Cour de cassation, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-11.741, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Thierry Vallat · 8 avril 2013

Un salarié intérimaire est toujours employé par l'entreprise de travail temporaire et non par l'entreprise utilisatrice chez laquelle il accomplit sa mission. C'est la solution rappelée par un récent arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 6 février 2013 (pourvoi n° 11-11.741) …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-11.741
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-11.741
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nîmes, 6 décembre 2010
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000027056328
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:SO00241
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 7 décembre 2010), que M. X…, mis à disposition de la société France Télécom, depuis plusieurs années, par une entreprise de travail temporaire, a saisi le 18 juin 2009 la juridiction prud’homale pour faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée ; que le 26 juin 2009, il a été informé par la société de travail temporaire de la fin de sa mission ; qu’estimant que cette rupture intervenait en réaction à son action en justice, il a saisi en référé la juridiction prud’homale pour faire cesser le trouble manifestement illicite et voir ordonner sa réintégration au sein de la société France Télécom ; que le syndicat CGT FAPT Vaucluse est intervenu à l’instance ;

Attendu que le salarié et le syndicat font grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à référé, alors, selon le moyen :

1°/ que sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure ; que la violation de cette règle d’ordre public qui ne porte pas atteinte à la liberté, pour l’employeur, de choisir ses collaborateurs mais lui apporte, conformément à son engagement initial, les limitations qu’impose la protection renforcée due au salarié en situation de précarité, constitue un trouble manifestement illicite qu’il incombe au juge des référés de faire cesser en ordonnant la réintégration du salarié jusqu’au terme convenu ; qu’en statuant comme elle l’a fait la cour d’appel, qui a méconnu l’étendue de ses pouvoirs, a violé les articles L. 1243-1 et R. 1455-6 du code du travail ;

2°/ que la rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié en dehors des cas et conditions prévus par la loi constitue un trouble manifestement illicite ; que lorsque cette rupture illicite, décidée en dehors de toute procédure et motivation prévue par la loi est concomitante à l’introduction par le salarié d’une action en justice contre son employeur, il appartient à l’employeur d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de cette liberté fondamentale ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué d’une part, que la rupture anticipée des contrats à durée déterminée liant les salariés demandeurs à France Télécom leur a été notifiée par huissier sur leur lieu de travail deux semaines après la saisine, par leurs soins, du conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de faire requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, d’autre part que cette lettre de rupture, motivée pour l’ensemble des salariés par « une surestimation de l’augmentation du flux d’appel client due à une baisse plus importante que prévue du taux de réitération des clients », ne reposait sur aucun des motifs prévus par la loi pour autoriser la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ; qu’il incombait dès lors à l’employeur d’établir que cette décision, manifestement illicite, était intervenue pour des motifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par les salariés, de leur droit d’ester pour faire reconnaître la nature véritable de leur relation de travail ; qu’en les déboutant au contraire de leur action aux seuls motifs que les éléments qu’ils produisaient ne permettaient pas que fût « indubitablement établie l’existence d’un trouble manifestement illicite » la cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé les articles 1315 du code civil et L. 1121-1, L. 1243-1 et R. 1455-6 du code du travail ;

Mais attendu que le salarié intérimaire ne peut se prévaloir des dispositions relatives à la rupture du contrat à durée déterminée à l’encontre de la société France Télécom, entreprise utilisatrice, son employeur qui a mis fin au contrat de travail, étant l’entreprise de travail temporaire laquelle n’a pas été appelée en la cause ; que par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… et le syndicat CGT FAPT Vaucluse aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X… et le syndicat CGT FAPT Vaucluse

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d’AVOIR, « dit n’y avoir lieu à référé » sur les actions introduites par les neuf salariés de la SA France Télécom aux fins de voir constater que la rupture avant terme de leur contrat à durée déterminée constituait un trouble manifestement illicite et ordonner leur réintégration ;

AUX MOTIFS QUE "chaque salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir une requalification du contrat en un contrat à durée indéterminée par application de l’article L.1245-2 selon lequel lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine et que s’il accueille la demande du salarié, il lui accorde une indemnité à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;

QUE Monsieur Y… a essentiellement invoqué (que) :

— le fait par un salarié d’engager une procédure prud’homale sur le fondement de l’article précité ouvre expressément la possibilité d’agir en requalification de contrats à durée déterminée irréguliers en un contrat à durée indéterminée,

— le droit d’agir en justice relève d’une liberté fondamentale et ne constitue pas dès lors un motif de rupture,

— cette action constitue une garantie contre la précarisation illicite des emplois et la rupture du contrat à durée déterminée dès réception de la demande en justice caractérise un trouble manifestement illicite motivé par une mesure prise par l’employeur à raison de l’action en justice engagée par le salarié au sens de l’article R.1455-5, car même en présence d’une contestation sérieuse, le juge peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser ce trouble ;

QUE cependant, il est de principe en application de la possibilité pour l’employeur de choisir ses collaborateurs découlant de la liberté constitutionnelle d’entreprendre, que d’une part le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale interdisant ou restreignant sa faculté de rompre le contrat de travail, annuler ou suspendre une rupture du contrat par l’employeur ; (que) d’autre part la rupture n’ouvre droit pour le salarié, qu’à des réparations de nature indemnitaire ; qu’en dehors de ces deux cas, le juge ne peut ordonner la poursuite des relations contractuelles" ;

1°) ALORS QUE sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure ; que la violation de cette règle d’ordre public qui ne porte pas atteinte à la liberté, pour l’employeur, de choisir ses collaborateurs mais lui apporte, conformément à son engagement initial, les limitations qu’impose la protection renforcée due au salarié en situation de précarité, constitue un trouble manifestement illicite qu’il incombe au juge des référés de faire cesser en ordonnant la réintégration du salarié jusqu’au terme convenu ; qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel, qui a méconnu l’étendue de ses pouvoirs, a violé les articles L.1243-1 et R.1455-6 du Code du travail ;

ET AUX MOTIFS QUE "si une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice, protégée par l’article 6 de la Convention EDH peut être alléguée, c’est à la condition de rapporter concrètement la preuve qu’il s’agissait en réalité d’une mesure de rétorsion de la part de l’employeur ;

QUE la preuve du lien de causalité entre la rupture et l’action en requalification ne peut résulter des seules modalités des démarches mises en oeuvre par l’employeur comme celle du recours à un huissier ou d’une décision de rupture anticipée du contrat à durée déterminée ; qu’en effet, au stade du référé, la prétention du caractère manifestement illicite de la mesure prise par l’employeur doit être indubitable, étant précisé de plus que l’accueil de l’action en requalification par le juges du fond ne modifie pas les principes sus-rappelés ;

QU’en l’espèce, s’il est invoqué une embauche en contrat à durée déterminée de nouveaux salariés pour remplacer ceux ayant agi en justice, il n’est pas établi d’une part un remplacement immédiat des salariés nombre pour nombre, d’autre part une identité des mêmes postes de travail et de leur localisation, enfin l’exigence requise des mêmes qualifications professionnelles, techniques ou commerciales ; qu’également aucun tableau récapitulatif n’est produit sur les services et sites concernés par les départs et les arrivées ; que dès lors n’est pas indubitablement établie l’existence d’un trouble manifestement illicite ; que l’ordonnance doit être infirmée et les demandes rejetées" ;

2°) ALORS en toute hypothèse, QUE la rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié en dehors des cas et conditions prévus par la loi constitue un trouble manifestement illicite ; que lorsque cette rupture illicite, décidée en dehors de toute procédure et motivation prévue par la loi est concomitante à l’introduction par le salarié d’une action en justice contre son employeur, il appartient à l’employeur d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de cette liberté fondamentale ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué d’une part, que la rupture anticipée des contrats à durée déterminée liant les neuf salariés demandeurs à France Télécom leur a été notifiée par huissier sur leur lieu de travail deux semaines après la saisine, par leurs soins, du conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de faire requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, d’autre part que cette lettre de rupture, motivée pour l’ensemble des salariés par « une surestimation de l’augmentation du flux d’appel client due à une baisse plus importante que prévue du taux de réitération des clients », ne reposait sur aucun des motifs prévus par la loi pour autoriser la rupture anticipée du contrat à durée déterminée ; qu’il incombait dès lors à l’employeur d’établir que cette décision, manifestement illicite, était intervenue pour des motifs étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par les salariés, de leur droit d’ester pour faire reconnaître la nature véritable de leur relation de travail ; qu’en les déboutant au contraire de leur action aux seuls motifs que les éléments qu’ils produisaient ne permettaient pas que fût « indubitablement établie l’existence d’un trouble manifestement illicite » la Cour d’appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé les articles 1315 du Code civil et L. 1121-1, L. 1243-1 et R. 1455-6 du Code du travail.

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