Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 novembre 2013, 12-22.033, Publié au bulletin

  • Absence de stipulation d'une clause de non·
  • Officiers publics ou ministeriels·
  • Officiers publics ou ministériels·
  • Recours dans un contrat de crédit·
  • Principe de sécurité juridique·
  • Caractérisation du préjudice·
  • Appréciation souveraine·
  • Bail pouvoirs des juges·
  • Applications diverses·
  • Perte d'une chance

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Ne constitue pas une atteinte aux impératifs de sécurité juridique le fait que deux affaires identiques puissent être jugées différemment sur les appels successifs de victimes d’un même processus dommageable, ce qui n’est que la conséquence des effets conjugués de l’autonomie de chaque recours, de la relativité de la chose jugée et de l’office du juge dans l’application du droit.

Dès lors, ne méconnaît pas ces impératifs la cour d’appel qui, après qu’un premier arrêt, rendu sur l’appel d’un des associés non gérant d’une société civile immobilière, eut condamné un notaire, pour avoir failli à son devoir de conseil en n’alertant pas les associés sur le fait que le contrat de crédit-bail qu’il instrumentait ne comportait pas la clause de non-recours à l’obtention de laquelle tout engagement social était statutairement subordonné, à garantir intégralement cet associé des condamnations susceptibles d’intervenir contre lui au profit du crédit-bailleur de la société, limite, sur le recours séparé des autres associés non gérants qui demandaient à être garantis dans la même proportion, la garantie du notaire à la mesure, souverainement estimée, de la chance que la même omission de conseil a fait perdre à ces associés, tenus chacun divisément au passif social avec la société en application des dispositions impératives de l’article 1857 du code civil, d’échapper à cette obligation légale

Chercher les extraits similaires

Commentaires5

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Nathalie Blanc · Gazette du Palais · 23 janvier 2014
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 14 nov. 2013, n° 12-22.033, Bull. 2013, I, n° 220
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 12-22033
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin 2013, I, n° 220
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 avril 2012
Textes appliqués :
articles 1857 et 1858 du code civil ; article 1382 du code civil
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000028204937
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C101300
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 avril 2012), que MM. X…, Y…, C…, Z…, D… et E…

A…, assignés par la société Natiocrédimurs sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil, en paiement de la dette sociale née d’un contrat de crédit-bail immobilier consenti à la société civile immobilière dont ils étaient les associés, avec leur frère André, gérant, ont, après que cette société a été annulée faute d’affectio societatis, puis placée en liquidation judiciaire, appelé en garantie le notaire ayant instrumenté l’acte de crédit-bail, M. B…, lui reprochant de ne pas les avoir informés du fait que cet acte ne comportait pas la clause de non-recours à laquelle l’article 14 des statuts subordonnait tout engagement de la société et de les avoir ainsi exposés à l’action directe exercée par le crédit-bailleur ; que la cour d’appel ayant, sur le seul recours de Léon A…, infirmé le jugement qui le déboutait de son appel en garantie et condamné M. B… à le relever indemne de l’intégralité des condamnations susceptibles d’intervenir au profit du crédit-bailleur, M. Y…, C…, Z…, D… et E…

A… (les consorts A…) ont, à leur tour, relevé appel, par voie principale pour le premier, et par voie incidente pour les seconds, du même jugement afin d’être garantis dans la même proportion ;

Attendu que les consorts A… font grief à l’arrêt de limiter la condamnation de M. B…, notaire, à les garantir du quart seulement des condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs en vertu de l’acte de crédit-bail du 10 octobre 1990, alors, selon le moyen :

1°/ que ne constitue pas une perte de chance, mais un préjudice certain qui doit être intégralement réparé par le notaire, l’obligation pour les associés d’une SCI de répondre sur leur patrimoine personnel des dettes contractées par celle-ci envers un crédit-bailleur quand, en l’état d’une clause des statuts de la SCI, obligeant son gérant à obtenir des créanciers, dans tous les actes contenant des engagements au nom de la société, une renonciation formelle au droit d’exercer une action personnelle contre les associés de sorte qu’ils ne puissent intenter d’actions et de poursuites que contre la société et sur les biens lui appartenant, ce notaire a néanmoins reçu un acte de crédit-bail ne comprenant pas une telle renonciation du crédit-bailleur, sans en informer les associés de la SCI et sans s’assurer de leur accord pour qu’il soit dérogé à cette clause expresse des statuts ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui a retenu que le préjudice subi par les consorts A…, du fait de la faute commise par le notaire, ne pouvait consister qu’en une perte de chance de ne pas réaliser l’opération projetée, a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que les victimes d’un même acte fautif dont le préjudice est identique doivent obtenir la réparation de celui-ci dans des termes également identiques ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué rappelle que, sur appel du même jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 janvier 2004, M. B…, notaire, a été condamné par un arrêt définitif de la cour d’appel de Paris du 29 septembre 2006 à garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au profit de la société Natiocrédimurs M. X…

A…, associé dans la SCI d’Amiens comme MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A… et victime comme eux de la faute de ce notaire ; qu’en limitant la garantie de M. B… à l’égard de MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A… au quart des condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs, la cour d’appel, qui a réparé différemment les préjudices, identiques, de victimes d’un même acte fautif placées dans la même situation, a violé l’article 1382 du code civil ;

3°/ que tout jugement doit être motivé ; qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel, MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A…, après avoir rappelé la condamnation de M. B…, notaire, à garantir totalement leur frère, M. X…

A…, des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au profit de la société Natiocrédimurs, invoquaient, à l’appui de leur demande de condamnation de M. B… à les garantir pareillement de toutes leurs condamnations éventuelles dans le litige les opposant à cette société, le principe de sécurité juridique qui commande que deux personnes placées dans des situations juridiques identiques reçoivent une même solution ; qu’en limitant la garantie de M. B… au quart seulement des condamnations qui viendraient à être prononcées à l’encontre des consorts A…, sans donner aucun motif justifiant que la solution donnée à leur situation soit différente de celle donnée à la situation identique de leur frère Léon, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant considéré que M. B… avait failli à son devoir de conseil envers les consorts A… en omettant de les alerter sur le fait que le contrat de crédit-bail qu’il instrumentait ne comportait pas la clause de non-recours à l’obtention de laquelle tout engagement social était statutairement subordonné, la cour d’appel a relevé que l’opération de « lease-back » réalisée au moyen de ce contrat permettait une importante valorisation du terrain que la SCI avait pour objet d’exploiter et que, cette opération portant sur un investissement de l’ordre de 10 000 000 de francs (1 524 490, 17 euros), l’établissement de crédit-bail n’aurait pas accepté de limiter son droit de poursuite contre les associés aux seules parts nanties à son profit, pour une valeur de 10 000 euros par associé, la cour d’appel, caractérisant ainsi l’aléa affectant le processus dommageable né de l’omission du conseil par le notaire, en a exactement déduit que le préjudice induit par cette faute ne résidait qu’en une perte de chance de ne pas conclure l’opération ;

Qu’ensuite, ne constitue pas une atteinte aux impératifs de sécurité juridique le fait que deux affaires identiques puissent être jugées différemment sur les appels successifs de victimes d’un même processus dommageable, ce qui n’est que la conséquence des effets conjugués de l’autonomie de chaque recours, de la relativité de la chose jugée et de l’office du juge dans l’application du droit ; que c’est donc sans méconnaître ces impératifs que la cour d’appel, qui n’avait pas à s’expliquer mieux qu’elle l’a fait pour justifier les différences entre les solutions retenues à l’égard des associés non gérants, tenus chacun divisément au passif social en application des dispositions impératives de l’article 1857 du code civil, a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la mesure de la chance perdue d’échapper à cette obligation légale, limité la garantie du notaire au quart de condamnations susceptibles d’être prononcées contre les consorts A… au profit de la société Natiocrédimurs ;

Que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Y…, C…, Z…, D… et E…

A… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demandes de MM. Y…, C…, Z…, D… et E…

A…, et condamne ces derniers à payer à M. B… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. Y…, C…, Z…, D… et E…

A…

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir limité la condamnation de Me B… à garantir MM. Z…, D…, C…, E… et Maurice A… au quart seulement des condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs en vertu de l’acte de crédit-bail du 10 octobre 1990 ;

Aux motifs que l’article 14 des statuts de la SCI d’Amiens stipule que « dans tous les actes contenant des engagements au nom de la société, la gérance devra, sous sa responsabilité, obtenir des créanciers une renonciation formelle au droit d’exercer une action personnelle contre les associés de sorte que les dits créanciers ne puissent, par suite de cette renonciation, intenter d’actions et de poursuites que contre la société et sur les biens lui appartenant » ; qu’il est fait grief à Me B… d’avoir omis de recueillir, et au moins, tenté d’obtenir, auprès de la société Nationcrédimurs une renonciation formelle à poursuivre les associés de la SCI sur leur patrimoine personnel et de s’être abstenu d’informer les intéressés de l’absence d’une telle renonciation et des conséquences qui en découlaient pour eux ; qu’il est constat que Me B… ne s’est pas renseigné sur la mise en oeuvre par le gérant de l’article 14 des statuts de la SCI ni sur les intentions de la société Natiocrédimurs quant à son droit de poursuite contre les associés, et n’a pas informé les consorts A… de l’absence de renonciation de sa part à les poursuivre sur l’intégralité de leur patrimoine ; (¿) que le notaire, tenu professionnellement d’éclairer les parties, se doit d’appeler leur attention sur les conséquences et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; que connaissance prise des termes de l’article 14 des statuts de la SCI d’Amiens, il devait se renseigner sur l’obtention ou non d’une renonciation de la bailleresse à son droit de poursuite contre les associés et informer ceux-ci du résultat de sa démarche, de façon à ce qu’ils sachent si le créancier avait ou non renoncé à ses droits, et dans quelles proportions, compte tenu du nantissement à lui consenti, afin qu’ils contractent en toute connaissance de cause ; que son devoir de conseil était d’autant plus crucial à cet égard que MM. Z…, D…, C…, E…, Maurice et Léon A… n’ont pas signé eux-mêmes l’acte de crédit-bail mais ont été représentés à celui-ci et au nantissement de parts sociales qu’il comporte au profit de la bailleresse par M. André A…, le gérant de la SCI d’Amiens auquel ils avaient donné pouvoir ; ¿ que Me B…, qui n’a pas donné aux consorts A… toutes les données de nature à les éclairer sur les conséquences et la portée des engagements mis à leur charge par le contrat par lui rédigé, au regard des dispositions figurant dans les statuts de la SCI, a manqué à son devoir de conseil ; ¿ que le préjudice subi par les consorts A… en relation avec la seule faute retenue à la charge de Me B… ne peut consister qu’en une perte de la chance de ne pas réaliser l’opération projetée, qui permettait une importante valorisation du terrain, avec un créancier qui n’aurait pas limité son droit de poursuite contre eux aux parts nanties à son profit ; que les éléments de la cause permettent à la cour de fixer cette perte de chance à un quart des sommes dues à la société Natiocrédimurs ; que Me B… devra donc garantir, dans cette proportion, MM. Z…, D…, C…, E… et Maurice A… des condamnations qui viendront à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs ;

ALORS D’UNE PART QUE ne constitue pas une perte de chance, mais un préjudice certain qui doit être intégralement réparé par le notaire, l’obligation pour les associés d’une SCI de répondre sur leur patrimoine personnel des dettes contractées par celle-ci envers un crédit-bailleur quand, en l’état d’une clause des statuts de la SCI, obligeant son gérant à obtenir des créanciers, dans tous les actes contenant des engagements au nom de la société, une renonciation formelle au droit d’exercer une action personnelle contre les associés de sorte qu’ils ne puissent intenter d’actions et de poursuites que contre la société et sur les biens lui appartenant, ce notaire a néanmoins reçu un acte de crédit-bail ne comprenant pas une telle renonciation du crédit-bailleur, sans en informer les associés de la SCI et sans s’assurer de leur accord pour qu’il soit dérogé à cette clause expresse des statuts ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui a retenu que le préjudice subi par les consorts A…, du fait de la faute commise par le notaire, ne pouvait consister qu’en une perte de chance de ne pas réaliser l’opération projetée, a violé l’article 1382 du Code civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE les victimes d’un même acte fautif dont le préjudice est identique doivent obtenir la réparation de celui-ci dans des termes également identiques ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué (p. 4, § 2) rappelle que, sur appel du même jugement du tribunal de grande instance de Paris du 6 janvier 2004, Me B… a été condamné par un arrêt définitif de la cour d’appel de Paris du 29 septembre 2006 à garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au profit de la société Natiocrédimurs M. X…

A…, associé dans la SCI d’Amiens comme MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A… et victime comme eux de la faute de ce notaire ; qu’en limitant la garantie de Me B… à l’égard de MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A… au quart des condamnations qui viendraient à être prononcées à leur encontre au profit de la société Natiocrédimurs, la cour d’appel, qui a réparé différemment les préjudices, identiques, de victimes d’un même acte fautif placées dans la même situation, a violé l’article 1382 du Code civil ;

ALORS ENFIN et en toute hypothèse QUE tout jugement doit être motivé ;

qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel (p. 9, § 1 et 2), MM. Z…, D…, E…, C… et Maurice A…, après avoir rappelé la condamnation de Me B… à garantir totalement leur frère, Léon A…, des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre au profit de la société Natiocrédimurs, invoquaient, à l’appui de leur demande de condamnation de Me B… à les garantir pareillement de toutes leurs condamnations éventuelles dans le litige les opposant à cette société, le principe de sécurité juridique qui commande que deux personnes placées dans des situations juridiques identiques reçoivent une même solution ; qu’en limitant la garantie de Me B… au quart seulement des condamnations qui viendraient à être prononcées à l’encontre des consorts A…, sans donner aucun motif justifiant que la solution donnée à leur situation soit différente de celle donnée à la situation identique de leur frère Léon, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 novembre 2013, 12-22.033, Publié au bulletin