Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 janvier 2019, 17-16.336, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 23 janv. 2019, n° 17-16.336
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-16.336
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 23 mars 2017, N° 16/00137
Textes appliqués :
Article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application.

Article 1015 du même code.

Article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue.

Article 48 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 portant transposition de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 26 février 2015 (C-41/14).

Dispositif : Cassation partielle sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038091465
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100053
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 23 janvier 2019

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 53 FS-D

Pourvoi n° G 17-16.336

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Christie’s France, société en nom collectif, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt n° RG : 16/00137 rendu le 24 mars 2017 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l’opposant à l’association Comité professionnel des galeries d’art, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 11 décembre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. X…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Duval-Arnould, M. Truchot, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Barel, Le Gall, Kloda, conseillers référendaires, M. Y…, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. X…, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Christie’s France, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l’association Comité professionnel des galeries d’art, l’avis de M. Y…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 48 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 portant transposition de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 26 février 2015 (C-41/14) ;

Attendu que, si ce texte prévoit que le droit de suite est à la charge du vendeur, et que la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur, il ne fait pas obstacle à ce que la personne redevable du droit de suite, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que celle-ci supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte pas les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 18 juin 2014, pourvoi n° 13-21.145), que, soutenant que la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques Christie’s France avait, en violation du texte susvisé, inséré dans ses conditions générales de vente une clause mettant le paiement du droit de suite à la charge de l’acquéreur, l’association Comité professionnel des galeries d’art a engagé une action à l’encontre de cette société aux fins de voir qualifier une telle pratique d’acte de concurrence déloyale et constater la nullité de la clause litigieuse ;

Attendu que, pour déclarer nulle et de nul effet la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie’s France, l’arrêt énonce que l’article L. 122-8, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle, fondé sur un ordre public économique de direction, revêt un caractère impératif imposant que la charge définitive du droit de suite incombe exclusivement au vendeur ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare recevable en son action l’association Comité professionnel des galeries d’art, l’arrêt rendu le 24 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de l’association Comité professionnel des galeries d’art ;

Condamne l’association Comité professionnel des galeries d’art aux dépens incluant ceux exposés devant la juridiction du fond ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Christie’s'France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Christie’s France

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré nulle la clause 4-b figurant dans les conditions générales de vente de la société Christie’s France ayant pour objet de faire supporter à l’acheteur le droit de suite, à laquelle elle a eu recours dans les ventes des 27 et 28 mai 2008, des 23, 24 et 25 février 2009, ainsi que lors des ventes postérieures en date des 27 mai 2009 et 1er et 8 décembre 2009 et d’avoir condamné la société Christie’s France à payer au CPGA la somme de un euro à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle prévoit au profit des auteurs d’oeuvres originales graphiques et plastiques ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen, un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une oeuvre après la première cession opérée par l’auteur ou ses ayants droit, lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ; que par dérogation, ce droit ne s’applique pas lorsque le vendeur a acquis l’oeuvre directement de l’auteur, moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10.000 euros ; que selon l’alinéa 3, le droit de suite est à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur ; que par arrêt du 26 février 2015 (Christie’s France, C-41/14), la Cour de Justice de l’Union Européenne, en réponse à la question suivante : « la règle édictée par l’article 1er §4 de la directive 2001/84/CER du parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre originale, qui met à la charge du vendeur le paiement du droit de suite, doit-elle être interprétée en ce sens que celui-ci en supporte définitivement le coût sans dérogation possible ? », a dit pour droit que « l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001, relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la personne redevable du droit de suite, désignée comme telle par la législation nationale, que ce soit le vendeur ou un professionnel du marché de l’art intervenant dans la transaction, puisse conclure avec toute autre personne, y compris l’acheteur, que cette dernière supporte définitivement, en tout ou en partie, le coût du droit de suite, pour autant qu’un tel arrangement contractuel n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur » ; qu’une directive ne lie les Etats que quant aux objectifs à atteindre et leur laisse le choix quant aux moyens d’y parvenir ; qu’elle n’emporte donc aucun effet direct dès lors qu’elle a été dûment transposée en droit interne ; qu’ainsi dans sa décision, la CJUE précise que les Etats membres de l’Union européenne sont responsables de ce que la redevance au titre du droit de suite doit être perçue et que cette responsabilité implique que ces Etats sont « les seuls à pouvoir déterminer dans le cadre défini par la directive 2001/84, la personne redevable, chargée du paiement de ladite redevance à l’auteur » ; que la directive énonce que la personne redevable est en principe le vendeur, mais son article 1er §4 combiné avec l’article 25 n’exclut pas que les Etats membres peuvent prévoir des dérogations à ce principe, à condition de choisir la personne redevable parmi les professionnels visés à l’article 1er paragraphe 2 de cette directive, qui interviennent en tant que vendeurs, acheteurs ou intermédiaires dans les actes de revente relevant du champ d’application de la directive ; qu’en tout état de cause, elle ne se prononce pas sur l’identité de la personne qui doit supporter définitivement le coût du droit de suite, l’objectif poursuivi portant sur l’indication de la personne responsable du paiement de la redevance et sur les règles visant à établir le montant de cette dernière ; qu’il en résulte que les législations nationales sont souveraines pour déterminer à qui incombe la charge finale du coût de la redevance ; qu’en l’espèce, à l’occasion de la transposition de la directive de 2001 par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, le législateur français a choisi de faire de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle, un outil de régulation du marché français ; que si l’instauration d’un droit de suite existait en droit interne, depuis 1920, à la charge du vendeur, les galeries d’art en étaient exemptées jusqu’à la promulgation de la loi susvisée ; que le législateur a clairement mis le droit de suite à la charge du vendeur et la responsabilité de son paiement, au professionnel de la vente, alors qu’il n’y était nullement contraint par la directive ; qu’il a fait ce choix pour assainir les règles de la concurrence sur le marché national ; que ce choix délibéré résulte clairement de l’examen des travaux parlementaires ; que selon le rapport de M. Z…, au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, « seul le vendeur subira une restriction dans l’exercice de l’abusus de son droit de propriété », la personne responsable du paiement (le professionnel) « étant simplement chargée de prélever les fonds sur le prix de vente de l’oeuvre afin de les tenir à la disposition de l’auteur » ; que « le droit de suite est mis à la seule charge du vendeur » et que la simplicité de ce principe contribuera à établir des conditions de concurrence saine entre les principales places de marché au sein de l’Union ; que la faculté de prévoir des dérogations conventionnelles, bien qu’envisagée, a été écartée par le rejet, par la commission mixte paritaire, de l’amendement proposé par M. A…, visant à permettre des arrangements entre le vendeur et les professionnels participant à la vente, afin d’asseoir une meilleur position concurrentielle de la France, notamment à l’égard de Londres ; qu’enfin, une proposition de loi enregistrée à la Présidence du sénat le 13 octobre 2016, tendant à encourager l’activité culturelle et artistique et à renforcer l’attractivité du marché de l’art, vise en son article 11, à compléter le troisième alinéa de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle par la phrase suivante : « par convention, le paiement du droit de suite peut être mis à la charge de l’acheteur », ce dont il se déduit qu’en l’état actuel de la législation, cet aménagement conventionnel n’est pas autorisé, la loi adoptée le 1er août 2006 revêtant un caractère impératif fondé sur un ordre public économique de direction ; que par conséquent, la clause des conditions générales de la société Christie’s visant à imputer la charge définitive du droit de suite à l’acheteur, est contraire aux dispositions impératives de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle imposant que la charge en revienne exclusivement au vendeur et doit, comme telle, être déclarée nulle et de nul effet ; que la société Christie’s sera condamnée à payer un euro de dommages et intérêts au Comité professionnel des galeries d’art » ;

ALORS QU’aux termes de l’article L. 122-8 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 48 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 portant transposition de la directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une oeuvre d’art originale, le droit de suite est à la charge du vendeur ; que la responsabilité de son paiement incombe au professionnel intervenant dans la vente et, si la cession s’opère entre deux professionnels, au vendeur ; que l’existence d’une obligation légale au paiement du droit de suite à la charge du vendeur, telle qu’elle ressort de ce texte, comme des travaux et débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi française, n’exclut nullement la possibilité d’aménager de façon conventionnelle la charge du coût de ce droit, dès lors que cet aménagement, ne valant qu’entre les parties au contrat de vente et étant inopposable aux bénéficiaires du droit de suite, n’affecte nullement les obligations et la responsabilité qui incombent à la personne redevable envers l’auteur ; qu’en retenant cependant, pour annuler la clause litigieuse des conditions générales de vente de la société Christie’s France, que les dispositions de l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle revêtaient un caractère impératif fondé sur un ordre public économique de direction excluant tout aménagement conventionnel de la charge du coût du droit de suite, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

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