Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2021, 19-16.591, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 20 janv. 2021, n° 19-16.591
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-16.591
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6 février 2019, N° 16/22102
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043087513
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:SO00094
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 20 janvier 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 94 F-D

Pourvoi n° B 19-16.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 JANVIER 2021

La Société des bains de mer et du cercle des étrangers à Monaco (SBM), société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° B 19-16.591 contre l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l’opposant à M. V… S…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société des bains de mer et du cercle des étrangers à Monaco, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. S…, après débats en l’audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 février 2019), M. S… a été engagé par la Société des bains de mer et du cercle des étrangers dans le cadre d’un contrat à durée déterminée soumis au droit monégasque, du 1er mai au 10 octobre 2004, en qualité de maître-nageur pour assurer la surveillance de la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach, situé sur la commune de […].

2. Les années suivantes, il a de nouveau été recruté, aux mêmes fonctions, dans le cadre de contrats à durée déterminée couvrant chacun toute la période d’ouverture de la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach, du mois de mai au mois d’octobre.

3. La Société des bains de mer l’ayant informé, par lettre du 18 mars 2014, que le poste qu’il occupait depuis dix ans ne lui serait pas proposé pour la saison à venir, il a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de requalifier la relation contractuelle de contrats à durée déterminée saisonniers en contrat à durée indéterminée et en conséquence de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, du préavis, outre les congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale du contrat, alors :

« 1°/ que le droit monégasque, qui ne limite ni n’encadre le recours aux contrats à durée déterminée, ne prévoit la requalification d’une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition que ces contrats se soient succédés sans discontinuité et exclut toute requalification de contrats à durée déterminée conclus plusieurs années de suite pour la durée d’une seule saison et séparés de périodes d’inactivité ; que, selon l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans des emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée ; que ce texte de droit monégasque, qui doit être interprété au regard des solutions applicables en droit monégasque, implique que le salarié ne peut revendiquer le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée s’il a travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée saisonniers, séparés par des périodes d’inactivité ; qu’en retenant, en l’espèce, après avoir relevé que le droit monégasque était applicable au litige, que la condition de présence ininterrompue prévue par la convention collective précitée pouvait être appréciée au regard de la période d’ouverture de l’établissement, de sorte que les périodes d’inactivité de plusieurs mois entre chacun des contrats à durée déterminée de droit monégasque conclus (entre la SBM et M. S…) ne faisaient pas obstacle à la requalification de ces contrats en contrat à durée déterminée, la cour d’appel, qui n’a pas recherché le contenu du droit positif applicable au litige, a violé l’article 3 du code civil ;

2°/ que selon l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans des emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée ; qu’il ressort des différentes dispositions de cette convention collective, comme de la jurisprudence des juridictions monégasques, qu’un hôtel et l’ensemble des services qu’il offre à sa clientèle constituent un établissement ; qu’en affirmant cependant que « la notion d’établissement doit s’entendre d’une entité vouée à un type d’activité spécifique et individualisée », pour retenir que la piscine découverte de l’hôtel Monte-Carlo Beach constituait un établissement et juger en conséquence que le salarié, qui avait travaillé dix années successives pendant les quelques mois d’ouverture de la piscine satisfaisait la condition de présence interrompue, peu important que l’hôtel ait été ouvert quant à lui toute l’année, la cour d’appel a méconnu le sens que la convention collective précitée attribue à la notion d’établissement, sans viser au demeurant aucune référence pertinente, en droit monégasque, donnant un sens aussi large à la notion d’établissement, et a dénaturé le droit monégasque applicable au litige et violé l’article 3 du code civil ;

3°/ qu’en se bornant à relever que la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach a une activité propre et un personnel dédié exclusivement à cette activité, qu’elle fonctionne selon des horaires et un calendrier particuliers à destination de clients de l’hôtel, mais aussi de clients extérieurs, pour affirmer que cette piscine constitue un établissement et que le salarié qui a travaillé pendant la période d’ouverture de cette piscine, du printemps à l’automne, dix années consécutives, satisfaisait en conséquence la condition de deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, la cour d’appel a encore dénaturé le droit monégasque et violé l’article 3 du code civil ;

4°/ que le juge prud’homal ne peut se fonder sur la réglementation française pour procéder à la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée soumis au droit monégasque ; qu’en l’espèce, le droit monégasque, qui ne limite ni n’encadre le recours aux contrats à durée déterminée, ne prévoit la requalification d’une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition que ces contrats se soient succédés sans discontinuité ; qu’en se référant, par motifs réputés adoptés, à la notion d’ « activité permanente de l’établissement » ou au « caractère permanent de l’emploi » occupé par le salarié au sein de l’entreprise, notions qui relèvent de la réglementation française en matière de contrat à durée déterminée, pour prononcer la requalification des contrats à durée déterminée de droit monégasque ayant lié le salarié à la SBM en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil ;

5°/ que selon l’article 989 du code civil monégasque, les engagements contractés par les parties ne valent que pour la durée d’exécution du contrat, sauf stipulation contraire ; qu’en conséquence, l’obligation d’exclusivité stipulée dans un contrat à durée déterminée ne vaut, sauf stipulation contraire, que pour la durée de ce contrat ; qu’en retenant encore, par motifs réputés adoptés, pour justifier la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la clause d’exclusivité stipulée à l’article 8 des contrats permettait à l’employeur de créer une relation continue et de s’attacher les services du salarié de manière permanente, la cour d’appel aurait donc encore dénaturé le droit monégasque et violé l’article 3 du code civil ;

6°/ que dans ses conclusions d’appel, il soutenait que la clause d’exclusivité stipulée dans les contrats à durée déterminée conclus avec le salarié ne résultait que de la mise en oeuvre du cahier des charges imposé par l’Etat monégasque, lequel interdit "au personnel recruté [par la société SBM] à temps plein, quel que soit son niveau hiérarchique, l’exercice de toute autre activité professionnelle exercée directement ou indirectement, rémunérée ou bénévole" ; que cette clause d’exclusivité, imposée par la réglementation applicable, ne pouvait en conséquence manifester aucune volonté de sa part de s’attacher les services du salarié au-delà de la durée de chacun des contrats à durée déterminée conclus avec lui ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l’exposante, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que le droit monégasque ne limite ni n’encadre le recours au contrat de travail à durée déterminée ; que, selon une jurisprudence établie de la Cour de révision monégasque, le juge ne peut requalifier une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition de constater que le salarié a exercé les mêmes fonctions au service du même employeur « sans solution de continuité » pendant une longue durée ; que la Cour d’appel de Monaco a ainsi jugé, dans un arrêt du 11 décembre 2012, qu’un salarié ayant travaillé, plus de dix années successives, dans le cadre de contrats à durée déterminée conclus pour la durée de la saison de l’opéra, n’était pas fondé à solliciter la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée, dès lors qu’il y a eu entre ses différentes périodes de travail une interruption effective distincte de la période de congés payés ; qu’en l’espèce, il est constant que le salarié n’a travaillé, chaque année, que pendant la période d’ouverture de la piscine olympique, soit en général du mois d’avril au mois d’octobre ; qu’en affirmant, par motifs réputés adoptés, que la jurisprudence monégasque justifiait la requalification de ces contrats, la cour d’appel a dénaturé cette jurisprudence et violé l’article 3 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. S’il incombe au juge français, qui applique une loi étrangère, de rechercher et de justifier la solution donnée à la question litigieuse par le droit positif de l’Etat concerné, l’application qu’il fait de ce droit étranger, quelle qu’en soit la source, légale ou jurisprudentielle, échappe, sauf dénaturation, au contrôle de la Cour de cassation.

6. Selon l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans différents emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée.

7. Interprétant, sans les dénaturer, la loi et la jurisprudence étrangères dont elle a fait application, la cour d’appel qui, par une appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach avait une activité propre et un personnel dédié exclusivement à cette activité, qu’elle fonctionnait selon des horaires et un calendrier à destination de clients de l’hôtel mais également de clients extérieurs en sorte qu’au regard de cette autonomie d’exploitation elle constituait un établissement distinct de l’hôtel, a pu en déduire que le salarié, qui avait été successivement recruté par la société des Bains de mer et du cercle des étrangers, chaque année de 2004 à 2013, pour occuper les mêmes fonctions de maître-nageur afin d’assurer la surveillance de la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach, en vertu de contrats à durée déterminée couvrant chacun toute la période d’ouverture de cet établissement, devait être considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée en application de l’article 9 de la convention collective.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société des bains de mer et du cercle des étrangers à Monaco aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société des bains de mer et du cercle des étrangers à Monaco et la condamne à payer à M. S… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société des bains de mer et du cercle des étrangers

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR requalifié la relation contractuelle qui a lié Monsieur S… à la Société Anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à Monaco, de contrat à durée déterminée saisonnier en contrat à durée indéterminée et d’AVOIR en conséquence condamné la Société Anonymes des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à Monaco à payer à M. S… les sommes de 5.768,29 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement, 4.947,08 euros bruts au titre du préavis, outre les congés payés afférents et 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et brutale du contrat ;

AUX MOTIFS QUE " Il résulte des pièces produites et notamment du jugement que les parties ont convenu que le droit applicable au litige est le droit monégasque. Pour s’opposer à la requalification, l’employeur fait valoir qu’en application du droit monégasque, celle-ci ne peut être prononcée qu’à la condition que la relation soit continue, c’est-à-dire que les contrats s’enchaînent sans être séparés par des périodes non-travaillées alors qu’en l’espèce, M. S… n’a travaillé que pendant les périodes d’ouverture de la piscine d’avril à octobre de chaque année. Il fait valoir que la clause d’exclusivité contenue dans les contrats de travail n’avait pas pour conséquence de maintenir le salarié à sa disposition exclusive même pendant les périodes de fermeture de la piscine, cette clause ne pouvant trouver à s’appliquer que pendant la durée d’exécution des contrats successifs, soit d’avril à octobre de chaque année. Toutefois, le jugement a, notamment, retenu qu’aux termes de l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, ?après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans différents emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée?. Or, il est constant que M. S… a été engagé à partir du 1er mai 2004 par la SBM, en qualité de maître nageur sauveteur, pour surveiller les baigneurs et dispenser des cours d’activités aquatiques au MONTE CARLO BEACH CLUB, établissement hôtelier qui gère des installations sportives et notamment, une piscine olympique située à […] (06), et ce, pour la durée de la saison et qu’il a été ainsi embauché chaque année jusqu’en 2013, du mois d’avril jusqu’au mois d’octobre, pour exécuter les mêmes fonctions. L’employeur ne conteste pas que la piscine olympique, lieu de travail de M. S…, n’était ouverte qu’à la belle saison, qu’elle n’ouvrait qu’au printemps pour fermer à l’automne mais il fait valoir qu’elle ne constitue pas en elle-même un ?établissement? au sens de la convention collective et que seul le MONTE CARLO BEACH constitue un établissement, ouvert toute l’année, dont la piscine n’est qu’un élément, au même titre que le spa, les bars, les restaurants, les chambres, la salle de sport. Il souligne que le MONTE CARLO BEACH constitue une seule et même entreprise qui n’est pas divisée en établissements, qu’elle exerce sous le même numéro d’immatriculation au RCS des activités d’hôtels, de restaurant, d’établissement de bain (piscine) et autres dépendances, que la piscine est contiguë à l’hôtel et à ses restaurants, qu’elle relève de l’autorité de la directrice comme les autres activités de l’hôtel et qu’elle ne fait pas l’objet d’une comptabilité distincte. Toutefois, la notion d’établissement, doit s’entendre d’une entité vouée à un type d’activité spécifique et individualisée même si elle est juridiquement dépendante d’une entreprise. En l’espèce, s’il n’est pas contestable que le MONTE CARLO BEACH constitue une seule et unique entreprise, comprenant, entre autres, une piscine olympique, il n’en reste pas moins, ainsi qu’il ressort des pièces et écritures de l’employeur (notamment de la copie de la page d’accueil du site Internet de la piscine), que cette dernière constitue une entité distincte de l’hôtel avec une activité propre et un personnel dédié exclusivement à cette activité, qu’elle fonctionne selon des horaires et un calendrier particuliers à destination de clients de l’hôtel mais aussi de clients extérieurs et qu’il s’agit donc un site d’activité doté d’une certaine autonomie économique et organisationnelle par rapport à l’hôtel caractéristique de la notion d’établissement. Or, comme les contrats de travail de M. S… étaient conclus pour une durée de six mois (début avril-début octobre), correspondant aux dates d’ouverture de la piscine de l’hôtel et que la relation contractuelle a été reconduite chaque année pendant toute la période correspondant à la durée d’ouverture et de fonctionnement de la piscine, le titulaire de ces contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi doit être considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée en application de l’article 9 de la convention collective. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de M. S… sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Attendu en l’espèce qu’il ressort des pièces produites aux débats que Monsieur V… S… a été engagé le 1er mai 2004 par la SA de droit monégasque des bains de mer et du cercle des étrangers (S.B.M) pour surveiller les baigneurs et dispenser des cours d’activités aquatiques au Monte-Carlo Beach Club, en qualité de maître nageur sauveteur, employé, coefficient 260, la convention, collective applicable au sein de l’entreprise étant la CCN de l’industrie hôtelière de Monaco du 1 » juillet 1968, dans le cadre de contrats saisonniers successifs ; que ces contrats en leur article 8 comporte une clause d’exclusivité ainsi rédigée : « L’intéressé s’engage à accomplir ses fonctions de manière exclusive et totale au service de la société. En conséquence toute participation directe ou indirecte à une quelconque activité professionnelle rémunérée ou bénévole extérieure à la société lui sera interdite ». Attendu que sur l’ensemble de la relation contractuelle qui a lié V… S… à son employeur, la qualification du salarié, à savoir maître nageur sauveteur, employé, coefficient 260, est demeurée inchangée. Attendu que Monsieur V… S… a fait l’objet de contrats successifs pendant neuf ans, pour le même travail, au même poste, au service du même employeur, sur le même établissement, la piscine olympique du Monte-Carlo Beach. Attendu que les diverses pièces versées aux débats démontrent que la volonté réelle des parties n’était nullement de limiter dans le temps la relation contractuelle ; outre l’accomplissement de tâches précises, maître nageur sauveteur, Monsieur V… S… était également habilité à donner des cours de natation et d’aquabike ; Monsieur V… S… était de plus soumis à une clause d’exclusivité de ses fonctions exercées au service de la société. Attendu que l’employeur, contrairement à ses dires, s’est efforcé de créer une relation continue et de s’attacher les services de Monsieur V… S…. Attendu en effet qu’en reconduisant pendant neuf ans la relation contractuelle avec Monsieur V… S…, la S.B.M a reconnu le caractère permanent de son emploi au sein de l’entreprise. Attendu qu’il est établi que la gestion de la piscine olympique du Monte-Carlo Beach est indépendante de l’hôtel (« ouvert du 19 avril 2014 au 19 octobre 2014, de 10 h à 18 h, et jusqu’à 19 h du 1' juin au 31 août 2014 » – pièce n° 10 salarié), ce qui démontre une activité saisonnière de six mois. Attendu que l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1" juillet 1968 stipule : b) Après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans différents emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée. Que Monsieur V… S… est fondé à réclamer l’application de cette convention collective qui n’est pas contestée par l’employeur, lequel en fait référence dans l’établissement de ses contrats et sur les bulletins de paie. Que par ce seul moyen, la relation contractuelle de Monsieur V… S… est permanente ; dès lors elle est réputée à durée indéterminée. Attendu que Monsieur V… S… a été embauché le 1" mai 2004 en qualité de maître -nageur sauveteur, que son contrat a été constamment renouvelé pendant neuf ans ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2014, la S.B.M a fait savoir au salarié qu’elle donnait une réponse négative à sa demande de poste saisonnier pour l’été 2014. Que Monsieur V… S… estime qu’en raison de la relation contractuelle qui l’a lié à la S.B.M, il a participé à l’activité permanente de l’établissement. Attendu que la permanence de Monsieur V… S… au sein de la S.B.M, en qualité de maître nageur sauveteur, a définitivement eu pour effet de modifier la nature des rapports contractuels unissant les parties, alors que les divers contrats à durée déterminée saisonniers prévoyaient, à l’article 8, une clause ; que Monsieur V… S… s’engageait à accomplir ses fonctions de manière exclusive et totale au service de son employeur, s’interdisant toute participation directe ou indirecte à une quelconque activité professionnelle rémunérée ou bénévole, extérieure à la société S.B.M, une telle clause étant illicite. Qu’une telle clause a pour conséquence de maintenir Monsieur V… S… à la disposition exclusive de la S.B.M. Que cette situation contractuelle conduit à considérer que pendant les périodes où il n’était pas fait appel au salarié, les relations de travail n’étaient pas rompues mais seulement suspendues dans leurs effets, en sorte que le contrat de travail à durée déterminée saisonnier permanent, participant à l’activité permanente de l’entreprise, s’est poursuivi jusqu’à son terme le 18 mars 2014, le salarié étant resté à disposition pour la saison 2014/2015. Attendu que Monsieur V… S… est fondé à se prévaloir des stipulations de l’article 9 de, la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juin 1968 aux termes duquel les titulaires de contrats à durée déterminée sont considérés comme employés après deux ans de présence continue dans l’établissement. Que dans le cas de circonstance, Monsieur V… S… a été maintenu pendant neuf ans dans la précarité par son employeur. Attendu qu’il est établi que Monsieur V… S… a été employé depuis le 1er mai 2004 pendant neuf ans, pendant toutes les périodes d’activité de la piscine olympique du Monte-Carlo Beach ; que la relation de travail qui s’était établie entre les parties, du 1er mai 2004 au 18 mars 2014, était d’une durée globale indéterminée. Attendu que Monsieur V… S… a participé pendant neuf ans à l’activité permanente de l’entreprise ; qu’il convient de considérer la jurisprudence monégasque (23 avril 1985, Cour de Révision Delle G. C/ SBM, Trib. de Première Inst. de Monaco, jug. 2 mars 1995 (S.B.M c/ Dame M. ; Tribunal du travail 6 mars 2003 C. D’ANGELO c/ J. D…, confirmé en appel 26 février 2004, rejeté par la Cour de Révision (Cour de Cassation monégasque) le 11 février 2005. En conséquence la relation contractuelle qui a lié Monsieur V… S… à la SA de droit monégasque des bains de mer et du cercle des étrangers, est un contrat de travail à durée indéterminée » ;

1. ALORS QUE le droit monégasque, qui ne limite ni n’encadre le recours aux contrats à durée déterminée, ne prévoit la requalification d’une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition que ces contrats se soient succédés sans discontinuité et exclut toute requalification de contrats à durée déterminée conclus plusieurs années de suite pour la durée d’une seule saison et séparés de périodes d’inactivité ; que, selon l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans des emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée ; que ce texte de droit monégasque, qui doit être interprété au regard des solutions applicables en droit monégasque, implique que le salarié ne peut revendiquer le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée s’il a travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée saisonniers, séparés par des périodes d’inactivité ; qu’en retenant, en l’espèce, après avoir relevé que le droit monégasque était applicable au litige, que la condition de présence ininterrompue prévue par la convention collective précitée pouvait être appréciée au regard de la période d’ouverture de l’établissement, de sorte que les périodes d’inactivité de plusieurs mois entre chacun des contrats à durée déterminée de droit monégasque conclus entre la SBM et M. S… ne faisaient pas obstacle à la requalification de ces contrats en contrat à durée déterminée, la cour d’appel, qui n’a pas recherché le contenu du droit positif applicable au litige, a violé l’article 3 du code civil ;

2. ALORS QUE selon l’article 9 de la convention collective de l’industrie hôtelière de Monaco du 1er juillet 1968, après deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, le titulaire de contrats à durée déterminée successifs dans le même emploi ou dans des emplois relevant de la même qualification professionnelle sera considéré comme bénéficiaire d’un contrat à durée indéterminée ; qu’il ressort des différentes dispositions de cette convention collective, comme de la jurisprudence des juridictions monégasques, qu’un hôtel et l’ensemble des services qu’il offre à sa clientèle constituent un établissement ; qu’en affirmant cependant que « la notion d’établissement doit s’entendre d’une entité vouée à un type d’activité spécifique et individualisée », pour retenir que la piscine découverte de l’hôtel Monte-Carlo Beach constituait un établissement et juger en conséquence que le salarié, qui avait travaillé dix années successives pendant les quelques mois d’ouverture de la piscine satisfaisait la condition de présence interrompue, peu important que l’hôtel ait été ouvert quant à lui toute l’année, la cour d’appel a méconnu le sens que la convention collective précitée attribue à la notion d’établissement, sans viser au demeurant aucune référence pertinente, en droit monégasque, donnant un sens aussi large à la notion d’établissement, et a dénaturé le droit monégasque applicable au litige et violé l’article 3 du code civil ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’ en se bornant à relever que la piscine de l’hôtel Monte-Carlo Beach a une activité propre et un personnel dédié exclusivement à cette activité, qu’elle fonctionne selon des horaires et un calendrier particuliers à destination de clients de l’hôtel, mais aussi de clients extérieurs, pour affirmer que cette piscine constitue un établissement et que M. S… qui a travaillé pendant la période d’ouverture de cette piscine, du printemps à l’automne, dix années consécutives, satisfaisait en conséquence la condition de deux ans de présence ininterrompue au sein de l’établissement, la cour d’appel a encore dénaturé le droit monégasque et violé l’article 3 du code civil ;

4. ALORS QUE le juge prud’homal ne peut se fonder sur la réglementation française pour procéder à la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée soumis au droit monégasque ; qu’en l’espèce, le droit monégasque, qui ne limite ni n’encadre le recours aux contrats à durée déterminée, ne prévoit la requalification d’une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition que ces contrats se soient succédés sans discontinuité ; qu’en se référant, par motifs réputés adoptés, à la notion d’ « activité permanente de l’établissement » ou au « caractère permanent de l’emploi » occupé par le salarié au sein de l’entreprise, notions qui relèvent de la réglementation française en matière de contrat à durée déterminée, pour prononcer la requalification des contrats à durée déterminée de droit monégasque ayant lié M. S… à la SBM en contrat à durée indéterminée, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil ;

5. ALORS QUE selon l’article 989 du code civil monégasque, les engagements contractés par les parties ne valent que pour la durée d’exécution du contrat, sauf stipulation contraire ; qu’en conséquence, l’obligation d’exclusivité stipulée dans un contrat à durée déterminée ne vaut, sauf stipulation contraire, que pour la durée de ce contrat ; qu’en retenant encore, par motifs réputés adoptés, pour justifier la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la clause d’exclusivité stipulée à l’article 8 des contrats permettait à l’employeur de créer une relation continue et de s’attacher les services du salarié de manière permanente, la cour d’appel aurait donc encore dénaturé le droit monégasque et violé l’article 3 du code civil ;

6. ALORS QUE dans ses conclusions d’appel, la société SBM soutenait que la clause d’exclusivité stipulée dans les contrats à durée déterminée conclus avec M. S… ne résultait que de la mise en œuvre du cahier des charges imposé par l’Etat monégasque, lequel interdit " au personnel recruté [par la société SBM] à temps plein, quel que soit son niveau hiérarchique, l’exercice de toute autre activité professionnelle exercée directement ou indirectement, rémunérée ou bénévole » ; que cette clause d’exclusivité, imposée par la réglementation applicable, ne pouvait en conséquence manifester aucune volonté de sa part de s’attacher les services du salarié au-delà de la durée de chacun des contrats à durée déterminée conclus avec lui ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l’exposante, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE le droit monégasque ne limite ni n’encadre le recours au contrat de travail à durée déterminée ; que, selon une jurisprudence établie de la Cour de révision monégasque, le juge ne peut requalifier une succession de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée qu’à la condition de constater que le salarié a exercé les mêmes fonctions au service du même employeur « sans solution de continuité » pendant une longue durée ; que la Cour d’appel de Monaco a ainsi jugé, dans un arrêt du 11 décembre 2012, qu’un salarié ayant travaillé, plus de dix années successives, dans le cadre de contrats à durée déterminée conclus pour la durée de la saison de l’opéra, n’était pas fondé à solliciter la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée, dès lors qu’il y a eu entre ses différentes périodes de travail une interruption effective distincte de la période de congés payés ; qu’en l’espèce, il est constant que M. S… n’a travaillé, chaque année, que pendant la période d’ouverture de la piscine olympique, soit en général du mois d’avril au mois d’octobre ; qu’en affirmant, par motifs réputés adoptés, que la jurisprudence monégasque justifiait la requalification de ces contrats, la cour d’appel a dénaturé cette jurisprudence et violé l’article 3 du code civil.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 20 janvier 2021, 19-16.591, Inédit