Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 24 février 2021, 430261, Inédit au recueil Lebon

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 12 mars 2021

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Conclusions du rapporteur public · 24 février 2021

N° 430261 – Coop de France 9ème et 10ème chambres réunies Séance du 5 février 2021 Lecture du 24 février 2021 CONCLUSIONS Mme Céline Guibé, rapporteur public Adopté à la suite des Etats généraux de l'alimentation qui se sont tenus à la fin de l'année 2017, le titre Ier de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« EGAlim »)1 vise à favoriser une meilleure répartition de la valeur entre les agriculteurs et leurs partenaires commerciaux, afin de revaloriser la …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 9-10 chr, 24 févr. 2021, n° 430261
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 430261
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043209028
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:430261.20210224

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 avril et 16 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Coop de France demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole en tant que, par les dispositions du b) du 3° de son article 1er, elle insère un V à l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime et en tant que, par les dispositions du e) du 1° du II de l’article 5 et celles du 2° du même II, elle modifie le sixième alinéa de l’article L. 528-1 de ce code et crée un second alinéa d’un nouvel article L. 528-3 du même code ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;

 – le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme C… B…, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme D… A…, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la Coop de France ;

Considérant ce qui suit :

Sur l’action en responsabilité contre les coopératives agricoles en cas de fixation d’une rémunération abusivement basse des apports des membres coopérateurs :

1. L’association Coop de France demande, en premier lieu, l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance du 24 avril 2019 en tant qu’elles créent un V nouveau à l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : « Engage la responsabilité de la coopérative le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse au regard des indicateurs prévus aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 ou de tout autre indicateur public disponible. / L’action est introduite devant la juridiction civile compétente par le ministre chargé de l’économie, après avis motivé du ministre chargé de l’agriculture ainsi que du Haut Conseil de la coopération agricole, ou, après la procédure de médiation prévue à l’article L. 528-3, par toute personne justifiant d’un intérêt direct et certain. /Lors de cette action, le ministre chargé de l’économie peut demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation de la pratique mentionnée au premier alinéa du présent V. Il peut également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à cinq millions d’euros. Toutefois, cette amende peut être portée, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur de la pratique mentionnée au premier alinéa du présent V lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel la pratique a été mise en oeuvre. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. / La juridiction ordonne systématiquement la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Elle peut également ordonner l’insertion de la décision ou de l’extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l’exercice par l’organe chargé de l’administration de la société coopérative. Les frais sont supportés par la personne condamnée. / La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte. / » Les litiges relatifs à l’application du présent V sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation de la pratique abusive ou toute autre mesure provisoire. / Dans la mise en oeuvre de ces dispositions, la juridiction tient compte des spécificités des contrats coopératifs ".

2. Aux termes du I de l’article 11 de la loi du 30 octobre 2018 : " Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances (…) toute mesure relevant du domaine de la loi tendant à modifier le code rural et de la pêche maritime afin : (…) / 5° De prévoir des modalités de sanctions et de contrôle appropriés pour l’application des 1° à 4° ; (…) / 6° De recentrer les missions du Haut Conseil de la coopération agricole sur la mise en oeuvre, le contrôle et la sanction du droit coopératif et d’adapter les règles relatives à la gouvernance et à la composition de ce conseil ; / 7° De modifier les conditions de nomination et d’intervention du médiateur de la coopération agricole pour assurer son indépendance et sa bonne coordination avec le médiateur des relations commerciales agricoles ; / 8° D’apporter au titre II du livre V les modifications éventuellement nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des dispositions législatives, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet. « Aux termes de l’article 17 de la même loi : » I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance (…) toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour modifier le titre IV du livre IV du code de commerce afin : (…) / 7° De modifier les dispositions de l’article L. 442-9 pour élargir l’interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, tout en supprimant l’exigence tenant à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle, et préciser notamment les modalités de prise en compte d’indicateurs de coûts de production en agriculture. / II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance (…) toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour mettre en cohérence les dispositions de tout code avec celles prises par voie d’ordonnance en application du I ".

3. L’association requérante soutient qu’en créant au V de l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime une action en responsabilité contre les coopératives agricoles en cas de fixation d’une rémunération abusivement basse des apports des membres coopérateurs, et en en prévoyant le régime, l’auteur de l’ordonnance a méconnu le champ de l’habilitation qui lui avait été donnée tant par l’article 11, et notamment son 8°, que par le II de l’article 17 de la loi du 30 octobre 2018, cités ci-dessus.

4. Il résulte des dispositions de l’article 11 de la loi d’habilitation, éclairées par les travaux parlementaires, que le législateur a entendu limiter le champ de la réforme du régime juridique des coopératives agricoles aux mesures énumérées aux 1° à 7° de l’article 11, lesquelles n’incluent pas la création d’une action en responsabilité sur le modèle de celle qui existe en droit commercial. En outre, si le 7° du I de l’article 17 de cette loi a notamment habilité le Gouvernement à élargir l’interdiction figurant à l’article L. 442-9 du code de commerce de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, tout en supprimant l’exigence tenant à l’existence d’une situation de crise conjoncturelle, ni cette disposition, ni celles du II du même article n’ont autorisé le Gouvernement à étendre l’application de ce dispositif aux sociétés coopératives. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre ces dispositions, l’association Coop de France est fondée à demander l’annulation du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance du 24 avril 2019 en tant qu’il créé un V à l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime, qui excède le champ de l’habilitation fixé par la loi du 30 octobre 2018.

Sur le Haut Conseil de la coopération agricole :

5. L’association requérante demande, en deuxième lieu, l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du e) du 1° du II de l’article 5 de l’ordonnance du 24 avril 2019 en tant qu’elles modifient le cinquième alinéa du I de l’article L. 528-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit désormais que le Haut Conseil de la coopération agricole « a pour mission d’élaborer un guide sur les bonnes pratiques de gouvernance des sociétés coopératives et de leurs unions dont les chapitres obligatoires peuvent être fixés par voie réglementaire. Il publie chaque année une mise à jour de son guide de bonnes pratiques et un rapport qui présente une synthèse de sa mise en oeuvre dans les sociétés coopératives qui établissent des comptes consolidés. »

6. Par ces dispositions, l’ordonnance attaquée s’est bornée à donner au Haut Conseil la mission d’élaborer un « guide sur les bonnes pratiques de gouvernance » des coopératives et à prévoir que le pouvoir réglementaire pouvait fixer la liste des chapitres devant obligatoirement y figurer, sans donner compétence au Haut Conseil pour réformer le régime juridique de ces organismes, ni conférer pareille compétence au pouvoir réglementaire. Eu égard à leur portée, les dispositions critiquées de l’ordonnance n’ont ni excédé le champ de l’habilitation donnée par le législateur, laquelle prévoit notamment, au 6° du I de l’article 11 de la loi du 30 octobre 2018, de « recentrer les missions du Haut Conseil de la coopération agricole sur la mise en oeuvre, le contrôle et la sanction du droit coopératif », ni insuffisamment défini l’intervention du pouvoir réglementaire. Les moyens soulevés à l’encontre de ces dispositions ne peuvent, par suite, qu’être écartés.

Sur le médiateur de la coopération agricole :

7. L’association requérante demande, en troisième lieu, l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du 2° du II de l’article 5 de l’ordonnance du 24 avril 2019 en tant qu’elles créent, au code rural et de la pêche maritime, un article L. 528-3, dont le second alinéa dispose : « Les attributions du médiateur de la coopération agricole, les modalités d’exécution de sa mission et les conditions de la contribution du médiateur des relations commerciales agricoles mentionné à l’article L. 631-27 à cette mission sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

8. Si l’association requérante conteste que la loi d’habilitation ait permis de modifier par ordonnance, au second alinéa de l’article L. 528-3 du code rural et de la pêche maritime, les attributions du médiateur de la coopération agricole, ou de donner compétence au pouvoir réglementaire pour définir ces attributions, la définition des missions du médiateur d’un secteur économique et de la procédure applicable devant lui ne relève pas, en elle-même, du domaine de la loi. Rien ne faisait par suite obstacle à ce que l’ordonnance renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer les attributions du médiateur, par une disposition de nature réglementaire qui ne saurait avoir pour effet de permettre à ce décret de déroger à la loi ou d’intervenir dans une matière législative. Le moyen soulevé ne peut, par suite, qu’être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l’association Coop de France est seulement fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance du 24 avril 2019 en tant qu’elles créent un V à l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à l’association requérante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les dispositions du b) du 3° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 sont annulées en tant qu’elles créent un V à l’article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 3 000 euros à l’association Coop de France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l’association Coop de France est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association Coop de France, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et au Premier ministre.

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Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 24 février 2021, 430261, Inédit au recueil Lebon