Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 16-25.184, Publié au bulletin

  • Caractère illicite mais non immoral du versement·
  • Droit à la restitution de la chose prêtée·
  • Paiement de l'indemnité d'immobilisation·
  • Absence de mandat spécial écrit·
  • Promesse unilatérale de vente·
  • Caractère illicite·
  • Agent immobilier·
  • Consultant·
  • Notaire·
  • Indemnité d'immobilisation

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Est illicite la remise de fonds au notaire pour le paiement d’une partie de l’indemnité d’immobilisation convenue dans la promesse unilatérale de vente, par l’agent immobilier qui, ayant prêté cette somme à l’acquéreur ne dispose d’aucun mandat écrit de ce dernier l’autorisant à procéder à cette remise.

Le caractère illicite, mais non immoral, de ce versement ne prive pas l’agent immobilier de son droit à restitution de la seule somme par lui remise

Commentaires9

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Olivia Sabard · L'ESSENTIEL Droit des contrats · 12 décembre 2018

Merryl Hervieu · Dalloz Etudiants · 29 octobre 2018
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 26 sept. 2018, n° 16-25.184, Bull. 2018, I, n° 158.
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-25184
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. 2018, I, n° 158.
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2016
Textes appliqués :
article 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ; article 1902 du code civil.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037473937
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C100869
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 26 septembre 2018

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 869 FS-P+B

Pourvoi n° E 16-25.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Consultants immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme Michèle X…, divorcée Y…, domiciliée […],

2°/ à M. Pierre Z…, domicilié […],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 10 juillet 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, MM. Betoulle, Avel, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Kloda, conseillers référendaires, M. Sudre, avocat général, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société Consultants immobilier, les avis de M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, et de Sudre, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte authentique des 31 mars et 4 avril 2008, M. B… (le promettant) a consenti, par l’intermédiaire de la société Consultants immobilier (l’agent immobilier), une promesse unilatérale de vente au bénéfice de Mme X…, portant sur un immeuble situé à Paris, moyennant le prix de 4 100 000 euros ; qu’une indemnité d’immobilisation de 410 000 euros correspondant à 10 % du prix était prévue au cas où la vente, dont la réitération était fixée au 30 juin 2008, n’aurait pas lieu ; que, sur ce montant, la somme de 205 000 euros a été versée par l’agent immobilier au notaire, pour le compte de Mme X… ; que, par acte sous seing privé du 18 juin 2008, celle-ci s’est substitué M. Z… dans ses droits dans la promesse unilatérale de vente ; que l’option n’ayant pas été levée, le notaire a versé la somme de 205 000 euros au promettant à titre d’indemnité d’immobilisation ; que l’agent immobilier a assigné Mme X… et M. Z… en remboursement de cette somme ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l’agent immobilier fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement, alors, selon le moyen, que les règles édictées par l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d’application, qui font notamment interdiction à un agent immobilier de recevoir, détenir et remettre une somme d’argent sans mandat exprès, n’ont vocation à s’appliquer qu’aux conventions portant sur la vente d’un bien ou l’une des opérations visées à l’article 1er de la loi et ne s’appliquent pas à un contrat de prêt, quand bien même ce dernier serait consenti par l’agent immobilier, lequel contrat emporte nécessairement l’obligation par l’emprunteur de restituer la somme prêtée ; qu’en l’espèce, en relevant, pour dire que l’agent immobilier ne disposait pas de créance sur Mme X… et sur M. Z…, que la remise des fonds au notaire, à défaut de mandat exprès de Mme X…, était illicite, après avoir pourtant relevé que les fonds en cause avaient été prêtés à Mme X… par l’agent immobilier, ce dont il se déduisait nécessairement que Mme X… était tenue de les lui restituer, peu important que leur remise au notaire ait été illicite au regard de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d’application dès lors que ces dispositions ne s’appliquaient pas au contrat de prêt, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 76 du décret du 20 janvier 1972 et, par refus d’application, les articles 1875 et 1902 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’agent immobilier avait disposé des fonds prêtés à Mme X… en les remettant au notaire pour le paiement d’une partie de l’indemnité d’immobilisation convenue dans la promesse unilatérale de vente, et que, titulaire d’un mandat non exclusif de vente émanant du promettant, il ne disposait d’aucun mandat écrit de celle-ci l’autorisant à procéder de la sorte, la cour d’appel en a exactement déduit que cette remise de fonds était illicite ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du moyen :

Vu l’article 1902 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande en paiement, l’arrêt retient que, la remise des fonds par l’agent immobilier étant illicite, celui-ci ne dispose d’aucune créance ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère illicite, mais non immoral, de ce versement ne privait pas l’agent immobilier de son droit à restitution de la seule somme par lui remise, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande en paiement de la somme de 205 300 euros formée par la société Consultants immobilier contre Mme X… et M. Z…, l’arrêt rendu le 14 octobre 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne Mme X… et M. Z… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Consultants immobilier.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR débouté la société Consultants Immobilier de sa demande en paiement de la somme de 205 300 euros formée contre Mme X… et M. Z… ;

AUX MOTIFS QUE selon l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, les conventions conclues avec les agents immobiliers, relative aux opérations mentionnées par l’article 1er de cette loi, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d’un décret en conseil d’État « les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion de l’opération dont il s’agit » ; que selon l’article 76 du décret d’application n° 72-678 du 20 juillet 1972, article figurant dans le chapitre relatif aux conventions prévues par l’article 6 de la loi de 1970 et dans la section réglementant les conventions relatives aux opérations de l’article 1er de la loi de 1970, « le titulaire n’est autorisé à verser pour un montant maximal, à recevoir ou à détenir des fonds, effets ou valeurs, ou en disposer, à l’occasion d’une opération spécifiée à l’article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 que dans la mesure et les conditions précisées par une clause expresse du mandat, compte-tenu des dispositions de cette loi et du présent décret » ; que la société Consultants Immobilier indique (p. 13 de ces dernières conclusions devant la cour) que, Mme X… ayant déclaré ne pas disposer momentanément des fonds permettant le versement de la première tranche de l’indemnité d’immobilisation, elle (intimée) avait accepté de lui prêter la somme de 205 000 euros et de la verser pour le compte de Mme X… en la comptabilité du notaire ; que, ce faisant, l’agent immobilier a disposé des fonds prêtés à Mme X… en les remettant notaire pour le paiement d’une partie de l’indemnité d’immobilisation convenue dans la promesse unilatérale de vente des 31 mars et 4 avril 2008 ; que la société Consultants Immobilier, titulaire d’un mandat non exclusif de vente émanant du promettant par acte sous-seing privé du 11 décembre 2007, ne disposait d’aucun mandat écrit de Mme X… l’autorisant à remettre les fonds au notaire ; que cette remise, à l’occasion d’une vente immobilière dans laquelle l’agent immobilier s’était entremis, est illicite au regard des textes précités, de sorte que la société Consultants Immobilier ne dispose d’aucune créance sur Mme X… ni sur M. Z… qui a été substitué dans les droits de cette dernière, née de la promesse unilatérale de vente ;

ALORS, 1°), QUE les règles édictées par l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d’application, qui font notamment interdiction à un agent immobilier de recevoir, détenir et remettre une somme d’argent sans mandat exprès, n’ont vocation à s’appliquer qu’aux conventions portant sur la vente d’un bien ou l’une des opérations visées à l’article 1er de la loi et ne s’appliquent pas à un contrat de prêt, quand bien même ce dernier serait consenti par l’agent immobilier, lequel contrat emporte nécessairement l’obligation par l’emprunteur de restituer la somme prêtée ; qu’en l’espèce, en relevant, pour dire que la société Consultants Immobilier ne disposait pas de créance sur Mme X… et sur M. Z…, que la remise des fonds au notaire, à défaut de mandat exprès de Mme X…, était illicite, après avoir pourtant relevé que les fonds en cause avaient été prêtés à Mme X… par la société Consultants Immobilier, ce dont il se déduisait nécessairement que Mme X… était tenue de les lui restituer, peu important que leur remise au notaire ait été illicite au regard de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d’application dès lors que ces dispositions ne s’appliquaient pas au contrat de prêt, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 76 du décret du 20 janvier 1972 et, par refus d’application, les articles 1875 et 1902 du code civil ;

ALORS, 2°), QUE l’obligation de restitution inhérente au contrat de prêt subsiste aussi longtemps que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée ; que, quand bien même faudrait-il considérer que la société Consultants Immobilier ne pouvait, en application de la loi du 2 janvier 1970, consentir un prêt à Mme X…, la nullité dudit prêt ne pouvait faire disparaître l’obligation de restitution des sommes prêtées ; que par suite, en déduisant l’absence de créance de la société Consultants Immobilier de l’illicéité de son intervention au regard de la loi du 2 janvier 1970 et de son décret d’application, après avoir constaté que la sommes litigieuse avait été remise au notaire à la suite d’un contrat de prêt consenti par l’agent immobilier à Mme X…, la cour d’appel a violé les articles 1875 et 1902 du code civil.

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