Cour de cassation, Chambre civile 1, 3 mars 2021, 19-21.420, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n° 19-21.420
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-21.420
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Riom, 17 juin 2019, N° 19/00015
Textes appliqués :
Article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement,.

Article 894 du code civil.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043253092
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C100193
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 193 F-D

Pourvoi n° A 19-21.420

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2021

Le conseil départemental de l’Allier, domicilié […] , a formé le pourvoi n° A 19-21.420 contre l’arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d’appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l’opposant à M. M… T…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

Le demandereur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du conseil départemental de l’Allier, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 18 juin 2019), B… F…, décédé le […], a souscrit le 11 mars 2003 un contrat d’assurance sur la vie, M. T… étant désigné comme bénéficiaire. A compter du 1er décembre 2007 jusqu’à la date de son décès, il a bénéficié de l’aide sociale du département de l’Allier pour la prise en charge de ses frais de séjour dans une maison de retraite.

2. Par arrêté du 16 janvier 2012, le président du conseil général de l’Allier a décidé de procéder, sur le fondement l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, à la récupération d’une certaine somme, au titre de l’aide sociale versée à B… F…, à l’encontre de M. T…. Ce dernier a formé un recours devant la commission départementale d’aide sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le conseil départemental de l’Allier fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à la récupération de la somme de 9 224,17 euros versée au titre de l’aide sociale à B… F…, alors « qu’une action en récupération est ouverte au département, notamment contre le donataire, lorsque la donation est intervenue dans les dix ans qui ont précédé la demande d’aide sociale ; qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que l’intention libérale s’apprécie au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité du contrat pour ce dernier ; qu’en se bornant à affirmer que le président du conseil départemental ne rapportait pas la preuve d’une intention libérale de M. F… lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie au bénéfice de M. T… pour en déduire que le président du conseil départemental ne pouvait exercer une action en récupération sur les capitaux du contrat d’assurance-vie, sans rechercher l’utilité présentée par le contrat souscrit par M. F…, notamment en considération de son âge (77 ans au moment de la souscription), de l’importance des fonds placés (correspondant à la quasi-totalité de son patrimoine) et de l’absence de déclaration du contrat lors du dépôt de la demande d’aide sociale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et 894 du code civil, ensemble des articles L. 132-13 et L. 132-14 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. Vu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, et l’article 894 du code civil :

5. Il résulte du premier de ces textes que l’Etat ou le département peut exercer un recours en récupération des sommes avancées contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande.

6. Il résulte du second qu’un contrat d’assurance sur la vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable.

7. Pour dire n’y avoir lieu à récupération, contre M. T…, du montant de l’aide sociale versée au profit d’B… F…, l’arrêt, après avoir énoncé qu’un contrat d’assurance sur la vie ne peut être requalifié en donation que lorsque sont établies non seulement l’intention libérale du souscripteur mais également une disproportion entre les primes versées et les revenus de ce dernier, se borne à constater que la preuve de ces conditions n’est pas rapportée par le conseil départemental.

8. En se déterminant ainsi, par ces seuls motifs généraux, sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur les données propres du litige s’agissant de l’âge du souscripteur, de l’importance des primes versées et de l’utilité du contrat pour ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 juin 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour le conseil départemental de l’Allier

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier du 11 mai 2016, d’AVOIR annulé l’arrêté du 16 janvier 2012 du président du Conseil Général de l’Allier, d’AVOIR dit n’y avoir lieu à la récupération de la somme de 9 224,17 euros au titre de la récupération de l’aide sociale versée au profit de M. F… à l’encontre de M. T… et d’AVOIR annulé le titre de recettes du 30 septembre 2015 références 2015 01900 000834 006400 d’un montant de 9 224,17 euros émis à l’encontre de M. T… ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande relative à la récupération d’aide sociale : l’article 132-8 du code de l’action sociale et de la famille, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1° Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2° Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3° Contre le légataire ; qu’en ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale, en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire que le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire. » ; qu’B… F… a bénéficié de l’aide sociale consistant en la prise en charge de ses frais de séjour en maison de retraite pour un montant total de 9 224,17 euros. Il avait souscrit un contrat d’assurance-vie le 11 mars 2003 au profit de M. M… T… ; que le président du conseil départemental de l’Allier considère que « les assurances sur la vie avec clause d’attribution en cas de décès ( désignation d’un bénéficiaire en cas de décès du souscripteur) peuvent être considérés comme des donations de fait » s’appuyant pour cela sur la jurisprudence du Conseil d’Etat ; qu’il est acquis qu’en l’état de la législation applicable, soit antérieurement à la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, le contrat d’assurance -vie n’était pas susceptible d’être soumis à récupération ; qu’il appartient donc au président du conseil départemental de rapporter la preuve de l’intention libérale pour que soit requalifié comme donation indirecte le contrat d’assurance-vie. L’article 894 du code civil dispose que « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; que par ailleurs, l’article L. 132-14 du code des assurances prévoit que « le capital ou la rente garantie au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par l’article L. 132-13, 2e alinéa » selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne s’appliquent pas… aux sommes versées par le contractant à titre de prime à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; qu’ainsi, un contrat d’assurance-vie ne peut être requalifié en donation que lorsqu’au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat il est établi non seulement une intention libérale mais également une disproportion entre les primes versées et les revenus du souscripteur ; que le président du conseil départemental ne rapporte ni l’une ni l’autre de ces conditions en l’espèce ;qu’il convient de faire droit à la demande ; que le conseil départemental de l’Allier supportera les dépens de l’instance, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours » ;

ALORS QU’une action en récupération est ouverte au département, notamment contre le donataire, lorsque la donation est intervenue dans les dix ans qui ont précédé la demande d’aide sociale ; qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles il a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que l’intention libérale s’apprécie au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité du contrat pour ce dernier ; qu’en se bornant à affirmer que le Président du Conseil départemental ne rapportait pas la preuve d’une intention libérale de M. F… lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie au bénéfice de Monsieur T… (arrêt p. 8 alinéa 5) pour en déduire que le président du conseil départemental ne pouvait exercer une action en récupération sur les capitaux du contrat d’assurance-vie, sans rechercher l’utilité présentée par le contrat souscrit par M. F…, notamment en considération de son âge (77 ans au moment de la souscription), de l’importance des fonds placés (correspondant à la quasi-totalité de son patrimoine) et de l’absence de déclaration du contrat lors du dépôt de la demande d’aide sociale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles et 894 du code civil, ensemble des articles L. 132-13 et L. 132-14 du code des assurances.

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