Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 août 2022, 20-18.102, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 31 août 2022, n° 20-18.102
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-18.102
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Rennes, 29 avril 2020, N° 16/08984
Textes appliqués :
Article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,.

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000046259028
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100635
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Texte intégral

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 31 août 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 635 F-D

Pourvoi n° Q 20-18.102

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 AOUT 2022

La société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-18.102 contre l’arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d’appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [P] [L],

2°/ à Mme [F] [H], épouse [L],

domiciliés tout deux [Adresse 5],

3°/ à M. [M] [N],

4°/ à Mme [O] [X], épouse [N],

domiciliés tout deux [Adresse 1],

5°/ à M. [P] [G],

6°/ à Mme [B] [U] [D], épouse [G],

domiciliés tout deux [Adresse 7]

7°/ à M. [R] [T],

8°/ à Mme [Z] [I], épouse [T],

domiciliés tout deux [Adresse 8],

9°/ à M. [D] [J], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvel’Air Habitat,

10°/ à la société Nouvel Air Habitat, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], représentée par la société Grand Ouest protection, mandataire, en la personne de Mme [A] [K], en qualité de mandataire ah hoc de la société Nouvel air habitat, domiciliée [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de La société Crédit foncier de France, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. et Mme [L], de M. et Mme [N], de M. et Mme[G], de M. et Mme [T], après débats en l’audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 30 avril 2020) et les productions, les 12 décembre 2011, 23 décembre 2011, 11 janvier 2012 et 7 janvier 2013, à l’occasion de démarchages à domicile, la société Nouvel’air habitat (le vendeur) a conclu quatre contrats de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques respectivement avec M. et Mme [L], [T], [G] et [N] (les emprunteurs).

2. Ces contrats ont été financés par des crédits consentis les 12 décembre 2011, 23 décembre 2011, 15 février 2012 et 12 mars 2013 par la société Crédit foncier de France (la banque).

3. Soutenant que les contrats de vente et d’installation comportaient des irrégularités, les emprunteurs ont assigné le vendeur et la banque en annulation de ces contrats et, consécutivement, des contrats de crédit.

4. Une ordonnance du 3 septembre 2020 a désigné la société GOPMJ, prise en la personne de Mme [K], en qualité de mandataire ad hoc du vendeur, celui-ci ayant été radié du registre du commerce et des sociétés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexés

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner les emprunteurs à lui restituer le montant du capital prêté, alors « que l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté ; que, cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute ; qu’en l’espèce, pour décharger les emprunteurs de leur obligation de restituer le capital emprunté, la cour d’appel s’est bornée à énoncer qu’en versant les fonds entre les mains du fournisseur sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle et l’exécution complète du contrat principal, la banque avait commis des fautes la privant du droit d’obtenir le remboursement du capital emprunté, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les emprunteurs démontraient avoir subi un préjudice en lien avec ces fautes, notamment si leurs installations photovoltaïques respectives fonctionnaient ou non, et, dans l’affirmative, si ce préjudice justifiait de priver la banque de sa créance de restitution du capital prêté et ce, en totalité ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. Il résulte de ces textes que la résolution ou l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

8. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

9. Pour rejeter la demande de restitution du capital emprunté, l’arrêt retient qu’en versant les fonds entre les mains du vendeur sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle et l’exécution du contrat principal, la banque a commis des fautes la privant du droit d’obtenir le remboursement de ce capital.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si les emprunteurs démontraient avoir subi un préjudice en lien avec les fautes commises par la banque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de la société Crédit foncier de France tendant à voir condamner solidairement M. et Mme [L] à lui verser la somme de 23 500 euros, M. et Mme [T] la somme de 21 000 euros, M. et Mme [G] la somme de 15 500 euros et M. et Mme [N] la somme de 18 900 euros, au titre de la restitution des capitaux empruntés, l’arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. et Mme [L], M. et Mme [T], M. et Mme [G], et M. et Mme [N] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un août deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour La société Crédit foncier de France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Crédit Foncier de France fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR prononcé la nullité des contrats conclus entre, d’une part, la société Nouvel’Air Habitat, et, d’autre part, M. [P] [L] le 12 décembre 2011, M. [M] [N] le 7 janvier 2013, M. [P] [G] le 11 janvier 2012 et M. [R] [T] le 23 décembre 2011, d’AVOIR prononcé la nullité des contrats de crédit conclus entre, d’une part, la société Crédit Foncier de France, et, d’autre part, les époux [L] le 12 décembre 2011, les époux [N] le 12 mars 2013, les époux [G] le 15 février 2012 et les époux [T] le 23 décembre 2011 et d’AVOIR condamné en conséquence la société Crédit Foncier de France à restituer aux époux [L], aux époux [N], aux époux [G] et aux époux [T], chacun pour ce qui le concerne, l’intégralité des sommes qu’elle avait reçues d’eux en exécution des contrats de crédit annulés ;

ALORS QUE la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation, édictées dans l’intérêt des personnes démarchées à domicile que ce texte a vocation à protéger, est sanctionnée par une nullité relative susceptible de confirmation par les consommateurs ; que l’exécution volontaire, en connaissance de cause, d’un contrat d’achat d’une centrale photovoltaïque entaché d’irrégularités formelles vaut renonciation à se prévaloir de la nullité de ce contrat ; qu’en l’espèce, les acheteurs-emprunteurs ont accepté la livraison des panneaux solaires et du ballon thermodynamique, fait procéder à leur installation par la société Nouvel’Air Habitat, attesté de leur livraison et installation en apposant leur signature à deux reprises sur des documents ayant déterminé le prêteur à débloquer les fonds empruntés, fait procéder au raccordement de leur installation au réseau ERDF, réglé les échéances de remboursement des prêts sans formuler aucune demande de suspension des échéances auprès du juge des référés, produit et revendu de l’électricité à EDF et n’ont à aucun moment exprimé leur volonté de se rétracter avant d’engager la présente procédure ; qu’ils ont ainsi exécuté sans réserve les contrats de vente et les contrats de crédit, en sachant parfaitement, pour avoir eu le temps de procéder à toute vérification utile, quel type de matériel avait été installé, son prix et son mode de financement ; qu’ils ont, par cette exécution volontaire, renoncé, en connaissance de cause, à se prévaloir des éventuelles irrégularités formelles entachant les contrats de vente ; qu’en jugeant le contraire (arrêt p. 7 § 6-8), la cour d’appel a violé l’article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

La société Crédit Foncier de France fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR rejeté sa demande tendant à voir condamner solidairement les emprunteurs à lui restituer le montant du capital prêté, à savoir la somme de 23.500 € concernant les époux [L], la somme de 21.000 € concernant les époux [T], la somme de 15.500 € concernant les époux [G] et la somme de 18.900 € concernant les époux [N] ;

1) ALORS QU’ aucun texte ne fait obligation au prêteur professionnel de vérifier la régularité du contrat principal conclu par l’emprunteur qui souscrit un crédit pour en payer le prix ; que nonobstant l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit, il s’agit de contrats distincts, avec des parties différentes ; que le prêteur est un tiers au contrat principal et ne peut dès lors être tenu de s’assurer de la validité d’un contrat auquel il n’est pas partie ; qu’en retenant au contraire que la banque avait commis une faute en versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder, préalablement, auprès des emprunteurs, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que les contrats de vente étaient affectés d’une cause de nullité (arrêt p. 8 § 10-11 et p. 9 §§ 1-2), la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’ à supposer même que le prêteur soit tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal, il ne commet pas de faute s’il ne décèle pas une simple imprécision ou non-conformité d’une mention devant figurer sur le bon de commande ou sur le bordereau de rétractation, par opposition à l’absence totale d’une telle mention ou d’un tel bordereau ; que les causes de nullité relevées par la cour d’appel consistent en une simple imprécision de la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts figurant dans les quatre bons de commande et en une simple non-conformité de l’emplacement du bordereau de rétractation et de la typographie des mentions figurant sur ce bordereau dans le cas des époux [G], [T] et [L] (arrêt p. 7 §§ 1-2) ; que, partant, la banque n’a commis aucune faute en ne décelant pas ces causes de nullité, qui ne consistent pas en une absence des mentions ou du bordereau de rétractation exigés par la loi mais en une simple imprécision ou non-conformité de certaines de ces mentions ; qu’en jugeant le contraire (arrêt p. 8 §§ 10-11), la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

3) ALORS, EGALEMENT SUBSIDIAIREMENT, QUE l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté ; que, cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute ; qu’en l’espèce, pour décharger les emprunteurs de leur obligation de restituer le capital emprunté, la cour d’appel s’est bornée à énoncer qu’en versant les fonds entre les mains du fournisseur sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle et l’exécution complète du contrat principal, le Crédit Foncier de France avait commis des fautes le privant du droit d’obtenir le remboursement du capital emprunté (arrêt p. 9 § 2), sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions p. 19-20), si les emprunteurs démontraient avoir subi un préjudice en lien avec ces fautes, notamment si leurs installations photovoltaïques respectives fonctionnaient ou non, et, dans l’affirmative, si ce préjudice justifiait de priver la banque de sa créance de restitution du capital prêté et ce, en totalité ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

4) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l’inexécution par le vendeur du contrat principal – à la supposer établie – n’est pas en lien de causalité avec l’absence de vérification par le prêteur de la régularité formelle de ce contrat ; que le seul préjudice en lien de causalité avec cette absence de vérification est tout au plus une perte de chance pour l’emprunteur de ne pas poursuivre l’exécution du contrat principal et d’empêcher le déblocage des fonds ; que la réparation de cette perte de chance ne saurait être égale au montant du capital débloqué ; qu’en jugeant au contraire que l’absence de vérification par le Crédit Foncier de France de la régularité formelle des contrats de vente privait celui-ci de son droit d’obtenir la restitution du capital prêté, la cour d’appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

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