Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 20-10.552, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 22 sept. 2021, n° 20-10.552
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-10.552
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nancy, 3 décembre 2019, N° 19/01162
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044162451
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00641
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 641 F-D

Pourvoi n° G 20-10.552

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Sirac Dijon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-10.552 contre l’arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d’appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l’opposant au conseil régional de l’ordre des experts-comptables Bourgogne Franche-Comté, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Sirac Dijon, de la SARL Cabinet Briard, avocat du conseil régional de l’ordre des experts-comptables Bourgogne Franche-Comté, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 4 décembre 2019), rendu en référé sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 février 2019, pourvoi n° 17-22.047), la société Sirac Dijon, entreprise de travail à temps partagé, a mis un salarié comptable à la disposition de différentes entreprises utilisatrices. Estimant qu’elle exerçait illégalement la profession d’expert-comptable, le conseil régional de l’ordre des experts-comptables Bourgogne Franche-Comté (le conseil de l’ordre) l’a assignée en référé pour qu’il lui soit ordonné, sous astreinte, de mettre fin au trouble manifestement illicite causé par ces agissements.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche, ci-après annexé

2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société Sirac Dijon fait grief à l’arrêt de dire que l’exécution illégale, par elle, de travaux comptables constitue un trouble manifestement illicite et d’ordonner l’interdiction d’exercer toutes prestations, activités ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, alors :

« 1°/ que les entreprises de travail à temps partagé peuvent mettre à disposition d’entreprises utilisatrices des salariés accomplissant des travaux comptables sans pour autant exercer illégalement la profession d’expert-comptable ; qu’il faut et il suffit que le salarié de l’entreprise de travail à temps partagé mis à disposition accomplisse sa tâche sous la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice et non pour son compte ou pour celui de l’entreprise de travail à temps partagé ; qu’en affirmant qu’un salarié d’une entreprise de travail à temps partagé mis à disposition ne peut pas accomplir les mêmes tâches comptables qu’un expert-comptable s’il n’est pas salarié de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel a violé les articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et L 1252-1-2° et L 1252-7 du code du travail ;

2°/ que les entreprises de travail à temps partagé peuvent mettre à disposition d’entreprises utilisatrices des salariés accomplissant des travaux comptables, sans exercer illégalement la profession d’expert-comptable ; qu’il appartient au juge saisi d’apprécier de manière concrète les conditions dans lesquelles le travail à temps partagé est pratiqué en recherchant si le salarié accomplit bien ses tâches comptables sous la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice, l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable impliquant que le sujet de droit incriminé serve une prestation de services en son propre nom et sous sa seule et unique responsabilité ; qu’en l’espèce, la société Sirac Dijon offrait de prouver que le comptable mis à disposition se trouvait placé sous l’autorité fonctionnelle de l’entreprise utilisatrice et oeuvrait sous son entière responsabilité, dans une relation de préposé à commettant ; qu’elle exposait ainsi que chaque convention de mise à disposition ainsi que chaque avenant au contrat de travail prévoyaient que le salarié exercerait son travail sous le contrôle et l’encadrement du dirigeant de l’entreprise utilisatrice auquel il rendrait compte de son activité ; qu’elle produisait, outre ces conventions et ces avenants, deux attestations émanant de la société Zutique Productions et de l’association Soliha dans lesquelles celles-ci exposaient que la prestation était servie « selon nos indications, au sein même de l’entreprise, et en fonction de nos besoins », "lors de la mise à disposition, M. [H] est considéré au même titre que les membres de l’équipe, disposant d’un poste de travail dédié (…) et se conforme à la réglementation de notre structure« , »cette mise à disposition facilite en outre les échanges avec notre cabinet d’expertise comptable de notre commissaire aux comptes« , »les relations que nous entretenons avec M. [H] [I], salarié mis à disposition à ce jour, sont identiques à celles de l’ensemble de notre personnel« , »nous avons défini à son arrivée les tâches qui lui incombaient auprès de notre structure" ; qu’en se bornant à constater que la société Sirac Dijon procurait à ses clients un service portant sur la comptabilité ainsi que sur la paye des salariés desdits clients, sans analyser les conditions dans lesquelles le comptable mis à disposition intervenait au sein de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 régissant le titre et la profession d’expert-comptable et L 1252-1-2° et L 1252-7 du code du travail ;

3°/ que la notion de trouble manifestement illicite né de l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable doit s’apprécier au regard des prestations exécutées, susceptibles de méconnaître les dispositions régissant le titre et la profession d’expert-comptable ; qu’en l’espèce, la société Sirac Dijon exposait que les travaux réservés aux experts comptables consistent en la tenue, la vérification, l’appréciation ou le redressement des comptes, la révision et l’appréciation des comptabilités, la tenue, la centralisation, l’ouverture, l’arrêt, la surveillance, le redressement et la consolidation des comptabilités ; qu’elle faisait valoir que ses salariés effectuaient des travaux comptables seulement en ce qu’ils procédaient à la saisie des informations comptables et à des rapprochements bancaires, autant de travaux préparatoires à l’établissement et l’arrêt des comptes, lequel était externalisé par la société utilisatrice auprès de son propre expert-comptable, de sorte qu’il n’était pas établi, faute pour l’ordre des experts comptables de le prouver et faute pour le juge des référés d’analyser la nature des travaux effectués, que lesdits salariés procédaient aux opérations réservées aux experts-comptables ; qu’en se bornant à constater que la société Sirac Dijon procurait à ses clients un service portant sur la comptabilité (saisie et tenue sur place de la comptabilité, déclarations de TVA, déclarations fiscales, élaboration du bilan, du compte de résultat et de la « liasse fiscale ») ainsi que sur la paye des salariés desdits clients (régularisation d’une paye mensuelle, déclarations trimestrielles de charges, dads annuelles), et à affirmer que les prestations ainsi proposées relevaient « incontestablement » des travaux réservés aux experts comptables, sans déterminer au préalable les prestations effectivement servies, la cour d’appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 809 du code de procédure civile, 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 régissant le titre et la profession d’expert-comptable ;

4°/ que le pouvoir du juge du fond de mettre un terme à un trouble manifestement illicite, même en cas de contestation sérieuse, suppose que l’illégalité manifeste à laquelle il doit être mis fin ait un objet distinct de l’objet du litige qui sera porté devant le juge du fond ; que si le trouble manifestement illicite ne peut être établi qu’une fois tranchée la question de fond, l’existence d’une contestation sérieuse sur la question de fond interdit au juge d’ordonner la cessation du trouble constaté ; qu’en l’espèce, le trouble qu’il était demandé au juge de référé de faire cesser supposait pour qu’il puisse être qualifié de manifestement illicite que soit tranchée la question de fond relative au droit d’une entreprise de travail à temps partagé de mettre à disposition d’une entreprise utilisatrice des salariés chargés de travaux comptables ; que le juge de référé ne pouvait ordonner la cessation du trouble lié à l’exercice de cette activité que si il n’y avait pas de contestation sérieuse à son sujet ; qu’en prétendant faire cesser ce trouble « manifestement » illicite sans rechercher si la licéité de l’activité de l’entreprise de travail à temps partagé ne faisait pas l’objet d’une contestation sérieuse, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, les pouvoirs que le président du tribunal tient de l’article 809 du code de procédure civile s’exercent même en présence d’une contestation sérieuse. Le grief de la quatrième branche, qui soutient le contraire, n’est donc pas fondé.

5. En deuxième lieu, la cour d’appel n’a pu adopter les motifs du premier juge critiqués par la première branche, qui sont incompatibles avec ses propres motifs.

6. En troisième lieu, il résulte de l’article 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession, qu’exerce illégalement la profession d’expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l’ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l’article 2 de cette ordonnance ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l’appréciation ou le redressement des comptes.

7. Si les dispositions applicables aux entreprises de travail à temps partagé n’excluent pas, par elles-mêmes, le recours à des salariés comptables, il appartient au juge invité à se prononcer sur l’exercice illégal, par une telle entreprise, de la profession d’expert-comptable, de vérifier les conditions concrètes d’accomplissement des missions par le salarié mis à disposition, afin de vérifier si, par leur nature, elles n’entrent pas dans les prévisions du texte précité.

8. Après avoir constaté que la société Sirac Dijon n’a qu’un salarié, en la personne de son gérant, l’arrêt relève qu’il résulte tant des déclarations de ce dernier que des propositions de mise à disposition acceptées par les clients qu’elle leur procurait un service portant sur la comptabilité (saisie et tenue sur place de la comptabilité, déclarations de TVA, déclarations fiscales, élaboration du bilan, du compte de résultat et de la « liasse fiscale ») ainsi que sur la paye des salariés desdits clients (régularisation d’une paye mensuelle, déclarations trimestrielles de charges, DADS annuelles), toutes prestations qui relèvent des travaux prévus par l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession, cependant qu’il était stipulé que ces prestations étaient exécutées sous la responsabilité administrative et juridique de cette société. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a vérifié les conditions concrètes d’accomplissement des missions par l’unique salarié mis à disposition, a pu retenir que, sous le couvert d’une entreprise de travail à temps partagé, la société Sirac Dijon effectuait habituellement des travaux de comptabilité sans être inscrite au tableau de l’Ordre des experts-comptables, ce qui caractérisait un trouble manifestement illicite.

9. Le moyen n’est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sirac Dijon aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sirac Dijon et la condamne à payer au conseil régional de l’ordre des experts-comptables Bourgogne Franche-Comté la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Sirac Dijon.

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir dit que l’exécution illégale par la société Sirac Dijon de travaux comptable constitue un trouble manifestement illicite, d’avoir ordonné à la société Sirac Dijon de cesser immédiatement, et sous astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter de l’expiration d’un délai de huit jours suivant la signification de la présente décision, toutes prestations, activités ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, de l’avoir condamnée à payer au conseil régional de l’ordre des experts-comptables Bourgogne-Franche Comte la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’avoir condamnée aux dépens d’appel comprenant ceux afférents à l’arrêt rendu le 21 février 2017 par la cour d’appel de Dijon ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l’espèce, après avoir rappelé la teneur des articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts comptables et des comptables agréés et réglementant les titres et professions d’expert comptable et comptable agréé, dans sa rédaction en vigueur à la date du litige, ces articles définissant ainsi respectivement la profession d’expert-comptable ou réviseur comptable, ainsi que le délit d’exercice illégal de ces professions, le juge des référés a constaté qu’il ressort tant des déclarations de M. [I] [H], gérant et unique salarié de la société Serac Dijon, recueillies le 4 décembre 2015 par Me [T] [F], huissier de justice, et de la teneur des propositions de mise à disposition de salarié jointes en annexe du constat établi par cet auxiliaire de justice, que, par le biais de son entreprise de travail à temps partagé, régie par les dispositions de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, codifiée sous les articles L. 1252-1 et suivants du code du travail, la société Sirac Dijon procure à ses clients un service portant sur la comptabilité (saisie et tenue sur place de la comptabilité, déclarations de TVA, déclarations fiscales, élaboration du bilan, du compte de résultat et de la « liasse fiscale ») ainsi que sur la paye des salariés desdits clients (régularisation d’une paye mensuelle, déclarations trimestrielles de charges, DADS annuelles). Les prestations ainsi proposées relevant incontestablement des travaux prévus par l’article 2 de l‘ordonnance précitée et l’appelante ne rapportant pas la preuve ni même n’alléguant qu’elle est inscrite au tableau de l’ordre des experts-comptables, il convient en conséquence d’approuver le premier juge en ce qu’il a estimé que la réalisation par la société Sirac Dijon de telles prestations est constitutive de l’exercice irrégulier de la profession d’expert-comptable et, partant, constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, étant précisé sur ce point d’une part que la seule dérogation prévue par l’article 2 alinéa 1 de l’ordonnance de 1945 concerne les seuls salariés de l’entreprise bénéficiaire des travaux de comptabilité, d’autre part que, dans l’hypothèse d’un travail à temps partagé, l’article L. 1252-1 2° du code du travail prévoit expressément que le contrat de travail du salarié mis à disposition de l’entreprise utilisatrice est alors établi entre ce salarié et l’entreprise de travail à temps partagé. L’ordonnance doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a ordonné à la société Sirac Dijon, sous astreinte, avec une mesure de publicité et en se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte, de cesser immédiatement toutes prestations, activités ou missions de comptabilité relevant des activités visées par l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945.»

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Aux termes de l’article 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, modifiée en dernier lieu par l’ordonnance n° 2014-443 du 30 avril 2014 : « L’exercice illégal de la profession d’expert-comptable ou d’une partie des activités d’expertise comptable ainsi que l’usage abusif de ce titre ou de l’appellation de société d’expertise comptable, de succursale d’expertise comptable ou d’association de gestion et de comptabilité ou de titres quelconques tendant à créer une similitude ou une confusion avec ceux-ci constituent un délit puni des peines prévues à l’article 433-17 et à l’article 433-25 du code pénal, sans préjudice des sanctions qui peuvent être éventuellement prononcées par les juridictions disciplinaires de l’ordre. Exerce illégalement la profession d’expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l’ordre en son propre nom et sous sa responsabilité, exécute habituellement des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l’article 2 ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l’appréciation ou le redressement des comptes. » Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, également modifié par l’ordonnance du 30 avril 2014 : « Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d’apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultat. L’expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. ». Contrairement à ce que prétend la société Sirac Dijon, la loi du 2 août 2005 qui est postérieure à l’ordonnance du 9 septembre 1945, mais antérieure à la modification apportée par l’ordonnance du 30 avril 2014, n’a pas pour effet d’autoriser les entreprises de travail à temps partagé à mettre à la disposition d’une entreprise utilisatrice un salarié chargé d’exercer les travaux visés à l’alinéa 2 de l’article 2 précité. Le salarié mis à disposition dans le cadre de la loi du 2 août 2005 reste salarié de l’entreprise de travail à temps partagé, conformément aux dispositions de cette loi reprises par les articles L. 1252-1 et suivants du code du travail. Selon le constat d’huissier de justice, établi le 14 décembre 2015, en exécution de l’ordonnance sur requête du 30 octobre 2015, la société Sirac Dijon a signé 4 conventions de mise à disposition depuis le début de son activité. M. [I] [H], gérant et seul salarié de la société Sirac Dijon, a déclaré à l’huissier de justice qu’il proposait à ses clients « de procéder à la saisie des opérations comptables et également de préparer et procéder aux déclarations de TVA, d’établir les bilans, comptes de résultat et de façon générale, de toutes les déclarations fiscales, d’établir les bulletins de paye et d’effectuer toutes les opérations liées à la gestion de la paye. » ; le détail des acticités confiées au salarié mis à disposition par la société Sirac Dijon apparaît notamment dans une proposition de mise à disposition d’un comptable qualifié, signée le 27 août 2015 entre la société Sirac Dijon, représentée par M. [I] [H], et la Sasu Bois & Co qui porte sur : – la comptabilité : « saisie et tenue de la comptabilité de votre société sur place, déclarations de TVA, déclarations fiscales, élaboration du bilan, du compte de résultat et de la liasse fiscale » – la paye : « réalisation d’une paye mensuelle : bulletins mensuels, déclarations trimestrielles de charges, dads annuelles ». Aux termes de conventions de mise à disposition signées par la société Sirac Dijon et les entreprises utilisatrices, « pendant sa mise à disposition, en tant que salarié de l’ETTP (entreprise de travail à temps partagé), [I] [H] restera sous l’autorité administrative et juridique de son employeur, la société Sirac Dijon »… « [I] [H] est exclusivement rémunéré par l’entreprise de travail à temps partagé pour l’ensemble de son activité. » L’ensemble de ces constatations suffisent à établir l’exercice irrégulier de la profession d’expert comptable par la société Sirac Dijon et, par suite, d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. »

1°) ALORS QUE les entreprises de travail à temps partagé peuvent mettre à disposition d’entreprises utilisatrices des salariés accomplissant des travaux comptables sans pour autant exercer illégalement la profession d’expert-comptable ; qu’il faut et il suffit que le salarié de l’entreprise de travail à temps partagé mis à disposition accomplisse sa tâche sous la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice et non pour son compte ou pour celui de l’entreprise de travail à temps partagé ; qu’en affirmant qu’un salarié d’une entreprise de travail à temps partagé mis à disposition ne peut pas accomplir les mêmes tâches comptables qu’un expert-comptable s’il n’est pas salarié de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel a violé les articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et L 1252-1-2° et L 1252-7 du code du travail ;

2°) ALORS QUE les entreprises de travail à temps partagé peuvent mettre à disposition d’entreprises utilisatrices des salariés accomplissant des travaux comptables, sans exercer illégalement la profession d’expert-comptable ; qu’il appartient au juge saisi d’apprécier de manière concrète les conditions dans lesquelles le travail à temps partagé est pratiqué en recherchant si le salarié accomplit bien ses tâches comptables sous la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice, l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable impliquant que le sujet de droit incriminé serve une prestation de services en son propre nom et sous sa seule et unique responsabilité ; qu’en l’espèce, la société Sirac Dijon offrait de prouver que le comptable mis à disposition se trouvait placé sous l’autorité fonctionnelle de l’entreprise utilisatrice et oeuvrait sous son entière responsabilité, dans une relation de préposé à commettant ; qu’elle exposait ainsi que chaque convention de mise à disposition ainsi que chaque avenant au contrat de travail prévoyaient que le salarié exercerait son travail sous le contrôle et l’encadrement du dirigeant de l’entreprise utilisatrice auquel il rendrait compte de son activité ; qu’elle produisait, outre ces conventions et ces avenants, deux attestations émanant de la société Zutique Productions et de l’association Soliha dans lesquelles celles-ci exposaient que la prestation était servie « selon nos indications, au sein même de l’entreprise, et en fonction de nos besoins », « lors de la mise à disposition, M. [H] est considéré au même titre que les membres de l’équipe, disposant d’un poste de travail dédié (…) et se conforme à la réglementation de notre structure », « cette mise à disposition facilite en outre les échanges avec notre cabinet d’expertise comptable de notre commissaire aux comptes », « les relations que nous entretenons avec M. [H] [I], salarié mis à disposition à ce jour, sont identiques à celles de l’ensemble de notre personnel », « nous avons défini à son arrivée les tâches qui lui incombaient auprès de notre structure » ; qu’en se bornant à constater que la société Sirac Dijon procurait à ses clients un service portant sur la comptabilité ainsi que sur la paye des salariés desdits clients, sans analyser les conditions dans lesquelles le comptable mis à disposition intervenait au sein de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 régissant le titre et la profession d’expert-comptable et L 1252-1-2° et L 1252-7 du code du travail ;

3°) ALORS QUE la notion de trouble manifestement illicite né de l’exercice illégal de la profession d’expert-comptable doit s’apprécier au regard des prestations exécutées, susceptibles de méconnaître les dispositions régissant le titre et la profession d’expert-comptable ; qu’en l’espèce, la société Sirac Dijon exposait que les travaux réservés aux experts comptables consistent en la tenue, la vérification, l’appréciation ou le redressement des comptes, la révision et l’appréciation des comptabilités, la tenue, la centralisation, l’ouverture, l’arrêt, la surveillance, le redressement et la consolidation des comptabilités ; qu’elle faisait valoir que ses salariés effectuaient des travaux comptables seulement en ce qu’ils procédaient à la saisie des informations comptables et à des rapprochements bancaires, autant de travaux préparatoires à l’établissement et l’arrêt des comptes, lequel était externalisé par la société utilisatrice auprès de son propre expert-comptable, de sorte qu’il n’était pas établi, faute pour l’ordre des experts comptables de le prouver et faute pour le juge des référés d’analyser la nature des travaux effectués, que lesdits salariés procédaient aux opérations réservées aux experts-comptables ; qu’en se bornant à constater que la société Sirac Dijon procurait à ses clients un service portant sur la comptabilité (saisie et tenue sur place de la comptabilité, déclarations de TVA, déclarations fiscales, élaboration du bilan, du compte de résultat et de la « liasse fiscale ») ainsi que sur la paye des salariés desdits clients (régularisation d’une paye mensuelle, déclarations trimestrielles de charges, dads annuelles), et à affirmer que les prestations ainsi proposées relevaient « incontestablement » des travaux réservés aux experts comptables, sans déterminer au préalable les prestations effectivement servies, la cour d’appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 809 du code de procédure civile, 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 régissant le titre et la profession d’expert-comptable.

4°) ALORS QUE le pouvoir du juge du fond de mettre un terme à un trouble manifestement illicite, même en cas de contestation sérieuse, suppose que l’illégalité manifeste à laquelle il doit être mis fin ait un objet distinct de l’objet du litige qui sera porté devant le juge du fond ; que si le trouble manifestement illicite ne peut être établi qu’une fois tranchée la question de fond, l’existence d’une contestation sérieuse sur la question de fond interdit au juge d’ordonner la cessation du trouble constaté ; qu’en l’espèce, le trouble qu’il était demandé au juge de référé de faire cesser supposait pour qu’il puisse être qualifié de manifestement illicite que soit tranchée la question de fond relative au droit d’une entreprise de travail à temps partagé de mettre à disposition d’une entreprise utilisatrice des salariés chargés de travaux comptables ; que le juge de référé ne pouvait ordonner la cessation du trouble lié à l’exercice de cette activité que si il n’y avait pas de contestation sérieuse à son sujet ; qu’en prétendant faire cesser ce trouble « manifestement » illicite sans rechercher si la licéité de l’activité de l’entreprise de travail à temps partagé ne faisait pas l’objet d’une contestation sérieuse, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile.

5°) ALORS QUE l’interdiction d’exercer une profession ordonnée en référé pour faire cesser un trouble prétendument « manifestement » illicite suppose, pour ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, qu’il ne puisse y avoir aucune contestation sérieuse sur le caractère illégal de l’activité interdite ; qu’en interdisant en référé avec une mesure de publicité à la société SIRAC d’exercer son activité d’entreprise de travail à temps partagé pour faire cesser un trouble manifestement illicite sans rechercher s’il n’existait pas une contestation sérieuse sur les droits de la société SIRAC d’exercer son activité d’entreprise de travail à temps partagé de sorte que la sanction fulminée serait manifestement disproportionnée, la cour d’appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, les articles 2 et 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, les articles L 1252-1 et L 1252-7 du code du travail et le principe constitutionnellement garanti de la liberté d’entreprendre.

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