Cour des comptes, Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), 24 octobre 2013

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Sur la décision

Référence :
C. comptes, 4e ch., 24 oct. 2013, n° 67942
Numéro(s) : 67942
Cour des comptes, Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), 24 octobre 2013
Date(s) de séances : 11 juillet 2013, 15 juillet 2013
Date du document : 24 octobre 2013
Identifiant Cour des comptes : JF00137140

Sur les parties

Texte intégral

COUR DES COMPTES

— -------

QUATRIEME CHAMBRE

— -------

PREMIERE SECTION

— -------

Arrêt n° 67942

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE

DE LA POLICE (ENSP)

Exercices 2006 à 2011

Rapport n° 2013-464-0

Audience publique du 11 juillet et délibéré
du 15 juillet 2013

Lecture publique du 24 octobre 2013

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Vu le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013 par lequel le Procureur général a saisi la Cour d’éléments susceptibles de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X et Mme Y, comptables de l’ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DE LA POLICE (ENSP), respectivement du 1er janvier 2007 au 29 février 2008 et du 1er mars 2008 au 31 décembre 2011 ;

Vu les pièces de la procédure suivie, ensemble les pièces communiquées pendant l’instruction et versées au dossier ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu le code général des impôts, notamment son annexe 2, article 242 nonies A ;

Vu le code civil, notamment son article 1 134 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu la loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 modifiée portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 77-497 du 10 mai 1977 relatif aux cautionnements des agents comptables des services de l’Etat dont les opérations sont décrites dans le cadre d’un budget annexe ou d’un compte spécial du Trésor et des agents comptables des établissements publics nationaux ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifiée ;

Vu les arrêtés des 30 août 2004 et 7 septembre 2007 relatifs aux cautionnements des agents comptables des services de l’Etat dont les opérations sont décrites dans le cadre d’un budget annexe ou d’un compte spécial du Trésor et des agents comptables des établissements publics nationaux ;

Vu la circulaire budgétaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992 relative à l’assouplissement des règles relatives aux frais de représentation et de réception, applicable au moment des faits ;

Vu l’instruction DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 relative aux frais de représentation, applicable au moment des faits ;

Vu l’instruction n° 03-043-M9 du 25 juillet 2003 ;

Vu les instructions codificatrices portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État, n° 03-060-B du 17 novembre 2003, applicable jusqu’au 1er avril 2010 et n° 10-014-B du 2 avril 2010, applicable à compter de cette date au moment des faits ;

Vu les attestations de cautionnement produites par les comptables ;

Vu le rapport de M. Philippe Geoffroy, conseiller maître ;

Vu les conclusions du Procureur général n° 477 du 1er juillet 2013 ;

Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Geoffroy, en son rapport, M. Gilles Miller, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X et Mme Y, informés de l’audience, n’étant ni présents, ni représentés ;

Entendu, en délibéré, M. Gérard Ganser, conseiller maître, président de section, en ses observations ;

Présomption de charge n° 1

Attendu que M. X a payé onze mandats entre le 25 mai et le 9 novembre 2007 (n° 1424, 1440, 1744, 1821, 2071, 2073, 2149, 2150, 2588, 2999 et 3000) au profit de divers fournisseurs pour un montant total de 8 048,73 € ;

Attendu que le réquisitoire du Procureur général retient comme élément à charge une présomption de manquement à la circulaire budgétaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992, relative à l’assouplissement des règles relatives aux frais de représentation et de réception, reprise dans l’instruction DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 relative aux frais de représentation, en ce que les mandats auraient été payés en l’absence d’une attestation prévue par lesdites circulaires ;

Attendu que le ministère public relève toutefois que certains mandats (n° 1744, 2071, 2588, 2999 et 3000) portent des mentions « permettant de connaître l’objet exact de la dépense » ; qu’il est d’avis de mettre en jeu la responsabilité du comptable à concurrence de la somme totale de 8 048,73 € « ou moins selon les mandatements dont l’instruction apporterait la preuve qu’ils seraient correctement justifiés » ;

Attendu que M. X reconnaît avoir effectué les paiements litigieux sans avoir remarqué que l’attestation en question n’avait pas été jointe à titre de pièce justificative de la dépense ; qu’il fait toutefois valoir à décharge que l’imputation comptable aurait indiqué la nature des dépenses, les factures, le contenu de la dépense, et les mentions portées sur le mandat, l’objet ou les circonstances de la dépense ; que ces paiements n’auraient pas causé de préjudice financier à l’établissement et que le directeur de l’ENSP a attesté le service fait et signé les ordres de payer ;

Attendu qu’au moment des faits, en application des instructions susvisées DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 et n° B-2E-94 du 24 septembre 1992, s’agissant des frais exposés pour les réceptions, la facture devait être accompagnée d’une attestation de « l’organisateur de la réception indiquant son objet (accueil de personnalités, déjeuners de travail, accueil de chefs de services extérieurs, etc.) » qui devait être visée « dans tous les cas » par le directeur de l’établissement ; que cette attestation n’était pas jointe aux onze mandats en cause ;

Attendu qu’en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte en particulier sur la production des justifications ; qu’ainsi les comptables ne peuvent procéder au paiement qu’au vu des pièces prescrites par la réglementation, sans pouvoir leur substituer, de leur propre chef ou non, d’autres justifications particulières, fussent-elles à leurs yeux équivalentes ;

Attendu qu’il résulte du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ; qu’il y a donc lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X à raison des onze paiements litigieux ;

Attendu qu’en l’espèce le cas de force majeure, prévu par le V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, n’est ni établi, ni même allégué ;

Irrégularités sans préjudice financier

Attendus que pour les sept mandats n° 1424 (1 093 €), 1440 (2 220 €),
1744 (175,90 €), 1821 (812 €), 2588 (1 100 €), 2999 (480 €) et 3000 (560 €), le comptable avait connaissance, au vu de la facture et du mandat, de l’objet de la manifestation et de la validation de son organisation par le directeur de l’établissement ; que dès lors, il y a lieu de considérer que les dépenses en cause n’ont pas causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’il convient en conséquence de faire application des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

Attendu qu’en vertu du texte susmentionné, le juge des comptes peut obliger le comptable, pour chaque manquement relevé, à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’en application du décret du 10 décembre 2012 susvisé, la somme maximale est calculée comme 1,5 pour mille du cautionnement prévu ; que l’arrêté du 30 août 2004 fixait, pour les agents comptables dont l’indice brut de traitement de fin de carrière est égal ou inférieur à 515 ou dont la rémunération de fin de carrière est égale ou inférieure au traitement correspondant à l’indice brut 515, un cautionnement de 23 300 € ; que le cautionnement de M. X s’établit à ce montant ; qu’ainsi le plafond de la somme susceptible d’être mise à sa charge par manquement et par exercice s’élève à 34,95 € ;

Attendu que les sept mandats litigieux, en raison de l’identité de la qualification de l’irrégularité faite par la Cour, constituent un manquement unique ;

Attendu que la répétition de l’irrégularité constitue une circonstance aggravante ; qu’il n’apparaît pas de circonstances atténuantes, le comptable ne se prévalant d’ailleurs d’aucune ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant la somme non rémissible à un montant de 34,95 € pour l’ensemble des irrégularités précitées ;

Irrégularités avec préjudice financier

Attendu que pour les mandats n° 2071 (110,50 €), 2073 (332,33 €), 2149 (825 €) et 2150 (340 €), l’objet de la manifestation n’était mentionné ni sur ces mandats, signés du directeur de l’établissement, ni sur les factures des créanciers ;

Attendu que M. X soutient que l’irrégularité des paiements n’a pas causé de préjudice financier à l’établissement, mais sans aucun élément à l’appui de son affirmation ;

Attendu qu’aux termes de l’instruction n° 92-161-M9 précitée, les frais « qui ne sont pas justifiés par un motif de service ne peuvent être financés par l’établissement public » ; que, faute de connaître l’objet de ces dépenses, la preuve qu’elles étaient justifiées par un motif de service n’a pas été apportée ; que l’ordonnateur n’a fourni au cours de l’instance aucun élément d’information à cet égard ; que des dépenses qui ne peuvent être régulièrement financées par un établissement public lui portent un préjudice financier lorsqu’elles sont payées ;

Attendu qu’il résulte des éléments ainsi rappelés que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle a causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’en conséquence il convient d’appliquer à M. X les dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée et de le constituer débiteur de l’ENSP de la somme de 1 607,83 €, augmentée des intérêts légaux calculés à compter du 22 avril 2013, date de notification du réquisitoire ;

Présomption de charge n° 2

Attendu que Mme Y a payé quinze mandats entre le 12 février et le 19 mai 2010 (n° 245, 400, 402, 1200, 1201, 1202, 1203, 1204, 1205, 1206, 1207, 1297, 1298, 1456 et 1459) au profit de divers fournisseurs (restaurants ou cafés, traiteurs, animations, billetterie et visites touristiques, etc.) pour un montant total de 8 752,39 € ;

Attendu que le réquisitoire du Procureur général retient comme élément à charge, pour les mandats susmentionnés, une présomption de manquement à la circulaire budgétaire n° B-2E-94 du 24 septembre 1992, relative à l’assouplissement des règles relatives aux frais de représentation et de réception, reprise dans l’instruction DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 relative aux frais de représentation, en ce que les mandats auraient été payés en l’absence d’une attestation prévue par lesdites circulaires ;

Attendu que le ministère public relève notamment que les mentions portées sur les mandats ne permettent que « d’approcher les circonstances de la dépense » ; qu’il est d’avis de mettre en jeu la responsabilité du comptable à concurrence de la somme totale de 8 752,39 € « ou moins selon les mandatements dont l’instruction apporterait la preuve qu’ils seraient correctement justifiés » ;

Attendu que Mme Y indique qu’elle disposait, au moment des paiements, des éléments qui auraient dû être repris dans les attestations ; que « le directeur ordonnateur et organisateur de ces manifestations a attesté le service fait et signé les ordres de payer » ; que lesdits paiements n’ont pas causé de préjudice à l’établissement ;

Attendu qu’au moment des faits, en application des instructions susvisées DGCP n° 92-161-M9 du 18 décembre 1992 et n° B-2E-94 du 24 septembre 1992, s’agissant des frais exposés pour les réceptions, la facture devait être accompagnée d’une attestation de « l’organisateur de la réception indiquant son objet (accueil de personnalités, déjeuners de travail, accueil de chefs de services extérieurs, etc.) » visée, « dans tous les cas », par le directeur de l’établissement ; que cette attestation n’était pas jointe aux quinze mandats en cause ;

Attendu qu’en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte en particulier sur la production des justifications ; qu’ainsi les comptables ne peuvent procéder au paiement qu’au vu des pièces prescrites par la réglementation, sans pouvoir leur substituer, de leuyr propre chef ou non, d’autres justifications particulières, fussent-elles à leurs yeux équivalentes ;

Attendu qu’il résulte du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ; qu’il y a donc lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme Y à raison du paiement de ces quinze mandats litigieux ;

Attendu qu’en l’espèce le cas de force majeure, prévu par le V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, n’est ni établi, ni même allégué ;

Irrégularités sans préjudice financier

Attendu que pour les mandats n° 245 (525 €), 400 (264,39 €), 402 (135,70 €), 1297 (1 055 €) et 1298 (910 €), le comptable avait connaissance, au vu de la facture et du mandat, de l’objet de la manifestation et de la validation de son organisation par le directeur de l’établissement ; que dès lors, il y a lieu de considérer que les dépenses en cause n’ont pas causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’il convient en conséquence de faire application des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de cette loi ;

Attendu qu’en vertu du texte susmentionné, le juge des comptes peut obliger le comptable, pour chaque manquement relevé, à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; qu’en application du décret du 10 décembre 2012 susvisé, la somme maximale est calculée comme 1,5 pour mille du cautionnement prévu ; que l’arrêté du 7 septembre 2007 fixait, pour les agents comptables dont l’indice brut de traitement de fin de carrière est égal ou inférieur à 515 ou dont la rémunération de fin de carrière est égale ou inférieure au traitement correspondant à l’indice brut 515, un cautionnement de 24 100 € ; que le cautionnement de Mme Y s’établit à ce montant ; qu’ainsi le plafond de la somme susceptible d’être mise à sa charge par manquement et par exercice s’élève à 36,15 € ;

Attendu que les dix mandats litigieux, en raison de l’identité de la qualification de l’irrégularité faite par la Cour, constituent un manquement unique ;

Attendu que la répétition de l’irrégularité constitue une circonstance aggravante ; qu’il n’apparaît pas de circonstances atténuantes, le comptable ne se prévalant d’ailleurs d’aucune ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant la somme non rémissible à un montant de 36,15 € pour l’ensemble des irrégularités précitées ;

Irrégularités avec préjudice financier

Attendu que pour les mandats n° 1200 (80 €), 1201 (150 €), 1202 (242,20 €), 1203 (847,50 €), 1204 (150 €), 1205 (775 €), 1206 (67,60 €), 1207 (1 615 €), 1456 (1 365 €) et 1459 (570 €), qui ne sont pas signés personnellement par le directeur général, mais par le secrétaire général, aucune pièce à l’appui du mandat n’atteste que le « directeur de l’établissement » aurait validé l’organisation de la manifestation, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Y ; que celle-ci soutient en outre que l’irrégularité des paiements n’a pas causé de préjudice financier à l’établissement, sans néanmoins produire aucun élément à l’appui de son affirmation ;

Attendu qu’aux termes de l’instruction n° 92-161-M9 précitée, les frais « qui ne sont pas justifiés par un motif de service ne peuvent être financés par l’établissement public » ; que, faute de validation formelle par le directeur de l’établissement, la preuve qu’elles étaient justifiées par un motif de service n’a pas été apportée ; que l’ordonnateur n’a fourni au cours de l’instance aucun élément d’information à cet égard ; que des dépenses qui ne peuvent être régulièrement financées par un établissement public lui causent un préjudice financier lorsqu’elles sont payées ;

Attendu qu’il résulte des éléments ainsi rappelés que le manquement du comptable à ses obligations de contrôle a causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’en conséquence il convient d’appliquer à Mme Y les dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée et qu’il y lieu de la constituer débitrice de l’ENSP de la somme de 5 862,30 €, augmentée des intérêts légaux calculés à compter du 16 avril 2013, date de notification du réquisitoire ;

Présomption de charge n° 3

Attendu que Mme Y a payé, entre le 16 mars et le 19 mai 2010, trois mandats de 1 600 € chacun (n° 466 du 16 mars, 1008 du 13 avril et 1417 du 19 mai) relatifs à des prestations de formation professionnelle commandées par l’établissement auprès de trois personnes distinctes, par des conventions dont chacune stipulait que « l’administration se libérera des sommes dues après exécution de la session de formation prévue dans la présente convention et sur présentation d’une facture […] adressées à (l’) ENSP » ;

Attendu que le réquisitoire du ministère public retient comme élément à charge, pour ces mandats, « qu’aucun des trois paiements n’a été justifié par une facture et qu’au surplus l’exemplaire du contrat joint aux paiements n’est assorti d’aucune mention attestant du service fait » ; que dès lors il y aurait un double manquement aux dispositions des articles 12 (point B) et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 relatives au contrôle de la validité de la créance ;

Sur le service fait

Attendu que Mme Y fait valoir que la mention du service fait, si elle n’est pas présente sur la convention, figure sur le bordereau de mandat en application de l’instruction n° 03-043-M9 du 25 juillet 2003 ;

Attendu en effet qu’il résulte de l’instruction n° 03-043-M9 du 25 juillet 2003, applicable à compter de cette même date et pendant la période sous revue, que « la mesure de simplification est la suivante : la signature de l’ordonnateur, accompagnée de la mention « pour valoir certification du service fait et ordre de payer » sur le bordereau d’émission des ordres de dépense, vaut ordre de payer et certification du service fait » ; qu’il résulte du dossier que la certification du service fait figure bien sur les bordereaux de mandat concernés ; qu’il n’y a donc pas lieu à charge à ce motif ;

Sur l’absence de facture

Attendu que Mme Y reconnaît avoir payé chaque mandat en l’absence de la facture prévue, tout en faisant valoir à décharge, d’une part, qu’elle a payé au vu de la convention visée par le directeur, qui indiquait le montant et la date de réalisation de la prestation, d’autre part, que lesdits paiements n’ont pas entraîné de préjudice financier ;

Attendu qu’en application des articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, les comptables publics sont tenus d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la validité de la créance ; que ce contrôle porte en particulier sur la production des justifications et sur l’exactitude des calculs de liquidation ; qu’ainsi les comptables ne peuvent procéder au paiement qu’au vu des pièces prescrites par la réglementation, sans pouvoir leur substituer, de son propre chef ou non, d’autres justifications particulières, fussent-elles à ses yeux équivalentes ; qu’ils doivent par ailleurs disposer de l’ensemble des pièces nécessaires à la vérification de la validité de la créance ;

Attendu, en premier lieu, qu’il résulte des articles 1er et 3 du code des marchés publics susvisé que les conventions de formation professionnelle prévues par la loi du 16 juillet 1971 susvisée, lorsqu’elles correspondent à des prestations commandées par des établissements publics administratifs, sont des marchés publics ; que les instructions codificatrices successives portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État du 17 novembre 2003 et du 2 avril 2010, applicables aux établissements publics administratifs en l’absence de nomenclature spécifique, prévoient dans leurs versions applicables sur la période considérée, pour les marchés passés sans formalités préalables faisant l’objet d’un contrat écrit, qu’une facture ou un mémoire doit venir à l’appui du paiement ;

Attendu, en second lieu, qu’en application de l’article 1134 du code civil susvisé, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ; que dès lors, lorsqu’une convention stipule qu’un paiement est précédé de la présentation d’une pièce déterminée, la somme ne devient exigible pour le prestataire qu’après qu’il a adressé au débiteur ladite pièce ; qu’il revient donc au comptable de s’assurer de la présence de cette pièce, sauf à manquer, sur le fond, au contrôle de l’exigibilité de la créance et, quant à la forme, à la complétude des justificatifs ;

Attendu, en troisième lieu, que le contrôle de la liquidation de la dépense comprend la vérification du calcul de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; que cette vérification nécessite la production d’une facture comportant le montant du taux de TVA ou, en application de l’article 242 nonies A de l’annexe 2 du code général des impôts susvisé, comportant la mention de l’exonération applicable et de sa base juridique ;

Attendu qu’il est constant qu’aucune facture n’était jointe à aucun des mandats litigieux ; que l’existence ou non d’un préjudice financier est sans effet au stade de la constatation de l’irrégularité d’un paiement ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de déterminer si tout ou partie des éléments prévus sur la facture figuraient sur d’autres pièces venant à l’appui de la dépense, il y a lieu de constater l’irrégularité desdits paiements à raison d’un défaut de contrôle du respect la nomenclature des pièces justificatives, d’un paiement en l’absence d’une pièce contractuelle et d’une impossibilité de contrôle du taux de TVA applicable ;

Attendu qu’il résulte de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée que la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu’une dépense a été irrégulièrement payée ; qu’en conséquence il y a lieu de mettre en jeu la responsabilité de Mme Y à raison de l’intégralité des mandats litigieux ;

Attendu qu’en l’espèce le cas de force majeure prévu par le V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée n’est ni établi, ni même allégué ;

Attendu que, comme le soutient Mme Y, l’irrégularité des paiements n’a pas causé un préjudice financier à l’établissement ; qu’il convient donc de faire application des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

Attendu qu’il résulte du texte susmentionné que le juge des comptes peut obliger le comptable, pour chaque manquement relevé, à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce ; que le plafond de la somme susceptible d’être mise à la charge de Mme Y par manquement et par exercice s’élève, comme rappelé plus haut, à 36,15 € ;

Attendu que les trois mandats litigieux, en raison de l’identité de la qualification de l’irrégularité faite par la Cour, constituent un manquement unique ; que ce manquement ne se confond pas, pour l’exercice 2010, avec celui constaté lors de l’examen de la présomption de charge n° 2 ;

Attendu que le fait que chacun des paiements soit entaché de trois motifs d’irrégularité constitue une circonstance aggravante ; mais que la rareté des occurrences constitue une circonstance atténuante ; qu’en conséquence il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant la somme non rémissible à un montant de 20 € pour l’ensemble de ces irrégularités ;

Décharges et sursis

Attendu que par l’arrêt n° 51105 du 15 novembre 2007, la Cour avait sursis à la décharge de M. X pour l’année 2006 dans l’attente de la vérification de l’exacte reprise des soldes arrêtés à 6 108 078,50 € au 31 décembre 2006 ;

Attendu que les écarts existant entre les soldes arrêtés au 31 décembre 2006 et ceux repris au 1er janvier 2007 ont été justifiés ; qu’il y a donc lieu de décharger M. X de sa gestion pour l’exercice 2006 ;

Attendu qu’il y a lieu de surseoir à la décharge de M. X pour 2007 dans l’attente de l’apurement des deux sommes mises à sa charge au titre de cet exercice ;

Attendu qu’aucune charge n’a été constatée sur les exercices 2008 et 2009 ; qu’il y a ainsi lieu de décharger M. X de sa gestion pour 2008, arrêtée au 29 février ; de décharger Mme Y de sa gestion de 2008, à compter du 1er mars, et de sa gestion pour 2009 ;

Attendu qu’il y a lieu de surseoir à la décharge de Mme Y pour 2010 dans l’attente de l’apurement des trois sommes mises à sa charge au titre de cet exercice ;

Attendu qu’aucune charge n’a été constatée sur 2011 ; que les opérations de cet exercice doivent donc être admises ; qu’en revanche il y a lieu de surseoir à la décharge de Mme Y pour cet exercice, dans l’attente de la constatation de l’exacte reprise des soldes au 1er janvier 2012 ;

Par ces motifs,

DéCIDE :

Article 1. – M. X est déchargé de sa gestion pour l’exercice 2006.

Article 2. – Il est mis à la charge de M. X, au titre de l’année 2007, une somme non rémissible de 34,95 € (trente-quatre euros et quatre-vingt-quinze centimes) au titre de la première présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013.

Article 3. – M. X est constitué débiteur de l’ENSP, au titre de l’année 2007, de la somme de 1 607,83 €, augmentée des intérêts légaux calculés à compter du 22 avril 2013, au titre de la première présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013.

Article 4. – Il est sursis à la décharge de M. X pour l’exercice 2007 dans l’attente de la constatation du paiement des sommes mentionnées aux articles 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5. – M. X est déchargé de sa gestion pour l’exercice 2008, du 1er janvier au 29 février.

Article 6. – Mme Y est déchargée de sa gestion pour l’exercice 2008, du 1er mars au 31 décembre, et pour l’exercice 2009.

Article 7. – Il est mis à la charge de Mme Y, au titre de l’année 2010, une somme non rémissible de 36,15 € (trente-six euros et quinze centimes), au titre de la seconde présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013.

Article 8. – Mme Y est constituée débitrice de l’ENSP, au titre de l’année 2010, de la somme de 5 862,30 €, augmentée des intérêts légaux courus depuis le 16 avril 2013, au titre de la seconde présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013.

Article 9. – Il est mis à la charge de Mme Y, au titre de l’année 2010, une somme non rémissible de 20 € (vingt euros) au titre de la troisième présomption de charge relevée par le réquisitoire n° 2013-15-RQ-DB du 9 avril 2013.

Article 10. – Il est sursis à la décharge de Mme Y pour l’exercice 2010 dans l’attente de la constatation du paiement des sommes mentionnées aux articles 7, 8 et 9 du présent arrêt.

Article 11. – Les opérations de 2011 sont admises.

Article 12. – Il est sursis à la décharge de Mme Y pour l’exercice 2011 dans l’attente de la constatation de l’exacte reprise de soldes au 1er janvier 2012.


Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section, le quinze juillet deux mil treize. Présents : MM. Bayle, président, Maistre, président de section, Ganser, Lafaure, Vermeulen, Vachia, Mmes Gadriot-Renard, Démier et M. Rousselot, conseillers maîtres.

Signé : Bayle, président et Le Baron, greffier.

Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des comptes.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

Délivré par moi, secrétaire général.

Pour le Secrétaire général

et par délégation,

le Chef du Greffe contentieux

Daniel FEREZ

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Cour des comptes, Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), 24 octobre 2013