Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 18 décembre 2019, 421336, Inédit au recueil Lebon

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Conclusions du rapporteur public · 15 avril 2021

N° 439036 Forestiers privés de France 6ème et 5ème chambres réunies Séance du 24 mars 2021 Décision du 15 avril 2021 CONCLUSIONS M. Stéphane Hoynck, Rapporteur public 1. 1. Sans qu'il y ait encombrement, votre prétoire est fréquemment sollicité par la question des associations communales de chasse agréée (ACCA). C'est qu'au-delà de la question de la chasse, qui suscite par elle-même les passions, la mise en place de ces associations, prévue par la loi Verdeille de 1964, remet nécessairement en cause dans une mesure plus ou moins justifiée le droit de propriété. Rappelons rapidement le …

 

www.revuegeneraledudroit.eu · 21 février 2021

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Sur la décision

Référence :
CE, 6-5 chr, 18 déc. 2019, n° 421336
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 421336
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000039640709
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2019:421336.20191218

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 juin et 27 juillet 2018 et les 8 février et 4 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société IPC Petroleum France SA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 mars 2018 lui accordant la prolongation de la concession de mines d’hydrocarbures conventionnels liquides ou gazeux, dite « concession de Fontaine-au-Bron », en tant qu’il fixe le terme à l’exploitation de cette concession au 1er janvier 2040, sans possibilité de prolongation ultérieure ;

2°) d’enjoindre à l’Etat de lui accorder la prolongation de la concession de Fontaine-au-Bron pour une durée de 25 ans à compter du 10 octobre 2017, dans un délai d’un mois et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ;

3°) de saisir la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 1er du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’une demande d’avis portant sur la conformité à cette convention de l’article L. 111-9 du code minier, et de sursoir à statuer jusqu’à réception de son avis ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentale, son protocole additionnel et son protocole n° 16 ;

 – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New York le 22 avril 2016 ;

 – le code minier ;

 – la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société IPC Petroleum demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 12 mars 2018 lui ayant accordé la prolongation de la concession de mines d’hydrocarbures conventionnels ou liquide, dite « concession de Fontaine-au-Bron », en tant que le terme de cette prolongation est fixé au 1er janvier 2040.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales :

2. Aux termes de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (…) ». Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d’un bien qu’elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l’espérance légitime, fondée sur une base juridique suffisante, d’obtenir la prolongation d’une concession d’exploitation de mines d’hydrocarbures doit être regardée comme présentant le caractère d’un bien au sens de ces stipulations.

3. Aux termes de l’article L. 132-6 du code minier : « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 142-4, pendant la durée de validité d’un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l’intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d’un permis exclusif de recherches a droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci ». Aux termes de l’article L. 142-7 du même code : « La durée d’une concession de mines peut faire l’objet de prolongations successives, chacune d’une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ». Enfin, aux termes de l’article L. 111-9 du même code : « Il n’est plus accordé par l’autorité compétente de : (…) / 3° Prolongation d’une concession portant sur ces mêmes substances pour une durée dont l’échéance excède le 1er janvier 2040. / La prolongation d’un permis exclusif de recherches portant sur ces mêmes substances demeure autorisée en application de l’article L. 142-1 et du second alinéa de l’article L. 142-2 ».

4. Il résulte des dispositions des articles L. 132-6 et L. 142-7 du code minier, citées au point 3, que le titulaire d’un permis exclusif de recherche est le seul à pouvoir obtenir une concession sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis, qu’il a droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de telles concessions pendant la validité de celui-ci, et que la durée d’une concession peut faire l’objet de prolongations successives d’une durée de vingt-cinq ans chacune, afin d’adapter la durée totale de la concession à celle correspondant à l’exploitation complète du gisement. Ces dispositions sont donc de nature à faire naître, chez le titulaire d’un permis exclusif de recherches, l’espérance légitime d’obtenir une concession lui permettant d’exploiter le gisement découvert, sur une durée suffisante pour lui permettre d’assurer la rentabilité des investissements consentis. En prévoyant, dans leur version issue de la loi du 30 décembre 2017, qui organise l’arrêt progressif de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France, que les concessions auxquelles peuvent prétendre les titulaires de permis exclusifs de recherche ne peuvent pas être prolongées au-delà du 1er janvier 2040, les dispositions du 3° de l’article L. 111-9 du code minier portent atteinte à cette espérance légitime.

5. Toutefois, les stipulations de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur ayant le caractère d’un bien au sens de ces stipulations, à la condition cependant de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée à ces droits et les motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier.

6. A cet égard, en adoptant la mesure limitant au 1er janvier 2040 la durée des concessions de mines d’hydrocarbures, le législateur a entendu, ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 30 décembre 2017, poursuivre l’objectif d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique et contribuer à respecter les engagements internationaux souscrits par la France au titre de l’Accord de Paris sur le climat. Si la société requérante soutient que la production d’hydrocarbures sur le territoire français a un impact environnemental beaucoup plus limité que leur importation et leur consommation en France, il ressort des pièces du dossier que la limitation du temps des concessions, eu égard à la très longue durée de validité des titres autorisant la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 30 décembre 2017, peut contribuer à permettre d’atteindre l’objectif poursuivi. Par ailleurs, si la société requérante soutient que l’article L. 111-12 porte une atteinte disproportionnée aux droits des opérateurs miniers dès lors qu’il ne distingue pas selon que l’usage des hydrocarbures est énergétique ou non énergétique, il ressort des pièces du dossier que l’objectif de lutte contre le changement climatique suppose de limiter l’exploitation des réserves d’hydrocarbures fossiles, quel que soit leur usage.

7. Il résulte ensuite des dispositions de l’article L. 111-9 du code minier que celui-ci ne remet pas en cause le droit à la prolongation d’une concession, prévu par l’article L. 142-7 du même code, mais en limite la durée, afin d’organiser un arrêt progressif de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbures en France. La date butoir du 1er janvier 2040, fixée par ces dispositions, permet une prolongation de plus de vingt ans des concessions arrivées à échéance. Dans ces conditions, eu égard à l’intérêt général poursuivi, la mesure limitant la durée de prolongation des concessions prévue par l’article L. 111-9 du code minier ne porte pas d’atteinte excessive au droit au respect des biens, garanti par les stipulations de l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sur les moyens tirés de l’atteinte au principe de confiance légitime et de la méconnaissance de la liberté d’entreprise :

8. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître, à l’occasion de la mise en oeuvre du droit de l’Union, des espérances fondées. La liberté d’entreprise, garantie par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne peut être utilement invoquée, conformément à l’article 51 de la charte, que si les dispositions contestées mettent en oeuvre le droit de l’Union. Le décret en cause ne mettant pas en oeuvre le droit de l’Union, les moyens tirés de l’atteinte au principe de confiance légitime et de la méconnaissance de la liberté d’entreprise ne peuvent qu’être écartés comme inopérants.

Sur le moyen tiré de l’existence d’un traitement discriminatoire :

9. Si la société requérante soutient que les dispositions du 3° de l’article L. 111-9 du code minier méconnaîtraient le principe d’égalité en ce qu’elles ne prévoient pas, contrairement aux dispositions de l’article L. 111-12 du même code, la possibilité, lors d’une demande de prolongation d’une concession, de déroger à l’échéance du 1er janvier 2040 afin d’assurer l’équilibre économique de la concession, ce moyen, qui revient à mettre en cause la conformité de la loi au principe constitutionnel d’égalité, ne peut être soulevé devant le Conseil d’Etat que sous la forme d’une question prioritaire de constitutionnalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il y ait lieu d’adresser une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que les conclusions de la société IPC Petroleum France SA doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d’injonction ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :

--------------

Article 1er : : La requête de la société IPC Petroleum France SA est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Société IPC Petroleum France SA et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie sera adressée au Premier Ministre.

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