernés ne pouvaient être loués au tarif normal, alors que des désordres les affectait ; Qu’elle sollicite une somme de 60. 979 euros correspondant à 10 % des loyers encaissés ; Que la SCP Barclays conteste chacun de ces postes, point par point, et fait valoir qu’elle n’a pas été à même de les contredire devant l’expert qui a clôturé son rapport sans attendre ses explications ; Que s’il est vrai que l’expert s’est contenté d’entériner les demandes de la société JPR Services, il avait cependant demandé à la SCP Barclays de lui faire parvenir ses observations, ce qu’elle n’a pas fait ; Que la société JPR Services limite ses demandes aux bureaux 13, 14, 19, 28 qui jouxtent le hall périodiquement inondé ; Que ses demandes fondées sur un raisonnement pseudo mathématique se heurtent à l’impossibilité réelle de chiffrer exactement le préjudice, les preuves rapportées n’étant pas suffisantes ; Qu’en effet, elle n’établit pas le lien de causalité exclusif entre le fait que certains bureaux n’ont pas été loués pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et les désordres, pas plus qu’elle n’établit le préjudice de commercialité dans la mesure où aucune référence n’est faite pour permettre d’établir une comparaison avec d’autres bureaux situés dans le même secteur ; Qu’en réalité, trop de paramètres entrent en jeu pour définir avec précision le rapport entre la perte de loyers, la perte de commercialité, la perte du chiffres d’affaires, la perte financière pour non facturation de services annexes, lesquels postes se recoupent du reste, dans leur définition ; Que, cependant, il n’en demeure pas moins qu’un trouble de jouissance a affecté la société Barclay’s tout au long du bail et qu’il convient d’arbitrer le montant de ce préjudice à la somme forfaitaire de 80. 000 euros, réformant sur ce point la décision déférée ;

ALORS d’une part QUE les décisions doivent être motivées ; Qu’une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; Que la cour, après avoir relevé le caractère « pseudo mathématique » du fondement des demandes, l’impossibilité de chiffrer le dommage, que le préjudice de commercialité n’était pas établi, plus généralement, que la nature même des quatre composantes du dommage allégué n’était pas définie, d’où il résulte que le préjudice n’était pas constaté, ne pouvait parallèlement retenir un trouble de jouissance et l’indemniser à hauteur de quatre-vingt-mille euros ; Qu’en statuant ainsi, la Cour s’est contredite et a ainsi violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS d’autre part QUE la responsabilité suppose que soient réunies les conditions cumulatives d’un fait générateur, d’un préjudice, d’un lien de causalité entre ce fait générateur et le dommage ; Que la cour, après avoir expressément relevé l’absence de lien de causalité entre les désordres constatés dans l’immeuble et le trouble de jouissance allégué par la locataire, ne pouvait ensuite retenir la responsabilité du bailleur et indemniser la locataire de ce chef ; Qu’en statuant ainsi, la Cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant par fausse application l’article 1147 du Code civil ;

ALORS enfin QUE les dommages et intérêts doivent assurer la réparation intégrale du préjudice supporté par la victime et ne sauraient dès lors présenter un caractère forfaitaire ; Qu’en « arbitrant » le montant du préjudice de manière forfaitaire, sans en individualiser les quatre composantes alléguées par la victime, la Cour d’appel a violé par fausse application l’article 1147 du Code civil.

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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