Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 2 octobre 2019, 420542, Inédit au recueil Lebon

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Conclusions du rapporteur public · 14 avril 2023

N° 470546 Association Alter Corpus 1ère et 4ème chambres réunies Séance du 29 mars 2023 Décision du 14 avril 2023 CONCLUSIONS M. Thomas JANICOT, Rapporteur public L'affaire qui vient d'être appelée porte sur la délicate question des modalités de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital. 1. Selon le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, les personnes présentant des variations du développement génital, parfois dénommées de manière contestée « intersexes » ou « intersexuées », sont celles « qui, compte tenu de leur sexe chromosomique, …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 1-4 chr, 2 oct. 2019, n° 420542
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 420542
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039168436
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2019:420542.20191002

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un nouveau mémoire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 9 mai et 20 juin 2018 et les 15 mars, 1er juillet et 16 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… A… et l’association Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles (GISS) demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté la demande formée par M. A…, dans un courrier du 9 janvier 2018, aux fins de suspension de la réalisation et du remboursement des soins non vitaux destinés à traiter les variations du développement génital chez les enfants non encore en mesure d’exprimer leur consentement ;

2°) d’enjoindre à la ministre des solidarités et de la santé d’interdire et de faire cesser la prise en charge et la réalisation de ces actes, en rappelant cette interdiction par tout moyen juridique pertinent ;

3°) en tant que de besoin, de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 1er du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés internationales, d’une demande d’avis portant sur la conformité à la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales des opérations de conformation sexuée sur des personnes n’ayant pas exprimé leur consentement préalable à ces opérations ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros à verser à l’association GISS sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son protocole n° 16 ;

 – le code de la santé publique ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

— les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles (GISS) ;

Considérant ce qui suit :

1. L’association Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles ainsi que M. B… A… demandent l’annulation de la décision implicite par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté la demande, présentée par M. A… dans un courrier du 9 janvier 2018, de suspension de la réalisation et du remboursement des soins non vitaux liés aux variations du développement génital chez les enfants non encore en mesure d’exprimer leur consentement.

2. Aux termes de l’article 16-3 du code civil : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. / Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». L’article L. 1110-5 du code de la santé publique dispose, en outre, que : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. (…) ». L’article L. 1111-2 du même code dispose que : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (…) / Les droits des mineurs (…) mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. (…) Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée (…) à leur degré de maturité s’agissant des mineurs (…) ». Enfin, l’article L. 1111-4 du même code prévoit que : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. (…) / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. / (…) / Le consentement du mineur (…) doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. (…) ». Conformément à ces principes, le code de déontologie médicale prévoit, à l’article R. 4127-41 du code de la santé publique, que : « Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement ».

3. En vertu de ces dispositions, le traitement ou l’acte de soin dispensé sur un mineur présentant une variation du développement génital ne peut être envisagé qu’après que le dépositaire de l’autorité parentale y a consenti de façon libre et éclairée et si ce traitement ou cet acte répond à une nécessité médicale, appréciée au cas par cas, au regard de l’état des connaissances scientifiques, en tenant compte du rapport entre les bénéfices de toute nature attendus pour le patient et les risques existants, comparé, le cas échéant, à ceux des autres traitements envisageables. Il découle également de ces dispositions que, s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision, le consentement du patient mineur doit être systématiquement recherché. En rejetant implicitement la demande de M. A… en tant qu’elle tendait à la suspension de la réalisation et du remboursement de tout traitement ou acte de soins lié aux variations du développement génital ne répondant pas aux conditions de nécessité médicale et de consentement résultant de l’article 16-3 du code civil, la ministre des solidarités et de la santé, qui n’était pas tenue de rappeler ou d’interpréter l’état du droit existant, notamment par voie de circulaire, ne peut être regardée comme ayant pris un acte faisant grief.

4. M. A… a également demandé à la ministre des solidarités et de la santé de suspendre la réalisation et le remboursement de tout traitement ou acte de soins lié aux variations du développement génital, à l’exception de ceux qui sont justifiés par une nécessité vitale, dans les cas où le patient mineur n’est pas en mesure d’exprimer son consentement. Or certains de ces actes sont, dès lors qu’ils remplissent les conditions de nécessité médicale et de consentement posées par les dispositions du code civil et du code de la santé publique citées au point 2, autorisés par la loi. Touchant notamment aux garanties fondamentales reconnues aux patients et nécessitant la modification des dispositions législatives précitées, la mesure demandée à la ministre ne pourrait relever du pouvoir réglementaire. Il s’ensuit que la ministre des solidarités et de la santé ne pouvait, en tout état de cause, légalement suspendre ou interdire les traitements et les actes ainsi visés par M. A… dans son courrier du 9 janvier 2018, ni en interdire le remboursement par voie de conséquence.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il y ait lieu d’adresser une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement du protocole n°16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que les conclusions à fin d’annulation de l’association Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles ainsi que celles de M. A… doivent être rejetées. Il en va de même, par suite, de leurs conclusions à fin d’injonction et de celles qu’ils ont présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l’association Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles et de M. A… est rejetée.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association Groupement d’information et de soutien sur les questions sexuées et sexuelles, à M. B… A… et à la ministre des solidarités et de la santé.

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