Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 18 novembre 2022, 461381, Inédit au recueil Lebon

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 9 décembre 2022

Novembre 2022 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie – Formation professionnelle soumise à agrément préalable de l'établissement – Communiqué de presse le rappelant – Acte ne faisant pas grief – Rejet. Les organismes requérants demandaient l'annulation du communiqué de presse du 23 août 2021 du ministre des solidarités et de la santé en tant qu'il « rappelle que les établissements de formation en ostéopathie dont l'agrément n'est pas renouvelé ne sont plus autorisés, à compter du 1er septembre 2021, à …

 

Conclusions du rapporteur public · 18 novembre 2022

N° 463381 M. M... 2ème et 7ème chambres réunies Séance du 24 octobre 2022 Lecture du 18 novembre 2022 CONCLUSIONS M. Clément MALVERTI, Rapporteur public « Nous en savons assez pour dire que tel grand criminel mérite les travaux forcés à perpétuité. Mais nous n'en savons pas assez pour décréter qu'il soit ôté à son propre avenir, c'est-à-dire à notre commune chance de réparation »1. Ces propos paradoxaux, tenus il y a plus d'un demi-siècle par Albert Camus pour défendre l'abolition de la peine de mort, témoignent de l'ambivalence avec laquelle nos sociétés occidentales appréhendent, …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 2-7 chr, 18 nov. 2022, n° 461381
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 461381
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046577823
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:461381.20221118

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 14 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 décembre 2021 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités marocaines ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention d’extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc le 18 avril 2008 ;

— le code de procédure pénale ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. A ;

Considérant ce qui suit :

1.Les autorités marocaines ont formé deux demandes d’extradition de M. A pour l’exécution, d’une part, d’un mandat d’arrêt international délivré le 8 novembre 2018 par le Parquet général du Roi près la cour d’appel de Rabat pour des faits qualifiés de complicité de corruption, de détention, transport, trafic, exportation, tentative d’exportation, possession illicite et facilitation d’usage de produits stupéfiants et, d’autre part, d’un mandat d’arrêt international décerné le 16 novembre 2018 par le Parquet général du Roi près la cour d’appel de Meknès pour des faits qualifiés de tentative d’homicide volontaire. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités marocaines l’extradition de M. A.

2.En premier lieu, il ressort des mentions de l’ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice.

3.En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l’énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l’exigence de motivation prévue à l’article L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration.

4.En troisième lieu, si, aux termes du c) du 2. de l’article 6 de la convention d’extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc, la demande d’extradition doit notamment être accompagnée d’un « exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée, du lieu et de la date de leur perpétration », il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, la demande d’extradition à raison d’infractions en matière de stupéfiants permettait d’apprécier la date à laquelle les faits poursuivis avaient été commis.

5.En dernier lieu, l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Ces stipulations font obstacle à l’extradition d’une personne exposée à une peine incompressible de réclusion perpétuelle, sans possibilité de réexamen et, le cas échéant, d’élargissement.

6.M. B A soutient qu’en cas d’exécution du décret attaqué, il risque d’être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en raison du caractère incompressible de la peine de réclusion criminelle à perpétuité qu’il encourt en cas de condamnation pour les faits de tentative d’homicide volontaire qui lui sont reprochés. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du complément d’information en date du 2 septembre 2019 apporté aux autorités françaises par le Procureur général du Roi près la cour d’appel de Meknès ainsi que de la réponse faite à la mesure d’instruction ordonnée par la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat, qu’une personne condamnée à la peine de réclusion à perpétuité ne peut bénéficier du dispositif de libération conditionnelle prévu à l’article 622 du code de procédure pénale marocain. Si les autorités marocaines ont fourni aux autorités françaises des indications sur les conditions d’octroi de la grâce pouvant être accordée par le Roi du Maroc, il ne ressort pas de ces indications qu’elle puisse être considérée comme un mécanisme de réexamen. En outre, si les autorités marocaines ont fait valoir la possibilité que soient reconnues à l’intéressé des circonstances atténuantes en application de l’article 147 du code pénal marocain, elles n’ont pas fourni d’assurances que le requérant ne serait pas condamné à une peine de réclusion à perpétuité.

7.Dans ces conditions, le décret attaqué, en ce qu’il expose M. A, en cas d’extradition pour l’exécution du mandat d’arrêt à raison de faits qualifiés de tentative d’homicide volontaire, à une peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible sans possibilité de réexamen, méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que l’extradition ne pouvait être légalement accordée pour ces faits.

8.Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête concernant ces faits, que M. A est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2021 en tant seulement qu’il accorde son extradition aux autorités marocaines pour la poursuite des faits qualifiés de tentative d’homicide volontaire.

9.Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

— -------------

Article 1er : Le décret du 28 décembre 2021 est annulé en tant qu’il accorde l’extradition de M. A aux autorités marocaines pour l’exécution du mandat d’arrêt international décerné le 16 novembre 2018 par le Parquet général du Roi près la cour d’appel de Meknès pour des faits qualifiés de tentative d’homicide volontaire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B A et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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