Cour de discipline budgétaire et financière, Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), 17 juin 2014

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Résumé de la juridiction

Le président-directeur général d’une société, à l’époque des faits déférés, a vu sa responsabilité mise en cause en raison de l’absence de publicité préalable à la passation de marchés publics et de recours à une procédure formelle de mise en concurrence de ses fournisseurs.Il a demandé la récusation des membres de la Cour des comptes siégeant à la Cour de discipline budgétaire et financière qui ont participé à l’approbation des rapports publics annuels comportant une insertion relative à la société mais sa demande a été rejetée.Le président-directeur général de la société a aussi soutenu que la décision de renvoi du Procureur général aurait dû comporter des éléments à décharge et qu’en leur absence son droit à un procès équitable et le principe de l’égalité des armes ont été violés. La Cour a rejeté ces arguments en rappelant que la décision de renvoi prise par le ministère public n’avait pas à intégrer les éléments à décharge produits par la défense avant l’audience.La question se posait, à titre principal, de savoir si la société avait ou non la qualité de pouvoir adjudicateur. La Cour a rappelé les dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 pour en déduire que les trois critères requis, l’existence d’une personnalité juridique autonome, une relation de dépendance étroite à l’égard d’un pouvoir adjudicateur à raison du mode de financement, de gestion ou de contrôle et la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, étaient réunis et qu’ainsi, les règles de passation des marchés, issues de l’ordonnance du 6 juin 2005 s’appliquaient à la société dont l’actionnaire unique est l’Etat.

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 17 juin 2014, n° 193-696
Numéro(s) : 193-696
Publication : Publié au Journal officiel le 21/06/2014Arrêts, jugements et communications des juridictions financières, 2014. - DILA, 2015, p. 169
Date d’introduction : 17 juin 2014
Date(s) de séances : 17 juin 2014
Textes appliqués :
Infraction : L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF)
Identifiant Cour des comptes : JF00143637

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

-----

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er de son livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du domaine de l’État, notamment son article R. 129 ;

Vu la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, notamment son article 63, applicable lors de la création de la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) et de l’approbation de ses statuts ;

Vu la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, notamment son article 141 ;

Vu la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, notamment son article 51 ;

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, notamment son article 67 ;

Vu l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

Vu le décret n° 2007-1850 du 26 décembre 2007 modifiant les seuils applicables aux marchés passés en application du code des marchés publics et de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et aux contrats de partenariat ;

Vu la communication du 21 décembre 2010, enregistrée au parquet général le 22 décembre 2010, par laquelle le président de la première chambre de la Cour des comptes a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière de faits relevés à l’occasion de l’examen de la gestion et de la vérification des comptes de la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) pour les exercices 2006 à 2009, susceptibles de constituer des infractions passibles des sanctions prévues à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières, ensemble les pièces à l’appui ;

Vu le réquisitoire du 18 janvier 2011 par lequel le Procureur général, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du 1er février 2011 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Zian Roch, premier conseiller de chambre régionale des comptes, rapporteur à la Cour des comptes, en application de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre recommandée du 20 octobre 2011 par laquelle le Procureur général a informé M. Olivier Debains, président-directeur général de la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) à l’époque des faits déférés, de l’ouverture d’une instruction dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code des juridictions financières et lui a transmis son réquisitoire, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 31 octobre 2012 transmettant au Procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du rapport de M. Roch, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du Procureur général en date du 8 novembre 2012 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 14 novembre 2012, transmettant le dossier au ministre de l’économie et des finances, au ministre de l’intérieur et à la ministre de l’égalité des territoires et du logement afin de recueillir leur avis, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du 19 décembre 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au Procureur général le dossier de l’affaire, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières :

Vu l’avis du ministre de l’économie et des finances en date du 21 mars 2013 ;

Vu la décision du Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 20 février 2014 renvoyant M. Debains devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du 20 février 2014 du Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Debains, l’informant de sa décision de le renvoyer devant la Cour ;

Vu la lettre recommandée adressée le 28 février 2014 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Debains, l’avisant qu’il pouvait prendre connaissance du dossier de l’affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des juridictions financières, et le citant à comparaître le 26 mai 2014 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;

Vu le mémoire en défense produit par Maître Delelis pour M. Debains, le 28 avril 2014 ;

Vu la lettre de Maître Delelis pour M. Debains au président de la Cour, en date du 28 avril 2014, demandant à ce que M. Bernard Yoncourt soit cité en tant que témoin à la séance publique de jugement, et vu le permis, délivré le 7 mai 2014 par le président de la Cour, après conclusions du Procureur général, de citer cette personne à cette séance ;

Vu la lettre recommandée de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière du 7 mai 2014 transmettant au témoin, M. Yoncourt, la convocation à l’audience publique de jugement, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment le procès-verbal d’audition et le rapport d’instruction de M. Roch ;

Entendu le rapporteur, M. Roch, résumant son rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu M. Lefort, avocat général, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu sous serment le témoin, M. Yoncourt, en sa déposition, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu Maître Delelis en sa plaidoirie, M. Debains ayant été invité à présenter ses explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Vu la note en délibéré, en date du 28 mai 2014, produite par Maître Delelis pour M. Debains, enregistrée au greffe de la Cour de discipline budgétaire et financière le 30 mai 2014 ;

Après en avoir délibéré sans qu’ait joué la voix prépondérante du Président ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant qu’en sa qualité de société anonyme dont le capital est détenu intégralement par l’État, la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) est soumise au contrôle de la Cour des comptes en application de l’article L. 133-1 du code des juridictions financières ;

Considérant, par conséquent, que tout représentant, administrateur ou agent de cette société est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en application du c du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ; que par suite M. Debains, président-directeur général de cette société, est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la demande de récusation

Considérant que M. Debains demande la récusation des membres de la Cour des comptes siégeant à la Cour de discipline budgétaire et financière qui ont participé à l’approbation des rapports publics annuels comportant une insertion relative à la SOVAFIM ; qu’ainsi que le mentionnent explicitement les rapports publics de 2011 et 2014, Mme Laurence Fradin, conseiller maître à la Cour des comptes, n’a pas participé aux délibérations sur les insertions concernant la SOVAFIM ; que dès lors la demande de récusation doit être rejetée ;

Sur l’absence d’avis du ministre de l’intérieur et de la ministre de l’égalité des territoires et du logement

Considérant que l’absence de réponse du ministre de l’intérieur et de la ministre de l’égalité des territoires et du logement à la demande d’avis formulée le 14 novembre 2012 ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

Sur la prescription

Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières « la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues par le présent titre » ; que la communication du président de la première chambre de la Cour des comptes a été enregistrée au parquet général le 22 décembre 2010 ; qu’il en résulte qu’aucun fait en l’espèce n’est couvert par la prescription ;

Sur la période en cause

Considérant qu’il résulte du second alinéa de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières que l’instruction est ouverte devant la Cour de discipline budgétaire et financière par le réquisitoire du Procureur général qui transmet le dossier au président de la Cour ; qu’il est constant que le réquisitoire du 18 janvier 2011 porte sur des faits intervenus au cours des exercices 2006 à 2009 ; que si la lettre du 20 octobre 2011 informant M. Debains de l’ouverture de l’instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière ne mentionne, par erreur, que les exercices 2006 à 2008, il n’est pas contesté que le réquisitoire était joint à cette lettre ; qu’en outre M. Debains a été invité à présenter ses observations en défense sur l’ensemble des faits en cause, y compris ceux de l’année 2009 ; qu’il n’a pas pu se méprendre sur la période en cause, ainsi qu’en attestent ses réponses au questionnaire du rapporteur et les mémoires qu’il a produits ; qu’il n’y a donc pas lieu d’écarter du débat les pièces et les faits postérieurs au 31 décembre 2008 ;

Sur la décision de renvoi

Considérant que M. Debains soutient que la décision de renvoi du Procureur général aurait dû comporter des éléments à décharge et qu’en leur absence, son droit à un procès équitable et le principe de l’égalité des armes ont été violés ; que conformément aux dispositions des article L. 314-4, L. 314-8 et L. 314-12 du code des juridictions financières, l’instruction a été menée par un rapporteur devant lequel l’intéressé a pu faire valoir ses arguments en défense ; qu’après la décision du Procureur général de renvoyer l’affaire devant la Cour, l’intéressé a eu accès au dossier et a été mis en mesure de présenter ses observations en défense ; qu’au cours de l’audience publique, après le résumé du rapport et de la décision de renvoi, l’intéressé a été appelé à présenter ses observations ; qu’il a eu la parole en dernier ; que cette procédure, qui n’implique pas que la décision de renvoi prise par le ministère public doive intégrer les éléments à décharge produits par la défense avant l’audience, a permis que tous les éléments du dossier soient présentés et débattus avant que la Cour se prononce ; qu’ainsi il ne résulte des circonstances qu’invoque M. Debains aucune méconnaissance du droit à un procès équitable et du principe de l’égalité des armes ;

Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités

1 – Sur les faits

Considérant qu’il ressort de l’instruction que la SOVAFIM a fait appel à des prestataires extérieurs pour remplir ses missions sans aucune publicité préalable et, à l’exception de trois cas, sans mise en concurrence préalable de différents prestataires ;

Considérant ainsi que la SOVAFIM a fait appel pour des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage à la société Performance Consulting pour un montant de 740 702 € HT en 2006, 753 174 € HT en 2007 et 402 605 € HT en 2008, soit un montant total de 1 896 481 € HT sur trois années ; que le choix de la société Performance Consulting n’a été précédé d’aucune procédure formelle de publicité ni de mise en concurrence ;

Considérant que la SOVAFIM a eu recours pour des prestations de conseil en relations institutionnelles et en stratégie à la société LDC Conseil pour un montant de 131 600 € HT en 2006, de 235 487 € HT en 2007 et de 150 400 € HT en 2008, soit un montant total de 517 487 € HT sur trois années ; que cette société a été choisie sans publicité ni mise en concurrence préalable au motif allégué du caractère strictement confidentiel et stratégique des missions qui lui ont été confiées ;

Considérant que la SOVAFIM a également eu recours pour la réalisation de son plan stratégique à la société Accenture, pour un montant de 725 000 € HT en 2008 ; que cette société a été choisie sans publicité préalable sur une liste restreinte de trois entreprises consultées de façon informelle, dont l’une s’est volontairement désistée avant que le choix n’intervienne ;

Considérant que la SOVAFIM s’est en outre adjoint en 2009 les services de la Banque Rothschild & Cie en qualité de conseil financier pour un montant prévisionnel de 1 480 000 € HT après une consultation informelle réalisée par voie téléphonique au motif allégué de l’urgence ;

Considérant enfin que la SOVAFIM a eu recours sans publicité préalable pour des prestations de commercialisation à la société Atisreal pour un montant de 304 500 € HT en 2006 et de 82 061 € HT en 2007, et à la société Jones Lang LaSalle pour un montant de 1 710 000 € HT en 2006, cette société ayant été choisie après une mise en concurrence sur liste restreinte ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction que ces faits ne sont pas contestés ;

2 – Sur leur qualification

Considérant que pour justifier l’absence de publicité préalable et de recours à une procédure formelle de mise en concurrence de ses fournisseurs, il est soutenu que la SOVAFIM n’est pas soumise à l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée dès lors qu’elle n’a pas la qualité de pouvoir adjudicateur au sens de l’article 3 de cette ordonnance ;

Considérant que l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée dispose que « Les pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance sont :

1° Les organismes de droit privé (…) dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial dont :

a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance (…) » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la qualité de pouvoir adjudicateur d’un organisme de droit privé suppose la réunion de trois conditions cumulatives : l’existence d’une personnalité juridique autonome, une relation de dépendance étroite à l’égard d’un pouvoir adjudicateur à raison du mode de financement, de gestion ou de contrôle et la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ;

Considérant que la SOVAFIM est une société anonyme dotée d’une personnalité juridique autonome ; qu’elle satisfaisait ainsi à la première des trois conditions cumulatives précédemment énoncées ;

Considérant que le capital de la SOVAFIM est depuis sa constitution détenu intégralement par l’État ; que son conseil d’administration, en application la loi du 26 juillet 1983 susvisée et de ses statuts, est composé de deux tiers d’administrateurs désignés par l’État ; qu’ainsi la SOVAFIM est placée sous la dépendance étroite de l’État qui est un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ; que dès lors la deuxième des trois conditions cumulatives précédemment énoncées est satisfaite ;

Considérant que pour déterminer si la société satisfait des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, il convient de vérifier d’abord si les activités en cause répondent effectivement à des besoins d’intérêt général puis de déterminer, le cas échéant, si de tels besoins revêtent ou non un caractère industriel ou commercial ;

Considérant, d’une part, que les missions de la SOVAFIM consistent à acquérir des biens immobiliers auprès de l’État ou des établissements publics pour les gérer et les valoriser dans l’attente de leur cession, puis de les céder sur le marché ; qu’une partie des plus-values dégagées de ces ventes revient aux personnes publiques qui en étaient propriétaires ; que l’ État en sa qualité d’actionnaire unique bénéficie des dividendes que la société est en mesure de distribuer ; que cette activité consistant à valoriser les actifs de l’État ou de ses établissements publics par cession ou par portage répond à un besoin d’intérêt général ;

Considérant, d’autre part, que pour apprécier si ce besoin d’intérêt général est dépourvu de caractère industriel ou commercial, il convient d’examiner les circonstances ayant présidé à la création de cette société et les conditions de droit et de fait dans lesquelles elle exerce son activité ; que les statuts et l’activité de la SOVAFIM s’inscrivent dans le cadre et les objectifs définis successivement par l’article 63 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée, l’article 141 de la loi du 30 décembre 2006 susvisée et l’article 51 de la loi du 24 décembre 2007 susvisée, qui font de cette société un instrument de la politique immobilière de l’État ; qu’il résulte de ces dispositions que les biens immobiliers acquis par la SOVAFIM lui sont transférés selon des modalités dérogeant au droit commun de la cession des propriétés des personnes publiques ; que leur prix est déterminé en fonction de leur valeur nette comptable ou, à défaut, d’une valeur fixée par arrêté ministériel ; que ces transferts sont exonérés de tous impôts, droits ou taxes ; qu’en outre la quasi-totalité de l’activité de la SOVAFIM au cours des années 2006 et 2007 a porté non pas sur des biens disponibles sur le marché pour lesquels elle aurait été en concurrence avec d’autres opérateurs économiques pour les acquérir mais sur des biens déterminés par l’État et appartenant soit à Réseau ferré de France (RFF) soit à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ; que dans le premier cas, l’objectif ouvertement poursuivi par l’État à travers l’intervention de la SOVAFIM était d’accélérer la valorisation et la cession de biens détenus par RFF en vue de procurer rapidement des recettes significatives principalement à l’État par la distribution de dividendes et secondairement à RFF par la restitution d’une fraction du produit des ventes ; que dans le second cas, la revente par la SOVAFIM de biens dont elle avait fait l’acquisition auprès de la CANSSM dans des conditions découlant non des mécanismes du marché mais d’une convention tripartite entre l’État, la SOVAFIM et la CANSSM permettant à cette dernière d’encaisser une grande part du produit des ventes, avait notamment pour objectif d’améliorer la situation financière de la caisse et par voie de conséquence d’alléger ses besoins de subvention de la part de l’État ; qu’enfin en procédant à l’acquisition de biens pour les donner en location à l’Organisation internationale de la francophonie, la SOVAFIM a davantage répondu à une demande de l’État qu’à une analyse des opportunités offertes par le marché ; qu’au regard de telles opérations, qui ont représenté une part importante de l’activité de la société, cette dernière doit être regardée comme ayant poursuivi la satisfaction de besoins présentant un caractère autre que commercial au sens de l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 ; que ne suffisent à dénier ce caractère ni la circonstance que le conseil d’administration de la SOVAFIM a pu dans certaines occasions refuser de donner son accord à des opérations d’acquisition de biens en vue de leur revente qu’il estimait insuffisamment conformes à l’intérêt de la société ou que la société a procédé à des ventes d’immeubles au prix du marché et selon des modalités analogues à celles d’autres opérateurs privés ni le fait que la société exerçait son activité dans le respect des règles du code de commerce ; qu’ainsi la société SOVAFIM satisfait à la troisième condition précédemment évoquée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOVAFIM depuis sa création constitue un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 et était, par suite, tenue de respecter, pour la passation de ses marchés, les règles de publicité préalable et de mise en concurrence prescrites par l’ordonnance ;

3 – Sur la responsabilité

Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-4 « toute personne visée à l’article L. 312-1 qui (…) aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses (…) [des] organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant (…) sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant qu’au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 312-1 figure les représentants, administrateurs ou agents des organismes qui, comme la SOVAFIM, sont soumis au contrôle de la Cour des comptes ; que la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence qui s’imposent, en application de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée, à une société anonyme présentant le caractère d’un pouvoir adjudicateur constitue une violation des règles relatives à « l’exécution des dépenses » ; qu’ainsi M. Debains n’est pas fondé à soutenir qu’il ne pourrait être poursuivi sur le fondement de l’article L. 313-4 au motif que ces dispositions ne s’appliqueraient qu’aux ordonnateurs des organismes soumis aux règles de la comptabilité publique ;

Considérant qu’en application des articles L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce modifiés par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, de l’article 13 des statuts de la SOVAFIM et de la décision de son conseil d’administration en date du 15 février 2006, la direction générale de la SOVAFIM est assurée par le président du conseil d’administration ; que cette fonction a été occupée pendant les années en cause par M. Debains ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les conventions, contrats, bons de commande passés en méconnaissance de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée sont signés par le président-directeur général de la SOVAFIM ; que sa responsabilité est engagée à raison de ces irrégularités sur le fondement de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que si le secrétaire général de la société a signé le 11 septembre 2008 un contrat avec la société Accenture, ce fait isolé n’est pas de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les circonstances

Considérant que par deux notes du 12 mars et du 7 novembre 2007, le cabinet Clifford Chance, conseil de la SOVAFIM, a indiqué que cette société lui paraissait devoir être regardée comme un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée ; que M. Debains n’a pas, dans un premier temps, pris en compte ces analyses ; qu’il ne les a pas portées à la connaissance de son conseil d’administration ; qu’il en est résulté des manquements répétés aux prescriptions de l’ordonnance du 6 juin 2005 ;

Considérant cependant que l’État, actionnaire unique de la SOVAFIM, alors qu’il avait examiné cette question dès 2007 comme il ressort de notes figurant au dossier, a tardé à faire connaître au président-directeur général de cette société sa position sur le point de savoir si la SOVAFIM devait être regardée comme un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005 ; qu’en outre, M. Debains a décidé, depuis 2009, alors même qu’une analyse d’un autre des conseils juridiques de la SOVAFIM réalisée en 2008 penchait vers une conclusion différente, d’appliquer volontairement cette ordonnance ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances atténuantes ;

Sur l’amende

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. Olivier Debains une amende de 1 500 euros ;

Sur la publication au Journal officiel de la République française

Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article L. 314-20 du code des juridictions financières ;

ARRÊTE :

Article 1er : M. Olivier Debains est condamné à une amende de 1 500 € (mille cinq cents euros).

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le 26 mai deux mille quatorze par M. Loloum, conseiller d’État, président ; Mme Fradin, conseiller maître à la Cour des comptes ; MM. Prieur et Bouchez, conseillers d’État ;

Lu en séance publique le 17 juin 2014

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et la greffière.

Le président,
François LOLOUM

La greffière,
Isabelle REYT

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Cour de discipline budgétaire et financière, Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), 17 juin 2014