Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 19-22.063, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 19-22.063
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-22.063
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 17 juin 2019
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044384750
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:SO01339
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 1339 F-D

Pourvoi n° Z 19-22.063

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 NOVEMBRE 2021

La société Papeteries du Leman (PDL), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-22.063 contre l’arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant :

1°/ au comité social et économique de la société Papeteries du Léman, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Cabinet Francis Donnarumma, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société MJ Alpes, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [G] [S] et en la personne de Mme [L] [D], en qualités de liquidateurs judiciaires de la société Cabinet Francis Donnarumma, et ayant un établissement secondaire, [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le comité social et économique de la société Papeteries du Léman a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Papeteries du Leman, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la société Papeteries du Léman, après débats en l’audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 18 juin 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 25 octobre 2017, pourvoi n° 16-10.278), le comité d’entreprise de la société papeteries du Léman (PDL) a exercé son droit d’alerte économique, et décidé de recourir à l’assistance du cabinet Francis Donnamura, expert-comptable, le 21 janvier 2014. La société PDL a saisi le juge des référés puis le tribunal de grande instance de contestations relatives au périmètre de la mission.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident du comité social et économique de la société PDL, venant aux droits du comité d’entreprise de cette société, ci-après annexé

2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de la société PDL, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La société PDL fait grief à l’arrêt de dire que le périmètre de la mission de l’expert-comptable dans le cadre du point n° 1 de sa mission sera limité à la société Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC, de lui ordonner de communiquer à l’expert-comptable, sous astreinte, un certain nombre de pièces, alors « que le juge est tenu d’examiner, même sommairement, l’ensemble des éléments de preuve produits par les parties ; qu’en l’espèce, elle démontrait qu’à la date de la décision du comité d’entreprise d’exercer son droit d’alerte, en novembre 2013, la société Republic Technologies NA LLC ne détenait pas le capital de la société PVL Holdings et produisait, pour le justifier, l’acte de cession par lequel la société Republic Technologies NA LLC avait cédé, le 17 juillet 2009, les parts qu’elle détenait dans le capital de la société PVL Holdings à la société PVL Enterprises LLC ; qu’en affirmant cependant que la société Republic Technologies NA LLC est propriétaire de 98 % du capital de la société PVL Holdings, pour en déduire que la société Republic Technologies NA LLC doit faire partie du périmètre d’intervention de l’expert-comptable dans le cadre de la procédure d’alerte économique initiée par le comité d’entreprise, sans analyser même sommairement, ni s’expliquer sur cet acte de cession de parts sociales produits aux débats, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

4. Pour étendre les investigations de l’expert-comptable à la société de droit américain Republic Technologies NA LLC, l’arrêt retient que cette société est propriétaire du capital social de la société de droit français PVL Holdings à hauteur de 98 %, cette société étant elle-même propriétaire de 100 % du capital social de la société PDL et qu’il en résulte que cette société détient directement ou indirectement une fraction du capital de la société PDL lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société.

5. En se déterminant ainsi, sans examiner, même sommairement, ni s’expliquer sur le document intitulé ‘'justificatif de la cession des droits sociaux de la société PVL Holdings en juillet 2009'' sur lequel s’appuyait la société PDL pour soutenir que si la société PVL Holdings a été une filiale de la société Republic Technologies NA LLC, ceci n’a duré que huit jours puisque, dès le 17 juillet 2009, cette dernière a cédé ses parts dans la société PVL Holdings à la société PVL Enterprises LLC, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que le périmètre de la mission de l’expert-comptable dans le cadre du point n° 1 de sa mission sera limité à la société Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC, ordonne à la société Papeteries du Léman de communiquer à l’expert-comptable,dans un délai de 4 mois à compter de la signification de l’arrêt, sous peine d’une astreinte de 200 € par jour de retard à l’expiration de ce délai, les pièces suivantes : – organigramme du groupe (c’est-à-dire la SAS Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), activités (commerciales, production et financières), localisation, effectifs, résultats financiers sur les trois dernières années, – situation comptable du groupe (c’est-à-dire la SAS Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), évolution sur les trois dernières années et sur les trois années à venir (prévisionnel), – comptes annuels de la SAS Papeteries du Léman sur les trois dernières années, l’arrêt rendu le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne le comité social et économique de la société Papeteries du Léman aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Papeteries du Leman, demanderesse au pourvoi principal.

— Il est fait grief à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le périmètre de la mission de l’expert-comptable dans le cadre du point n° 1 de sa mission sera limité à la société Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC, d’AVOIR ordonné à la société Papeteries du Léman de communiquer à l’expert-comptable, dans un délai de 4 mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 200 € par jour de retard à l’expiration de ce délai, les pièces suivantes : – organigramme du groupe (c’est-à-dire la SAS Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), activités (commerciales, production et financières), localisation, effectifs, résultats financiers sur les trois dernières années, – situation comptable du groupe (c’est-à-dire la SAS Papeteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), évolution sur les trois dernières années et sur les trois années à venir (prévisionnel), – comptes annuels de la SAS Papeteries du Léman sur les trois dernières années et d’AVOIR condamné la société Papeteries du Léman à payer au comité d’entreprise et à la SARL Francis Donnaruma la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « La lettre de mission établie par l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise prévoit en son point n°1 une mission d’investigation portant sur la stratégie du groupe de [J], ce groupe étant défini comme de toutes les entités économiques faisant partie du même secteur d’activité et pouvant être rattachées (en aval ou en amont) à l’activité « Tabac » et à l’activité « impressions minces » au niveau national, européen ou international et indique que la fabrication de papier à cigarette ou de papier mince réalisée par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis D. et la SELARL MJ Alpes ès qualités ne constitue qu’une spécialisation partielle de l’activité du secteur d’activité « tabac » ou « impressions minces ». Il ressort des dispositions des articles L. 823-14 et L. 233-3 du code de commerce que : – la mission d’investigation du commissaire aux comptes, et par voie de conséquence celle de l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise, s’exerce tant auprès de la personne ou de l’entité qu’il est chargé de certifier que des personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle dans les conditions de détention du capital, exercice du droit de vote, détermination en fait des décisions des assemblées générales, pouvoir de nomination ou de révocation des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société ou encore de contrôle conjoint avec une ou plusieurs personnes agissant de concert prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce, que l’article L. 823-14 ne se limite pas à la seule hypothèse où le contrôle est exercé par une personne morale mais, qu’au contraire, par la généralité de ses termes, il englobe également la situation dans laquelle le contrôle est exercé par une personne physique, – la notion de groupe prévue par l’article L. 233-3 du code de commerce, caractérisée par l’exercice par une société, dans le cadre de sa version antérieure à l’ordonnance du 3 décembre 2015, puis de toute personne, physique ou morale, dans le cadre de sa version postérieure, des prérogatives et agissements constitutifs précités n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre de la mise en oeuvre des sections 2 et 4 du chapitre III, titre III, livre II du même code, à savoir les dispositions relatives aux notifications et informations ainsi qu’aux participations réciproques dans le cadre des filiales, participations et des sociétés contrôlées des sociétés commerciales. La SAS Papèteries du Léman ne peut en conséquence valablement prétendre que la mission de l’expert-comptable ne peut être étendue aux personnes physiques qui exercent un contrôle à son égard dans les conditions précitées. Par ailleurs, le groupe d’investigation prévu par l’article L. 823-14 du code de commerce, en ce qu’il est constitué uniquement par l’exercice d’un contrôle sur/par la personne ou de l’entité contrôlée par/sur une autre personne ou entité dans les conditions prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce est distincte de celle de groupe en matière de licenciement économique qui est fondée, pour apprécier l’existence d’un motif économique, sur l’appartenance de plusieurs sociétés à un même secteur d’activité et, pour vérifier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement par l’employeur, par la possibilité de permutation entre les salariés de diverses sociétés. Il ressort de l’organigramme produit aux débats par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis D. et la SELARL MJ Alpes ès qualités que M. [J] détiendrait : – 100 % du capital social de la société de droit américain DRL Enterprises Inc, – 100 % du capital social de la société de droit américain Republic Technologies NA LLC, – 100 % du capital social de la société de droit américain Republic Group, exerçant un contrôle sur la société Altesse (Autriche), PCT (Espagne), OCB (Allemagne), RTUK (Royaume Uni), Top Tobacco (Etats-Uni) et Top Tube (Canada). Par ailleurs, les sociétés de droit américain Republic Technologies NA LLC et DRL Enterprises Inc sont respectivement propriétaires du capital social de la société de droit français PVL Holdings à hauteur de 98 % pour la première et de 2 % pour la seconde. Cette société PVL Holdings étant elle-même propriétaire de 100 % du capital social de la SAS Papèteries du Léman et de la société Papèteries des Vosges. Enfin, la société de droit américain Republic Technologies NA LLC est propriétaire de 100 % du capital social de la société Republic Technologies International, elle-même propriétaire de 100 % de la société Republic Technologies France. Il en résulte clairement que seules les sociétés PVL Holdings et Republic Technologies NA LLC détiennent directement ou indirectement une fraction du capital de la SAS Papèteries du Léman lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société. En revanche, concernant les sociétés DRL Enterprises Inc, Papèteries des Vosges, Republic Technologies International, Republic Technologies France et Republic Group ainsi que les filiales de cette dernière, il n’est pas démontré par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis D. et la SELARL MJ Alpes ès qualités que ces sociétés contrôlent la SAS Papèteries du Léman ou sont contrôlées par celle-ci dans les conditions prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce. Par ailleurs, il n’est pas justifié de la part du capital social des sociétés de droit américain DRL Enterprises Inc, Republic Technologies NA LLC et Republic Group détenue par M. [J]. Enfin, le seul courriel de l’expert-comptable du 13 novembre 2014, selon lequel M. [J] aurait licencié le dirigeant de la SAS Papèteries du Léman, qui n’est étayé par aucun élément extrinsèque, ne suffit pas à démontrer que M. [J] disposait du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société. Il n’est donc pas démontré que ce dernier exerçait, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce un pouvoir de contrôle sur la SAS Papèteries du Léman. Dès lors, le périmètre de la mission de l’expert-comptable dans le cadre du point n°1 de sa mission ne pouvait être limité qu’à la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC » ;

1. ALORS QUE les juges ne peuvent pas statuer par voie d’affirmation ; qu’ils doivent viser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leurs affirmations ; qu’au cas présent, au soutien de leurs prétentions tendant à étendre le périmètre de l’expertise à un prétendu « groupe [J] », le comité d’entreprise et le cabinet Francis Donnarumma se contentaient d’affirmer dans leurs conclusions, sous la forme d’un organigramme établi par leurs soins, que la société Republic Technologies NA LLC détient 98% du capital social de la société PVL Holdings, sans fournir aucun élément de preuve au soutien de cette allégation ; que, de son côté, la société Papeteries du Léman contestait cette allégation, en produisant l’acte de cession des parts sociales de la société PVL Holdings par la société Republic Technologies NA LLC en date du 17 avril 2009 ; qu’en affirmant que la société Republic Technologies NA LLC est propriétaire de 98 % du capital de la société PVL Holdings, pour en déduire que la société Republic Technologies NA LLC doit faire partie du périmètre d’intervention de l’expert-comptable désigné dans le cadre de la procédure d’alerte économique initiée par le comité d’entreprise en novembre 2013, sans préciser de quel élément de preuve elle tirait une telle affirmation, la cour d’appel a statué par voie d’affirmation péremptoire et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le juge est tenu d’examiner, même sommairement, l’ensemble des éléments de preuve produits par les parties ; qu’en l’espèce, la société Papeteries du Léman démontrait qu’à la date de la décision du comité d’entreprise d’exercer son droit d’alerte, en novembre 2013, la société Republic Technologies NA LLC ne détenait pas le capital de la société PVL Holdings et produisait, pour le justifier, l’acte de cession par lequel la société Republic Technologies NA LLC avait cédé, le 17 juillet 2009, les parts qu’elle détenait dans le capital de la société PVL Holdings à la société PVL Enterprises LLC ; qu’en affirmant cependant que la société Republic Technologies NA LLC est propriétaire de 98 % du capital de la société PVL Holdings, pour en déduire que la société Republic Technologies NA LLC doit faire partie du périmètre d’intervention de l’expert-comptable dans le cadre de la procédure d’alerte économique initiée par le comité d’entreprise, sans analyser même sommairement, ni s’expliquer sur cet acte de cession de parts sociales produits aux débats, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité social et économique de la société Papeteries du Leman, pour la demanderesse au pourvoi incident.

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le périmètre de la mission de l’expert-comptable dans le cadre du point n° 1 de sa mission sera limité à la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC, et de n’AVOIR ordonné à la SAS Papèteries du Léman de communiquer à l’expert-comptable, dans un délai de 4 mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 200 € par jour de retard à l’expiration de de ce délai, que les seules pièces suivantes : – organigramme du groupe (c’est à dire la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), activités (commerciales, production et financières), localisation, effectifs, résultats financiers sur les trois dernières années, -situation comptable du groupe (c’est à dire la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), évolution sur les trois dernières années et sur les trois années à venir (prévisionnel), – comptes annuels de la SAS Papèteries du Léman sur les trois dernières années.

AUX MOTIFS QUE la lettre de mission établie par l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise prévoit en son point n° l une mission d’investigation portant sur la stratégie du groupe de [J], ce groupe étant défini comme de toutes les entités économiques faisant partie du même secteur d’activité et pouvant être rattachées (en aval ou en amont) à l’activité « Tabac » et à l’activité « impressions minces » au niveau national, européen ou international et indique que la fabrication de papier à cigarette ou de papier mince réalisée par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis Donnarunma et la SELARL MJ Alpes ès qualités ne constitue qu’une spécialisation partielle de l’activité du secteur d’activité « tabac » ou « impressions minces » ; qu’il ressort des dispositions des articles L. 823-14 et L. 233-3 du code de commerce que : – la mission d’investigation du commissaire aux comptes, et par voie de conséquence celle de l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise, s’exerce tant auprès de la personne ou de l’entité qu’il est chargé de certifier que des personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par elle dans les conditions de détention du capital, exercice du droit de vote, détermination en fait des décisions des assemblées générales, pouvoir de nomination ou de révocation des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société ou encore de contrôle conjoint avec une ou plusieurs personnes agissant de concert prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce, que l’article L. 823-14 ne se limite pas à la seule hypothèse où le contrôle est exercé par une personne morale mais, qu’au contraire, par la généralité de ses termes, il englobe également la situation dans laquelle le contrôle est exercé par une personne physique, – la notion de groupe prévue par l’article L. 233-3 du code de commerce, caractérisée par l’exercice par une société, dans le cadre de sa version antérieure à l’ordonnance du 3 décembre 2015, puis de toute personne, physique ou morale, dans le cadre de sa version postérieure, des prérogatives et agissements constitutifs précités n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre de la mise en oeuvre des sections 2 et 4 du chapitre III, titre III, livre II du même code, à savoir les dispositions relatives aux notifications et informations ainsi qu’aux participations réciproques dans le cadre des filiales, participations et des sociétés contrôlées des sociétés commerciales ; que la SAS Papèteries du Léman ne peut en conséquence valablement prétendre que la mission de l’expert- comptable ne peut être étendue aux personnes physiques qui exercent un contrôle à son égard dans les conditions précitées ; que par ailleurs, le groupe d’investigation prévu par l’article L. 823-14 du code de commerce, en ce qu’il est constitué uniquement par l’exercice d’un contrôle sur/par la personne ou de l’entité contrôlée par/sur une autre personne ou entité dans les conditions prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce est distincte de celle de groupe en matière de licenciement économique qui est fondée, pour apprécier l’existence d’un motif économique, sur l’appartenance de plusieurs sociétés à un même secteur d’activité et, pour vérifier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement par l’employeur, par la possibilité de permutation entre les salariés de diverses sociétés ; qu’il ressort de l’organigramme produit aux débats par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis Donnaramma et la SELARL MJ Alpes ès qualités que M. [J] détiendrait : – 100 % du capital social de la société de droit américain DRL Enterprises Inc, – 100 % du capital social de la société de droit américain Republic Technologies NA LLC, – 100 % du capital social de la société de droit américain Republic Group, exerçant un contrôle sur la société Altesse (Autriche), PCT (Espagne), O CB (Allemagne), RTUK (Royaume Uni), Top Tobacco (Etats-Unis) et Top Tube (Canada) ; que par ailleurs, les sociétés de droit américain Republic Technologies NA LLC et DRL Enterprises Inc sont respectivement propriétaires du capital social de la société de droit français PVL Holdings à hauteur de 98 % pour la première et de 2 % pour la seconde ; que cette société PVL Holdings étant elle-même propriétaire de 100 % du capital social de la SAS Papèteries du Léman et de la société Papèteries des Vosges ; qu’enfin, la société de droit américain Republic Technologies NA LLC est propriétaire de 100 % du capital social de la société Republic Technologies International, ellemême propriétaire de 100 % de la société Republic Technologies France ; qu’il en résulte clairement que seules les sociétés PVL Holdings et Republic Technologies NA LLC détiennent directement ou indirectement une fraction du capital de la SAS Papèteries du Léman lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; qu’en revanche, concernant les société DRL Enterprises Inc, Papèteries des Vosges, Republic Technologies International, Republic Technologies France et Republic Group ainsi que les filiales de cette dernière, il n’est pas démontré par le comité d’entreprise, la SARL Cabinet Francis Donnarumma et la SELARL MJ Alpes ès qualités que ces sociétés contrôlent la SAS Papèteries du Léman ou sont contrôlées par celle-ci dans les conditions prévues par l’article L. 233-3 du code de commerce ; que par ailleurs, il n’est pas justifié de la part du capital social des sociétés de droit américain DRL Enterprises Inc, Republic Technologies NA LLC et Republic Group détenue par M. [J] ; qu’enfin, le seul courriel de l’expert-comptable du 13 novembre 2014, selon lequel M. [J] aurait licencié le dirigeant de la SAS Papèteries du Léman, qui n’est étayé par aucun, élément extrinsèque, ne suffit pas à démontrer que M. [J] disposait du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société ; qu’il n’est donc pas démontré que ce dernier exerçait, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce un pouvoir de contrôle sur la SAS Papèteries du Léman ; que dès lors, le périmètre de la mission de l’expertcomptable dans le cadre du point n° l de sa mission ne pouvait être limité qu’à la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC ; que, sur l’étendue de la mission de l’expert-comptable, il ressort des articles L. 823-13 et L. 823-14 du code de commerce que l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise peut consulter toutes les pièces qu’ils estiment utiles à l’exercice de sa mission et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux, qu’il peut également recueillir toutes informations utiles à l’exercice de leur mission auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la personne ou de l’entité et se faire communiquer, après y avoir été autorisé par une décision de justice, les pièces, contrats et documents quelconques détenus par des tiers ; qu’il est de principe que la mission de l’expert-comptable porte sur tous les documents d’ordre économique, financier ou social nécessaires à l’intelligence des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise et qu’il ne peut être exigé de la société contrôlée la communication de documents qu’elle n’était pas tenue d’établir ; qu’en l’espèce, le détail du point 1 de la mission de l’expert-comptable, en ce qu’il vise des documents dont la preuve de l’existence n’est pas rapportée (intérêts du groupe en Europe et au niveau mondiale à l’horizon 3 ans, point sur la concurrence, point sur la stratégie de diversification des sources d’approvisionnement,….), sollicite la communication des comptes annuels de la société Republic Technologies France qui a été exclu du périmètre d’investigation de l’expert-comptable ou prévoit des visites d’autres sites du groupe ou des entretiens avec MM. [J], [Y] et [Z] sans indiquer en quoi ces visites et entretiens seraient utiles, excède de manière manifeste l’étendue de la mission de l’expert-judiciaire ; qu’il conviendra par conséquent de la restreindre selon les termes du dispositif de la présente décision.

1° ALORS QUE l’expert-comptable qui examine la situation d’une entreprise qui est sous le contrôle d’une autre société contrôlant d’autres entités peut faire porter ses investigations sur l’ensemble de ces entités ; qu’en limitant le périmètre de la mission de l’expert-comptable aux seules sociétés Papèteries du Léman, PVL Holdings et Republic Technologies NA LLC après avoir constaté que la société PVL Holdings, qui détient 100 % du capital social de la société Papeterie du Léman, est propriétaire de 100 % du capital social de la société papèteries des Vosges et que la société de droit américain Republic Technologies NA LLC, qui détient 98% du capital social de la société PVL Holdings est également propriétaire de 100 % du capital social de la société Republic Technologies International, elle-même propriétaire de 100 % de la société Republic Technologies France, en sorte que l’expert-comptable devait pouvoir faire porter ses investigations sur l’ensemble de ces entités, la cour d’appel a violé les articles L. 2325-36 et L. 2325-37 dans leur rédaction alors applicable du code du travail et L. 823-14 et L. 233-3 du code du commerce.

2° ALORS QUE pour limiter la communication des éléments demandés aux seuls organigramme du groupe (c’est à dire la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), activités (commerciales, production et financières), localisation, effectifs, résultats financiers sur les trois dernières années, situation comptable du groupe (c’est à dire la SAS Papèteries du Léman, la société PVL Holdings et la société Republic Technologies NA LLC), évolution sur les trois dernières années et sur les trois années à venir (prévisionnel) et comptes annuels de la SAS Papèteries du Léman sur les trois dernières années, la cour d’appel a retenu qu’excèdent de manière manifeste l’étendue de la mission de l’expert-judiciaire les demandes portant sur les intérêts du groupe en Europe et au niveau mondiale à horizon 3 ans, le point sur la concurrence, le point sur la stratégie de diversification des sources d’approvisionnement,….), la communication des comptes annuels de la société Republic Technologies France, les visites d’autres sites du groupe ou des entretiens avec MM. [J], [Y] et [Z] ; qu’en excluant ainsi les demandes d’informations et documents relatifs à la stratégie globale du groupe, scindée par activités, au business plan à horizon trois ans du groupe, décliné par secteurs d’activités, au point sur les forces et faiblesses du groupe, au point sur les opportunités et menaces du groupe, aux relations intra-groupe, et à l’organigramme fonctionnel et hiérarchique de l’entreprise par service avec les noms et les fonctions sur les 3 dernières années et les évolutions prévisibles, la cour d’appel qui n’a donné aucun motif à sa décision de ce chef, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QU’en affirmant que le point 1 de la mission de l’expert-comptable vise des documents dont la preuve de l’existence n’est pas rapportée, sans délimiter ceux des documents demandés dont la preuve de l’existence n’aurait pas été rapportée, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 2325-36 et L. 2325-37 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et L. 823-14 et L. 233-3 du code du commerce.

4° ALORS QUE si l’expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas, il ne peut être exigé de lui qu’il fasse la preuve de l’existence de documents dont il sollicite la production et que par définition il ne détient donc pas ; que pour limiter le périmètre de la mission de l’expert-comptable ainsi que les documents à lui remettre, la cour d’appel a retenu que le détail du point 1 de sa mission de l’expert-comptable vise des documents dont la preuve de l’existence n’est pas rapportée ; qu’en excluant ainsi la production de documents dont elle n’a pas constaté qu’ils n’existaient pas, la cour d’appel a violé les articles L. 2325-36 et L. 2325-37 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et L. 823-14 et L. 233-3 du code du commerce.

5° ALORS QU’il appartient au seul expert-comptable, dont les pouvoirs d’investigation sont assimilés à ceux du commissaire aux comptes, d’apprécier les documents qu’il estime utiles pour l’exercice de cette mission ; qu’en affirmant que le point 1 de la mission de l’expert-comptable prévoit des visites d’autres sites du groupe ou des entretiens sans indiquer en quoi ces visites et entretiens seraient utiles pour en déduire que ce point excède de manière manifeste l’étendue de la mission de l’expert-judiciaire, la cour d’appel a violé les articles L. 2325-36 et L. 2325-37 du code du travail dans leur rédaction alors applicable et L. 823-14 et L. 233-3 du code du commerce.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2021, 19-22.063, Inédit