Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 février 2021, 19-23.525, Publié au bulletin

  • Enfant déjà conçue au moment du décès de son grand-père·
  • Responsabilité délictuelle ou quasidélictuelle·
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  • Personnes pouvant l'obtenir·
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  • Préjudice réparable·
  • Préjudice moral·
  • Réparation·
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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès.

C’est, dès lors, à bon droit qu’une cour d’appel estime qu’une enfant, déjà conçue au moment du décès de son grand-père, et privée, par un fait présentant le caractère matériel d’une infraction, de la présence de ce dernier, dont elle avait vocation à bénéficier, souffre nécessairement de son absence définitive, sans avoir à justifier qu’elle aurait entretenu des liens particuliers d’affection avec lui, si elle l’avait connu, et déclare la demande d’indemnisation de son préjudice moral recevable

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www.christin-avocat.fr · 30 novembre 2022

Publié le 30/11/2022 - Mis à jour le 19/01/2023 Par un arrêt en date du 11 février 2021 (Civ. 2ème, 11 févr. 2021, n°19-23.525), la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation vient confirmer l'orientation prise depuis 2017 et admet l'indemnisation du préjudice moral de l'enfant qui était conçu au moment du décès de son grand-père. La deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation avait entamé son revirement dans un arrêt du 14 décembre 2017 (Civ. 2ème, 14 déc. 2017, n°16-26.687) admettant l'indemnisation du préjudice moral de l'enfant né après le décès de son père à la suite …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 2e civ., 11 févr. 2021, n° 19-23.525, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-23525
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 15 mai 2019
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
2e Civ., 14 décembre 2017, pourvoi n° 16-26.687, Bull. 2017, II, n° 235 (rejet), et l'arrêt cité.
2e Civ., 14 décembre 2017, pourvoi n° 16-26.687, Bull. 2017, II, n° 235 (rejet), et l'arrêt cité.
Textes appliqués :
article 1240 du code civil.
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043168231
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C200118
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 11 février 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 118 F-P+I

Pourvoi n° P 19-23.525

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 FÉVRIER 2021

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° P 19-23.525 contre l’arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d’appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme J… S…, domiciliée […] , agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de sa fille mineure Q… E…, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, et l’avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 16 mai 2019), K… S… a été tué par arme blanche le […] 2014 et l’auteur des faits a été déclaré coupable de meurtre par une cour d’assises.

2. Agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Q… E…, née le […] , Mme J… S…, fille de K… S…, après avoir obtenu, par un arrêt civil rendu par cette cour d’assises, une certaine somme à titre de dommages et intérêts, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour voir réparer le préjudice moral subi par sa fille.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions fait grief à l’arrêt de déclarer Mme S…, es qualités, recevable et fondée en sa demande alors :

« 1°/ qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par sa petite fille née après le décès de son grand-père ; qu’en considérant, pour déclarer Q… E… recevable et fondée en sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral, que le préjudice tenant au fait que Q… E… est définitivement privée de la présence de son grand-père et de la possibilité de le connaître était dû au décès de son aïeul, lui-même dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction survenus après sa conception, même si elle n’était pas née, la cour d’appel a violé les articles 1240 du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;

3°/ qu’en tout état de cause si le fait de naître et de vivre sans père ou sans mère, en raison de la disparition prématurée de l’un de ces derniers, peut constituer un préjudice en raison du lien de filiation qui unit l’enfant conçu et à naître à ses parents, la préjudice à raison du décès d’un autre membre de la famille ne peut être présumé ; qu’en considérant que le fait de ne connaître l’un de ses aïeuls « qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille » faisait « nécessairement » souffrir Q… E… de l’absence de son grand-père, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un préjudice d’affection indemnisable, s’est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, pour la victime. »

Réponse de la Cour

5. L’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès.

6. Ayant relevé que Q… E… était déjà conçue au moment du décès de son grand-père, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a estimé que Q… E…, privée par un fait présentant le caractère matériel d’une infraction de la présence de son grand-père dont elle avait vocation à bénéficier, souffrait nécessairement de son absence définitive, sans avoir à justifier qu’elle aurait entretenu des liens particuliers d’affection avec lui si elle l’avait connu, et a déclaré la demande d’indemnisation de son préjudice moral recevable.

7. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré Mme J… S…, ès-qualités de représentante légale de sa fille mineure Q… E… recevable et fondée en sa demande ;

Aux motifs que « K… S… est décédé le […] 2014, et sa petite-fille Q… E… est née le […] ; qu’en raison de ce décès, Q… E… a été privée de la présence affective de son grand-père, dont elle avait vocation à bénéficier, le principe de l’absence de personnalité juridique de l’enfant in utero ne s’opposant pas à ce que celui-ci, né vivant et viable, puisse demander et obtenir la sanction d’un fait juridique intervenu pendant la grossesse de sa mère, et qui lui a causé un dommage révélé à sa naissance ; qu’ainsi, le préjudice moral de Q… E… est avéré, de même que le lien de causalité entre ce préjudice moral et le décès de K… S… ; qu’en effet, c’est parce que ce décès, dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction, est survenu après la conception et avant la naissance de Q… E…, que celle-ci souffre nécessairement de l’absence définitive de son grand-père maternel, qu’elle ne connaîtra jamais qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille » (arrêt attaqué, p. 4, § 3 et s.) ;

1°) Alors qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral invoqué par sa petite-fille née après le décès de son grand-père ; qu’en considérant, pour déclarer Q… E… recevable et fondée en sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral, que le préjudice tenant au fait que Q… E… est définitivement privée de la présence de son grand-père et de la possibilité de le connaître était dû au décès de son aïeul, lui-même dû à un fait volontaire présentant le caractère matériel d’une infraction survenus après sa conception, même si elle n’était pas née, la cour d’appel a violé les articles 1240 du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;

2°) Alors en outre qu’en se bornant à affirmer que Q… E…, née postérieurement au décès de son grand-père mais conçue antérieurement, « souffre nécessairement de l’absence définitive de son grand-père maternel », la cour d’appel a statué de façon abstraite et par voie d’affirmation, privant ainsi sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors, en tout état de cause, que si le fait de naître et de vivre sans père ou sans mère, en raison de la disparition prématurée de l’un de ces derniers, peut constituer un préjudice en raison du lien de filiation qui unit l’enfant conçu et à naître à ses parents, le préjudice à raison du décès d’un autre membre de la famille ne peut être présumé ; qu’en considérant que le fait de ne connaître l’un de ses aïeuls « qu’au travers des souvenirs évoqués par les autres membres de la famille » faisait « nécessairement » souffrir Q… E… de l’absence de son grand-père, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un préjudice d’affection indemnisable, s’est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

Et aux motifs, à les supposer, adoptés que « il convient de rappeler que Q… E… est la petite-fille de la victime directe, K… S…, et est née le […] , soit postérieurement aux faits dont son grand-père a été victime, lesquels ont été commis le […] 2014, de telle sorte qu’elle n’a jamais connu son grand-père avant les faits générant le dommage ; que néanmoins, aux termes des dispositions de l’article 31 du Code civil, « la loi présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de la naissance. La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant », ces dispositions étant reprises dans l’adage latin « infans conceptus » selon lequel l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il y a va de son intérêt, comme l’a rappelé la 2e Chambre Civile de la Cour de cassation dans une Arrêt du 18 avril 2013 ;

qu’ainsi, même si Q… E… est née postérieurement aux faits qui ont donné lieu au dommage subi par son grand-père, elle était conçue lors de la réalisation de ces faits et elle a, en raison de la survenance de ceux-ci, perdu la possibilité de pouvoir entretenir des relations familiales et affectives normales avec son grand-père ; que K… S… entretenait une relation particulière avec son petit-fils déjà né puisque le Médecin Légiste a relevé un tatouage figurant CUPIDON et le prénom « A… » le frère aîné de Q… au regard de son omoplate gauche donc au niveau de son coeur ; que rien ne permet de penser qu’il aurait eu une relation différente avec Q… par rapport à son premier petit enfant dont l’indemnisation n’est nullement contestée ; que dès lors, il n’est ni contesté ni contestable que Q… E… ait un lien de parenté directe avec la victime du MEURTRE, « fait volontaire

qui présente le caractère matériel d’une infraction

ayant entraîné la mort » au sens de l’article précité ; qu’en effet, il ne peut être remis en cause que Q… E… soit la petite fille de K… S… et qu’elle a été privée, à quelques semaines de sa naissance, de l’affection de son grand-père ; que dès lors elle subit au titre de cette perte de chance, un préjudice particulier en lien de causalité directe avec le décès de la victime directe (jugement, p. 3, § 7 et s.) ;

4°) Alors qu’à supposer que la cour d’appel ait entendu analyser le préjudice en une perte de chance, cette dernière n’en doit pas moins être personnelle et certaine et ne peut être présumée ; qu’en déduisant de la « relation particulière [de M. S…] avec son petit-fils » inférée de la présence d’une représentation tatouée du dieu romain de l’amour accolée au prénom de ce dernier sur l’omoplate gauche du grand-père et sans indice sur la réciprocité de cette relation, qu’une relation similaire aurait dû se nouer entre ce dernier et la jeune Q… E…, soeur de A… conçue mais non encore née, de sorte que cette dernière aurait été privée de la chance de nourrir une relation affective privilégiée avec son grand-père, la cour d’appel, qui n’a caractérisé une perte de chance ni personnelle, ni certaine, a violé l’article 706-3 du code de procédure civile, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

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Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 février 2021, 19-23.525, Publié au bulletin