Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 17-10.249, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Vivien Zalewski-sicard · Gazette du Palais · 22 mai 2018
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 31 janv. 2018, n° 17-10.249
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-10.249
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 19 octobre 2016
Textes appliqués :
Article 1382, devenu 1240 du code civil.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036584715
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C100119
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Texte intégral

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 31 janvier 2018

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 119 F-D

Pourvoi n° S 17-10.249

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Jeanine X…, veuve Y…, domiciliée […] , représentée par M. Jean-Pierre Y…, domicilié […] , et par M. Philippe Y…, domicilié […] ,

tous deux habilités à la représenter par jugement du tribunal d’instance (juge des tutelles) du 12 octobre 2016,

contre l’arrêt rendu le 20 octobre 2016 par la cour d’appel de Bordeaux (1re chambre civile, section B), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme Annie F…, domiciliée […] ,

2°/ à la société Laurent Mayon, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Charente résidence,

3°/ à la société B… C… E… , société civile professionnelle, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 19 décembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme X…, veuve Y…, et de MM. Jean-Pierre et Philippe Y…, ès qualités, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme F… et de la société B…, l’avis de M. A…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 30 novembre 2007 par Mme F…, avec la participation de M. B…, associé de la SCP B… C… E… (les notaires), Mme Y… (l’acquéreur), désormais représentée par ses fils, MM. Jean-Pierre et Philippe Y…, en exécution d’une habilitation judiciaire, a acquis de la société Charente résidence (le vendeur) deux lots d’un ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement (VEFA) ; que le vendeur a fourni une garantie d’achèvement intrinsèque et que, répondant à ses appels de fonds successifs, l’acquéreur lui a versé 95 % du prix de vente ; que la livraison du bien immobilier n’a pas eu lieu, le vendeur ayant été placé en liquidation judiciaire ; que l’acquéreur a assigné le vendeur en résolution de la vente et les notaires en responsabilité et indemnisation ; que la résolution de la vente a été prononcée ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de l’acquéreur tendant à la condamnation solidaire des notaires en remboursement du prix de vente payé, de leurs émoluments ainsi que de l’indemnité contractuellement prévue, et en réparation de son préjudice moral, l’arrêt retient que la clause d’inaliénabilité des parcelles stipulée au profit de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Charente-Périgord en garantie de l’ouverture de crédit consentie au vendeur pour financer la construction ne constitue pas un détournement de la condition d’absence d’hypothèque ou de privilège requise pour autoriser une garantie intrinsèque ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que la clause d’inaliénabilité souscrite par le vendeur au profit de la banque, mentionnée dans l’acte notarié de vente, interdisait au premier d’aliéner et d’hypothéquer les parcelles sans l’accord écrit de la seconde, de sorte qu’il appartenait aux notaires d’appeler l’attention de l’acquéreur sur la fragilité de la protection assurée par la garantie intrinsèque offerte par le vendeur au regard de cette clause, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes formées par Mme Y… contre Mme F… et la SCP B… C… E… , l’arrêt rendu le 20 octobre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mme F… et la SCP B… C… E… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Y…, représentée par MM. Jean-Pierre Y… et Philippe Y…, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X…, veuve Y…, et MM. Jean-Pierre et Philippe Y…, ès qualités.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame Y… de sa demande tendant à voir condamner solidairement Me F… et Me B… à lui verser la somme de 272.468,34 € (228.843,34 € en remboursement du prix de vente payé et des émoluments des notaires, 23.625 € pour l’indemnité de résolution contractuellement prévue, 10.000 en réparation de son préjudice moral et 10.000 € au titre de l’article 700) ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la résolution du contrat de VEFA pour inexécution des obligations du vendeur n’est plus discutée en appel, les parties demandant toutes la confirmation du jugement sur ce point ; que seule la question de la responsabilité professionnelle des notaires écartée par le premier juge est donc soumise à la cour ; que l’appelante fonde sa demande à ce titre en premier lieu sur le défaut de prudence et de conseil quant à la garantie d’achèvement intrinsèque offerte par le vendeur dont elle invoque le caractère illusoire et le défaut de vérification de ses conditions de validité ; que l’acte de vente du 30 novembre 2007 mentionne une garantie intrinsèque d’achèvement des travaux conformément aux dispositions des articles R 261-18 et R 261-19 du code de la construction et de l’habitation (CCH) qui imposent que l’immeuble abritant le logement acquis ait atteint le stade de la construction hors d’eau et qu’aucune hypothèque ou inscription de privilège ne grèvent le bien ; que le stade de construction hors d’eau de l’ouvrage est attesté à l’acte par l’architecte et il n’est pas contesté qu’aucune sûreté n’était inscrite sur l’immeuble, ainsi que l’établit l’état néant des renseignements hypothécaires du 10 octobre 2007 ; que le fait que la garantie intrinsèque présente des garanties qui peuvent être jugées insuffisantes qui ont conduit le législateur à la supprimer en 2013, ne peut modifier la validité de la situation au jour de l’acte, en 2007, dès lors que les notaires se sont assurés du respect des conditions réglementaires de la garantie intrinsèque et qu’ils ne disposaient en outre d’aucune information permettant de mettre en cause, à la date de la vente, la solidité financière de la société Charente Résidence qui ne sera placée en redressement judiciaire qu’en décembre 2008 ; qu’à ce sujet, la pièce 19 citée par l’appelante pour établir la connaissance par les notaires des difficultés de cette société, n’est pas probante, s’agissant d’une convention entre la société Charente Résidence et les époux D… relative au règlement amiable d’une erreur de configuration du lot réservé quant à la hauteur sous plafond ; que s’agissant de la clause d’inaliénabilité des parcelles stipulée au profit du Crédit Agricole en garantie de l’ouverture de crédit consentie au promoteur pour financer la construction, l’appelante n’est pas fondée à soutenir qu’elle constitue un détournement de la condition d’absence d’hypothèque ou de privilège requise pour autoriser une garantie intrinsèque dès lors que le prix des ventes des lots ne pouvait pas être consacré à l’achèvement des travaux et que rien ne garantissait que le vendeur aurait les moyens de terminer la construction ; qu’en effet, il doit d’abord être remarqué que seul est mentionné à l’acte le premier emprunt accorder pour financer l’opération à la SARL Charente Résidence sous l’interdiction expresse d’aliéner et d’hypothéquer la parcelle concernée sans l’accord écrit de la banque, le second emprunt accordé le 6 février 2008, postérieur à l’acte de vente, ne pouvant être pris en compte ; qu’ensuite et surtout, la circonstance qu’une partie du prix de vente soit affectée au remboursement du prêteur, n’est pas de nature à remettre en cause la finalité de la garantie intrinsèque dont bénéficie l’acquéreur qui reste propriétaire d’une construction avancée au stade hors d’eau et que les créanciers du vendeur-constructeur ne peuvent saisir, même en cas de défaillance ; qu’enfin, il n’appartient pas au notaire de conseiller son client quant à l’opportunité économique de l’opération qu’il constate et le premier moyen quant à la violation de leur devoir de prudence et de conseil par les notaires doit donc être écarté ; qu’il en est de même du second, relatif à la violation des dispositions des articles R 261-30 et L. 261-11 CCH, pour les exacts motifs retenus par le premier juge et non remis en cause en appel puisqu’il ne peut être fait reproche au notaire d’avoir notifié le projet d’acte de VEFA à Madame Y… moins d’un mois avant la date de signature, les parties pouvant renoncer à ce délai indicatif, ce qu’a fait l’appelante en connaissance de ses droits ; que s’agissant enfin du défaut de vérification de la souscription d’une assurance dommages ouvrages par le constructeur, l’acte de vente fait expressément mention à deux reprises du justificatif de l’assurance dommages-ouvrage souscrite auprès de la compagnie AGF sous le nº 42146869 (pages 11 et 19) ; que ce document est versé aux débats par les notaires intimés en pièce 2 et mentionné comme annexé à l’acte de dépôt de pièces du programme établi le 29 octobre 2007 qui fait foi jusqu’à inscription de faux (pièce intimé 3) ; que s’il apparaît que par suite de détournement de primes, la compagnie AGF aurait été amenée à dénier sa garantie, cette circonstance n’est pas opposable au notaire instrumentaire qui n’avait pas à se livrer à une enquête pour vérifier la validité d’une attestation apparemment régulière ; qu’ainsi le jugement qui a débouté Madame Y… de ses demandes contre Maîtres F… et la SCP B… C… E… devra être confirmé en toutes ses dispositions, à l’exception de celles rejetant la demande d’indemnisation du préjudice moral subi par Madame Y… ; qu’en effet, les circonstances de la mauvaise opération immobilière réalisée par Madame Y…, l’angoisse de ses conséquences pour une personne âgée et de condition modeste, lui ont causé un préjudice moral distinct des préjudices matériels déjà indemnisés au titre de la résolution de la vente et qui sera évalué à 5.000€, somme qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Charente Résidence ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la notion de « hors d’eau » se caractérise dans la pratique par la pose de la toiture ou l’exécution de l’étanchéité des terrasses, la pose des portes et des fenêtres qui constitue pour les techniciens un stade ultérieur de la construction, parfois appelé « hors d’air » n’est donc pas nécessaire pour obtenir la garantie ; que la preuve du hors d’eau, à défaut de précision dans les textes, peut résulter d’une attestation de l’homme de l’art, en l’espèce l’architecte responsable des travaux ; que l’architecte a indiqué que l’immeuble était hors d’eau et ce point n’est pas contesté ; que s’agissant de l’absence d’hypothèque, Me F… disposait de renseignements hypothécaires récents puisqu’ils remontaient au 3 octobre 2007, ce qui suffit à satisfaire à la condition de l’absence d’inscription ; qu’ainsi les conditions dites de la garantie intrinsèque de l’article R. 261-18 sont remplies et aucune faute ne peut être reprochée au notaire à ce titre ; que Madame Y… reproche également aux deux notaires de ne pas avoir attiré son attention sur la faiblesse des garanties du promoteur, alors qu’ils n’ignoraient pas la fragilité financière de la SARL Charente Résidence et notamment la clause d’inaliénabilité exigée du promoteur par la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Charente-Périgord, et ce, d’autant plus que Me F… avait instrumenté la totalité des ventes en l’état futur d’achèvement, parmi lesquelles celle au profit des époux D… qui s’étaient plaints de malfaçons et retards affectant aussi bien leur appartement que les parties communes y étant attachées ; (

) ; qu’en ce qui concerne la connaissance de la fragilité financière, il n’est pas établi qu’au moment de la signature de l’acte, les notaires disposaient d’éléments faisant craindre une fragilité économique du promoteur, alors que le législateur n’a pas interdit au promoteur de contracter des emprunts ;

1°) ALORS QUE le notaire, tenu à un devoir de conseil, doit éclairer ses clients sur les conséquences de ses actes et leur fournir toute information permettant d’expliquer à ces derniers la nature et la portée de leurs actes ou de leurs engagements ; qu’en l’espèce, il était constant que la clause d’inaliénabilité souscrite par le promoteur au profit de la banque, et dument mentionnée dans l’acte de vente, lui interdisait d’aliéner et d’hypothéquer les parcelles sans l’accord écrit de l’établissement de crédit et exigeait, pour y renoncer, que la totalité du prix de vente disponible lui soit versée ; qu’il appartenait donc à Me F… d’informer et d’éclairer Madame Y… sur les conséquences des stipulations de l’acte qu’elle avait rédigé, notamment en attirant son attention sur la fragilité de la protection assurée par la garantie intrinsèque offerte par le vendeur au regard de la clause d’inaliénabilité consentie à l’organisme prêteur ; que faute de l’avoir fait, le notaire a manqué à son devoir de conseil ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 (ancien) du code civil ;

2°) ALORS QUE la circonstance selon laquelle seule aurait été mentionné à l’acte le premier emprunt et non le second était sans aucune influence sur l’existence de l’obligation de conseil du notaire ; qu’en conséquence, en relevant que « seul est mentionné à l’acte le premier emprunt accorder pour financer l’opération à la SARL Charente Résidence sous l’interdiction expresse d’aliéner et d’hypothéquer la parcelle concernée sans l’accord écrit de la banque, le second emprunt accordé le 6 février 2008, postérieur à l’acte de vente, ne pouvant être pris en compte », la cour d’appel a statué par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 (ancien) du code civil ;

3°) ALORS QUE en retenant que « la circonstance qu’une partie du prix de vente soit affectée au remboursement du préteur n’est pas de nature à remettre en cause la finalité de la garantie intrinsèque », quand la question était celle de savoir si le notaire aurait dû alerter sa cliente sur les risques engendrés par cette clause d’inaliénabilité, la cour d’appel a encore statué par un motif inopérant et a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 (ancien) du code civil ;

4°) ALORS QU’ENFIN l’obligation de conseil à laquelle est tenu le notaire s’étend également à l’opportunité économique de l’opération pour que les droits et obligations réciproques légalement contractés par les parties, répondant aux finalités révélées de leur engagement, soient adaptés à leurs capacités ou facultés respectives et soient assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1382 (ancien) du code civil.

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