Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 novembre 2016, 16-84.115, Publié au bulletin

  • Infraction commise hors du territoire de la république·
  • Compétence des lois et juridictions françaises·
  • Crimes et delits commis à l'étranger·
  • Application dans l'espace·
  • Nationalité française·
  • Lois et règlements·
  • Victime directe·
  • Nationalité·
  • Conditions·
  • Torture

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Seule la qualité de victime directe de nationalité française au moment de la commission d’une infraction commise à l’étranger attribue compétente aux lois et juridictions françaises sur le fondement des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale.

Une femme de nationalité française alléguant avoir subi des préjudices découlant du crime de torture dont son époux étranger a été victime à l’étranger n’est pas, au sens du premier texte, la victime directe de l’infraction

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Stéphane Detraz · Gazette du Palais · 24 janvier 2017
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 8 nov. 2016, n° 16-84.115, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-84115
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 juin 2016
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
Crim., 21 janvier 2009, n° 07-88.330, Bull. crim. 2009, n° 22 (cassation), et l'arrêt cité
Crim., 6 novembre 2013, n° 13-84.317, Bull. crim. 2013, n° 216 (cassation), et l'arrêt cité
Crim., 21 janvier 2009, n° 07-88.330, Bull. crim. 2009, n° 22 (cassation), et l'arrêt cité
Crim., 6 novembre 2013, n° 13-84.317, Bull. crim. 2013, n° 216 (cassation), et l'arrêt cité
Textes appliqués :
article 113-7 du code pénal ; article 689 du code de procédure pénale
Dispositif : Cassation partielle sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033373753
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:CR05459
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

N° K 16-84.115 FS-P+B

N° 5459

ND

8 NOVEMBRE 2016

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d’appel de Paris, contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de ladite cour, première section, en date du 10 juin 2016, qui a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de Mme [K] [P] et de M. [M] [E] contre personne non dénommée des chefs de torture et complicité ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 25 octobre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, Mmes Dreifuss-Netter, Schneider, Ingall-Montagnier, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;

Avocat général : Mme Le Dimna ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle ZRIBI et TEXIER, avocat en la Cour et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 18 juillet 2016, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 113-7 du code pénal et 689 du code de procédure pénale :

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que seule la qualité de victime directe de nationalité française au moment de la commission d’une infraction commise à l’étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 21 février 2014, M. [M] [E], de nationalité marocaine, et son épouse Mme [K] [P], de nationalité française, ont porté plainte et se sont constitués parties civiles entre les mains du doyen des juges d’instruction de Paris pour des faits de torture et complicité ; que le procureur de la République a pris des réquisitions de non-informer, motif pris de l’incompétence des juridictions françaises pour connaître de ces faits ; que le juge d’instruction a déclaré les constitutions de parties civiles irrecevables ; que M. [E] et Mme [P] ont interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer l’ordonnance du juge d’instruction et déclarer les constitutions de parties civiles de M. [E] et de Mme [P] recevables, la chambre de l’instruction, après avoir rappelé les critères mis en évidence par la Cour européenne des droits de l’homme permettant de savoir si un parent était victime de torture ou de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, énonce notamment que les plaignants ont expliqué que M. [E], défenseur des droits de l’homme et militant pour l’indépendance du Sahara occidental, avait été arrêté le 7 novembre 2010 à Laayoune (Maroc), la veille du démantèlement d’une mobilisation visant à protester contre les discriminations dont les [D] s’estiment victimes, de nombreux policiers armés faisant irruption dans la maison où il se trouvait, qu’il était alors poussé au sol, menotté et frappé, qu’après des mauvais traitements et actes de torture subis au commissariat et à la gendarmerie, une instruction diligentée par un juge militaire, la falsification de procès-verbaux et d’aveux et un procès qualifié par eux d’inéquitable, M. [E] a été condamné le 16 février 2013 à trente ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, outrage et violences à fonctionnaires publics et homicides volontaires ; que les juges ajoutent que si Mme [P] n’a pas été directement témoin de l’arrestation du 7 novembre 2010, elle allègue avoir assisté à des événements similaires à six reprises depuis leur mariage et indique avoir eu une connaissance précise des sévices subis par son mari, qu’elle a ainsi raconté le choc qu’elle a ressenti lorsqu’elle a constaté en rendant visite à son mari les traces de brûlures de cigarette qu’il portait sur son corps, que s’agissant de l’arrestation de novembre 2010, devant l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait d’obtenir des nouvelles de son mari, elle l’a cru mort, qu’elle a ensuite appris qu’il avait été victime du supplice de la falaqa (bastonnade sur la plante des pieds), reçu des coups, été privé d’eau et de nourriture et qu’elle n’a pu le voir que plus d’un mois après son arrestation pour découvrir un homme abattu psychiquement au point qu’elle avait du mal à le reconnaître ; que les juges retiennent en outre que même si elle ne produit aucune pièce justificative, Mme [P] indique avoir accompli en vain de nombreuses démarches associatives ou diplomatiques, tant en France qu’au Maroc, pour avoir des informations sur l’état de santé de son mari, et que ce n’est que par l’intermédiaire de témoins qu’elle a pu apprendre qu’il avait comparu devant le tribunal de première instance ; que la chambre de l’instruction en déduit que Mme [P], dont la situation correspond aux critères dégagés par la jurisprudence européenne, est susceptible de pouvoir être considérée comme étant une victime directe des faits dénoncés et que sa plainte doit donc être déclarée recevable tout comme celle de son mari, qui forme avec la première un tout indivisible ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ne sauraient s’interpréter comme étant de nature à remettre en cause les règles relatives à la compétence internationale des lois et juridictions pénales françaises et que les préjudices allégués par Mme [P], qui découleraient des infractions commises à l’étranger à l’encontre de son époux de nationalité étrangère, ne sont pas susceptibles de lui conférer la qualité de victime au sens de l’article 113-7 du code pénal, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; qu’elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, en date du 10 juin 2016, mais en ses seules dispositions ayant déclaré recevables les constitutions de parties civiles de Mme [P] et de M. [E], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DECLARE les constitutions de parties civiles de Mme [P] et de M. [E] irrecevables ;

DIT n’y avoir lieu à informer sur leur plainte ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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